Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


III.

Des matieres beneficiales. Decimales. De Patronnage d’Eglise. De clameur de Loy apparente. De clameur revocatoire. Des privileges Royaux. De nouvelle dessaisine. De mariage encombré. De surdemande.

La Coûtume en cet Article donne une grande étenduë à la Jurisdiction du Bailly ; elle luy attribuë la connoissance des matieres beneficiales, ce n’est pourtant que pour le possessoire ; l’action pour le petitoire se traite devant le Juge d’Eglise. Mais cette question a êté decidée diversement, si celuy qui a êté declaré non recevable à son appel comme d’abus, peut par aprés appeler comme de grief ? Un appelant qui avoit êté debouté de son appel comme d’abus, se pourvût devant son Metropolitain, et ayant êté reçû appelant comme de grief, Monsieur l’Avocat General se porta appelant comme d’abus de la retention de la cause en la Jurisdiction Metropolitaine, et soûtint qu’un Prestre condamné par l’Official de l’un des Suffragans, ayant deux voyes pour se pourvoir, l’appel comme d’a-bus, ou l’appel comme de grief, quand il avoit choisi la voye de l’abus ; il ne pouvoit reprendre la voye d’appel comme de grief. Arrest du mois de Mars 1656. entre Me Neel Curé de Gesosse, contre le Substitut de Monsieur le Procureur General au Siege de Coûtance. Neel avoit êté condamné par l’Eves-que de Coûtance même, et non par son Official, à tenir prison durant sept ans ; et à jeûner trois fois la semaine, et privé de son Benefice. On le declara non recevable à appeler comme d’abus, sur un incident pour les arrerages de sa pension, qu’il avoit cedez au Geolier pour ses gîtes et gardes.

Ayant dit qu’il avoit relevé appel comme de grief au Metropolitain, Monsieur Huë Avocat General se leva et se porta appelant comme d’abus, de la reception de l’appel comme de grief, sur quoy il fut dit qu’il avoit êté mal, nullement, et abusivement procedé par l’Official de Roüen, et Neel declaré non recevable à son appel comme de grief. Et neanmoins le 31 du même mois et an, Maître Jacques le Carpentier condamné par sentence de l’Official de Roüen du mois de Juillet 1655. à un an de prison, et privé de son Benefice, ayant appelé comme d’abus de cette Sentence, la cause plaidée en l’Audience, on prononça sur l’appel hors de Cour, sauf à l’appelant à se pourvoir par appel comme de grief.

Ce dernier Arrest plus dans les regles, quand le Parlement prononce sur l’appel comme d’abus, il n’entre point au fonds, et ne prend point connoissance du grief qui peut avoir êté fait, et s’il a êté bien ou mal jugé. L’appel comme d’abus est préjudiciant, mais il n’ôte pas le moyen de se pourvoir par appel, comme de grief. Il ne seroit donc pas juste d’ôter à celuy qui pretend avoir reçû une injustice, les moyens de se pourvoir, bien qu’on ait jugé qu’il n’y ait point d’abus. Cela fut jugé en la cause de Me Gilles Cousin contre Magdeleine Roulier : cette femme avoit êté deboutée d’un appel comme d’abus ; depuis elle avoit obtenu des Lettres moratoires pour relever son appel comme de grief. sur l’appel de Cousin, d’une sentence du Bailly qui enterinoit les Lettres moratoires, il fut dit qu’il avoit êté bien jugé. Il est vray que quand la Cour a prononcé sur le possessoire d’un Benefice, on ne peut plus agir pour le petitoire devant l’Official, il y auroit abus si l’Official en prenoit connoiflance ; car quand la Cour juge le possessoire, on entre au fonds, et on discute le droit de la cause, et c’est pourquoy il ne seroit pas raisonnable de recommencer le procez devant le Juge d’Eglise. Hodie, dit Boyer sur là Coûtume de Bordeaux q. 4. Tit. des Justices, seculares iudices cognoscunt de omni possessorio etiam beneficiorum.

Le 3 d’Avril 1664. en l’Audience de la Grand-Chambre, sur une question de preference de deport, il fut ordonné que 1e Bailly en connoîtroit, et non l’Official, dont la procedure fut cassée. Et il fut dit aussi que le Curé ne pouvoit demander la preference, et qu’il êtoit seulement preferable pour desservir ; et par Arrest en la Grand-Chambre du 30 Juillet 1660. le Juge Royal fut declaré competent de connoître des reparations d’un Presbytere, quand l’action a êté formée contre l’heritier du Curé, nonobstant l’allegation faite que l’Official avoit êté le premier saisi. On tient que cette action est utriusque fori.

Suivant les Arrests remarquez parBerault , les comptes des Tresoriers d’Eglise doivent être rendus devant les Archidiacres, sauf en cas de contredit à se pourvoir devant le Bailly. Il y a divers Edits et Arrests du Conseil qui leur attribuent cette connoissance. Charles IX. par Edit du 3 Aoust 1571. Henry IV. par Lettres Patentes du 16 de Mars 1609. Loüis XIII. du 4 de Septembre 1619. Maître Charles Fevret de l’abus l. 4. c. 7. a écrit que nonobstant tout cela les Juges seculiers se sont maintenus au droit de connoître des comptes des deniers des Fabriques. Car s’agissant de biens temporels, et les comptables êtans personnes Laïques, on a crû qu’ils ne pouvoient être justiciables en choses profanes de la Cour Ecclesiastique. Outre que par l’Edit de Cremieu et par 1’Ordonnance de Blois Art. 52. et de Melun Art. 3. les Juges Royaux connoissent des disserents mûs pour le Temporel des Eglises de fondation Royale, ou qui ont Lettres de garde gardienne, et les autres Juges inferieurs des droits des autres Eglises. Il est même enjoint aux Juges, tant Royaux que Subalternes, de contraindre les Marguilliers à compter de leur manîment, pour en être les deniers employez aux ornemens et reparation des Eglises. C’est pourquoy, dit ce même Auteur, tous les Parlemens du Royaume declarent abusives les simples citations des Marguilliers devant le Juge d’Eglise, et toutes les procedures intervenuës en suite pour les obliger à rendre compte devant les Offi-ciaux ou Archidiacres.

Maître René Chopin aprés avoir examiné les raisons de l’un et de l’autre party, dit que, Quemadmodùm Sacerdorum ordini, edictis regiis sancita est profana jurisdictionis vacatio atque immunitas, ita in profanos quoque Episcopi, juridico prohibentur uti imperio : quocirca senatus pronunciavit abusivè profanarum fabrica rationum notionem sibi assumpsisse. Ce qui a êté jugé en la Grand-Chambre le 29 de Juillet 1655. L’Official d’Evreux avoit fait citer le Tresorier de la Paroisse de Sainte Genevieve de Vernon, qui sortoit de Charge, pour rendre compte devant luy ; le Tresorier se porta appelant comme d’abus de cette citation. Castel proposoit pour moyens d’appel, que les comptes êtoient de la competence du Juge Royal, quand il y avoit contestation ; il est vray qu’ils doivent être rendus premierement devant les Paroissiens, et examinez gratuitement par les Archidiacres en faisant leurs Visites, mais quand il y a du contredit, le Juge Ecclesiastique ne peut plus en connoître, l’affaire êtant purement temporelle, entre personnes Laïques ; que cela avoit êté jugé par les Arrests rapportez parBerault , et depuis au profit du sieur de Montchaton. Liout pour l’Official alleguoit des Arrests contraires ; on luy repliquoit que les Archidiacres n’avoient jamais êté autorisez à examiner les comptes, qu’en faisant leurs Visites, en la presence des Paroissiens, et lors qu’il y avoit contredit, la connoissance en appartient au juge Royal. Il fut dit mal, nullement, et abusivement procedé et ordonné, que le compte seroit rendu devant les Paroissiens, et en cas de contredit devant le Bailly.

Si l’heritier du défunt Titulaire est poursuivy par le Curé pour la reparation du Presbytere, la connoissance de cette action appartient au Juge Royal, et non à l’Official ; encore qu’il eut le premier saisi. Aprés la mort du Curé de Courbespine le Doyen Rural avoit fait adjourner son heritier devant l’Official pour la reparation du Presbytère. L’heritier avoit comparu devant l’Official, et consenti de faire travailler aux reparations, mais par sa negligence le nouveau Curé le fit adjourner devant le Juge Royal, où pour le profit d’un defaut contre cet heritier, on ordonna une descente sur les lieux à ses dépens, dont ayant appelé, et obtenu un Mandement en règlement de Juges, entre le Juge Royal et I’Official. De Ses Avocat pour l’heritier, et de l’Epiney pour le Promoteur, disoient que les actions formées pour la reparation des Presbytères, sunt utrisque fori, et que le premier saisi l’emportoit. Greard pour le nouveau Curé se défendoit par cette distinction, que quand le Doyen Rural agit contre un Curé pour l’obliger à reparer son Presbytere, il pouvoit en porter l’action devant le Juge d’Eglise, l’une et l’autre personne êtant Ecclesiastique, c’est en ce cas que la matiere est utriusque fori, le Juge Royal pouvant aussi en connoître par prevention. Mais il n’en est pas de même, quand l’heritier du défunt Curé est poursuivy par le nouveau Curé, le défendeur êtant une personne Laïque, il ne peut être traité que devant le Juge Royal, par l’Article 6. de l’Ordonnance de Blois.

La saisie du revenu des Ecclesiastiques pour reparations doit être faite par les Juges Royaux, à plus forte raison un Laïque ne doit plaider qu’en la Jurisdiction Royale. Que le mandement en reglement de Juges ne pouvoit échoir en ce cas, si le Juge d’Eglise pretendoit que le Juge Royal eut entrepris sur sa competence, il êtoit de l’ordre d’en appeler comme d’abus. La Cour par Arrest du 30 de Juillet 1660. sans s’arrêter au Mandement en reglement de Juges, mit l’appellation au neant, et confirma la procedure faite par le Juge Royal.

Des matieres Decimales.

P Our decider certainement la competence du Bailly sur les matieres decimales, il faut se souvenir que nous avons de deux especes de dixmes, l’une profane, et l’autre Ecclesiastique : On appelle profanes les dixmes qui peuvent être possedées par des personnes Laïques ; et l’on donne aux autres le nom d’Ecclesiastiques, parce qu’elles ne peuvent être perçûes que par les gens d’Eglise.

Le Bailly connoit des dixmes Ecclesiastiques quand il s’agit du possessoire ; le petitoire retourne à la Jurisdiction de l’Evefque. Mais pour les dixmes infeodées, la question tant pour le possessoire que pour le petitoire, ne peut en être traitée que devant le Juge Royal ; et pour lier les mains aux Juges d’Eglise, il suffit même d’alleguer l’infeodation, sans que l’on soit obligé d’en faire apparoir ; et sur cette seule allegation le Juge d’Eglise, sans entrer plus avant en connoissance de cause, doit renvoyer la matiere au Juge Royal, autrement il y auroit abus.Monsieur Loüet , et son Commentateur, let. D. n. 9.Monsieur le Prestre , cent. 1. c. 13.

Comme en cette Province il reste peu de dixmes infeodées, elles sont rarement la matiere d’un procez. On n’a point douté que les Laïques ne fussent capables de les posseder, pourvû que l’infeodation en eut êté faite auparavant le Concile de Latran, qui fut celebré sousAlexandre III . l’an 1179. Ils peuvent en disposer comme de leurs autres biens, et le commerce en est absolument libre, sans qu’il soit besoin d’aucun consentement de l’Evefque : In omnibus et per omnia eodem modo regulantur in hoc regno, sicut caetera bona patrimonialia, et caetera res profanae,Molin . de feudis 8. t. 8. n. 16. et seq.

L’article 63. de la Coûtume de Blois le porte expressément, sur lequel Pontanus reproche aux gens d’Eglise, qu’ils ont mauvaise grâce d’accuser les Laïques d’avoir usurpé leurs dixmes, puis qu’ils n’ont pas fait de scrupule de s’emparer des terres et des autres biens qui leur devoient demeurer en partage, suivant le commandement exprés de Dieu contenu dans la Loy de Moyse, nomb. 18. et Deut. 18. où Dieu ne donne que les dixmes aux Levites pour recompense du service qu’ils luy devoient rendre, mais il leur défend de posseder autre chose : Dixit Dominus ad Aaron, in terrâ eorum nihil possidebitis, nec habetitis terram inter eos. Filiis autem Levi dedi omnes decimas Israël. D’où il conclud que puisque l’Eglise possede aujourd’huy tant de belles terres et de dignitez temporelles qui ne devoient appartenir qu’aux Laïques : Non video, inquit, quâ ratione Laïcos ab hujusmodi decimis arceant, cui sanè rationi nusquam vidi à quoquam è Canonistis ESPERLUETTae hujusmodi farinae hominibus congruum datum responsum quod mihi aliquâ in parte satisfaceret.

