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L E mot de Prescription prend son origine de la Langue Latine, en laquelle il signifioit chez les anciens Jurisconsultes la même chose qu’exception c’est-à-dire, la défense qu’on propose contre l’action ou demande faite en Jugement, comme l’enseigne Cujas aux Paratitles du Code De eaceptionibus, sind prescriplionihus : Mais depuis il fut approprié à ce genre d’exception que donne le temps, d’où vient qu’on dit prescription d’un an, de trois, de trente & de quarante ans, suivant la diversité du temps qui est requis pour acquérir une excep-tion, par rapport à la différence des actions, dont quelques-unes sont exclules par peu de temps ; quelques autres par un long-temps, que le Droit estime être de dix ans ; & les autres par un trés-long-temps, qui est de trente ou quarante ans. Dans cette signification, la prescription n’est pas un moyen d’acquérir, mais seulement une exception ou défense, qui dans le Droit Coutumier est appellée fin de non recevoir, pour faire entendre que l’action intentée n’est pas recevable : Et c’est de cette manière qu’on doit expliquer la prescription, quand on dit qu’une action se prescrit par fix mois, par un, vingt, trente ou quarante ans.

Mais on a donné une plus grande étenduë à la prescription, car on lui a attribué le même effet qu’avoit l’Usucapion des Romains, qui avoient trésprudemment estimé, que la possession continuée pendant un certain temps, étoit un moyen naturel & tres-juste pour acquerir la propriété ; c’est-à-dire, le domaine de toutes sortes de biens : Usucaptio est adepuio dominii, per conlinuationem possessionis temporis lege definiti, dit un Jurisconsulte dans la l. 3. ff..

De Usucapionibus. C’est suivant cette définition, que la Coutume dans le premier Article de ce Chapitre, déclare que la prescription de quarante ans vaut de titre pour quelque chose que ce soit, pourvû que le possesseur en fait joui pendant ce temps : car elle signifie, que-la possession quadragénaire est un moyen legitime pour acquérir la Seigneurie ou la propriété des biens immeubles.1

Il n’y a que les Articles DXXI, DXXVI, & DXXIX, dans ce Chapitre des Prescriptions, où le mot de prescription signifie ce qui est exprimé par la définition de l’Usucapion : Car tous les autres Articles de ce même Chapitre, dans lesquels il est traité de la prescription, ne proposent que des exceptions ou fins de non-recevoir, pour exelure les actions ; quelques-unes par quarante ans, comme les actions réelles & hypothécaires ; quelques-autres par trente ans, comme les actions personnelles & mobiliaires, par l’Article DXXII, d’autres par un an, comme celles des Articles DXXXI & DXXXIV, & d’autres. par fix mois, comme celles qui sont spécifiées dans l’Article DXXXIII.

Il y a quatre Articles qui ont été rangés sous ce même Chapitre, qui ne concernent point la prescription ; sçavoir, le DXXVII & DXXVIII, qui trai-tent de la preuve par témoins en matieres héréditaires & hypothécaires, l’Article DXXXII, qui autorise le titre nouveau pour la conservation de l’hypotheque & l’Article DXXXV, qui exclut les Taverniers, Cabaretiers & les Maîtres des Jeux de Paume, du droit de demander en Jugement, les choses qu’ils ont baillées pour l’usage de leurs Cabarets & Jeux de Paume ; ce qu’il est nécessaire de remarquer, pour connoître la division qu’on peut faire des matieres qui sont traitées dans ce Chapitre, & qui seront expliquées particuliérement, suivant l’ordre auquel elles ont été placées dans la Coûtume.


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M.Duplessis , en ses Traités sur la Coutume du Maine, Titre des Prescriptions, fait un bel éloge de la prescription, & il s’explique en homme instruit des saines maximes de la Jurisprudence. Quoique la prescription paroisse tirer son origine du droit Romain, & que dans cet ancien droit le Domaine des choses s’acquit par une possession continuelle & légitime, elle dérive plus certainement du droit des gens ; elle est en usage chez tous les peuples qui se gouvernent par des principes constans ; c’est elle, ditGrotius , qui regle les limites des Etats ; c’est elle qui, en déférant à la possession, assure à chaque particulier la propriété exclusive, maintient les Citoyens dans la paix, & coopere ainsi aux vues des Législateurs les plus sages comme les plus éclairés : En vain des Auteurs, la plupart spéculatifs, ont pris occasion de quelques abus pour s’armer contr’elle, des abus inseparables des meiileures Loix ne doivent pas nous faire méconnoître les bienfaits que nous recevons journellement de la prescription.

On peut, à ce sujet, citer Polydore Virgile ; il raconte qu’Edouard I. porta un Edit pour obliger ses Sujets à représenter les titres de leurs possessions, & ordo na que par le defaut d’exhibition de titre, les fonds seroient vendus à son profit ; cet Edit parut d’auta : t plus cruel que le Prince n’ignoroit pas que la plupart des titres avoient péti par l’effet du temps, ou des troubles que la guerre avoit occasionnés dans ses Etats : le Comte de Seure, cité devant les Justiciers, & interrogé sur le titre de ses possessions ; apris avoir tiré l’épée voils, dit-il, le droit par lequel je possede les biens de mes Ancetees ; voila le droit dont je me servirai pour les conserver & dans le même instant il p’ongea son épée dans le semd’un des Magistrats de la commission. Ce qui effraya tellement Edoüard, qu’il ne tarda pas à révoquer son Edit. VoyesBérault .