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ARTICLE CXCVII.
S I tous les enfans ausquels appartient le Fief, sont mineurs & en tutelle, le Seigneur feodal est tenu donner souffrance à leurs tuteurs, jusqu’à ce qu’ils, ou l’un d’eux, soient en âge pour saire la foy & hommage en baillant declaration par le tuteur des Fiefs & charges d’iceux, ensemble les noms & âges desdits mineurs, & payant par chacun an les rentes qui sont dûës au Seigneur à cause desdites terres, sinon au cas que le Seigneur tienne les héritages en sa main, & fasse les fruits siens ; pour faire laquelle foy & hommage, le fils est reputé âgé à vingt-un an accomplis, s’il est à la garde du Roy, & vingt ans accomplis, s’il est à la garde d’autres Seigneurs.
Si tous les enfans ausquels appartient le Fief, sons mineurs & en tutelle, le Seigneur féodal est tenu donner souffrance à leurs tuteurs jusqu’à ce qu’ils, ox l’un d’eux, soient en âge, pour faire la foy & hommage.
Cet Article contient une disposition contraire au droit commun, puisqu’elle suspend le devoir du Vassal envers le Seigneur, à cause & sur la faveur de la minorité du Vassal, qui fournit une excuse suffisante au Vassal pour l’exempter de la foy & hommage tant que la minorité dure, de sorte que si tous les enfans à qui il appartient des Fiefs sont mineurs & en tutelle, le Seigneur Suserain & immediat des Fiefs, même le Roy, est tenu de donner souffrance à leur tuteur, jusqu’à ce qu’ils, ou l’un d’eux, soient en âge & majeurs, de majorité féodale, pour faire la foy & hommage.
Or, souffrance est une surcéance ou delai que le Seigneur accorde à son Vaslal, pour lui faire la soy & hommage en consideration de quelques causes, comme celle de la minorité du Vassal ; & cette souffrance vaut foy au mineur tant qu’elle dure, Comme la souffrance à l’égard des Vassaux mineurs, est legale & coûtumière, elle est rellement necessaire, qu’elle ne peut être refusée par le Seigneur au tuteur des mineurs, qui la demande, en justifiant de la minorité, par les extraits baptistaires des mineurs en bonne forme, sans même que le Seigneur puisse n’en Prétendre ni exiger pour accorder cette souffrance, sinon les profits de Fief, Sil lui en étoit dû pour la mutation qui a rendu les mineurs propriétaires des Fiefs ; car la souffrance ne differe pas le payement des droits Seigneuriaux, s’il en étoit dû par la mutation arrivée en la personne des mineurs, mais seulement la prestation de foy & hommage, dans un tems que les Vassaux ou l’un d’eux seront en état par leur majorité de la faire, de manière que les profits de Fief n’ont rien de commun avec la foy & hommage, & que la souffrance est bornée à la prestation de foy & hommage ; car nonobstant la minorité des Vassaux, ils sont tenus de payer les profits de Fief, s’ils en doivent ; autrement, le Seigneur est en droit d’user de saisie féodale sur leurs Fiefs, & d’en faire les fruits siens, jusqu’à ce qu’il soit payé de ses droits Seigneuriaux ; c’est à quoi le tuteur des mineurs doit bien prendre garde, sans quoy il seroit responsable des dommages & interêts des mineurs en son propre & privé nom, & de la perte des fruits des Fiefs des mineurs, pour en ne payant point les droits Seigneu-riaux au Seigneur, avoir donné lieu à une saisie féodale.
La souffrance n’a lieu qu’à l’égard des Seigneurs qui ont renoncé à leur droit de garde noble, ou à l’égard du Roy, qui seroit Seigneur immedixt des Fiefs des mineurs ; & c’est de cette maniere qu’il faut concilier cet Article avec l’Article 107. de nôtre Coûtume, qui porte que tous les fiefs des mineurs tombent en garde des Seigneurs, car si le Seigneur acceptoit la garde des mineurs, & qu’il profirât des fruits de leur Fiefs, il seroit inntile que le tuteur des mineurs demandât souffrance pour la soy & hommage, d’autant qu’il ne seroit pas juste que le Seigneur, qui par l’effet de la garde noble ou noyalle, joüiroit des Fiefs des mineurs, pût encore demander que le tuteur des mineurs ui fit la foy & hommage, ou du moins qu’il lui demandût souffrance pour eux ainsi il faut tenir pour certain que la fouffrance n’a lieu que lorsque les Seigneurs. ont renoncé ou remis aux mineurs le droit de garde, où lorsque le Roy est Seigneur immediat des Fiefs des mineurs.
La souffrance doit être accordée non seulement aux mineurs qui ont des Fiess par Succession directe ; mais encore aux mineurs qui ont des Fiefs par succession collateralle, donation, legs ou autre titre, qui fait une mutation susceptible de la foy & hommage.
