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ARTICLE CCCLXCIX.

L A proprieté du tiers de l’immeuble destiné par la Coutume pour le douaire de la femme, est acquis aux enfans du jour des épousailles, & ce pour les Contrats de mariage qui se passeront par ci-aprés ; & néanmoins la joüissance en demeure au mari sa vie durant, sans toutefois qu’il le puisse vendre, engager ne hypotequer ; comme en parité les enfans ne pourront vendre, hypotequer ou disposer du tiers avant la mort du pere, & qu’ils n’ayent tous renoncé à la succession.

Il y a six parties dans cet article.

La première sur ces paroles ; la proprieté du tiers de l’immeuble destiné par la Coutume pour le dovaire de la femme, est acquis aux enfans du jour des épousailles.

Ce qu’on appelle douaire en la personne de sa femme, se nomme en la personne des enfans Tiers coûtumier ; & c’est mal parler que de dire que le Tiers coutumier est la legitime des enfans, parce que pour être legitimaire il faut être héritier dans la succession de l’ascendant, où l’on prend une legitime : Or pour avoir le Tiers coûtumier, il faut renoncer à la succession du pere, sur les biens duquel le Tiers coûtumier doit être pris ; le Tiers coûtumier est donc une créance donnée aux enfans ; ou par la Coûtume, qui est le doüaire coûtumier, ou par la disposition du pere, qui est le doüaire préfix.

Le Tiers coûtumier est le tiers en proprieté de tous les immeubles dont le pere est saisi au jour de son mariage, & qui lui sont avenus en ligne directe pendant le mariage.

Il n’y a que les enfans nez d’un legitime mariage, ou les enfans de ces enfans si leurs peres étoient décedez avant leur ayeul, qui puissent avoir le tiers Coûtumier ; de forte que les enfans legitimes d’un aubain ou étranger, d’un batard, ou de celui qui n’a plus d’héritiers dans sa parenté, peuvent avoir le Tiers coûtumier ; en un mot, tous les enfans sortis d’un mariage valable & legitime, même ceux legitimez par un mariage subsequent, mais non ceux qui auroient été seulement legitimez par Lettres du Prince, même du consentement du pere & de ses parens.

Le Tiers coutumier, ou pour mieux dire le droit de prendre le Tiers Coutumier, ne passe point aux héritiers collateraux des enfans ou petits enfans qui meurent sans enfans avant le pere qui devoit le Tiers coutumier sur ses biens ; ensorte que les héritiers collateraux de ces enfans ou petits enfans ne sont pas recevables à renoncer à la succession du père des enfans, ou à la succession de l’ayeul des petits enfans, pour demander le Tiers coutumier sur les biens du pere ou de l’ayeul qui le devoit ; Arrest du Parlement de Normandie, du 17 Juillet 16s3. Si néanmoins les héritiers collateraux de ces enfans ou petits enfans, étoient leurs freres ou soeurs ; en ce cas, le droit du Tiers coûtumier, qui appartenoit aux enfans ou petits enfans, passeroit à leurs freres ou seeurs soeurs héritiers, encore bien que les enfans ou petits enfans n’eussent pas renoncé de leur vivant à la succession du pere qui devoit le Tiers coutumier, ni fait l’option du Tiers coutumier ; mais ce droit de transmission est borné aux freres & aux soeurs, & ne passe point aux autres héritiers collateraux ; Arrests du méme Parlement, des 9 Août 1658 & 3s Décembre 1670.

Par la raison que les enfans tiennent leur Tiers coutumier de la Coûtume, comme une créance sur les biens de leur pere, & non pas comme une legitime â titre d’héritier legitimaire, l’exheredation prononcée par le pere, même pour juste cause, ne pourroit priver les enfans du Tiers coutumier, ils l’auroient en toute proprieté & joüissance.

Le Tiers coûtumier n’appartient pas moins aux filles qu’aux mâles, si elles n’ont point été mariées du vivant du pere, ou si elles restent seules d’enfans ; mais si elles ont été mariées du vivant du pere, elles n’y ont rien ; & si elles n’ont point été mariées, leurs freres leur doivent mariage avenant sur le Tiers Coûtumier.

Le Tiers coutumier consiste dans le tiers en proprieté des immeubles dont le mari étoit saisi au jour de ses épousailles, & qui lui sont venus & échus en ligne directe, soit par donation, legs, succession ou autrement, mais non par Succession collateralle, donation ou legs de personnes autres que des ascendans.