Quoy qu’il en soit, il est certain que pour se maintenir en la possession des dixmes infeodées, il n’est point necessaire de justifier le tître primitif de l’infeodation, il suffit de prouver une possession immemoriale, car les possessions de cette qualité font presumer un tître : Vetustas possessionis vicem legis obtinet. l. 1. §. si de aq. et aq. pluv. arc. Par un Arrest donné en la Grand-Chambre le 27 Aoust 1675. au Rapport de Monsieur Sallet, entre les Religieux, Prieur et. Convent de Fescamp, et Charles le Cesne, Ecuyer sieur de Menilles, en consequence d’une possession immemoriale, ledit sieur de Menilles fut maintenu à prendre les pailles et feurres des dixmes de Menilles, en fournissant d’une grange pour ferrer lesdites dixmes.

Cette possession des dixmes infeodées a paru neanmoins si odieuse et si criminelle à quelques Ecrivains Ecclesiastiques, que les grandes victoires de Charles Martel, pour la défense du nom Chrétien, n’ont pû le mettre à couvert des calomnies, dont ils ont flétri sa memoire, parce qu’ils s’êtoient imaginez qu’il êtoit le premier qui les avoit usurpées. Ils ont feint qu’aprés la mort de ce Prince, saint Euchere Evesque d’Orleans avoit appris par une vision que son ame êtoit dans les Enfers, et que pour s’en mieux éclaircir il se transporta au sepulcre de Charles Martel avec Boniface et Fuldrade, Abbé de saint Denis ; dans cette vûë que s’il n’y trouvoit plus son corps, sa vision seroit veritable, et qu’ayant fait ouvrir son tombeau il en sortit un dragon, et que la cave parût toute noire comme si elle avoit êté brûlée par le feu.

Le Cardinal Baronius fut l’année 741. de nôtre Seigneur, refute cette fable, et montre qu’il êtoit impossible que saint Euchere eut eu cette vision aprés le decez de Charles Martel, parce qu’il êtoit mort plus de dix ans auparavant.

En effet nos Jurisconsultes et nos Historiens, qui n’ont pas ignoré l’antiquité Françoise, nous ont appris la veritable origine des dixmes infeodées, et qu’elle n’a point pour principe aucune usurpation ; car ils nous font remarquer, que sous les premiers Rois de la seconde Race, il êtoit ordinaire aux gens Ecclesiastiques, comme aux Laïques, de donner leurs terres à Emphyteose, par des Contrats qu’ils appelloient precaires, parce qu’il étoit en la liberté des Bailleurs de les revoquer quand il leur plaisoit. Solemnis fuit hac tempestate hujus Emphyteosis Ecclesiasticae contractus, ut inde nata sit origo beneficiorum Ecclesiasticorum, que nos hodie decimas infeodatas dicimus. Dominic. de praerog. alod. c. 11. n. 9. Et pour marque que ces infeodations se faisoient par des concessions volontaires, et non pas par des usurpations, le droit Canon même les a reconnuës et les appelle decimas in feudum datas c. tua 25. §. nec ex occasione ext. de decimis. c. statutum de decimis in 6.

Il peut bien être neanmoins, que quelquefois les Ecclesiastiques pour s’acquerir de la protection, ou peut-être forcez par les Princes, leur ont relâché quelques dixmes, et c’est le sentiment d’AlbertusCrantsius , lib. 1. metrop. c. 2. Ego aliam huic rei causam accessisse conjicio, cum non satis confiderent Pontifices sua jura à Principibus Laïcis tueri ; dedisse arbitror partem decimarum Principibus in manum per speciem feudi & beneficii, malentes amittere dimidium quàm totum, inde factum ut à Principibus transirent in ministeriales, quinimo militares appellantur. Mais la pluspart de ces infeodations de dixmes furent faites pour le Voyage de la Terre Sainte.

Pour les dixmes Ecclesiastiques, comme les choses sur lesquelles elles font pretenduës, ne sont pas toutes de même qualité, nous faisons aussi de deux especes de dixmes, d’ordinaires et d’insolites.

Si l’on en croit les Canonistes, toutes choses sont décimables. Rebuffe en son Traité des dixmes, a fait une pleine énumeration de toutes les choses qui sont sujetes au droit de dixmes. Mais comme on n’a pas suivi son sentiment par tout, non plus que celuy des Canonistes, et qu’au contraire suivant l’Ordonnance de Philippes le Bel, il faut avoir égard à la Coûtume des lieux ; je rapporteray plusieurs especes de dixmes insolites, et cotteray les Arrests qui en ont établi la redevance ou l’exemption.

Les dixmes insolites se reglent par la possession et par l’usage ; pour prouver cette possession il faut l’articuler précisément sur la chose contentieuse, suivant l’Art. 118. du Reglement de l’an 1666. il ne suffiroit pas de l’alleguer sur le plus grand nombre d’heritages de la même Paroisse ; et pour cet effet les preuves respectives sont reçuës, à sçavoir de la part du Curé de sa possession, et de la part du proprietaire de sa possession contraire. Arrest du 24 d’Avril 1659. entre Loüis le Tessier Ecuyer, appelant ; et Maître Gilles le Page Curé du Pontorzon, intimé. Ce Curé demandoit la dixme de quelque saules plantez sur le bord d’un marest ; et pretendoit que c’êtoit l’usage dans les Paroisses voisines, et qu’il en êtoit en possession : Le Juge sur de simples attestations, et sans aucune preuve, avoit condamné le proprietaire au payement de la dixme ; sur l’appel la Sentence fut cassée, et les parties reglées en preuves respectives ; quelques années aprés le même Curé, sans avoir fait aucune preuve, se fit encore adjuger la dixme, sur l’appel de Jehan Mahé, sieur des Moulins, ayant épousé Marie le Moyne, veuve de Loüis le Tessier, pour lequel je plaidois, il fut dit par Arrest du 8 de Janvier 1675. qu’il feroit sa preuve.

La question pour la dixme des bois, tant en haute fustaye qu’en taillis, a êté plusieurs fois disputée.

Pour la dixme des bois de haute fustaye, c’est à present une maxime, qu’elle n’est point dûë de la vente qui en est faite, car c’est plûtost une alienation d’une partie du fonds qu’un fruit et une joüissance. Depuis les Arrests rapportez parBerault , il fut encore jugé de la sorte en l’Audience de la Grand-Chambre, le 23 de Juin 1644. entre de Tournebu, et Maître du Jardin Curé de Briouse, plaidans Castel et dela Lande . Autre Arrest donné en la Chambre des Enquêtes du 7 de May 1638. entre Me Jacques Marests Avocat en la Cour, et Me Simon Papavoine Curé de Gomerville. Le Juge de Montivilliers avoit debouté le Curé de sa demande, et sur l’appel il avoit reduit sa demande à la dixme du bois qui avoit êté ébranché ; mais on mit l’appellation au neant ; et on ne fit point de difference entre le bois qui s’ébranchoit, et celuy qui n’avoit jamais êté coupé, soit qu’il fut planté en avenuës, ou en rangées, ou sur des fossez. Autre Arrest en la même année le 24 de Juillet, au Rapport de Monsieur du Moucel pour le sieur de Barville, contre Me le Carpentier Curé de Hernieville. Autre Arrest du 13 de May 1667. entre Me Jean l’Abbé Curé de Mery, et un particulier de la méme Paroisse, nonobstant la pretention de ce Curé, qu’encore que la dixme ne soit point dûë des bois de haute fustaye qui sont plantez pour l’ornement des maisons, il la devoit avoir des grands arbres qui se trouvent dans les hayes, quand ils sont abatus. Le Juge luy avoit permis de faire preuve de sa possession, et la sentence avoit êté confirmée par defaut en presence ; sur les Lettres de Requête civil on remit les parties en l’etat qu’elles êtoient auparavant ; et sur l’appel de la sentence, l’appellation et ce dont, le vendeur déchargé de la dixme, et les treiziémes adjugez au Receveur du Sei-gneur de Mery, plaidans Castel et Liout. On n’eut point d’egard au fait allegué par le Curé, que c’êtoit l’usage de payer la dixme du bois de haute fustaye, qui se coupe et qui se vend quand il est sur des fossez, et que pour avoir laissé croître cette sorte de bois, dont la dixme eut êté dûë s’il avoit êté coupé, le Curé ne devoit point être privé de son droit. Et le 12 de Juillet de la même année, aprés qu’il eut êté dit par la Cour entre le sieur de Fremont Poissy, et le Curé du Boisbenard, que le treiziéme des bois êtans en haye excedans quarante ans, êtoit dû au seigneur. Monsieur le Guerchois Avocat General, aprés la prononciation de l’Arrest, remontra que le treiziéme ni la dixme ne pouvoient être demandez des poiriers et des pommiers, sur quoy Me Castel Avocat du Curé declara qu’il ne la demandoit point, dont on luy accorda Acte.

Les bois coupez par le proprietaire pour son usage ou pour ses autres commoditez, soit qu’il les consume sur les lieux, ou qu’il les transporte ailleurs, ne sont point sujets au droit de dixme.

Arrest du 18 de Janvier 1658. entre Me Estienne le Bou Curé de Proussi, et Jacques du Guey sieur de la Fresnoye, le fait de possession mis en avant par le Curé ne fut point reçû, plaidans Theroulde et Durand. Autre Arrest du 27 de Mars de la même année, entre Guillaume le Page Bourgeois de Roüen, appelant d’une Sentence qui declaroit pertinent le fait posé par le Curé de la Trinité de Touberville, à sçavoir sa possession pour la dixme du bois usé par le proprietaire, et faute par le défendeur d’en avoir attendu la preuve, il avoit êté condamné à payer la dixme ; par l’Arrest la Sentence fut cassée, et sur l’action du Curé les parties hors de Cour. Et au procez d’entre Me Charles Gruin Seigneur de Preaux, et la Dame Abbesse de saint Amand, cette question fut fort contestée, si ledit sieur Gruin êtoit obligé de payer la dixme des bois qu’il prendroit dans ladite Forest de Preaux, tant pour son usage que pour les réedifications et reparations du Château de Preaux et des Fermes qui en dependoient ; et par Arrest au Rapport de Monsieur de Touvens, du 30 de Juillet 1672. la Dame Abbesse de saint Amand fut deboutée de sa demande sur les bois qui serviroient à ces usages-là, lesquels furent limitez pour le chauffage dudit sieur Gruin à cent cordes par chacun an ; et pour le bois merrein qui seroit necessaire pour le Château, Fermes et Moulins, il fut pareillement declaré exempt du droit de dixme : et par un autre Arrest entre les mêmes parties, et au Rapport dudit sieur de Touvens, du 14 d’Aoust 1673. il fut dit que la dixme des bois taillis seroit payée au dixiéme, en contribuant par ladite Dame Abbesse à la façon et ouvrage desdits bois, si mieux elle ne vouloit prendre ladite dixme à l’onziéme, ouvré et lié aux depens dudit Gruin, et que tous les bois seroient abattus aux frais dudit Gruin.

On avoit jugé la même chose long-temps auparavant entre Maître Michel le Preux Curé de CROCHETO XXX CROCHETF appelant, et Charles Denis sieur Desbois intimé ; l’appelant demandoit à l’intimé la dixme des bois taillis, on offroit de la luy payer des bois qui seroient vendus, mais on la refusoit pour ceux que le proprietaire couperoit pour son usage. Le Curé representoit que la dixme n’êtoit point dûë à cause de la vente, mais de la recolte ; autrement il n’en seroit point deub des bleds ni des autres fruits que les particuliers employent à leurs usages ; et comme la plus grande partie des terres de sa Paroisse êtoit plantée en bois, si ses Paroissiens êtoient exempts de la dixme de ce qu’ils consumoient en leurs maisons, il ne luy resteroit rien ; et c’est pourquoy il demandoit à prouver que suivant la coûtume du lieu la dixme êtoit payée de tous les bois taillis, même de ceux que l’on coupoit pour son usage. Par Arrest du 10 de Juillet 1610. on confirma la Sentence qui adjugeoit au Curé la dixme des bois vendus par le proprietaire, et qui le deboutoit de sa demande pour ceux que le proprietaire usoit, plaidans Giot et Belot.

Pour les dixmes insolites comme les bois taillis, la possession sur la plus grande partie de la Paroisse n’est pas suffisante, il faut la justifier particulierement sur la chose, et l’Article 118. du Reglement de l’an 1666. qui l’ordonne de la sorte, est fondé sur un Arrest donné le 19 de Juin 1663. entre Guillaume le Bienvenu Curé de Moulineaux, et Monsieur le Mareschal d’Estampes. Ce Curé demandoit à Monsieur le Mareschal d’Estampes la dixme des bois qu’il possedoit en sa Paroisse, et pour cet effet il alleguoit sa possession sur la plus grande partie des bois de la Paroisse ; Mais on luy repondoit que cette possession ne luy donnoit pas un droit sur les bois qui ne luy avoient jamais rien payé, que cette dixme êtant insolite, il falloit alleguer une possession sur la chose mêmae, tantum praescriptum quantum possessum. Par l’Arrest sur la demande du Curé on mit les parties hors de Cour. Par autre Arrest du mois de Juillet en la même année, plaidans de l’Espiney et Theroulde, bien que la possession du Curé sur les autres bois fut certaine, le Curé fut obligé d’entreprendre sa preuve sur le bois dont il êtoit question. Autre Arrest du 4 de septembre 1658. entre Minfant sieur de Craville, et le Curé de Palluel. Ce Curé maintenoit que c’êtoit l’usage de sa Paroisse et des Paroisses voisines de payer la dixme des bois taillis. Ledit de Craville alleguoit un usage contraire, et se défendoit par le defaut de possession sur ses bois ; par l’Arrest le sieur de Craville fut déchargé.