La souffrance doit être accordée aux mineurs qui sont en tutelle, & aux mineurs émancipez d’âge par Lettres du Prince ou par mariage, jusqu’à ce qu’ils ayent atteint la majorité féodale ; la souffrance donnée aux mineurs vaut pour tout le Fief & ses dépendances.
Le Seigneur au lieu de donner souffrance, peut recevoir le tuteur à la foy & hommage pour ses mineurs ; & ce tuteur couvrira le Fief par là, sans avoir besoin de souffrance, s’il n’y a point d’autre ouverture au Fief que la foy & hommage, d’autant que cette prestation de soy & hommage, ne se fait que de la pure volonté & du consentement du Seigneur ; mais le Seigneur ne pourroit pas obliger le tuteur à faire la foy & hommage, il seroit tenu de lui donner souffrance, parce que suivant la Coûtume il suffit que la souffrance soir demandée par le tuteur pour ses mineurs, pour qu’elle ne puisse lui être resusée par le Seigneur.
La souffrance dait être demandée par le tuteur, autrement le Seigneur peut prétendre juste cause d’ignorance de la minorité de ses Vassaux, & la saisie féodale, qu’il auroit fait faire avant que la souffrance lui eût été demandée, seroit valable, & subsisteroit jusqu’à ce que le tuteur eût demandé souffrance, sauf le recours des mineurs contre leur tuteur, solvable ou non solvable : mais si les mineurs n’avoient ni tuteur, ni curateur, & par consequent hors d’état de pouvoir faire demander souffrance ; le Seigneur ne profiteroit pas en ce cas des fruits des Fiefs des mineurs, en consequence de la saisie féodale qu’il en auroit fait faire, si elle n’avoit été faite que faute de foy & hom-muge ; car en ce cas, les Procureurs du Roy, ou les Procureurs fiscaux des Juftices des Seigneurs, demanderoient d’office Souffrance au Seigneur, & le Seigneur ne pourroit pas la leur refuser, non plus qu’au mineur, qui n’ayant ni tuteur ni curateur, se presenteroit lui emême pour lui demander souffrance.
La souffrance doit être demandée par le tuteur ou Curateur en personne, & non par un Procureur fondé de sa Procuration, quand même cette Procuration seroit speciale, ad hoc, parce que la souffrance équipole à la foy & hommage, dont la prestation ne peut être faite que par le Vassal en personne, & non par Procureur, à moins que du consenrement du Seigneur.
Quand la saisie féodale est faite avant la demande de la souffrance, elle cesse des que la souffrance est accordée, si la saisie féodale n’avoit été faite pour autre cause que faute de prestation de foy & hommage, à condition néanmoins par le tuteur de rembour ser les frais de la saisie féodale ; & même l’acte de la souffrance, se fait aux frais des mineurs.
La souffrance est personnelle & non réelle, tant de la part du Seigneur, que de la parr des mineurs ; de sorte qu’il faut demander nouvelle souffrance à l’hetitier ou successeur du Seigneur qui avoit accordé la première, laquelle a cessé par sa mort, où des qu’il n’a plus été proprietaire du Fief dominant, comme aussi si le Vassal mineur mouroit, & que celui qui seroit son héritier, fût mineur, le tuteur de ce dernier mineur seroit obligé de demander nouvelle souf-france, sans quoy dans l’un & l’autre cas, le Seigneur seroit en droit d’user de prise de Fief ou saisie féodale, & seroit les fruits siens jusqu’à ce qu’on lui eût demandé souffrance.
La souffrance produit le même effet que la prestation de foy & hommage, & couvre le Fief par rapport à la foy & hommage ; de sorte que le Seigneur ne peut à cet égard saisir féodalement qu’aprés la souffrance finie, si le Vassal derenu majeur, ne fait pas lui-même la foy & hommage.
Outre la souffrance dont on vient de parler, il y en a une autre qu’on anpelle conventionnelle, qui est celle qui procede de la seule liberalité & gratisi-cation du Seigneur eu faveur du Vassal majeur, qui pour quelque emyëchement & cause legitimé, ne pourroit pas s’acquitter du devoir de la foy & hommage ; en ce cas, le Seigneur veut bien accorder à ce Vassal souffrance pour un tems, mais cette souffrance est volontaire, & le Seigneur ne pourroit être forcé à l’accorder à son Vassal.