Le Tiers coutumier ne se prend que sur les immeubles de quelque qualité qu’ils soient, nobles, roturiers, en franc-aleu, en Bourgage, rentes, Offices ou autres, & non dans les meubles & effets mobiliers.

Le débiteur qui auroit fait le rachat & amortissement de rentes affectées au Tiers coûtumier, ne pourroit être poursuivi par les enfans ou petits enfans pour leur Tiers coutumier, S’il n’y a eu saisie ou défenses de payer avant le rachat & amortissement fait entre les mains des débiteurs, sauf aux enfans à se pourvoir sur les autres biens affectés au Tiers coutumier pour en avoir récompense ; art 76. du Reglement de 1666.

Le Tiers coûtumier des enfans sur des Fiefs saisis réellement & adjugez par decret, ne se prend point en essence, parce que les Fiefs sont indivisibles, il se prend sur le prix de la vente & adjudication, exempt des srais de confignation & du droit de Treiziéme, si mieux n’aiment les enfans prendre le tiers de la valeur des Fiefs, suivant l’estimation qui en sera faite en la manière accoutumée ; Arrests du même Parlement, des 1a Juin 1671 & 14. Mars 1672 : Mais si au préjudice de l’estimation des Fiefs, les créanciers demandent que les Fiefs soient vendus & adjugez par decret en leur integrité, & que par l’adjudication de prix de la vente soit moindre que le prix de l’estimation, les créanciers seront seuls tenus des frais du decret, & les enfans auront le tiers de la valeur des Fiefs sur le pied de l’estimation qui en a été faite, exempt des frais du decret, des droits de Consignation & du Treizième ; Arrét du même Parlement, du s Août 167s.

Mais quant aux héritages & immeubles roturiers saisis réellement, le Tiers Coûtumier s’y prend en essence, parce que ces sortes de biens sont divisibles, c’est pourquoi si ces héritages & immeubles roturiers ne se pouvoient pas aiément partager sans y faire préjudice & dététioration, en ce cas il faudroir les liciter, quoique la voye de licitation ne soit gueres en usage en Normandie, si mieux n’aimoient les enfans prenaire leur Tiers coutumier en deniers, fuivant l’essimation de tous les biens roturiers compris dans la saisie réelle, & sur le prix de l’adjudication par decret, exempr des frais de Consignation & du droit de Treizième.

Les enfans sont tenus de prendre leur Tiers coutumier sur les héritages & immeubles donnez à leur pere en contre-change, & non sur ceux que leur pere a donnez en contre-change, & qu’il possedoit au jour de son mariage, ou qui lui étoient échus pendant son matiage en ligne directe.

Pareillement le preneur à fiesse qu à bail d’héritage, ne peut être dépussedé par les enfans, pour raison de leur Tiers coutumier, quoique les héritages donnez à fieffe qu à Bail d’héritage pendant le mariage du pere, fnssent possedez par leur pere au jour de son mariage, ou qu’ils lui fussent échus pendant son mariage en ligne directe, le preneur à fieffe ou à bail d’héritage est seulement tenu de continuer la rente aux enfans sur & tant moins, & jusqu’à concutrence de leur Tiers coûtumier ; Arrest du même Parlement, du 1s suin 1666.

Les augmentations, ameliorations, batimens, plans & autres choses que le pere a faites pendant son mariage sur les Terres sujettes au Tiers coûtumier, augmenTent le Fiefs coutumier des enfans, sans que les créanciers du pere puissent en demander par manière & forme de ventilation, diminution fut le Tiers coutumier ; Arrest du même Barlement, du 1o Banvier 1652.

Les bois de haute-futaye, abbattus & vendus par le pere pendant son mariage, entrent dans l’estimation du Tiers coûtumier des enfans, & les enfans doivent en avoir récompense sur les autres biens de la succession de leur pere jusqu’à concurrence de leur Tiers coutumier, à l’exception des bois de hautefutaye, que le pere a abbattus & consommez pour son usage, soit pour son chauffage, ou pour bâtir ou réédifier ; Arrest du même Parlement, du oAoût 1659.

Lorsque tous les biens sujets au Tiers coutumier ont été vendus & alienez par le pere, les enfans peuvent poursuivre les acquereurs, & les obliger à le desister & départir dû tiers en essence pour leur Tiers coutumier ; à l’effet de quoi tous les biens seront estimez, pour ensuite leur en être donné le tiers en essence & non en deniers, parce que les héritages & immeubles vendus & alienez par le pere, sont la chose des enfans, jusqu’à concurrence de leur Tiers coûtumier, La proprieté du tiers des immeubles effectez au Tiers éoutumier des enfans, est acquise aux ensans du jour des épousailles de leur pere, & non du jour de son Contrat de mariage, sans que le pere puisse donner atteinte à cette propriété par son fait directement ni indirectement.

