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ARTICLE CXVII.
L E Seigneur ne peut prescrire les héritages saisis en sa main, ains est tenu les rendre au vassal ou ses hoirs toutes fois qu’ils se presenteront, en faisant leurs devoirs.
Par le principe de Droit que nemo porest mutare causam possessionis sue, & que personne ne peut prescrire autre que celui qui possidet anioio Domini, le Seigneur qui a saisi & mis en sa main le Fief de son vassal, faute d’homme, aveu non fourni, ou de Droits seigneuriaux non payés, ne peut prescrire ce Fief sur son vassal par quelque temps que ce soit, fût-il de cent ans & immémorial ; il est indispensablement obligé de rendre le Fief & le remettre entre les mains du vassal, ses heritiers ou ayans cause, toutes & quantes fois qu’on se met en devoir de vassal, qu’on couvre le Fief par la prestation de foy & hommage, qu’on fourni aveu, & qu’on paye les Droits seigneurieux ; les heritiers du Seigneur qui auroient joüi du Fief sans sçavoir que leur auteur ne le possedoit qu’en vertu d’une saisie feodale, ne pourroient pareillement se prévaloir d’aucune préscription ; mais il n’en seroit pas de même d’un acquereur à titre singulier d’un Fief saisi feodalement, qui lui auroit été vendu par le Seigneur ou ses heritiers ; car si cet acquereur avoit de bonne soy joüi de ce Fief pendant quarante ans sans interruption, il seroit en droit d’opposer la prescription de quarante ans au vassal ou à ses heritiers, devant s’imputer de n’avoir pas fait connoître la saisie feodale à cet acquereur pendant une aussi longue espace de temps, ni fait le moindre acte d’interruption.
Par un argument contraire à la disposition de cet Article, un Seigneur peut prescrire par quarante ans le Fief ou autres héritages de son vassal non saisis feodalement, ou depuis la mainlevée pure & simple de la saisie feodale.
Le vassal qui demanderoit que son Seigneur le desistât de quelque heritage en la possession duquel il prétendroit que son Seigneur s’étoit mis en possession en vertu d’une Simple saisie feodale, seroit tenu de justifier de la saisie feodale, parce que le Seigneur auroit pû posseder à autre titre ; mais dans ce cas là le vassal pourroit demander que le Seigneur representât le registre de ses plaids & de son gageplege, pour reconnoître s’il n’y seroit pas fait mention de la saisie feodale alléguée par le vassal ; Arrêt du Parlement de Normandie du 15 Mars 1661.
Le vassal ou ses heritiers ne peuvent demander à rentrer en la joüissance du Fief saisi feodalement & mis ës mains du Seigneur, qu’ils n’ayent satisfait à toutes les causes de la saisie feodale, c’est-à-dire fait la foy & hommage, fourni aveu & payé les droits Seigneuriaux, il faut que le tout ait été préalablement executé & effectué ; Arrêt du même Parlement du 21 May 1518 ; mais ils peuvent le faire toutes & quantes fois qu’ils le jugent à propos, sans que le Seigneur puisse refuser leurs offres, faut au vassal ou ayans cause à perdre les fruits du Fief jusques à leurs offres.
a l’égard des contracts de fieffe ou baux à rente, rachetable ou non rachétable, le Seigneur ou proprietaire foncier, bailleur du fonds, est recevable à demander à rentrer dans son héritage, faute par le preneur de payer la rente portée par le contract, soit qu’il y ait clause comminatoire dans le contract de fieffe ou bail à rente, ou qu’il n’y en ait pas ; Arrêt du même Parlement du 23 Juin 1671 ; mais il feut que cela se fasse viâ juris, c’est-à-dire par une demande, & non privatâ authoritate ; les preneurs ne seroient pas même recevables à vouloir depuis la demande intentée, faire cesser la clause portée au contract en offrant de payer les arrerages de la rente, parce que la faculté de rentrer étoit acquise au bailleur par le contract même qui interpelloit sans cesse le preneur de payer la rente aux écheances, & par la demande assurée de rentrer dans l’héritage faute de payement de la rente ; Arrét du même Parlement du 18 Fevrier 1618. Quant aux clauses commissoires inserées dans les contracts de vente, elles doivent être suivies sans qu’on puisse les reputer comminatoires, étant un moyen pour faire tenir & executer des promesses & engagemens, & sans lequel les contracts de vente seroient frustratoires & illusoires ; Arrêt du même Parlement du 16 Decembre 1670. La cessation de trois années dans le payement des rentes de fieffe ou baux à rentes, suffiroit pour donner lieu à cette demande.