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ARTICLE DXLII.
E T quant à tous autres biens immeubles appartenans aux femmes, autres que leur dot, soit à droit de succession, donation, acquisition ou autrement s’ils sont aliénez par la femme & le mari ensemble, ou par la femme du consentement & autorité de son mari, & que l’argent provenant de la vente, n’ait été converti au profit de la femme, comme dessus est dit, elle doit avoir sa récompense sur les biens de son mari, mais l’hypoteque prend seulement pied du jour de l’aliénation ; & où le mari seroit non solvable, subsidiairement contre les détempteurs desdits biens, lesquels en seront quittes, en payant le juste prix d’iceux, eû égard à ce qu’ils valoient lors du Contrat.
Nous apprenons par cet Article que la femme peut avoir deux sortes de dot, l’une est sa véritable dot, & qui consiste dans les deniers ou héritages & immeubles donnez à la femme en mariage, & dans rout ce qui lui est échû en ligne directe pendant son mariage ; l’autre, sont tous les autres biens venus à la femme pendant son mariage par succession collaterale, donation, legs, acquisition ou autrement, hors qu’en ligne directe.
Cette distinction de dot produit deux effets bien differens ; dans le premier cas, lorsque la véritable dot a été duëment aliénée par le mari du consentement de sa femme, ou par la femme du consentement & autorisation de son mari & tous deux en semble, & que les deniers provenans de la vente, aliénation, engagement ou obligation, n’ont point été convertis & n’ont été remplacez au profit de la femme, la femme a hypoteque pour le remplacement de cette dot sur les biens de son mari, du jour de son Contrat de mariage s’il y en a un, sinon du jour de la celebration du mariage ; au lieu que dans le second cas l’hypnteque des autres biens de la femme, duëment aliénez par elle & son mari, & duëment autorisée par son mari, mais dont les deniers qui en sont provenus n’ont point été remplacez par le mari au profit de la femme, ne commence & ne prend pied sur les biens du mari que du jour de l’aliénation de ses biens, en quoi cependant la femme ne souffre rien ; car si le mari est insolvable ou du moins si ses biens ne sont pas suffisans pour remplir tous les remplace mens de la femme, elle sera en droit de venir subsidiairement contre les acquereurs & tiers détempteurs des biens alienez & de les interrupter, comme elle pouroit faire pour raison de sa véritable dot, si mieux n’aiment les acquereurs & tiers détempteurs pour n’être point dépossedez, payer à la femme ou à ses héritiers la juste valeur des biens par eux acquis & possedez, sur le pied du prix du Contrat d’aliénation, à la difference de la véritable dot, dont l’estimation seroit faite eû égard à ce que les biens qui composoient cette dot, valoient au jour du décés du mariQuoiqu’un mari & une femme se soient mariez, & soient domiciliez dans une Coûtume où il est permis à la femme de s’obliger & contracter conjointement avec son mari & de lui duëment autorisée, réanmoins la femme n’auroit hypoteque sur les biens de son mari, situez dans la Coutume de Normandie, pour indemnité des obligations & dettes qu’elle auroit contractées dans la Coûtume qui lui permettoit de s’obliger & contracter avec son mari, ou elle seule dûement autoriséo par son mari, que du jour de son Obligation, & non du jour de son Contrat de mariage, encore que par son Contrat de mariage il fût dit que son action d’indemnite & de récompense lui seroit duë du jour de son Contrat de mariage ; parce que l’hypoteque légale & coûtumière ne peut être détruite & annéantie par une stipulation contraire, & qu’il faut s’en tenir à la disposition. des Coûtumes où les biens sont situez, Les acquereurs des biens du mari, lorsque ces acquereurs sont dépossedez par la femme ou ses heritiers pour le remploi de ses propres, sont lubrogez aux droits de la femme, pour pouvoir en avoir récompense sur les biens du mari du jour de P’hypoteque que la femme avoit sur les biens de son mari, au préjudice même des acquereurs des biens du mari, sans même avoir besoin qu’une subrogation partieulière de la femme, parce que cette subrogation est de droit & legale ; mais à l’égard des Créanciers exerçans ies droits de la femme ils n’ont pas hypoteque sur les biens situez en Normandie du jour du Contrat de mariage de la femme, ni en vertu de l’indemnité portée par son Contrat de mariage, mais seulement du jour de l’Obligation contractée par la femme & le mari, ou par la femme seule dûement autorisée par fon mari dans l’etenduë d’une Coûtume où les Obligations de la femme sont permises & reçûës mais quant à l’acquereur des biens du mari, il aura son recours & sa récompense sur les biens du mari par préference aux créanciers posterieurs du mari, comme exerçans les droits de la femme qui a évincé l’acquereur.