Neanmoins si le proprietaire de son côte alleguoit des faits contraires, et offroit de les prouver, il faudroit appointer les parties en preuves respectives, suivant l’Arrest donné en l’Audience de la

Grand-Chambre le 21 de Novembre 1619. entre du Quesne appelant, et le Curé de Sainte Opportune ; ce Curé offroit de prouver sa possession de la dixme sur les bois taillis de du Quesne. Au contraire du Quesne demandoit à prouver son exemption ; sur l’appel de la Sentence qui ajugeoit la dixme au Curé, il fut dit qu’il avoit êté mal jugé, et les parties furent appointées en preuves respectives.

Le droit de Tiers et Danger fait ordinairement une preuve contre le droit de dixme, comme au contraire le payement de la dixme est un argument d’exemption contre le Tiers et Danger : nous avons neanmoins des exemples des bois taillis, qui ont êté declarez sujets à la dixme en consequence de la possession, quoy qu’ils fussent chargez du droit de Tiers et Danger. Cela fut jugé en la Chambre des Enquêtes le 3 de Mars 1639. au Rapport de Monsieur du Fay. La dixme des bois de Franqueville fut ajugée à Me Quentin Benard, Curé du Mesnil, quoy que le proprietaire justifiast qu’il payoit au Roy douze livres de rente pour le Tiers et Danger ; mais le Curé avoit fait preuve de sa possession, sa partie êtoit Hippolyte de Bauqumare. La raison de douter êtoit que les bois sujets à la dixme, sont ordinairement plantez de main d’homme. Mais il n’est pas incompatible qu’un proprietaire qui a des bois à Tiers et Danger ne donne la dixme sur iceux, ou qu’il ne la constituë par quelque convention, et la possession par quarante ans fait présumer le tître.

Cette question fut mûë entre deux fermiers pour la dixme des bois taillis : La Dame du Quesne Bourneville avoit fait vente d’un bois taillis à Genevray, à condition de l’user en trois coupes consecutives : pour la premiere coupe Isaac des Ruës, fermier du temporel de l’Abbaye de Preaux, se fit payer de toute la dixme qui pouvoit être dûë pour la coupe du bois entier, mais avant la seconde coupe il fut dépossedé à cause de la mort de l’Abbé. L’Oeconome fait un nouveau bail à Philippe Marette, qui demanda à Genevray la dixme du bois qu’il avoit coupé durant sa joüissance. Des Ruës qui l’avoit reçûë s’en defendoit par cette raison, que les bois avoient profité et crû durant sa jouissance. Le Juge du Ponteaudemer ordonna que des Ruës auroit les deux tiers ; et Marette l’autre tiers. Sur l’appel de Marette, je disois que le temps de la coupe du bois, et non le temps de sa joüissance, devoit regler le droit de la perception de la dixme ; que les premiers hommes qui offrirent la dixme de leurs bleds, ne la donnerent que pour reconnoissance de l’heureuse recolte qu’ils en avoient faite ; que des Ruës ne pouvoit avoir plus de droit que le défunt Abbé, dont les heritiers ne pourroient demander cette dixme sur ce fondement que les fruits où les bois seroient crûs pendant sa joüissance ; il ne leur appartiendroit que ce qui êtoit en état d’être perçû au temps de sa mort ; et par la Coûtume le bois n’est reputé meuble qu’aprés être coupé, auparavant il fait partie du fonds, l. 9. ad l. falcidiam, dont la dixme n’est point duë ; et par la même Coûtume les fermiers et les femmes n’ont point de part aux pepinieres, que quand elles sont prêtes à lever ou à la fin de leur bail, ou au temps de la mort de leurs maris. Par Arrest du 26 d’Avril 1657. en la Grand-Chambre, on cassa la Sentence, et la dixme entiere fut ajugée à Marette.

Pour la dixme des pommes et des poires, quoy qu’elle semble solite, elle a êté reglée par la possession. Suivant cela par Arrest du 8 de Mars 1629. les habitans du village de Sigi furent déchargez de la dixme des pommes et des poires, parce qu’ils êtoient en possession de n’en payer point : Ce qui fut encore jugé en l’Audience de la Grand-Chambre le 16 de Juillet 1666. entre le Curé des Obeaux et ses Paroissiers. Et par ce même Arrest on décida cette autre question, que la dixme êtoit dûë des pepinieres pour ce qui en avoit êté vendu et transporté hors de la Paroisse seulement ; car il ne seroit pas juste que le Curé perçût la dixme des arbres plantez par le proprietaire, ou qu’il auroit vendus pour être plantez dans la Paroisse, et parcequ’un jour il en aura le profit ; et pour connoître le nombre qu’on en avoit vendu, il fut dit que le Curé en bailleroit une declaration : ce même Arrest apointa encore les parties en preuves respectives, à sçavoir le Curé qu’il êtoit en possession de percevoir la verte dixme, à l’onzieme gerbe, et les Paroissiens que c’êtoit l’usage de ne la payer qu’à la quinziéme.

Mais la dispute a êté grande touchant la dixme de ce qui croist dans les vergers et dans les jardins. Le Chapitre, non est. De decimii, veut que la dixme en soit payée ; et Rebuffe est d’avis qu’elle soit payée des herbes et des legumes, et de la premiere et de la seconde levée, de decim. l. 8. n. 7. L’on apprend de Monsieur d’Olive que dans le Parlement de Toloze on a fait cette distinction, que la dixme êtoit dûë des vins, des bleds, et des autres grains que les habitans recueillent dans leurs vergers et dans leurs jardins, et neanmoins qu’ils auroient exemption pour deux journées de terre ; et en interpretation de l’Arrest, qui le jugeoit de la sorte, si les deux journées êtoient d’hommes ou de bestes, il fut dit par un autre Arrest que cette exemption n’auroit lieu que pour deux journées d’homme. On a jugé la même chose dans ce Parlement là pour la dixme des jardins dont on se fert pour en tirer du profit, et dont les terres êtoient autrefois destinées pour le la-bourage ; mais on a exempté de ce droit les jardins clos et fermez, qui ne fervent que pour le plaisir, et pour I’usage des proprietaires : Cette occupation fait les delices des honnêtes gens, c’est le sujet d’une recreation innocente, pour delasser agreablement l’esprit accablé par la fatigue du travail et des affaires. Et c’est pourquoy Epicure qui sçavoit si bien goûter les honnêtes plaisirs de la vie, fut le premier qui commença de cultiver des jardins à Athenes. Primus hortos instituit Athenis

Epicurus orii magister, ufque ad eum moris non fuerat, in oppidis habitari rura. D’ailleurs c’est un secours et une commodité pour les pauvres gens ; hortus, ager paupeis est.

Cette question fut mûë en cette Province entre les Religieux Recollects de Rouen, et le Curé de saint Godard, et décidée par Arrest du 2 de May 1631. qui condamna les Recollects à payer la dixme de leurs jardins, parce que les terres en avoient êté labourées auparavant.

Sur cette matiere de dixmes insolites, le Parlement de Paris a donné un Arrest conforme à nos Maximes, du 23 d’Aoust 1664. contre Demoiselle Magdeleine Bunache, et Me Jacques Langlois Curé de saint Just, par lequel aprés des preuves respectives de possession, ledit Curé de saint Just fut maintenu au droit de percevoir la dixme des bois taillis, de sain-foin, des vins, des arbres fruitiers, des legumes, et des autres grains croissans dans les clos et les jardins, à l’exception des autres potagers. Journal des Audiences, seconde partie, l. 6. c. 44. La dixme des choux et des panets qui ont êté semez à la campagne est dûë au Curé : par Arrest de l’année 1655. plaidans Herruet et moy.

On doutoit autrefois si les sarrasins ou bleds noirs devoient être comptez entre les grains sujets à la grosse dixme, ou si c’êtoit une dixme insolite. Par Arrest du 2 de Mars 1629. ils surent jugez grosse dixme. Entre les Doyen et Chanoines du Chapitre de Coûtance, et le Curé de S. Vigor les Monts, les deux tiers furent ajugez au Chapitre, et l’autre tiers au Curé. Autre Arrest précedent du 27 de Novembre 1621. entre Me Jean l’Aumônier Curé de Couleuvré, et la Dame Prieure du Prieuré Blanc prés Mortain, la dixme des sarrasins fut ajugée à ladite Prieure. Autre Arrest du 29 de Juillet 1538. donné au Rapport de Monsieur de Gallentine, entre les Curez de Sahurs et Alexandre et Mignot, ausquels la dixme infeodée de la Curé de sahurs appartient, la dixme des sarrasins fut aussi ajugée ausdits sieurs Alexandre et Mignot. Ces Arrests font fondez sur ces raisons, que le sarrasin est un bled dont on fait du pain, et qu’il s’en faisoit quantité dans les champs où la grosse dixme se recueilloit.

De toutes les dixmes insolites, celle du poisson qui se prend en la mer paroist la plus extraordinaire ; cette pesche se faisant avec tant de hazards et par de pauvres pescheurs qui exposent leurs vies à l’inconstance et à la fureur des ondes et des vents, il est rigoureux de l’exiger d’eux : la mer où cette pesche se fait êtant commune et publique, elle ne peut recevoir aucune servitude. Mari, quod natura omnibus patet, servitus imponi non potest. l. conditor D. commorun. praed. et cette liberté naturelle est si legitime, que celuy qui s’y voit troublé a droit de s’en plaindre en Justice ; si quis in mari piscari prohibeatur, aciione injuriarum uti potest, l. 3. 59. ne quid in loco publ. l. injuriarum 13. §. ult. de injur. Ainsi cette dixme êtant insolite et inusitée, le Curé est non recevable à la demander ; on disoit au contraire, que suivant le droit commun la dixme du poisson êtoit dûë, et que c’êtoit peut-être la premiere quia êté confirmée par le C. 1. extrav. de decimis : de stagnis et piscariis decima solvitur : et Rebufe en sa quest. 8. n. 10. de decimis, est aussi d’avis que la dixme est dûë des poissons qur se prennent en la mer, quasi ex lucro illi Ecclesiae ubi divina audiuntur. Par Arrest donné au Rapport de Monsieur de Toufreville le Roux, entre les habitans de S. Vaast en Côtentin, dont j’êtois Avocat, et Me Hamelin Curé de ladite Paroisse ; ledit Curé fut maintenu en la possession de percevoir la dixme du poisson pesché en la mer, à sçavoir la douziéme, raye en essence, et s’il s’en pesche moins que douze, le douziéme denier du prix auquel le poisson sera vendu.Pausanias , in Photicu p. 624. a remarqué que tous les ans on envoyoit à Jupiter Olympien, et à Apollon à Delphes, la dixme de la pesche des Thons.

Rebufe au lieu preallegué, n. 17. veut aussi que la dixme puisse être exigée du gibier que l’on prend, alleguant pour fondement que l’on doit la dixme de tout le profit que l’on fait, et parce que le Jurisconsulte en la l. item si fundi §. si insula ff. usuf. a dit aucupiorum usum fructum ficut piscationum et venationum esse fructuarii. Il conclut de là que si l’on en tire du profit, si fructus aucupii excipiantur, que la dixme en est dûë. On n’a pas toûjours crû les Docteurs Canonistes sur cette matiere, et l’on n’a point approuvé cette doctrine que la dixme soit exigible de tout le profit que l’on peut faire ; et quoy que ces Auteurs ayent fait deux especes de dixmes, les prediales et les personnelles, nous ne connoissons que les prediales, et l’on n’a point l’usage des personnelles, qu’ils font consister en la dixme de tout le profit que l’on peut faire. C. ex transmissa de decimis, aux decret. Et quoy que ce Chapitre n’obligeast les Fidéles qu’à payer la dixme de ce qui êtoit acquis justement, neanmoins la Glose veut que la dixme soit payée des choses acquises par des voyes illicites, et sic meretrix, histrio ; simoniacus, et qui de mammona iniquitatis vivunt, tenentur decimam dare. Elle y apporte seulement ce temperament, que le Curé ne la doit pas recevoir directement de la main de la femme débauchée, afin qu’il ne paroisse pas luy accorder l’impunité de son vice.

