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ARTICLE CCCXCIV.
L A femme peut renoncer à la succession de son mari dans les quarante jours après le décès d’icelui, pourvû qu’elle renonce en Justice, & qu’elle n’ait pris ni concelé aucune chose des meubles, dont elle est tenuë fe purger par serment faisant ladite renonciation, auquel cas elle aura seulement ses biens paraphernaux exempts de toutes dettes, & son douaire : & où puis aprés il seroit trouvé qu’elle en auroit eu aucune chose directement ou indirectement, elle est tenuë con-tribuer aux dettes, tout ainsi que si elle n’avoit point renoncé ; lequel délai ne pourra être prorogé sans connoissance de cause, les héritiers & ceux qui y ont interêt, appellez ; & où il seroit prorogé après le délai de trois mois passez du jour du déces, les meubles pourront être vendus par Justice, sauf à faire droit à ladite veuve pour telle part & portion qui lui pourra appartenir, sur les deniers de la venduë desdits biens.
La femme peut renoncer à la succession de son mari.
Il faut que la renonciation de la femme à la succession de son mari, soit expresse & formelle, la simple abstention ne susfiroit pas, Le mot de succession dont se sert cet article, est pour faire entendre que la femme ne prend rien dans les biens de son mari, comme commune en biens avec lui, mais comme son héritière.
Dans les quarante jours aprés le décés d’icelui, Le tems présorit & fatal pour par la veuve renoncer à la succession de son mari, est de quarante jours à compter du jour du décés du mari, sçû & connu ; Arrest du Parlement de Roüen, du 30. Juillet 1631. aprés lequel tems la veuve seroit non recevable à vouloir renoncer, elle ni ses enfans & héritiers, a moins qu’elle n’eûr ob enu du Juge dans les quarante jours un plus long délai d’y renoncer ; art. 82. du Reglement de 1666. Si cependant elle étoit mineu-re lors du décës de son mari, & qu’elle ou son Tuteur eût obmis à renoncer à sa succession dans les quarante jours, elle seroit restituable contre cette omission, & recevable à renoncer dans les quarante jours du jour de sa restitution, Il n’est point nécessaire d’appeller les Créanciers à la renonciation.
Comme par nôtre Coûtume la femme n’est point obligée de faire inventaire avant ni aprés sa renonciation, on ne peut pas dire que l’Ordonnance de ré8x. art. 1. du Tit. 7. ait dérogé à l’article de nôtre Coûtume, sur les délais pour faire inventaire, & pour déliberer quelle qualité prendra la veuve dans la succession de son mari ; & nonobstant cette Ordonnance, il faut tenir qu’en Normandie la veuve majeure est absolument tenue de renoncer à la succession de son mari dans quarante jours, à compter du jour du décés de son mari.
Pouroû qu’elle renonce en Justice, & qu’elle n’ait pris ni concelé aucune chose des meubles, dont elle est tenuë s . purger par serment faisant ladite renonciation.
Trois formalitez essentielles doivent accompagner la renonciation d’une veuve à la succession de son mari, La premiere, qu’elle renonce en personne, ou du moins par un Procureur fondé de sa Procuration speciale, en Justice, judiciairement & devant le Juge, pro tribunali sedente, c’est-à-dire, à l’Audience, un Acte de renonciation fait au Greffe, hors la presence du Iuge, ou devant Notaire, quoi qu’avec minute, ne seroit pas valable dans notre Coûtume, parce qu’elle veut que la renonciation soit faite en Justice ; cependant il seroit bien rigoureux de rendre une veuve héritière de son mari, au préjudice d’un Acte de renonciation de cette qualité, principalement s’il n’y avoit rien à lui reprocher sur les meubles & effets de la succession ; mais lorsque la chose se presente, il ne faut pas manquer à faire faire à la veuve sa renonciation judiciairement.
La seconde, qu’elle n’ait fait ni commis aucuns recelez ni divertissemens dans les meubles & effets de la succession de son inari avant sa renonciation, car si elle avoit recelé & diverti les meubles & effets de la succession de son mari avant de renoncer, elle ne pourroit plus renoncer valablement, & sa renon-ciation seroit nulle, & ne lui serviroit de rien ; en un mot, la veuve seroit dans le même cas que si elle avoit aecepté la succession de son mari ; art. 83. du Reglement de 1666. Mais si, ajoûte cet article, la femme avoit sousttait des meubles de son mari aprés sa renonciation, elle seroit seulement tenuë de les rapporter, sans qu’elle fût pour cela réputée héritière, elle servir privée des meubles qu’elle auroit recelez & divertis, & elle n’y auroit rien ; art. 84. du même Reglement : les meubles & effets recelez & divertis accroitroient aux héritiers du mari ; Arrest du même Parlement, du é Juiller 167y8.
