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DXLI.
Si le Dot a été vendu par la Femme pour rédimer son Mari n’ayant aucuns biens, de prison de guerre ou cause non civile, ou pour la nourriture d’elle, de son Mari, de ses Pere, Mere, ou de ses Enfans en extrême nécessité, elle ne le pourra retirer, sauf le recours de la Femme sur les biens du Mari, où il parviendroit à meilleure fortune, & non sur les biens des Acquisiteurs.
C’est une exception de l’Article précédent & du suivant, en tant que la femme qui a vendu ses immeubles, soit dotaux ou non dotaux, pour les causes exprimées en cet Article, n’a aucun recours subsidiaire contre les acque-reurs & détenteurs de ses biens, de sorte que la propriété en est acquise irrévocablement à ceux qui les ont acquis : Mais soit qu’elle soit séparée, soit qu’elle ne le soit pas, elle ne peut pas faire les alienations, ni même les engagemens de ses immeubles, aux cas approuvés par cet Article, qu’elle n’y soit au-torisée par une délibération de ses parens, & par une Ordonnance de Justice. comme il est attesté par l’Article CXXXVIII dudit Reglement. VoyezLouet , a. 9.1
Le mari a un pouvoir égal à celui de sa femme dans les cas spécifiés par la Coûtume, mais l’acquereur doit prendre les mêmes précautions & remplir les mêmes formalités, soit qu’il contracte avec le mari ou avec la femme, s’il veut éviter le péril du recours subsidiaire.
On a prétendu dans ces derniers temps que la femme peut aliéner sa dot pour rédimer son mari de prison, même pour cause civile, comme pour les engagemens du commerce que le mari fait. On a peint la faveur due au commerce sous les traits les plus seduisans, il a été mis au rang des intérets publies & nationaux, tandis que la dot des femmes n’a été présentée que comme un objet particulier & moins digne conséquemment de l’attention des Ma-gistrats, on n’a pas même négligé d’argumenter de la ponctuation de la Coutume. Les anciennes éditions du Texte place une virgule aprés le mot prison ; cela a fait dire que la deten-tion du mari suffisoit seule pour autoriser l’aliénation de la dot de la femme sans être contraint d’en rechercher la cause, qu’importe, a-ton ajouté, que le mari soit prisonnier pour cause non civile ou pour dettes son absence n’est-elle pas toujours également préjudiciable à la femme ; l’avoue que ces raisonnemens n’ont jamais pu m’affecter : si la femme d’un marchand peut aliéner sa dot pour les dettes du commerce de son mari, sans autre recours que sur la fortune de ce mari, nous verrons chaque jour des femmes nous effrayer, elles & leurs enfans, par le spectacle hideux de la misere & de l’indigence ; le commerce, qui est la source la plus pure des richesses, sera un piége tendu à la simplicité du sexe ; le crédit pourra augmenter, mais les entreprises téméraires venant à se multiplier, la Province sera surchargée de maiheureux qui avoient du moins une foible ressource dans les deniers dotaux de leur mere. Le Réglement du 21 lanvier 1600 est bien sage ; ce Réglement, aprés avoir defendu aux femmes civilement séparées d’aliéner leurs immeubles, à peine de nullité, ajou-te, si ce n’est pour rédinier leurs maris de prison pour cause non civile. On ne peut ici équivoquer sur la ponctuation ; on ne m’objectera pas que la femme civilement separée a moins de pouvoir pour aliéner que la femme qui ne l’est pas : j’en conviendrois, mais j’ajouterois que la conservation de la dot n’importe pas moins à la femme totalement en puissance de son mari, à ses enfans, à l’ordre de la société, que celle de la femme qui a fait entériner des Lettres de séparation.
On cite en faveur de la validité de l’aliénation un Arrét du 2 Août 1754, rendu en Grand’Chambre, à l’Audience des pauvres. La femme Denis, civilement séparée, avoit cedé ses rentes dotales pour rédimer de prison son mari qui n’avoit aucuns biens, & qui étoit détenu pour billets, pour fait de marchandises. Dans l’acte de cession il n’étoit parlé ni de permission de Justice, ni d’avis de parens ; les cessionnaires ayant fait arrêt entre las mains des débiteurs des rentes, la femme s’y opposa ; le Bailli de Caen leur avoit accordé la délivrance des deniers. Sur l’appel de la femme Denis la Sentence fut confirmée par l’Arrêt : l’Avocat des cessionnaires s’appuyoit d’un certificat de trois parens de la femme, qui déclaroient avoir consenti à l’aliénation, & il disoit au fond, que si la Coutume autorise la femme d’aliéner par l’autorité de son mari, il n’est pas raisonnable de penser qu’elle ne le lui permette pas pour faire sortir son mari de prison. On apperçoit que l’aliénation n’étoit pas conforme à l’Article CXXVIIl du Réglement de 1686, & le certificat étoit une piece ranutile des que le consentement n’étoit point attesté par l’acte : l’Arrêt est d’ailleurs contraire à un autre Arrét du 21 Fevrier 1577, rapporté parBérault . Un mari avoit vendu un fonds de sa femme pour se rédimer de la prison où il étoit détenu, à cause de dettes pour marchandises prises en foire franche ; quoique la femme eût ratifié la vente, cette vente fut cassée & annullée par l’Arrêt, & la femme envoyée en propriété & possession de l’héritage : l’argument d’un cas à l’autre ne doit pas ici être valable, nous en trouvons la preu-ve dans le Commentaire deBasnage , sur l’Article DXII. Une femme ayant demandé permission en Justice d’aliéner quelque portion de ses biens, pour subvenir aux frais d’un Pro-ces criminel que l’on faisoit contre son mari qui étoit prisonnier, la Cause portée en la Tournelle le 3o Juillet 168s, M. le Procureur-Siénéral s’y opposa, il dit que la Coutume ne permettoit à la femme ces aliénations que pour retirer son mari de prison, ce qui s’entend de la détention pour des intéréts jugés, & non pas pour de simples frais de procedu-res ; que la conséquence en seroit périlleuse, & que l’on dépouilleroit aisément la femme de son bien sur ce prêtexte : la Cour y trouva tant de difficulté, qu’elle appointa sur l’opposition.
Comme notre Coutume ne donne point à la femme la faculté d’aliéner sa dot pour redimer de prison son père & ses enfans, Bérault met la question en problême ; cependant comme nos Loix ne doivent pas respirer moins d’humanité que celles des Romains, qui imposent l’obligation indispensable de leur procurer la liberté, il panche vers la validité de l’aliénation.
Il. y a des circonstances si critiques, qu’elles ne donnent pas le délai pour observer les formalités de la Coutume, le Juge ne peut examiner qu’aprés coup le motif de l’aliénation s’il est raisonnable, il la tolère ; mais la tolêter ainsi, c’est annoncer l’empire & l’autorité de la Loi-