a l’occasion de la disposition de cet Article, on s’est fait une jurisprudence qui a tourné en un usage constant & inviolablement observé dans toute la Province de Normandie, qu’une femme mariée ou non mariée, majeure de vingt ans, né peut valablement s’obliger ni hyporequer ses biens, même du consentement & autorisation expresse de son mari si elle est mariée, ou quand elle seroit séparée de biens, ou de biens & d’habitation d’avec son mari ; car cet Article ne parle que du mariage encombré de la femme, c’est-àdire de la vente & aliénation que la femme dûement autorisée feroit de sa dot ; on a établi cette jurisprudence & cet usage sur le fondement du Droit Romain, & notamment sur la disposition du Senatusconsulre Velleien, dont on s’est fait une espèce de loi dans cette Province à cet égard, qui a toujours subsisté & subsiste encore nonobstant que par l’Edit de Henry IV. de l’année 1606. le Velleien ait été abrogé presque dans toutes les Provinces du Royaume, si vous en exceprez quelques unes des Provinces qui, sous le bon plaisir de nos Rois, se régissent par le Droit Ecrit. La commune opinion est que l’Edit de 1606. ne fut point vérifié ni enrégistré au Parlement de Roüen, ou s’il a été entégistré & verifié, an desuetudinem abiit. Qnoiqu’il en soit, il faut tenir pour certain que les femmes, mariées ou non mariées, domiciliées en Normandie, ne peuvent valablement s’obliger ni hypotequer leurs biens, & que cette obligation est nulle ipso jure, & d’une espece de nullité coutumiere ou d’Ordonnance, sans qu’il soit besoin d’avoir recours aux Lettres de rescision pour faire déclarer un pareil engagement nul & de nul effet, soit par rapport aux biens situez en Normandie, soit à l’égard des biens situez dans une autre Province où le Senatus-consulte Velleien n’a point lieu, comme à Paris où les femmes mariées ou non mariées, majeures de vingt-cind ans, peuvent valablement s’obliger & hypotequer leurs biens, les femmes mariées dûement autorisées par leurs maris, séparées ou non séparées d’avec eux ; desorte qu’en Normandie c’est une incapacité personnelle de la femme à cet égard, qui la suit par tout en quelque pays qu’elle contracte & que ses biens soient situez, mais toujours bien entendu qu’elle soit actuellement, réellement & véritablement domiciliée en Normandie, & majeure de vingt ans accomplis, qui est la pleine majorité coûtumière de Normandie.
Outre que c’est là la jurisprudence des Arrêts du Parlement de Roüen, & le sentimont uniforme des Auteurs qui ont travaillé sur la Coûtume Normandie, le Parlement de Paris l’a ainsi décidé par plusieurs Arrêts, & entre autres par un dernier précis & formel sur une plaidoirie pendant trois Audiences en la Grande Chambre du 23 Mai 1729, rendu sur les Conclusions de Mr l’Avocat General Gilbert.
Par cet Arrest, il a été jugé que le Senatusconsulte Velleien, dans les Provinces du Royaume où il a lieu, comme dans la Province de Normandie, étoit uin Gratut personnel ; de sorte qu’une femme domiciliée dans une de ces Provinces, s’étant obligée à Paris, conjointement avec son mari & solidairement avec lui, à une somme de deniers, qu’ils avoient empruntez pour leurs affaires, & elle autorisée pour lui, l’Obligation étoit nulle de plein droit à son égard, sans méme avoir besoin de Lettres de Rescision ; parce que la femme au moyen du Senatusconsulte Velleien étoit incapable ce s’obliger, & intercedere pro alio, incapacité qui rendoit son Gbiigation nulle, & qui la suivoit par tout, non seulement par rapport aux biens qu’elle avoit dans la Province ce son domicile, qui étoit en Normandie, où le Senatusconsulte Velleien a tieu, mais encore sur les biens qu’elle avoit duns une autre Province où le Velleien n’a point lieu, & dont la Coûtume permet aux femmes de s’obliger, autorisées par leurs maris, comme à Paris ; d’autant que l’Obligation étant essentierlement & radica-lement nulle par l’incapacité de la femme, elle n’avoir pû produire aucune hypoteque sur aucuns des biens de la femme en quelques lieux qu’ils fussent situez, & que ce n’est pas ici le cas de dire que les Coûtumes & les Statuts sont réels ; la Dame veuve du sieur de Joinville, & les nommez Iulien & sa femme, Parties.