Quoiqu’on puisse rendre plainte & faire informer contre la veuve, de feits de recelez & divertissemens par elle commis dans la succession de son mari, avant ou aprés sa renonciation, même faire décerner un décret contre elle & lui faire subir inrerrogatoire, néanmoins la procedure extraordinaire doit en demeurer là, & le Juge est obligé de civiliser l’affrire, de inettre sur l’extraordinaire les Parties hors de Cour, convertir les Informations en Enquêtes, & permettre de continuer l’Enquête, & à la veuve d’en faire une de sa part si elle le juge à propos, le tout dans le tems qui sera ordonné ; cette action s’appelle actio rerum amotarum ; on peut même obtenir des Monitoires, & faire entendre dans ce cas les parens pour témoins ; Artest du même Parlement, du 26 Fevtier 167s : Quoiqu’il en soit, il ne peut jamais survenir de peines afflictives & corporelles contre une veuve, pour recelez & divertissemens, ob memoriam matrimonii cum suo defuncto marito ; mais comme cette considetation cesseroit contre des étrangers qui seroient les complices de la femme dans les recelez & divertissemens, tels que seroient des domestiques ou autres, leur procés leur seroit fait & parfait extraordinairement, & ils pourroient être condamnez à des peines afflictives suivant l’exigence des cas ; Arrest du même Parlement, du 30 Octobre 163é, La renonciation doit être faite rebus integris, sans avoir par la veuve mis la main à la chose, sans avoir rien pris, récelé & diverti aucuns meubles ni effets, sans avoir pris 1a qualité d’héritière de son mari par des Actes précis & for-mels, & sans avoir fait des Actes qui ne se pouvoient faire qu’en qualité d’héritière de son mari, qui font des Actes d’héritier, facti & animi.
La troisième & derniere formaliré qui doit accompagner la renonciation d’une veuve à la succession de son mari, est qu’elle est tenuë de préter serment devant le Juge, qu’elle n’a récelé ni diverti aucune chose des meubles & effets de son mari, directement ni indirectement ; on fait souvent de faux sermens en cette occasion, c’est à quoi les Juges doivent bien prendre garde.
La faculté qu’à la femme de pouvoir renoncer à la succession de son mari, passeroit & seroit transmissible à ses héritiers, si la femme étoit morte dans les quarante jours preserirs par la Coutume pour pouvoir par la veuve renoncer à la succession de son mari.
La convention ou clause portée par le Contrat de mariage, que la femme ne Pourroit renoncer à la sucression ae son mari, & qu’elle n’auroit point la faculté de remport ou reprise, seroit nulle & nonobstant cette clause ; il seroit permis à la veuve de renoncer à la succession de son mari, & d’exercet ses repri-ses & remport ; mais non ses héritiers, même ses enfans, si la reprise ou remport n’avoit pas été stipulée en leur faveur ; parce que la reprise est personnelle à la femme, & ne passe point à ses héritiers sans stipulation précile par le Contrat de mariage en leur faveur.
La femme séparée de biens n’est pas censée héritière de son mari, encore qu’elle n’ait pas renoncé à sa succession ; art. 81. du Reglement de rébs, parce que la séparation est équivalente à une renonciation.
Auquel cas elle aura seulement ses biens paraphernaux exempts de toutes dettes, & son doüaire,
La veuve, en renonçant valablement à la succession de son mari, n’est tenuë d’aucunes dettes de son mari, telles qu’elles soient, mobiliaires ou autres ; & si elle y avoit parlé, elle pourroit à la vérité être poursuivie Solidairement par les créanciers, mais elle en seroit indemnisez par les héritiers du mari, Arrest du même Parlement, du 17 Décembre 1672.
La veuve dont la renonciation est valable, outre qu’elle n’est point tenuë des dettes de son mari, elle emporte ses biens paraphernaux qu’elle rrouve en essence, ou leur juste valeur, qui est le sixième du prix des meubles.