Le sain-foin a êté aussi declaré sujet à la dixme, par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 4 d’Aoust 1620. entre Maître Guillaume le Vendengeur, Curé de Versanville, et Jean Jean fieur dudit lieu, par lequel le Curé demandoit la dixme du sain-foin qu’on avoir semé sur des terres labourables auparavant, et sur lesquelles il percevoit la dixme ; les parties avoient êté reglées à écrire et à produire, et sur l’appel du Curé, la Cour aprés sa declaration, qu’il ne pretendoit le droit de sain-foin que sur les terres qui êtoient auparavant labourées et sujettes au droit de dixme, luy accorda la dixme sur les terres semées en sain-foin qui êtoient auparavant labourées.

Autre Arrest du 15 de janvier 1637. en l’Audience de la Grand-Chambre, entre le Curé de Urigni et Coisserel, plaidans Morlet et le Marchand.

Pour la dixme des foins et de prairies, comme elle est insolite, elle se regle aussi selon l’usage et la possession. Dans la Paroisse de saint Clair, proche de Gournay, il y avoit quantité de marests qui furent assechez ; le Curé demanda la dixme des fruits qu’on y recueilloit quand ils êtoient enlevez hors de sa Paroisse, disant que c’êtoit I’usage de la payer. Madame la Duchesse de Longueville alleguoit pour sa defense l’Article 118. du Reglement de l’an 1666. suivant lequel les dixmes insolites, comme des foins et des prez, devoient être reglées par la possession sur le fonds dont il êtoit question : or le Curé n’offroit pas de justifier cette possession ; par Arrest du 10 de Decembre 1666. le Curé fut debouté de sa demande. Mais comme en cette Province il y a nombre d’herbages, et que les proprietaires laissent souvent en pâturage les terres qu’ils labouroient auparavant, soit pour les rendre plus fertiles, ou pour la necessité qu’ils en ont pour la nour-riture de leur bétail, cela a fait naître un grand nombre de procez ; et quoy qu’on ait donné plusieurs Arrests sur cette matiere, on peut dire que toutes les difficultez ne sont pas encore decidées, et que la jurisprudence n’en est pas tout à fait certaine.

Pour les herbages qui n’ont point êté labourez depuis quarante ans, ils ne sont point decimables ; et pour ceux qui ont êté labourez depuis ce temps-là, la dixme peut regulierement en être demandée, et neanmoins on y a fait plusieurs exceptions. Par un Arrest donné en la Chambre des Enquêtes l’11 d’Avril 1639. au Rapport de Monsieur Lamy, entre Huet et Me Pierre Barey, Curé de Corbon, cette question fut decidée. Ce Curé de Corbon demandoit la dixme de quelques pieces de terres, qu’il justifioit avoir êté labourées depuis quarante ans. Huet s’en defendoit pour n’avoir jamais payé la dixme de ces terres-là, outre qu’elles servoient pour la nourriture des boeufs et des chevaux qu’il employoit pour son labourage, que le Curé êtoit hors d’interest, êtant recompensé par la dixme des fruits qui croissoient sur ces terres-là, et par la dixme des agneaux et des veaux qui provenoient des brebis et des vaches lesquelles y êtoient nourries, et c’est pourquoy si le Curé obtenoit sa demande il auroit deux dixmes ; l’une de la terre, et l’autre des bestiaux qui la dépoüillent. Le Juge du Pontlevefque avoit condamné Huet à payer la dixme de l’herbe desdites terres, suivant l’estimation qui en seroit faite ; sur l’appel de Huet la Cour mit l’appellation, et ce dont êtoit appelé au neant, et ledit Huet fut declaré exempt de la dixme demandée, à la reserve du bétail qu’il engraisseroit daris lesdits herbages pour revendre, ou qu’il allouërait pour y herbager, et qu’il payeroit aussi la dixme de ses bestiaux domestiques. Lors de cet Arrest furent vûs plusieurs anciens Arrests ; un du 13 de Fevrier 1517. pour les Religieuses du Plessis Grimout, contre Fouques qui avoit mis en herbage soixante vergées de terre qu’il labourait auparavant. Il fut neanmoins exempt de la dixme des herbages servant à la nourriture des bestiaux qu’il employoit à son ménage, vû qu’il payoit la dixme des choses provenantes de ces mêmes bestiaux.

Depuis quelques années plusieurs proprietaires d’heritages profitans plus à les laisser en pâturage, qu’a les labourer, la dixme leur en fut aussi-tost demandée par les Curez, ce qui causa une infinité de procez. Pour y donner quelque reglement, la Cour en la cause de Me Jacques André Curé de Fresville, contre Guillaume Dossier, et plusieurs autres habitans de Fresville, ordonna par Arrest du 28 Février 1647. que le Curé seroit payé de la dixme des terres labourées depuis quarante ans, quoy que reduites en nature d’herbages, si mieux les proprietaires n’aimoient laisser en labourage le tiers de toutes leurs terres, et payer les choses naturellement decimables des bestiaux qui pâtureroient sur leurs heritages.

Ce Reglement ne plût pas aux Curez ni aux gros Decimateurs, ils ont entrepris plusieurs fois d’exiger la dixme des terres reduites en herbages, quoy que le proprietaire labourât le tiers de ses terres. Me le Vaillant Chanoine Prebendé de Gueron, avoit fait condamner par le Juge de Bayeux Jacques du Vivier, Ecuyer sieur de Croüay, à luy payer la dixme des terres qu’il avoit nouvellement reduites en pâturage. sur l’appel je soûtenois pour luy, suivant le Reglement donné pour le Curé de Fresville ; que labourant plus que le tiers de ses terres, il en êtoit exempt.

Ce qui fut jugé aux Enquêtes le 23 de Decembre 1654. après que le sieur Croüay eut justifié qu’il labouroit plus que le tiers de ses terres. Et en l’année 1670. les sieurs Doyen et Chanoine du Chapitre de Bayeux, ayant formé la même question contre Jacques le Prevost Ecuyer, sieur de Gramnont, et obtenu sentence à leur benefice sur l’appel par un Arrest interlocutoire, les parties furent appointées en preuves respectives de l’usage du païs. En execution de cet Arrest, le sieur de Grammont ayant prouvé I’usage par le témoignage des Curez des Paroisses voisines, par Arrest du 18 de Fevrier 1672. on cassa la sentence, et le sieur de Grammont fut déchargé de la dixme dont êtoit question, en labourant neanmoins le tiers de ses terres. Je plaidois pour luy.

Nonobstant ces Arrests on tâche encore de rendre cette jurisprudence douteuse, et on prétend que le Reglement donné pour le Curé de Fresville, ne doit avoir lieu que pour la Basse Normandie, à cause du grand nombre d’herbages qui sont en ce païs-là, et qu’il a êté particulierement fait pour le Bailliage de Côtentin ; et pour cet effet on allegue un Arrest donné le 16 de Juillet 1666. sur ce fait entre Me Nicolas Houssaye Prestre, Curé de Livet, et Christophe Hali Ecuyer, sieur de la Cour de Livet. Ce Curé êtoit appelant d’une sentence qui le deboutoit de sa demande, pour la dixme de certaines terres reduites en nature de pré. Clouet son Avocat conclut qu’il avoit êté mal jugé, parce qu’une partie des terres dont êtoit question, avoit êté labourée depuîs quarante ans, et qu’on en avoit payé la dixme ; et l’autre partie êtoit en masure, logée et plantée d’arbres fruitiers, ce qui luy produisoit la dixme des fruits, et les dixmes domestiques ; que pour en avoir changé la nature, et les avoir appliquées en prairies, il ne devoit pas être privé de son droit qui est réel, qui affecte le fonds, et qui n’en peut être affranchi, suivant cette maxime, que mutata superficie soli, non mutatur jus decimandi : Outre la preuve qu’il offroit faire de sa possession, sur tous les habitans, de la dixme des terres nouvellement reduites en prez, soit qu’elles eussent êté labourées auparavant, ou qu’elles fussent en masure, que cela avoit êté jugé de la sorte, par un Arrest rapporté parBrodeau , pour 1e Curé d’Issoudun, à qui la dixme du foin fut ajugée sur les possesseurs du fonds. De l’Epiney pour le sieur de la Cour repondoit, qu’il y a des terres de trois differentes qualitez ; les premieres sont des anciennes prairies, sur lesquelles on avoit fait des bàtimens pour des blanchissages de toiles ; et sur celles-là, bien qu’on en ôte les bâtimens, et qu’on les remette en leur premiere nature, la dixme ne peut être dûë. La deuxiéme est des masures qui ont êté converties en prairies, dont il disoit que l’on ne pouvoit aussi demander la dixme, mais seulement celle des fruits ; ainsi quand le proprietaire voudroit laisser toute sa masure en herbe, le Curé ne pourroit l’en empescher. La troisiéme est des terres labourables changées en prairies, dont il n’en possedoit aucunes, et par ces raisons il concluoit qu’il n’etoit dû aucune dixme. Par l’Arrest la dixme fut ajugée au Curé des terres labourables mises en prairies, et debouté des deux autres articles, la dixme des prez êtant insolite ; donc il n’avoit aucune possession sur aucun pré de la Paroisse.

Mais depuis on a jugé contre le Curé de s. Estienne l’Aillier, qui est de la Vicomté du Ponteaudemer, qu’il ne pouvoit demander la dixme d’une portion de terre que son Paroissien avoit reduite en herbage et plant pour la commodite de son ménage, quoy qu’auparavant il en eust payé la dixme ; cet Arrest fut donné en l’Audience de la Grand-Chambre le 9 de Juillet 1671. plaidans Lyout et de Cahagnes. On a voulu comprendre la dixme du sain-foin dans le Reglement fait pour les herbages. Me Michel Poulain Curé d’Aubry le Pantou, ayant demandé la dixme du sain-foin à Noël de Launay, il pretendit ne la devoir point, n’ayant fait ce sain-foin que pour la commodité de son ménage, et mettant en labour plus que le tiers de ses autres terres, voulant justifier que c’êtoit l’usage du païs, et conformément à ses conclusions le Juge l’avoit déchargé du payement de la dixme : sur l’appel du Curé, de l’Epiney disoit que le sain-foin êtoit semé et labouré comme les autres grains, et que partant c’êtoit une dixme ordinaire, contre le payement de laquelle on ne pouvoit alleguer aucune prescription ni usage, offrant en tout cas verifier sa possession sur la chose même : Louvet pour de Launay pretendoit qu’il pouvoit laisser des terres en sain-foin comme en herbages, et qu’en labourant le tiers de ses autres terres il ne devoit point de dixme, et que c’êtoit l’usage du païs. Par Arrest du 9 de Juillet 1675. la Sentence fut cassée, et de Launay condamné au payement de la dixme.

Par un ancien Arrest du 4 de Juillet 1520. on jugea au profit des Religieux du Plessis Grimout, que Hunot ayant mis en étang des terres auparavant labourées, et cinq ans aprés ayant fait pescher cet etang il en devoit la dixme. Par leg. pervenit de decimis, aux Decret. La dixme est dûë des pescheries et des étangs, et elle est payable au Curé de la Paroisse, in cujus territorio stagnum consistit. Rebuffe de decim. q. 8 n. 10.

Il arrive souvent de la difficulté pour la maniere de percevoir la dixme des agneaux et des laines.

Pour les agneaux on a demandé en quel temps le Curé etoit tenu de les prendre ; cette question s’offrit entre les Paroissiens de Colombelle et leur Curé : ils soûtenoient que leur Curé devoit se contenter à deux sols pour chaque agneau, suivant l’usage, ou les prendre à la S. Jean. Par Arrest en la Grand-Chambre du 27 de May 1639. il fut dit qu’il les prendroit à la S. Jean. Le temps auquel le Curé doit prendre les agneaux se regle suivant l’usage des lieux, et c’est ordinairement lors que l’agneau peut quitter sa mere. Il y a eu particulierement de la contestation entre les Curez, tant pour les agneaux que pour les laines, lorsque la bergerie étoit sur une Paroisse, et que la maison du maître, et la meilleure partie de ses terres étoit sur un autre : La dixme a êté ajugée au Curé dans la Paroisse duquel la bergerie étoit située. Arrest du 8 de May 1653. contre le Curé de Tour, pour la Demoiselle de Tour. Et le 17 de May 1661. on proposa une Requeste civil, contre un Arrest par expedient, qui portoit que la dixme des laines seroit partagée entre le Curé du Mesnil, dans la Paroisse duquel la maison du maître, et la pluspart des terres étoient situées, et le Curé de Verquelives, dans la Paroisse duquel la bergerie étoit bâtie. Le demandeur en lettres de requeste civil s’aidoit de cette seule raison, que l’Arrest par expedient étoit contraire à tous les Arrests : le defendeur convenoit de la regle generale, alleguant seulement que le maître avoit placé sa bergerie en cet endroit-là par un motif de haine contre son Curé. Les parties furent remises en tel état qu’elles étoient avant l’Arrest. Et faisant droit au principal, la dixme entiere des laines et des agneaux fut ajugée au Curé de Verquelives.