Si le Tiers coûtumier ou doüaire des enfans ne peut se prendre sur les immeubles situez en Normandie, comme se trouvant épuisez par des dettes ante-rieures au Contrat de mariage & au douaire, il ne pourra pas être pris sur les biens du pere, situez dans une autre Coûtume où le doüaire n’est que viager à la femme, & non propre aux enfans jArrest du Parlement de Paris, du 2o Iuillet 1o8s, il est rapporté dans le Journal du Palais, tom. 2. pas. 1002. parce qu’il n’y a point d’extention d’une Coutume à une autre, iorsque les Coûtumes ont des dispositions differentes : mais le douaire, qui par la Coûtume seroit propre aux enfans, ne pourroit être stipulé viager, nonobstant cette stipulation il seroit propre aux enfans, in uim de la Coûtume.

La seconde partie est au sujet de ces termes, & ce pour les Contrats de mariage qui se passeront ci-apres.

Le Proces verbal de nôtre Coutume, nous apprend que l’article 399 est un article de nouvelle Coûtume, & que la Noblesse de la Province, & en particulier la Noblesse du Bailliage de Coustances, s’y opposa, prétendant que la proprieté du Tiers coutumier des enfans, ne devoit point leur être si acquise du jour des épousailles du mari, que les peres fussent dans une espèce d’interdiction d’aliener & hypotequer pour leurs besoins & la nécessité de leurs affaires leurs immeubles affectez au Tiers coutumier, mais la prétention de la Noblesse ne passa pas, les Commissaires arrérerent le contraire pour les Contrats de mariage, qui se passeroient à l’ayenir ; de sorte que depuis cet article, les peres ne peuvent rien faire contre la proprieté acquise aux enfans dans leurs immeubles pour le Tiers Coûtumier des enfans, à compter du jour de la bénédiction nuptiale des pere & mére.

La troisiéme, sur ces termes, & néanmoins la joüissance en demeure au mari sa vie durant.

On dit ordinairement que jamais mari n’a payé doüaire, il faut dire aussi que jamais pere n’a payé de Tiers coûtumier ; parce qu’un pere a la joüissance de tous ses biens pendant sa vie, & que le doüaire & le Tiers coûtumier n’ont lieu qu’aprés sa mort ; & même le Tiers coutumier n’est ouvert à l’égard des enfans qu’aprés la mort de la mère, laquelle joüit pendant sa vie de tous les immeubles qui doivent revenir aprés sa mort en toute proprieté aux enfans pour leur Tiers coûtumier.

La quatriéme, sur ces paroles, sans toutefois qu’il le puisse vendre, engager ne hyporequer.. Le pere ne peut pour quelque cause que ce soit, vendre, aliener, engager, hypotequer, donner, léguer ni disposer des immeubles qui doivent composer le Tiers coutumier des enfans, s’il a lieu ; car si le Tiers coûtumier n’avoit pas lieu ; par exemple, si les enfans jugeoient à propos de se porter heritiers de leur pere, ou s’ils décedoient avant leur pere, les Contrats, obligations, engegemens & dispositions seroient valables & subsisteroient ; cependant il leur est per-mis de faire des échanges & des fieffes ou rentes à bail d’héritage.

La cinquiême, est par rapport à ces termes : comme en pareil, les exfans ne pourrent uendre, bopotequer ou disposer du tiers auant la mort dit pere.

Les enfans du vivant de leur pere ne peuvent vendre, aliener, engager, hypotequer ni disposer de leur Tiers coûtumier, à peine de nullité des Contrats, Actes & dispolitions, par rapport au Tiers coutumier, quand même tout cela auroit été fait par les enfans pleinement majeurs, ou que le pere & les enfans auroient vendu, aliené, engagé ou hypotequé les immeubles sujets au Tiers coûtumier, ou le Tiers coûtumier conjointement.

La sixième & derniere partie est à l’égard de ces termes : & qu’ils ayent tout renencé à sa succession.