Or les biens parapéernaux sont les meubles à l’usege de la femme, comme habits, coffre ou armoire, linge & autres hardes qui servent ordinairement à une femme pour s’habiiler ; le lit de la femme est encore un bien paraphernal, mais non les perles, bagues, croix & diamens, quand même elle en auroit stipulé le remport ou reprise par son Contrat de mariage ; Arrests du même Parle ment, des 18 Août 1618 & 12 Octobre 1654 ; la femme a aussi sa dot, reprises, remplacemens, indemnitez & son doüaire, mais non les avantages que son mari lui auroit faits par son Contrat de mariage, soit en meubles où en deniers, ou autrement ; parce que dans le cas de renonciation elle ne peut avoir tant de causes Iucratives, c’est assez qu’on lui donne son doüaire, qui lui est une liberalité du mari.
L’action pour demander les biens paraphernaux passe aux héritiers de la femme, comme la faculté de renoncer, poursû que les héritiers fussent dans les quarante jours pour renoncer ; & si la veuve aprés avoir renoncé, n’avoit pas demandé ses biens paraphernaux, ses fiéritiers pourroient les demander Arrests du même Parlement, des 2é Août 1626 & 30 Juillet 1627.
Les biens paraphernaux ne seroient pas moins dus à une veuve, quoique son Contrat de mariage fût sous signature privée & non reconnu.
Il suffit que la renonciation de la veuve soit nulle dans la forme, pour la rendre héritière, encore qu’elle n’eût point fait actes d’héritière de son mari ; mais elle pourroit la réîtérer, si elle étoit encore dans le tems, & rebus integris.
La veuve doit être nourrie aux dépens de la succession de son mari pendant les quarante jours qui lui sont accordez pour déliberer si elle se portera héritière de son mari, ou si elle renoncera à la succession de son mari ; & en cas qu’elle y renonce, elle ne sera point tenuë de sa propre nourtiture, ni de les domestiques si elle en a.
Des que la veuve renonce, elle n’a non seulement rien dans les meubles & effets mobiliers du mari, mais encore dans les conquêts immeubles faits pendanr & constant le mariage dans les lieux où la femme a droit dans les con-quets, soit par la Coûtume ou par les Usages locaux.
C’est au Juge Civil à connoître de l’action en récelez & divertissemens, contre la veuve ou héritiers, quand même l’action auroit commencé par une plainte, permission d’informer, information, decret & interrogatoire, & non au Ju ge Criminel ; Arrest du même Parlement, du 15 Juillet 16y8.
Oit puis aprés il seroit trouvé qu’elle en auroit eû aucune chose, directemens ou indirectement, elle est tenuè contribuer aux dettes, tout ainsi que si elle n’avoit point renoncé.
La preuve concluante des recelez & divertissement faits avant la renonciation, directement ou indirectement, rend la veuve héritière de son mari, non-obstant sa renonciation, & comme si elle n’avoit pas renoncé ; c’est pourquoi elle est tenuë de contribuer au payement des dettes mobiliaires de la succession de son mari pour le tiers, si le mari avoit des enfans au jour de son dé-ces, & pour moitié s’il n’en avoit point ; mais quant aux créanciers, elle est tenuë solidairement envers eux, sauf son recours contre les heritiers du mari, pour la contribution dont ils seront tenus, la même chose doit être dite de la veuve dont la renonciation seroit nulle.
Lequel delai ne pourra être prorogé sans connoissance de cause, les beritiers G. ceux qui y ont interêt, appellez.
Le delai de quarante jours, accordé à la veuve pour renoncer à la succession de son mari ; peut être à la vérité prorogé par le Juge pour causes raisonnables, mais cela ne se peut faire sur Requête non communiquée à partie, il faut que la difficulté soit diseutée en connoissance de cause, & ceux qui y ont interets, presens ou dûement appellez ; art. 82. du Reglement de 1666.
Et où il seroit prorogé, aprés le delat de trois mois pusiez dé jour du déces, les meubles pourroni être vendus en Justice, fauf à faire droit à ladite veuve, pour telle part & portion qut lui pourra appûrtenir sur les deniers de la uendiè desdits biens, Quelque délai que le Juge puisse aecorder en connoissance de caufe, parties présentes ou duëment appellées, aprés les trois mois passez du jour du décés du mari, tous les meubles trouvez aprés le décés du mari, seront vendus en la manière accoutumée, & par ordonnance du Juge à la requête des Créanciers, héritiers ou autres ayans cause de la femme, pour les deniers en provenans être tenus en main de Justice pour la conservation des droits des parties interessées, au nombre desquelles sera la femme pour y prendre ce qui lui appartiendra en se portant licritière de son mari, ou en renonçant à sa succestion.