C’est une maxime que la dixme ordinaire est imprescriptible, on peut seulement prescrire la quotité ; pour faire valoir cette prescription, ce n’est pas assez qu’elle soit alleguée par un particulier, il faut prouver l’usage de toute la Paroisse. Ainsi jugé pour les Religieux de saint Lo, con-tre le sieur de Plaine-Sevete, le premier de Juin 1657. plaidans Lyout et Castel. Autre Arrest au Rapport de Monsieur salet le 17 de Juillet 1666. entre Demoiselle Anne de Valembras, veuve de François de la Masure sieur de Castillon, appelante du Bailly d’Evreux, et Me Henry

Liberge Curé de Moyaux, et Monsieur Feydeau Conseiller au Parlement de Paris, intimez. Il fut jugé qu’une personne ayant un fief dans la Paroisse, et qui de temps immemorial n’avoit payé la dixme qu’à l’onziéme gerbe, quoy que tous les autres habitans la payassent à la dixiéme, ne pouvoit se prevaloir de cette prescription, la possession d’un seul particulier n’êtant point considerable. La quotité des dixmes solites se regle donc par la possession sur le plus grand nombre d’heritages ; comme au contraire ; pour les dixmes insolites, il faut justifier sa possession sur la chose. Un particulier soûtenoit qu’il ne devoit la dixme qu’à la trentiéme gerbe, et le Juge avoit prononcé conformément à sa defense faute par le Curé de vouloir attendre la preuve de cette possession. sur l’appel du Curé la sentence fut cassée, et le particulier condamné à payer suivant l’usage de la Paroisse, par Arrest du 29 de Novembre 1667. plaidans de l’Epiney et Louvet.

Entre le Curé de Goupillieres et un habitant de sa Paroisse, par Arrest du Parlement de Provence il a êté jugé que quand la quote de la dixme est incertaine et obscure, elle doit être reglée sur celle des lieux circonvoisins. Bonis. Tome premier, l. 2. Tit. 12. c. 2.

Mais quand un particulier allegue que c’est l’usage de toute la Paroisse, ou que les habitans luy donnent adjonction, si cet usage est contredit par le Curé ; les parties doivent être appointées en preuves respectives de leurs faits. Me Osmont Curé du saussey soûtenoit qu’il êtoit en possession de dixmer à l’onziéme gerbe, et les Paroissiens alleguoient leur possession contraire de ne payer la dixme qu’à la quatorziéme gerbe ; par Arrest du 18 de Juin 1675. les parties furent appointées en preuves respectives de leurs faits, parce que la gerbe des aoûteurs n’y seroit point comprise ; C’est aussi l’ufage que la dixme des aoûteurs ne diminuë point le droit du Curé, et on appelle la dixme des aoûteurs la gerbe qui est payée à ceux qui servent à recueillir les grains, pour leur salaire, et en plusieurs lieux le maître pretend que cette gerbe qui demeure aux aoûteurs doit être prise avant la dixme du Curé, comme êtant obligé de contribuer aux frais de la recolte.

Quoy qu’une dixme eût êté payée en argent durant plus de quarante ans, il fut jugé par Arrest du 13 de Fevrier 1649. que le Curé pouvoit la demander en essence ; cette question s’offrit au Rapport de Monsieur de Vigneral, entre le sieur de Villars tuteur de ses enfans, heritiers en partie de feu Monsieur de la Mailleraye d’une part, et Me Michel Bicherel Curé du Pontlevesque, d’autre. Les mineurs êtoient proprietaires de six pieces de terres en herbages, pour la dixme desquelles on avoit payé tantost six livres, tantost huit, et tantost dix, pour chaque piece ; en l’an 1641. le Curé voulut être entierement payé de sa dixme, et comme il ne le pouvoit être en essence, parce que c’êtoient des herbages, il demanda l’estimation suivant les baux ; sur le renvoy fait par le Juge en la Cour, le sieur de Villars opposoit qu’êtant une dixme insolite, il avoit prescrit la faculté de ne la payer qu’à une certaine somme d’argent. Le Curé se défendoit par cette raison, que les Curez precedens n’avoient pû faire de préjudice à leurs successeurs par cette amodiation, et qu’ils ne s’y êtoient contentez que par l’autorité des Seigneurs de la Mailleraye ; par l’Arrest il fut dit, que la dixme seroit payée sur le prix du vingtiéme denier du prix des baux.

Aprés avoir parlé des choses qui font decimables, j’ajoûteray quelques Arrests touchant les Decimateurs.

Quand les dixmes d’une Paroisse sont recueillies par differens Decimateurs, elles doivent être partagées sur le champ, suivant l’Arrest donné le 22 d’Aoust 1656. contre le Curé de Heugleville, qui soûtenoit que toutes les dixmes devoient être apportées en la grange du Presbytere, pour être en suite partagées.

Quand il s’agit de partager les dixmes entre le Curé et les gros Decimateurs, c’est au Curé à choisir, suivant l’Arrest du 17 de Juillet 1671. entre Me Jacques Ribet Prestre Curé de Coqueneauville, appelant de Sentence renduë par le Bailly de S. Sauveur le Vicomte, entant que par icelle il êtoit ordonné qu’il seroit fait trois lots des grosses dixmes, pour en être les deux tiers choisis par les Abbez et Religieux de Montebourg, prenans dixme en icelle Paroisse, et l’autre tiers demeurer par non-choix audit Ribet et défendeur en Lettres, d’une part : et lesdits Abbez et Religieux intimez, et demandeurs en Lettres en forme d’appel, au neant, pour être restituez contre l’offre faite par leur Avocat, d’accepter le partage des dixmes. Greard pour l’appelant remontroit que suivant la jurisprudence des Arrests, il étoit le premier Decimateur, et que les intimez ne pouvoient avoir que le non-choix, et sur la pretention qu’ils avoient, que l’appelant devoit engranger toutes les dixmes qui leur appartenoient, il soûtenoit n’y être obligé ; que si quelques Curez precedens en avoient usé autrement, soit qu’ils fussent fermiers des intimez, ou qu’ils ne le fussent pas, ils n’avoient pû obliger les successeurs à cette servitude. Maurry pour les intimez répondoit, qu’êtant en possession d’avoir une grange commune, dans laquelle la part du Curé étoit mise de temps immemorial, et en suite les grains battus, et partagez, et le Curé à ce moyen obligé à sa part des reparations, il ne pouvoit changer cet ancien ordre : par l’Arrest la Sentence fut cassée, et le Curé déchargé de mettre ses grains dans la grange des intimez, et ordonné que les dixmes seroient perçûës par cantons, dont le partage seroit fait de trois ans en trois ans par l’Abbé, pour en être choisi un par chacun an par le Curé, et joüir alternativement de tous les trois, pendant les trois ans. Cet Arrest est conforme à un autre donné auparavant, le 3 d’Aoust 1647. entre Me René Manduit Prestre Curé de Routot demandeur, et Jacques Grave fermier des deux tiers des grosses dixmes appartenans à l’Abbé du Bec.

Les habitans de Mery soûtenoient que le Curé avant que de lever sa dixme, devoit à ses frais faire assembler les gerbes ; et prendre en suite la dixiéme suivant l’usage du païs. Le Curé, au contraire, disoit que sa dixme luy êtoit dûë sur le champ, sans aucuns frais. Par Arrest du 29 de Novembre 1664. la Cour ordonna que la dixme seroit prise sur le champ par le Curé.

Il y avoit aussi different pour le troupeau, les habitans ne voulans point permettre qu’il en eut aucun. Il fut dit qu’il en auroit un à proportion des terres qui luy appartenoient dans la Paroisse, et en attendant qu’il auroit quarante moutons, sans en pouvoir avoir d’autres que ceux qui proviendroient des dixmes de sa Paroisse.

Celuy qui n’est point Paroissien peut prendre les dixmes à ferme, à la charge de les engranger dans la Paroisse, et de vendre les pailles aux Paroissiens qui en demandent. Arrest du 3 de Mars 1662.

Par Arrest du 9 de Mars 1624. entre Me Pierre Auvray Curé de Giverville, appelant contre les Chartreux de Gaillon intimez ; la Cour confirma la Sentence qui gardoit les Chartreux en la possession des deux tiers des dixmes de verdage, et des dixmes domestiques, et en reformant ledit Auvray fut maintenu en la perception desdites dixmes, au prejudice des Chartreux.

Autre Arrest du 27 de Juin 1654. entre l’Abbé du Bec et Thomas Lissot, Curé de Cerquigny, par lequel ce Curé fut maintenu en la possession des dixmes novales, closages et verdages.

Sur la question muë entre les Religieux de Fescamp et Me Abraham Rillé, Curé du Vaudreüil, pour sçavoir si à cause que les habitans avoient fait plus de verdages qu’à l’ordinaire, les gros Decimateurs, qui avoient les quatre quints des grosses dixmes, s’en pouvoient plaindre.

Il fut ordonné par un Arrest interlocutoire, que Procez verbal et information seroient faites des terres dont on avoit changé la culture. Regulierement le changement de culture ne doit point faire de procez entre les Curez et les gros Decimateurs : Ce changement neanmoins pourroit aller à un tel excez, qu’il seroit juste d’y pourvoir, comme on le pratiqua en cette rencontre, où l’on n’ordonna pas seulement la preuve, mais aussi l’arpentage des terres. Cette question si celebre et si souvent agitée au Parlement de Paris, si un Curé peut demander la portion congruë sur les dixmes infeodées tenuës par gens Laïques, fut decidée en la Grand-Chambre le 10 d’Aoust 1650. et il fut jugé que les dixmes de cette qualité ne sont point sujettes à la portion congruë des Cures ; quia in omnibus et per omnia eodem modo regulantur in hoc regno, sicut caetera patrimonialia.

Entre le Curé de Turi, et le pourvû à une Chapelle par le sieur de Coüillibeuf. Voyez Loüet etBrodeau , l. D. n. 8.

Les Chevaliers de Malthe, suivant les privileges de leur Ordre, sont exempts de payer dixmes, tant pour le regard des terres de l’ancien domaine de leurs Commanderies, que de celles qu’ils baillent à ferme. VoyezLoüet , l. C. n. 8. et l. D. n. 57. On a même étendu ce privilege aux dixmes domestiques, par Arrest du 5 de Juillet 1630. donné au Rapport de Monsieur Roques, entre le Chevalier de Serigné Commandeur de Villedieu, et Me Jacques de Videgrain Curé de S. Romain : le Commandeur, et même ses fermiers en furent déchargez, aprés avoir vû les Arrests rapportez parMonsieur Loüet , et les privileges de l’Ordre.

Autre Arrest du 13 d’Aoust 1610. un Curé demandoit les dixmes des heritages appartenant au Commandeur de Breteville, Chevalier de Malthe, qui remontroit que sans cela il ne luy resteroit pas cent livres pour sa subsistance, l’Abbé de Troüard prenant les deux tiers, et par Sentence la dixme avoit êté ajugée au Curé sur l’appel du Commandeur : Maignard son Avocat disoit que par les privileges accordez à leur Ordre, ils êtoient exempts de dixmes pour toutes leurs terres, quelques possessions qu’on pûst alleguer au contraire, parce qu’elles ne pouvoient prevaloir contre leurs privileges. Monsieur du Viquet Avocat General, conclut que leur privilege ne pouvoit s’étendre que pour les terres dont ils joüissoient par leurs mains, et non pour les terres qu’ils bailloient à ferme : Par l’Arrest on declara le Chevalier exempt de dixme. Leurs vassaux n’ont pas le même privilege, comme il a êté jugé par Arrest du 16 de Decembre 1673. au Rapport de Monsieur Labbé, entre Me Guillaume Vastine Curé de Plasnes, et Jean Huë et ses joints, et le sieur Commandeur de Coupigny ; les vassaux dudit Commandeur nonobstant leur allegation d’une possession immemoriale de l’exemption de la dixme, y furent condamnez.

Le Haut-Justicier ne connoit point des matieres decimales : Arrest entre le Curé de Mauny appelant, et Bariolet intimé, du 9 de Janvier 1665.

Du Patronnage d’Eglise, et de Loy apparente.

C Omme ces deux matieres sont traitées par deux tîtres particuliers, je les referve en leur lieu.