Pour pouvoir par les enfans prendre le Tiers coûtumier, il faut qu’ils ayent préalablement renoncé à la succession de leur pere ;’car ils ne peuvent être héritiers de leur pere & avoir en même tems leur Tiers coutumier dans ses im-ineubles, & même ils sont obligez de rapporter ou précompter ce qu’ils ont touché de leur pere en avancement d’hoirie ou autrement.

De plus, les enfans qui se tiennent à leur Tiers coûtumier, doivent contribuer pour un tiers aux dettes immobiliaires contractées par le pere avant son mariage, mais non à celles contractées depuis, ni aux dettes purement mobiliaires, comme billets, promesses, obligations ou arrerages de rentes, mé-me de rentes anterieures au mariage, & echuës avant le mariage ; toutes les dettes mobiliaires & toutes celles contractées pendant le mariage, quoiqu’immobiliaires, doivent être seulement prises sur les deux autres tiers des immeubles du pere & sur ses meubles ; il est vrai que si les dettes mobiliaires étoient faites avant le mariage par un titre qui emportât hypoteque, les créanciers pourroient se pourvoir pour raison des de ttes immobiliaires créées avant le mariage, sauf le recours des enfans contre les héritiers de leur pere, S’il y en a, ou les créanciers posterieurs au mariage, pour les obliger à les indemniser du tiers de ces sortes de dettes, comme ne devant point tomber sur leur Tiers coûtumier ; quant aux rentes foncieres, redevances Seigneuriales & charges réelles, qui se trouvent sur les terres & héritages au profit des Seigneurs & bailleurs de fonds, les enfans qui prennent leur Tiers coûtumier sur ces terres & héritages, doivent pareillement porter le tiers de ces rentes, redevances & charges, en quelque tems qu’elles ayent été nées, même pendant le mariage.

Il n’est pas permis au pere d’imposer d’autres conditions au Tiers coûtumier des enfans que celles portées par la Coûtume, à peine de nullité des conditions.

Le Tiers coûtumier estouvert au profit des enfans, si leur mere est morte, non seulement par la mort naturelle de leur pere, mais encore par sa mort civile, comme s’il faisoit Profession en Religion, ou s’il étoitcondamné à un banissement per-petuel, ou aux Galeres à perpetuité, miême si sa femme s’étoit fait ségarer de biens de son vivant, si le pere avoit fait cession de biens, ou si tous ses biens ou la plus grande & la plus considérable partie, étoient saisis reellement par ses créanciers, Arrêts du même Parlement, des Io Avril 1651 & 11 Fevrier 1667. Et dans tous ces cas on donne ordinairement quelque provision au pere, s’il n’a d’ailleurs de quoi vivre : mais à l’égard des enfans, ils ne pourroient valablement dispofer, vendre, aliener, engager & hyporequer leur Tiers coûtumier, qu’aprés la mort naturelle de leur pere, & non aprés sa mort civile, parce qu’il ne seroit pas impossible qu’il ne revint au siécle par les voies de droit, ou qu’il se fit : réhauiliter.

Il est même permis au pere voyant sa femme morte, de mettre ses enfans en soüissance des immeubles qui doivent former le Tiers coutumier, au préiudice de ses créanciers, & sans qu’ils foient en droit de se plaindre de cet abandonnement, delaissement & cession ; Arrest du même Parlement, du18 May 1639.

Le Tiers coutumier des enfans ne peut ét e confisqué pendant la vie du pere, soit par le crime du pere, ou par le crime des enfans.

Les Contrars & Obligations par lesquels les enfans du vivant de leur pere ouautre ascendant, ont vendu & hypotequé le Tiers à eux destiné par la Coûtu-me, sont executoites sur leurs autres biens presens & à ventr, mais non sur le Tiers coutumier, en quelques mains qu’il puisse passer, même de l’héritier du fils, ni sur leur personne ; art. 8.. du Reglement de 1668.

L’action, pour demander le Tiers coûtumier, n’est point sujette à la prescription du vivant du pere, d’autant qu’il n’est point ouvert aux ensens tant que le pere vit.

Finallement, quoique par le Contrat de mariage le doifaire de la femme eût été convenu, reglé & fixé à une portion moindre que le tiers des héritages & immeubles du mari, néanmoins cette convention n’auroit lieu que par rapport à la femme, & ne pourroit nuir ni préjudicier aux ensans pour leur Tiers coutumier, qui ne peut jamais nonobftant routes conventions, être moindre que du tiers des héritages & immeubles dont le pere étoit saisi au jour de ses épousailles, & qui lui sont échus pendant le mariage en ligne directe.