Il faut remarquer ici, que quand la Coûtume à cet article a mis ces mots : Si tous les enfans sont mineurs, le Seigneur féodal est ienie de donner souffrance, cela veut dire, que la soufrance se donne jusques à ce que le frere ainé ait atteint l’âge de la majorité féodale ; car dés qu’il est majeur de cette majorité, il acquite ses Cadets de la prestation de la foi & hommage jusqu’à leur majorité, & la souffrance cesse à leur égard, comme à l’égard du frere ainé devenu majeur ; de manière que la prestation de foi & hommage, faite par le frère ainé devenu majeur, releve les mineurs ; c’est pourquoi le Seigneur ne seroit plus en droit de saisir féodalement les parts & portions des mineurs, car la souffrance ne se-coupe point, elle cesse par la majorité de l’un des enfans, sans que chaque enfant qui devient majeur, & chaque majeur soit obligé de faire la foi & hommage, qu’aprés le partage de la succession par rapport à son lot.
La souffrance peut être demandée par le Tuteur ou Curateur des mineurs au Seigneur, tant au principal manoir du Fief qu’au domicile du Seigneur, s’il demeuroit aillieurs ; & même comme la souffrance est plus personnelle que icelle ; il semble qu’il est naturel de la demander au domicile du Seigneur.
Il faut faire deux expeditions de l’acte de souffrance, une pour le Seigneur, l’autre pour le Tuteur ou Curateur.
Si le Seigneur refufoit de donner souffrance, il y seroit condamné en justice ; & depuis la demande qui suroit formée en justice, il ne pourroit pas saisir féodalement le Fief du Vassal mineur.
Lorsque le Fief est immédiatement relevant & mouvant du Roy, il suffit de demander la souffrance aux Baillifs Royaux ou leurs Lieutenans generaux, sans qu’il soit nécessaire de se pourvoir pour celaen la Chambre des Comptes, nonobstant que les Baillifs ou leurs Lieutenans generaux ne puissent pas recevoir des Vassaux du Roy à la soi & hommage, il n’y a que la Chambre des Comptes ou Monsieur le Chancellier.
En baillant déclaration par le Tuteur des Fiefs & charges d’iceux, ensemble les noms & âges desdits mineurs, & payant par chacun an les rentes qui sont duës ai Seigneur à cause desdites terres, sinon au cas que le Seigneur tienne les hérirages. en sa main, & fafe les fruits siens.
Cette disposition regarde les conditions & les charges de la souffrance. 15. Le Tuteur doit donner déclaration des Fiefs & charges, rentes & redevances duës sur iceux, 25. Déclarera les noms & âges des mineurs, afin de ne pas confondre les majeurs avec les mineurs, & que le Seigneur puisse laisit féodalement par faute d’hommes les parts & portions des majeurs qui ne lui auroient pas porté la soi & hommage. 35. De payer par chacun an & tant que la fouffrance durera, les arrerages des rentes & redevances Seigneuriales duës sur le Fief & ses dépendances, à moins que le Seigneur ne tint le Fief saisi féodalement pour profits de Fiefs non payez, & qu’il sit siens les fruits du Fief ; car il ne seroit pas juste que le Seigneur jouissant du Fief de son Vassal par puissance de Fief, se fit encore payer des rentes & redevances Seigneuriales, tant que la saisie féodale dure, & il est censé s’en payer par ses mains.
La déclaration que le Tuteur ou Curateur est obligé de donner au Seigneur des Fiefs & rentes Seigneuriales duës par ses mineurs, doit être faite par écrit, une déclaration verbale ne suffiroir pas.
Pour faire laquelle foy & hommage le fils est reputé âgé à vingt & un an accomplis, sil est à la garde du Roy, & vingt ans accomplis, s’il est à la garde des autres Seigneurs.
La
La majorité séndale est de vingt & un ans, si le Fief releve & est mouvant immédiatement du Roy, encore bien que la majorité coutumière dans nôtre Coutume soit à vingt ans ; & si le Fief est mouvant & releve immédiatement d’au-tres Seigneurs, la majorité féodale est à vingt ans : mais il faut que cette majorité féodale soit de vingt & un an, ou de vingt ans accomplis, & ce n’est pas ici le cas que : annus inceptus pro completo haberur.
La souffrance pour les Fiefs, ne finit pas seulement par cette majorité féodale, mais encore le Vassal sort de garde par cette majorité féodale.
La majorité féoûale sert au Vassal devenu majeur, tant active que passive, c’estEdire, que le Vassal devenu majeur de majorité féodale, n’est pas seulement majeur pour ce qui le regarde par rapport à son Seigneur, mais encore pour ce qui regarde ses propres Vassaux ; car il peut recevoir ses Vassaux à la foi & hommage, & faire tous les actes de Seigneurs dés qu’il a atteint la majorité féodale : d’autant plus qu’en Normandie la majorité coutumiere, qui rend une personne capable de contracter, vendre, aliener, s’obliger & faire tous actes de majeur, n’est point au-dessous de la majorité féodale ; par cette même raison, la majorité féodale est égale aux filles & aux mâles, parce que la majorité coûtumière est égale aux mâles & aux semelles.