Je remarqueray seulement un Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre le 27 de Février 1676. sur cette question. Madame la Duchesse de Longueville avoit baillé par échange la terre de Bourré à Louvet, Ecuyer sieur de Monmartin, lequel en contre-échange luy avoit cedé la terre de Monmartin. La terre de Bourré n’êtant qu’une Roture, on y avoit annexé un droit de Patronnage, auquel on donnoit pour glebe neuf livres de rente Seigneuriale, avec permission de pouvoir ériger en fief cette Roture. Robert le Cour, sieur de sainte Marie, fit saisir réellement cette terre de Bourré devant le Vicomte de Gauré ; mais quelque temps aprés le sieur de Monmartin bailla pour decreter par augmentacion le droit de Patronnage avec sa glebe, et la faculté de pouvoir ériger en fief cette terre de Bourré ; et en consequence il demanda que le tout fût decreté par devant le Bailly au Siege de Coûtance. Le Bailly ayant retenu la connoissance de la cause, les Officiers de Gauré obtinrent un Mandement de la Cour pour être reglez sur la competence. Je remontray pour eux que les Jurifdictions êtoient patrimoniales, et qu’il falloit conserver à chaque Juge la competence qui luy est attribuée par la Coûtume ; que celle dont il êtoit question, ne pouvoit être disputée au Vicomte. Il est vray que suivant cet Article, le Bailly connoit de Patronnage d’église ; et l’on convient que s’il êtoit question du droit de Patronnage, la connoissance en appartiendroit au Bailly ; mais le Patronnage n’êtoit point en debat. On pretend seulement decreter sa glebe, et cette glebe êtant une Roture, on ne pouvoit en faire une abstraction pour en donner la competence au Bailly : C’êtoit une maxime incontestable que le Patronnage n’êtoit point un droit feodal ; qu’en soy il n’avoit rien de noble, qu’il pouvoit bien subsister sans une qualité feodale, et qu’il pouvoit être separé du fief et attaché à une Roture, les Patronnages êtans même plus anciens que les fiefs. On pourroit aussi soûtenir qu’il n’a pû être détaché du fief que comme universitate feudi, suivant le sentiment de plusieurs Docteurs, et que par consequent le detachement qu’on avoit pretendu en faire êtoit nul, et pour la rente seigneuriale de neuf livres qu’elle avoit perdu cette qualité, êtant separée du fief, et elle êtoit devenuë une simple rente fonciere, qui devoit être saisie et ajugée devant le Vicomte. Le consentement donné par Madame de Longueville pour l’erection de cette terre en fief n’êtant point considerable, puisque cela étoit demeuré sans execution. Du Hecquet pour le sieur de Monmartin decreté, et du Val pour les Officiers du Bailliage rendoient leur cause favorable par cette raison ; que l’on éviteroit beaucoup de frais en gagnant un degré de Jurisdiction ; que la Coûtume en cet Article attribuë la connoissance de Patronnage au Bailly, et par consequent qu’il devoit connoître de tout ce qui le composoit ou qui en dépendoit, qu’il y avoit quelque chose de spirituel annexé au Patronnage, et puisque le Bailly connoit seul des matieres beneficiales, la competence du Patronnage luy appartenoit aussi ; et qu’encore que le Patronnage pût subsister sans la qualité feodale, il avoit toutefois quelque chose de noble : cc qui est si vray qu’en aucun cas le Vicomte ne connoit point de Patronnage.

La Coûtume a fait un partage entre le Vicomte et le Bailly, et le Vicomte ne peut connoître directement des choses et des personnes nobles. Il n’en est pas de même du Bailly pour les choses roturieres, son partage seroit trop foible s’il en êtoit ainsi : outre la competence sur les personnes et sur les choses nobles, on luy attribuë encore la connoissance de plusieurs matieres qui sont declarées par l’Article 3. de la Coûtume ; ainsi il n’est pas necessaire qu’une chose soit parfaitement noble pour être decretée devant le Bailly, il suffit qu’elle ait quelque commencement de noblesse. Greard pour Madame de Longueville ajoûta qu’elle avoit interest que son Contrat d’échange fût pleinement executé, et qu’il falloit que le sieur de Monmartin obtint dans un temps des Lettres d’érection de fief, ce qui feroit cesser toute la dispute : Par l’Arrest on accorda à Madame de Longueville Acte de sa protestation, et on renvoya la connoissance du decret devant le Bailly, et il fut dit que le sieur de Monmartin obtiendroit dans le mois des Lettres d’érection de fief.

De la Clameur revocatoire.

Es Contrats de vente et d’achapt êtant si communs dans la societé civil, ils sont aussi le L sujet le plus ordinaire des procez, et c’est avec raison que le droit Romain nous a donné tant de loix et de décisions sur une matiere qui est d’un si grand usage. Nôtre Coûtume n’a rien ordonné là-dessus, et quand en cet article elle a fait mention de la clameur revocatoire, ce n’a pas êté pour nous instruire de la nature de cette action, mais pour nous apprendre seulement qu’elle est de la competence du Bailly.

Le mot de clameur est assurément un vieil mot Normand, qui passa la mer avec nos Conquerans ; et qui s’est étendu jusques dans l’Ecosse : on trouve dans les loix d’Ecosse au tître quoniam attachiamenta, cap. 57. art. 7. formam clamei seu petitionis de terra, ce qui est la même chose que nôtre Loy apparente ; et en effet il signifie proprement demande, requête, complainte, Ragueau poursuite.Bouteil . dans sa Som. Rur. Ragneau ind. des droits Royaux. Et il n’est rien de plus frequent dans les loix d’Angleterre ; ceux qui ne sont point de cette Province ne doivent point trouver étrange que je me serve d’un mot qui est si souvent employé dans nôtre Coûtume.

La clameur revocatoire a le même effet parmy nous que la l. 2. de reso. vend. au c. Cette Loy si celebre a fait naître plusieurs grandes questions : 1. à l’égard des personnes : 2. touchant la lesion qui donne ouverture à cette action, et en quoy elle doit consister : 3. si la récision fondée sur la lesion a lieu en toutes sortes de contrats : 4. dans quel temps il faut se pourvoir.

Puisque l’on peut acheter une chose par un prix excessif, comme on peut vendre par un prix tres modique, et que les contrats de vente et d’achapt sont de bonne foy. Il semble que la condition de l’acheteur et du vendeur doit être égale ; aussi tous les anciens interpretes du droit ont êté de ce sentiment : Du Moulin a tenu cette opinion en deux endroits de ses oeuvres, Article 20. de la nouvelle Coûtume de Paris, glos. n. 56. et usur. q. 14. EtMr Cujas , cette grande lumiere du Droit, êtoit tombé d’abord dans cette même erreur, mais depuis en ses Comment. sur le tître de reso. vend. c. il l’a combatuë par des raisonnemens si beaux et si forts, que tout le monde est convenu que la l. 2. observ. c. 18. n’avoit êté faite qu’en faveur du vendeur, et que la raison des correlatifs ne pouvoit y être appliquée : la difference en est apparente, la necessité force le plus souvent le vendeur à se dépouiller de son bien et au prix qu’il en peut tirer : Il n’est pas en état de vendre ou de ne vendre point, et c’est pourquoy l’Empereur en luy accordant un secours use de ces termes, humanum est, comme s’il vouloit dire que dans la rigueur il ne pourroit être restitué contre un Contrat volontaire, et neanmoins qu’il faut en avoir commiserarion, non ratione ulla juris, aut aeaeuitatis, aut bonae fidei, sed miserationis tantùm et subvenire.

Toutes ces raisons cessent en la personne de l’acquereur, qui n’acquiert que de son abondance, et souvent pour son plaisir, ou pour sa commodité :Cujac . ibidem ; plerumque emit pretio immenso et immodico, vel quod illic educatus sit, vel parentes sepulti, vel quod majorum ejus fuerit, qua cupiditate incensus, ultro projicit saepe ingentia & immensa pretia : La plainte que feroit un acheteur n’auroit point de pretexte : invidia penes emptorem, ditsalvian , de provid. Dei l. 5. inopia penes venditorem, quod emptor emat ut suam substantiam augeat, venditorem inopiam juvat : La Loy ne donne point son secours aux étourdis ni à ceux qui se trompent en droit, stultis vix est ut unquam subveniatur, quomodo nec iis qui errant in jure, l. Regula 8. penul. de jur. et fac. ign. Il n’y a que le dol personnel du vendeur qui donne lieu à la récision du Contrat de la part de l’acheteur, mais en ce cas on ne considere point la lesion : Le PresidentFabri , de erro. pragmat. decad. 8. Article 7. a suivi l’opinion deMr Cujas . Le Parlement de Paris l’a jugée plus raisonnable que celle dedu Moulin .

Mr Loüet , lit. L. n. 10. Et le Journal des Audiences 2. p. l. 1. c. 55. et c’est aussi la jurisprudence certaine de cette Province suivant l’Arrest de Ferriere contre le sieur du Montier, Lieutenant General à Vallognes, rapporté parBerault . Ainsi l’on peut dire que c’est une maxime établie par la Loy, par les Docteurs, et par les Arrests, qu’un acquereur n’est point recevable à demander la resolution d’un Contrat de vente sur le fait de la lesion d’outre moitié de juste prix.

La lesion requise pour donner lieu à cette acion, doit être ultradimidiaire, comme une exacte et parfaite estimation des choses seroit fort difficile, et que s’il êtoit necessaire, pour la validité d’un Contrat de vente, que la chose eût êté achetée à son juste prix, pour éviter aux difficultez qui naitroient perpetuellement sur l’examen de cette juste valeur, on a trouvé plus à propos pour la facilité du commerce, de permettre quelque inegalité entre le prix de l’achapt et la valeur de la chose venduë, suivant le sentiment deCovar . variar. resol. l. 2. c. 3. maximè commereiis humanis necesse fuit modicam à summa illa prerii aequalitate defectionem permittere, sine quibus res commodè non possunt in communi & promiscuo usu haberi, comme du Moulin l’a fort bien expliqué, de usur. q. 14.

C’est sur ce fondement que les Jurisconsultes ont établi cette regle, que licet vendentibus et ementibus invicem se decipere. Ceux qui ignorent les principes du droit et les mauvais plaisans se sont moquez de cette regle, qu’il est permis aux contractans de se tromper l’un l’autre. Cet Auteur qui s’est efforcé de prouver les defauts et la vanité de toutes les sciences, n’a pas manqué de reprocher aux Jurisconsultes cette regle, comme êtant contraire à l’équité naturelle.

Agrippa , cap. 91. Cependant il n’y a rien plus équitable ni de vanit. scient plus justement étably, pour éviter aux difficultez qui se formeroient perpetuellement, à cause de l’incertitude de la veritable valeur des choses. Cette deception neanmoins ne doit pas exceder les bornes de la justice commutative, ni renverser l’équité naturelle, et c’est pourquoy on a fixé jusqu’à quel point cette deception peut s’étendre. La l. 2 C. de resc. vend. la permet jusqu’au de-là de la moitié du juste prix.

Du Moulin , de usur. q. 114. l’a blâmée comme trop dure et trop défavorable aux vendeurs. Et neanmoins il a fort bien repris salebrosâ licet et inconditâ oratione, dit MrCujas , obser. l. 16. c. 18. l’erreur de plusieurs interpretes du Droit, qui s’êtoient persuadez qu’il y avoit une lesion d’outre moitié de juste prix, quand ce qui valoit saize livres avoit êté vendu pour dix livres. La lesion ultradimidiaire, est lors que ce qui vaut vingt livres dix fols, a êté vendu pour dix livres. Ce qui s’observe exactement suivant l’Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre, du 28 de Mars 1669. entre Buhot appelant, et Dupuis intimé. Un heritage avoit êté vendu par 62 livres, et 40 sols de vin, outre le treiziéme, dont l’acquereur fut chargé ; le vendeur s’êtant pourvû contre ce Contrat par Lettres de récision, les Experts estimerent l’heritage à 126 livres, et en consequence on prononça à bonne cause la clameur revocatoire sur l’appel de Buhot : Theroude soûtenoit que le treiziéme payé par l’acquereur faisoit partie du prix du Contrat, et qu’êtant ajoûté au prix de la vente il ne s’y renconrroit point de lesion d’outre moitié de juste prix, au contraire 1’intimé soûtenoit qu’en y comprenant les lots et ventes, il n’y manquoit que quatre livres que la lesion ne fust ultradimidiaire, quoy que le vendeur demandast une nouvelle estimation, il fut debouté de ses Lettres de récision, et la Sentence fut cassée, lex dura scripta tamen. Ce qui est confirmé par un Arrest du Parlement de Paris, rapporté parMonsieur le Prestre , cent. 1. c. 12. par lequel, quoy que l’heritage qui n’avoit êté vendu que 410 livres en valust, suivant l’estimation faite par Experts, 804. et qu’ainsi il n’y eust que sept livres à dire que la lesion ne fust ultradimidiaire, neanmoins, parce qu’elle n’y êtoit point entiere, le demandeur fut debouté de ses Lettres. On infere de cet Arrest du Roy que Godefroy sur cet article s’est trompé, quand il a dit que pour juger si la lesion est ultradimidiaire, il suffit de considerer le prix touché par le vendeur, et que les deniers payez par l’acheteur pour les droits seigneuriaux ne doivent point entrer dans cette estimation. L’Arrest de Buhot a jugé le contraire, ce qui est fort juste ; car pour juger si l’acquereur a eu trop bon marché, on doit considerer ce qu’il a êté obligé de débourser pour acquerir la proprieté de la chose venduë ; de sorte que quand il est chargé du treiziéme, il faut luy en tenir compte comme d’un denier qu’il a deboursé. Et il ne faut pas argumenter des Arrests du Parlement de Paris, à cause de nôtre different usage, car en cette Province le treiziéme est dû par le vendeur, et à Paris il doit être payé par l’acheteur.

