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ARTICLE XXI.

L Es Hauts Justiciers peuvent demander jusqu’à vingt-neuf années d’arrérages de rentes Seigneuriales qui leur sont dûes.

Le mot demander, dont se sert cet Article, est impropre ; car ce ne sont point les Iuges Hauts Justiciers qui demandent les rentes dûës à une Seigneurie, aux rentiers, ce sont les Seigneurs, les Receveurs, Gagepleges ou autres qui sont cette fonction, le devoir des Juges Hauts Justiciers est de connoître des contestations qui peuvent survenir au sujet des rentes Seigneuriales entre le Seigneur & les rentiers.

Cet Article n’entend point non plus parler des rentes constituées à prix d’argent ou rentes hypoteques, dont on ne peut demander que cinq années d’arrerages s’il n’y a des poursuites, ni des rentes foncieres roturieres, comme celles de fieffe ou bail d’héritages, dont on peut demander vingt-neuf années d’arrérages, mais des rentes foncieres seigneuri, les, nobles & féodales, dont on peut pareillement demander vingt-neuf années, lesquelles rentes sont créées par un Seigneur de Fief, qui en alienant son Fief ou partie de son Fief, a retenu une rente ou plusieurs rentes foncieres Seigneuriales, Nobles, perpetuelles & non rachétables, en grain, en volaille, en argent ou en quelques autres espèces ; & ces rentes emportent la directe & les profits de Fief le cas arrivant, & se partagent noblement en la succession du propriétaire soit entre nobles ou entre roturiers : or ces rentes ne peuvent être dûës qu’au domaine du Roy, aux Seigneurs Hauts Justiciers & aux Seigneurs Bas Justiciers, mais avec cette difference que le domaine du Roy & les Seigneurs Hauts Justiciers peuvent demander vingt-neuf années d’arrérages des rentes Seigneuriales, au lieu que les Seigneurs Bas Justiciers n’en peuvent demander que trois années, s’il n’y a compte arrété, obligation, condamnation, ou que par le titre originaire & constitutif de la rente le preneur n’eût obligé & hypotequé tous ses biens présens & à venir à la rente Article 31. de nôtre Coûtume ; ce qui montre que les Seigneurs Hauts Justiciers ont bien plus de prérogatives que les Seigneurs Bas Justiciers.

Il y a encore les rentes emphyteotiques dont on peut demander vingt-neuf années d’arrérages, comme étant réputées réelles & foncieres, quoiqu’elles ne soient qu’à temps, dont la plus longue ne peur être que de quatre-vingt-dix-neuf ans.

La quittance pure & simple & sans réserve, des trois dernieres années des rentes Seigneuriales, met à couvert le détempteur ou rentier de toutes les précedentes années.

Si le détempteur ou rentier n’a point de quittances ou qu’il les ait perduës. ou adhirées, il peut obliger le Seigneur ou son Receveur à représenter les papiers de recette, qu’on nomme ordinairement Papiers Censiers ou Cuellerets, parce que tres-souvent on ne prend point de quittances du payement des arrérages. des rentes Seigneuriales, & on n’en donne point ; on se contente d’en faire mention sur les papiers de recette de la Seigneurie.

Le payement d’une rente ne suffit pas pour faire présumer une rente Seigneuriale, ni un titre de la rente, ni que la rente est dûë, à moins que la rente n’eût été payée pendant quarante ans sans aucune discontinuation, ou qu’il y eût des reconnoissances, déclarations ou aveux de la part des détempteurs & rentiers ; il faudroit dire la même chose des autres rentes.

Si une rente seigneuriale ou autre est payée par un des cobligez ou co-détempteurs, ce payement empèche la prescription dont les autres co-obligez ou co-détempteurs qui n’auroient point payé, voudroient exciper pour se liberer de la rente ; & ces co-obligez ou co-détempteurs qui n’auroient point payé d’arrérages pendant un tems capable de former la prescription, ne seroient pas moins tenus de la rente que le co-obligé, co-débiteur ou co-détempteur qui a payé ; quia factum aeniùs è correris debendi, nocet alteri è correris debendi, Le Juge Haut Justicier ne peut faire l’appréciation des grains qui sont dus pour rentes & redevances féodales à la Seigneurie, cette appréciation ne se peut faire que par le Juge Royal & au Greffe du Juge Royal ; c’est pourquoi lorsque le vassal ou censitaire n’a point payé les rentes Seigneuriales qu’il doit, ilest tenu de les payer sur l’appréciation faire sur un prix commun resultant de l’appréciation du plus haut, médiocre & bas prix de l’année, si mieux n’aime le Seigneur se les faire payer sur le prix qu’elles valoient au temps de l’écheance ; Arrests du Parlement de Roüen des 18 Janvier 1665. & 19 Avril 1669. Cette jurisprudence a coupé pied aux vexations que les Seigneurs ou leurs Réceveurs faisoient à leurs vassaux où censitaires qui n’avoient point payé leurs rentes & redevances seigneuriales dans le temps de leur écheance ; mais il faut payer en espèce l’année d’arrérages dans laquelle la demande a été formée.