Le fait étoit que les Sieur & Dame de Joinville domiciliez en Normandie & soumis à la seule Coûtume de Normandie par leur Contrat de mariage, emprunterent conjointement & solidairement à Paris, où ils se trouverent lors, une somme de 2oyy livres dudit lulien, Bourgeois de Paris, & sa femme, pour pur prest, par Obligation devant les Notaires du Châtelet de Paris.
Par l’Obligation, outre l’hypoteque generale sur tous leurs biens, le mari obligea & hypotequa une Terre qu’il avoit en Normandie, & la femme obligea & liypotequa une rente de éoy livres par an, qui lui appartenoit sur l’Hôtel de Ville de Paris.
Le mari meurt ; le créancier faute de payement de ses 2ooo livres, fait faire une saisie & arrét des arrérages de cette rente, échus depuis la mort du mari, és mains du Payeur.
La Veuve en demande mainlevée sur le fondement que l’Obligation étoit nulle à son égard, par le benefice du Senatusconsulte Vefleien, sic judicatum par ledit Arret, & les créanciers déboutez de leur demande & mainlevée pure & simple de la saisie, avec dépens, sauf aux créanciers à se pourvoir sur les biens & contre les héritiers du maride ferois beaucoup de difficulté d’accorder le benefice du Velleien à une sem-me qui auroit renoncé à son bypoteque en faveur d’un autre ; parce que le seCours de ce Senatusconsulte ne lui est accordé que pour les Ouligations qu’elle contracte pour autrui, & non pour les renonciations qu’elle feroit à son droit ; c’est la décision de la Loy 11. au Coû. dd Senatuse. L’elleian. Etiam constante matrimonio jus Hypotecarum seu pignorum marito remitti posse, explotati juris est-Une femme héritière de son mari par benefice d’Inventaire, quant aux meubles, & suivant la portion qu’elle y prend en qualité d’héritière suivant l’Article 392. de nôtre Coûtume, qui se seroit obligée en son propre & privé nom, aux dettes de la succession jusqu’à concurrence du tiers ou de la moitié dont elle étoit tenuë par sa qualité d’heritière beneficiaire, ne fe pouroit pas servir du benefice du Velleien, parce qu’en ce cas on ne peût pas dire qu’il y ait intercession de sa part, mais seulement que sa dette lui devient propre par ce nou-vel engagement.
Le Velleien n’a point lieu en vente, c’est-à-dire, que si une femme vend conjointement & solidairement avec un autre quelque chose qui leur appartient en commun ; en ce cas, la femme ne pourroit avoir recours au benefice du Velleien ; car alors non interceait pour autrui, c’est pour se défaire d’un bien commun qui pouvoit lui être à charge, ou dont elle a eu bon prix ; c’est aussi ce qui fut juge au Parlement de Paris par Arrêt du 23 Fevrier 1545, rapporté par Bouchei en sa Biblioteque verbo Velleien.
Il faut pourtant tenir en termes generaux qu’une femme peut s’aider dans notre Coûtume de tous les cas exprimez & contenus dans le Senatusconsulte Velleien Mais si cette femme étoit mariée lors de cette vente, elle pourroit se servir de nôtre Coûtume dans les articles qui deffendent aux femmes mariées de vendre leur bien ; car quant aux filles majeures de vingt aus, il leur est libre de vendre leur bien, meuble ou immeuble ; elles ont seulement le benesice du veileien dans les Obligations qu’elles contractent pour elles ou pour autrui, à la réserve des cas exprimez par le même Senatus consulte Velleien.