Cette grace que la loy fait aux vendeurs qui ont êté contraints par la necessité de leurs affaires de vendre à trop bon marché est si favorable, qu’on ne peut les en priver en les y faisant renoncer par le contrat de-vente, quoy que cette renonciation soit confirmée par serment. Quelques Auteurs ont estimé qu’en consequence de cette renonciation confirmée par serment, le vendeur n’êtoit pas recevable à se plaindre.Le President Fabri , de erro. prag. deca. 2. err. 8. est de cette opinion, s’attachant à la rigueur de la loy qui n’a point exprimé ce cas : mais en son Code sur cette loy 2. defin. 1. il avouë que les contrats de bonne foy, non facilè tàm iniquas admittunt conditiones. En effet un vendeur s’engage à consentir à toutes ces conditions, avec la même facilité ou imprudence qu’il a euë à consentir à une vente desavantageuse, et par consequent la même équité et rencontre à le restituer contre cette renonciation, comme contre la vente même.

C’est aussi le sentiment de Covar l. 2. varia. resol. c. 4. voyez Tiraq. in l. si unquam c. de reu. donar.

C’est par cette même raison que les renonciations faites par les femmes au vellejan font inutiles.

Et quoy qu’on suivist autrefois la disposition du droit contre le mineur qui s’êtoit dit majeur en haine de sa fraude, on a depuis changé cette jurisprudence avec beaucoup de raison ; n’êtant rien plus aisé que de faire passer à des mineurs de telles declarations.

La Loy laisse en la liberté de l’acquereur de remettre l’heritage, ou de suppléer le juste prix ; que s’il choisit le premier parti, le vendeur ne le peut contraindre à suppléer le juste prix : cette option est en faveur de l’acquereur, qui peut choisir ce qui luy est le plus commode, ainsi jugé l’onziéme de Mars 1660. plaidans Lyout et Caruë.

Il y a neanmoins des contrats de vente où la deception n’est point considerée pour donner lieu à la recision, comme en la vente de droits universels et hereditaires, à cause de l’incer-titude de la valeur des choses venduës, et que l’acquereur d’une succession ne peut être à couvert des dettes qu’aprés trente et quarante ans. On ne peut pas se plaindre d’être trompé, quand le seul hazard fait le profit ou la perte ; non tam res emitur quàm alea : voyez la l. 11. si ea lege c. de usur. l. nec emptio de contrah. empt. Voyez Loüet et nos autres Auteurs qui ont traité cette matiere. Par Arrest du 12 de Juin 1663. on confirma une Sentence qui deboutoit le vendeur d’une clameur revo-catoire, contre deux contrats de vente de droits universels, entre Pierre Nicolas, et Me Jacques Henry, plaidans Theroude et de l’Epiney. Neanmoins quand dans les circonstances du fait, on trouve quelque moyen pour taire prévaloir l’équité contre la rigueur du droit, les Juges prennent volontiers ce parti. Elle n’a point de lieu pour la vente des choses douteuses. Arrest du 26 de Janvier 1660. entre Françoise de la Ruë, et Charles de la Ruë.

Le Bail fait par le proprietaire ne tombe point aussi dans le cas de la clameur revocatoire, bien que ce contrat comme celuy de vente soit de bonne foy, et que l’un et l’autre, comme dit la l. 2. D. locat. iisdem fere regulis consistat ; il y a neanmoins beaucoup de difference pour n’étendre pas aux baux à ferme le benefice de la clameur revocatoire, et il ne seroit pas possible d’appliquer au fermier cette option que la Loy donne à l’acheteur, ou de remettre la chose, ou de suppléer le juste prix : comment un fermier pourroit-il suppléer le juste prix, puisque ce juste prix ne peut être certain à cause du douteux évenement de la valeur des fruits ? l. si ea lege c. de usur. et puisque suivant la disposition du droit, le fermier dont le bail est pour plusieurs années, ne peut pas demander de diminution pour les premieres années, encore qu’il n’ait recueilli que peu de fruits ; il doit attendre la fin de son bail, pour sçavoir si la sterilité des premieres années sera recompensée par la fertilité des dernieres. l. ex conducto §. Papinianus alias l. si uno anno D. locat.

Le proprietaire par la même raison ne pourroit se plaindre de lesion qu’aprés la fin de son bail : mais comment pourroit-on en faire l’estimation, cette valeur êtant incertaine et dépendant de tant d’accidens ? C’est le raisonnement duPresident Fabri , de err. pragmat. dec. 8. err. 8. Loüet l.

L. n. 11. plerumque vacuis avenis seges fallax avaaei vota lusit agricolae, et aepem rusticae plebus quaesita sulvis fruges herba destituit.

Pour les contrats d’échange, deux grands Auteurs,Monsieur Cujas , obser. l. 16. c. 18. de feud. 8. 33. gl. t. 2. 41. etMaître Charles du Moulin , ont tenu que la clameur revocatoire y pouvoit être reçûë, quia uterque emptor, uterque venditor, & ideo permutatio venditioni equiparatur. Mais du Moulin ne juge pas raisonnable que l’acquereur ait la faculté de suppléer le juste prix ; il en rapporte cette raison, que dans les contrats de vente, l’intention des contractans a êté de vendre et d’acheter ; ainsi le supplément de prix a du rapport à la nature du contrat, et au desir des contractans : au contraire dans les contrats d’échange ils n’ont eu d’autre dessein que d’avoir un heritage pour un autre, et non point d’acheter et de vendre ; ils ont voulu seulement subroger une chose en la place d’une autre. sic uterque vult haebere pensationem rei suae in re similis qualitatis.

Ce raisonnement combat, à mon avis, fortement l’opinion de ceux qui étendent aux contrats d’échange la clameur revocatoire. si les permutans se proposent uniquement de rencontrer leurs commoditez, et de se satisfaire reciproquement par la possession des choses échangées, sans s’attacher à leur valeur, on ne doit point considerer la deception, puis que le plaisir et la satisfaction qu’ils rencontrent aux choses prises par échange, et les avantages qu’ils en esperent, les recompensent de ce qui peut manquer au veritable prix de la chose.

L’échange, suivant le sentiment d’Aristote , Polit. l. 1. c. 9. n’est point une negociation pour avoir de l’argent, mais pour avoir ce qui nous est necessaire ou commode ; c’est un commerce par le moyen duquel nous pouvons avoir les choses qui nous manquent, en baillant celles qui nous sont moins propres ; ainsi l’affection et la commodité tenant lieu de prix dans l’échange, la lesion ne doit jamais y être considerée.

Il n’en seroit pas de même pour les rentes hypotheques dans les Coûtumes qui en autorisent l’échange contre un fonds, sans payer lots et ventes ; l’affection ne peut point tenir lieu de prix dans un échange de cette qualité, celuy qui reçoit les rentes ne pouvant y trouver d’autre commodité que le prix d’icelles. C’est la jurisprudence du Parlement de Paris, Jour. des Aud. 1. p. l. 4. c. 32. de l’impression de l’an 1652. C’est un usage aussi fort ancien en cette Province, dont on trouve un Arrest du 17 de Decembre 1573. par lequel on jugea que la clameur revocatoire n’êtoit point recevable pour les contrats d’échange. Autre Arrest en la Chambre de l’Edit du 7 de Decembre 1620. entre Pierre le Févre, appelant du Bailly de Longueville, et Pierre d’Alençon sieur de Mireville. Autre Arrest au Rapport de Monsieur de Bonissent, du 18. de Novembre 1625.

Autre du 4 de May 1631. par lequel un demandeur en clameur revocatoire contre un contrat d’échange d’une succession contre un heritage, fut debouté de son action. Autre Arrest contre Philippes de Tourlaville sieur du Rosel, pour de Hennot sieur de la Londe, et le Bas sieur des Castelets, pour lesquels je plaidois avec Me Louis Greard. Autre Arrest du 12. de Février 1658. entre Feron, et les heritiers du sieur Beuzelin. On a jugé que cette action en clameur revocatoire n’appartenoit pas seulement au vendeur, mais aussi à sa caution, par Arrest en la Chambre de l’Edit du 12. de Mars 1649. entre Duton et du Bousquet ; lacaution fut reçûë à prendre clameur revocatoire d’une chose venduë par le principal obligé ; le supplément que le vendeur peut tirer faisant une partie de son bien, ses creanciers peuvent exercer toutes les actions qui luy appartiennent.

Le preneur à fieffe n’est point reçû à se plaindre par cette voye. Arrest en l’Audience de la Grand Chambre du 26. d’Avril 1667. entre Jacques Roger et Michel Quillette. Roger avoit pris à fieffe de Quillette un heritage par dix livres de rente fonciere et irrachetable : Quillette pretendant que son heritage valoit plus de trente livres de rente, se pourvût par Lettres de clameur revocatoire, l’affaire portée en la Cour, sur l’appel d’une Sentence du Juge de Domfront, qui prononçoit que l’herirage seroit estimé. Barbier Avocat de l’appelant, remontroit que le contrat de vente êtoit le veritable sujet de la clameur revocatoire, il y avoit un prix suivant lequel on pouvoit regler la valeur de la chose venduë, et connoître s’il y avoit de la deception. Dans un con-trat de fieffe ou bail d’heritage il n’y avoit point de prix, le bailleur à rente demeuroit en quelque sorte le proprietaire de l’heritage, en vertu de l’action directe et fonciere qu’il pouvoit exercer ; il pouvoit même expulser le preneur s’il ne payoit point, et aprés tout, le veritable fondement de la clameur revocatoire cessoit en la personne du bailleur à rente : on avoit commiseration du vendeur, parce que l’on presumoit qu’il n’avoit vendu que par la necessité de ses affaires, urgente aere alieno. Le bailleur à rente ne contractoit que pour avoir plus de profit, ou pour une plus grande commodité, se déchargeant par cette voye de tous les cas fortuits et de la perte des fruits qui tomboit toute entiere sur le preneur, qui ne s’en pouvoit décharger qu’en déguerpissant le fonds et payant les arrerages. Il est vray que Monsieur Loüet rapporte un Arrest, par lequel un bail à rente pour une lesion énorme fut resolu, mais il y avoit du particulier, comme cet Auteur le témoigne, Lettre l. n. 11. Et Brodeau en cet endroit dit, que regulierement la Loy deuxiéme n’a point de lieu, in locatione aut venditione fructuum, tant de la part du bailleur que du preneur.

Voyez ce même Auteur en ses Commentaires sur les art. 78. et 109. de la Coûtume de Paris. On cita un Arrest du 23. de Janvier 1660. qui avoit jugé la même chose entre Abraham et le Gué ; on répondoit que la raison êtoit égale pour les contrats de fieffe, comme pour les contrats de vente, et que cette équité, qui ne permet pas que l’on s’enrichisse au dommage d’autruy, ne peut souffrir qu’un bailleur, pour s’être surpris, ne joüisse pas de la même grace que la Loy fait au vendeur.

Si la commiseration qu’on a euë pour les vendeurs qui êtoient decûs extraordinairement a êté assez forte pour leur accorder le remede de la Loy deuxiéme, cette même grace ne devoit pas être refusée à ceux qui sont dépossedez de leurs biens par une vente forcée ; on ne reçoit point neanmoins en ce cas la clameur revocatoire, propter authoritatem judiciorum ; ce qui sera expliqué sur l’Art. 583.

Pour prouver la deception, la preuve de la valeur de l’heritage se doit faire par experts et gens à ce connoissans, qui seront convenus entre les parties, et à leur defaut par le Juge, suivant l’Art. 162. de l’Ordonnance de Blois, et l’estimation de la chose doit aussi être faite par experts, suivant sa valeur au temps du contrat.

Cette action ne dure pas toûjours, elle êtoit limitée par le droit Romain à quatre ans, et par nos Ordonnances à dix ans ; cela ne reçoit point de difficulté, quand il n’y a point de faculté de rachapt stipulée par le contrat, mais quand le vendeur a retenu une condition de pouvoir retirer l’he-ritage vendu dans un certain temps, on ne s’accorde pas sur ce point, si le temps court du jour du contrat ou du jour seulement que la faculté est expirée. Le Parlement de Paris a jugé que les dix ans ne courent que du jour que la faculté est expirée ; Loüet l. R. n. 46. L’opinion contraire a prévalu dans le Parlement de Tholoze ; et Monsieur Mainard dit, l. 1. c. 68. que c’est aussi la jurisprudence du Parlement de Bordeaux, bien que la Coûtume de Bordeaux, Tit. de retrait. §. 12. porte que le lignager peut retirer l’heritage vendu sous faculté de remere dans l’an et jour de la condition expirée. Feron sur cet article approuve l’avis de Faber et deGuy Papé , que le temps du re-trait doit courir du jour du contrât, non ineptè quidem, dit cet Auteur, cùm odiofus sit retractus.

La Cour a decidé cette question conformément à l’Arrest du Parlement de Tholoze. Hoüel avoit vendu un heritage à Marou moyennant 250 liv. avec faculté de remere pendant cinq années ; cette condition fut prolongée par Marou pour cinq autres années, mais Hoüel n’usa point de cette faculté. Aprés les dix années s’êtant pourvû par lettres de clameur revocatoire, on le soûtint non recevable. Il opposoit à cette fin de non recevoir, que la prescription n’avoit commencé que du jour que la condition êtoit expirée, comme elle faisoit une partie du contrat, et qu’elle diminuoit la valeur de l’heritage vendu, la lesion ne pouvoit pas être connuë qu’aprés la faculté ex-pirée, lors que le vendeur n’êtoit plus en pouvoir de le retirer ; l’Ordonnance qui limite à dix années le temps pour se pourvoir ; ne s’entendant que des contrats parfaits, qui ne peuvent plus être resolus ; et qui sont pleinement consommez, ce qu’elle signifie par ces paroles, s’il n’y avoit empeschement de droit ou de fait : En effet tant que la faculté dure le vendeur n’a pas besoin de ces remedes extraordinaires ; autrement la condition qu’il avoit retenuë luy deviendroit inutile en quelque façon, puisque pour se pourvoir il ne pourroit attendre sans peril qu’elle fust expirée, le contract êtoit si peu parfait que les dettes contractées par l’acquereur durant le temps de la condition seroient resoluës par le retrait de l’heritage. Marou répondoit que la condition n’êtoit considerable, que si les dix ans ne couroient que du jour qu’elle seroit expirée : on pourroit se pourvoir jus-qu’aprés cinquante ans, pour les contrats où il y auroit faculté de retirer toutefois et quantes : par Arrest du 8 de Mars 1664. donné au Rapport de Monsieur Fermanel, le demandeur en lettres de récision en fut debouté, en confirmant la Sentence qui l’avoit jugé de la sorte. Il y avoit eu un Arrest pareil en la Grand-Chambre, donné au Rapport de Monsieur de Malherbe, le 10 de Février 1659. entre de la Rouverie appelant, et le Biençois intimé.

Il est sans doute qu’un contrat de vente à faculté de rachapt n’est point conditionnel ; non ideo minus quid nostrum esse vindicabimus, quod abire à nobis dominium speratur, si condition legati vel libertatis extiterit. l. non ideo minus, ff. de rei vindicatione. Cette raison neanmoins ne semble pas décisive pour exclure la clameur revocatoire aprés les dix années, quand il y a faculté de rachapt stipulée par le contrat ; car la condition faisant une partie de la chose, le prix de la vente est reputé plus grand ou moindre à proportion de sa durée, pendant laquelle la lesion ne se peut connoître, et le vendeur ne s’inquiete point, parce qu’il a une voye ouverte et preparée pour reparer sa perte ; or durant ces induces qu’il a ménagées, la grace que la loy luy a donnée ne doit point être racourcie, au contraire il est juste de luy conserver ce temps entier, du jour que la condition a fini ; parce qu’avant et durant ce temps-là il n’avoit point besoin du secours de la loy, sa précaution donc ne luy doit point être inutile : nôtre jurisprudence est neanmoins contraire, et elle est appuyée sur l’Article 193. de la Coûtume, par lequel les acheteurs sont tenus de faire la foy et hommage, de bailler adveux, et payer tous droits seigneuriaux, encore que par le contrat il y ait condition de rachapt. Ainsi la Coûtume considere l’acheteur à faculté de rachapt comme un parfait proprietaire, cette faculté de rachapt ne le dispensant point de faire tous les devoirs où les proprietaires incommutables sont obligez.

La question proposée parBerault , s’il suffit pas que les lettres soient obtenuës et signifiées dans les dix ans ; quoy que l’assignation n’échée qu’aprés ce temps expiré, ne reçoit point de difficulté pour l’affirmative, la restitution des fruits ne peut être aussi demandée que du jour de l’action.

Nôtre Coûtume par ces mots de privileges Royaux, entend ce que les autres Coûtumes appellent cas Royaux. Cas Royaux sont ceux ausquels le Roy a interest comme Roy, pour la conserva-tion de ses droits, ou comme répondit Loüis Hutin aux Gentilshommes de Champagne, ce qui de droit et d’ancienne Coûtume appartient à un souverain Prince.

L’ancienne Coûtume, Tit. de Cour et de Jurisdiction, dit que le Duc de Normandie doit avoir la Cour de tous les torts qui sont faits contre sa personne, ou qui appartiennent à sa dignité ; comme de la monnoye, foüage, et de telles choses, ou qui luy sont faits en choses mouvables ou non mouvables, ou contre ceux qui tiennent de luy, ou qui sont faits à ses Baillifs, ou Sergents, ou à ses Atournez. Les Anglois ont retenu de nous cette Coûtume, et tous ces cas Royaux sont pleinement expliquez par Stanfort c. 1. Il appelle les cas Royaux, plaids de la Couronne, et il les fait de même nature que les nôtres.

Me Charles Loyseau , c. 14. des Seig. a fort bien fait la difference, entre les droits Royaux, et les cas Royaux. Les droits Royaux sont ceux qui concernent la souveraineté en toute son étenduë ; les cas Royaux sont ceux où il a interest comme Roy, pour la conservation de ses droits, et parce qu’il ne seroit pas de la bien-seance qu’il demandast justice à ses sujets ; pour cette raison toutes les causes de cette nature doivent être traitées dans les Justices Royales ; mais comme tous les Juges ont naturellement une forte inclination à augmenter leur competence, les Officiers Royaux ont donné une grande étenduë à ces cas Royaux : ce même Auteur en fait une longue énumeration dans ce même Chapitre, et Tronçon sur l’Article 96. de la Coûtume de Paris, Chopin 1. 2. t. 16. du dom. Baquet des droits de Justice c. 7. Bouteiller en sa Somme Rurale t. des droits Royaux. Joannes Galli en sa question 141. estimoit que le crime de sortilege êtoit un cas Royal ; cela n’est pas veritable, car 1e Haut-Justicier en connoît.

Par l’Ordonnance de Henry IV. le crime du duel est declaré un cas Royal, et en consequence la competence en est pretenduë par le Juge Royal : sur l’entreprise du Bailly de Longueville qui vouloit en connoître, et l’opposition des Juges d’Arques, l’affaire ayant êté portée en l’Audience de la Tournelle ; par Arrest du 17 de Juillet 1646. la connoissance en fut renvoyée aux Juges d’Arques ; plaidans Coquerel pour Monsieur le Duc de Longueville, et moy pour les Juges d’Arques.

Le Bailly en vertu de cet Article qui le declare Juge des cas Royaux, connoît aussi des lettres Royaux ; et par Arrest du 25 de Juin 1660. un procez pour des lettres de récision fut renvoyé devant le Bailly, quoy qu’entre roturiers et pour chose roturiere.

La competence des lettres de maintenuë et saisine est attribuée au Bailly par la Coûtume de Berri, t. des Just. §. 4.

Ce bref de nouvelle dessaisine que la Coûtume de Paris appelle complainte, en cas de saisine et de nouvelleté, est subrogé à tous les interdits et actions extraordinaires du droit Romain, pour se maintenir en son bien et pour en recouvrer la possession, retinendae, recuperandae, adipiscendae possessionis interdict. toto titul. de interd. instit. et ibiJoan. Faber .

Le bref de nouvelle dessaisine est une plainte que rend en Justice celuy qui a êté troublé en sa possession, et parce qu’il a êté dessaisi ; il demande à être rétabli en la saisine et possession de ses droits, Brodeau en sa Preface sur le tître 4. de la Coûtume de Paris ; pour fonder la complainte ou le bref de nouvelle dessaisine, il faut être en possession, cet interdit uti possidetis n’ap-partient qu’au possesseur, ce qui s’entend d’une possession réelle, actuelle, civil, ou naturelle, de fait ou de droit : Monsieur Loüet l. c. n. 10. Il n’est point necessaire que le possesseur communique de tîtres ; c’est l’avantage de la possession ; non tenetur de suo docere l. ult. c. de rei vend. l. cogi de petit. hered. c. Il suffit de justifier sa possession en la derniere année, qualiscumque enim possessor, hoc ipso quod possessor est, plus juris habet quam ille qui non possidet l. juxt. ff. uti possidetis. La proprieté n’a rien de commun avec la possession : proprietas & possessio permisceri non debent. Dans les matieres profanes le petitoire ne doit être formé regulierement qu’aprés le possessoire vuidé, Ordon. de Charles VII. Article 72. en certains cas neanmoins ils se peuvent accumuler, Glos. in in l. 18. D. de vi et vi armatâ, et Monsieur Cujas sur le §. eum, qui l. cum fundum, du même Tit. Il en est autrement en matiere beneficiale, où le possessoire et la pleine maintenuë se jugent en même temps. Nos causes possessoires mixtam habent causam proprietatis annexam, et quand le proprietaire produit des titres incontestables, alors on juge ensemble l’un et l’autre.

Dans les Institutes coûtumieres de Me Antoine Loifel, l. 5. t. 4. Article 13. il est dit qu’au Roy ou à ses Baillifs et Seneschaux, appartient par prévention la connoissance des complaintes de nouvelleté en chose profane ; et privativement à tous autres Juges en matiere beneficiale, par re-connoissance même des Papes de Rome.

Maître Paul Chaline en ses observations sur cet Article, ajoûte que les Juges des Seigneurs Hauts-Justiciers ont la connoissance des instances possessoires et petitoires des benefices qui sont à la collation de leurs Seigneurs Hauts-Justiciers, comme du Moulin l’a remarqué, ad regul. de infirm. resign. n. 419. Mais en Normandie les Juges des Hauts-Justiciers ne connoissent jamais des matieres beneficiales, quoy que les benefices dont il s’agit soient à la collation des Seigneurs Hauts-Justiciers.

En matiere de complainte autrefois le Roy seul en connoissoit, parce que c’est proprement à luy à proteger le foible, le pauvre, la veuve, et l’orphelin. Depuis, dit Theveneau sur les Ordonnances de l’instruction des Procez civils, t. 10. Article 14. le Parlement seul en pouvoit connoître ; mais il permit que les Baillifs et Seneschaux en prissent connoissance ; et enfin les Baillifs ont laissé usurper ce droit aux Juges subalternes, lesquels y ont êté maintenus par les Arrests du Parlement de Paris.

En Normandie le bref de nouvelle dessaisine appartient au Bailly au préjudice du Vicomte, mais les Hauts-Justiciers ne sont pas exclus d’en connoître aux matieres qui sont de leur competence.

C’est nôtre usage conforme à celuy de France, que dessaisine, et saisine faite par les contrats passez devant Notaires, vaut et équipolle à tradition, et nous avons rejetté toutes ces vaines formalitez du droit Romain, et ces traditions civil et fictives, car nos contrats sont translatifs de proprieté.

C’est une précaution necessaire dans les procez, en cas de nouvelleté, de ne dire pas que l’on

a êté depouillé, on doit simplement se plaindre que l’on a êté troublé ou dejetté de sa possession, par force, car le demandeur doit soûtenir sa possession et conclure à ce qu’il y soit maintenu, l. ait. 83. ff. uti possidetis.

Il n’y a point de nouvelleté ni de complainte contre le Roy, pour les cas ausquels on ne peut presumer contre luy comme pour les droits de souveraineté, parce qu’où il n’y a point de prescription il n’y a point aussi de possession ; et Chaline en ses observations sur les Institutes coûtumieres deLoysel , 1. 5. t. 4. art. 20. dit qu’il a même êté jugé qu’elle n’a point de lieu contre les appanagers.

Lors que les preuves des possessions sont incertaines, ou qu’il y a sujet de craindre que les parties n’en viennent aux mains, les choses contentieuses doivent être sequestrées. Theveneau sur les Ordonnances touchant l’instruction du Procez civil, t. 11. art. 1. dit que regulierement le sequestre n’a point de lieu par le droit civil et canonique, mais que l’Ordonnance l’admettant il le faut étendre aux cas portez par la Glose sur la l. 1. c. de prohib. seq.

On se servoit autrefois de ce mot de Bref en toutes actions ; et l’ufage s’en est conservé en Angleterre. Toutes les lettres de Prince adressées aux Juges s’appellent Bref, breve. Glanville en rapporte plusieurs formules, et Bracton 1. 3. c. 12. t. de action. Dicitur breve, quia rem de qua agitur & intentionem petentis breviter enarrat, sicuae facit aeegula juris quae rem quae est breviter enarrat, et ideo videtur quod sive brevi, sive libello, non debet quis experiri in judicio, ne mutari possit petentis intentio vel modus.