Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


V.

Jurisdiction du Vicomte.

Au Vicomte ou son Lieutenant appartient la connoissance des clameurs de Haro civilement intentées. De clameur de gage-plege pour chose roturiere. De vente et dégagement de biens. D’interdits entre roturiers. D’Arrests. D’executions. De matiere de namps, et des oppositions qui se mettent pour iceux namps. De dations, de tutelles et curatelles de mineurs. De faire faire les inventaires de leurs biens. D’oüir les comptes de leurs tuteurs et administrateurs. De vendues de biens desdits mineurs. De partage de succession et des autres actions personnelles, reelles et mixtes en possessoire et proprieté : Ensemble de toutes matieres de simple desrene entre roturiers, et des choses roturieres, encores qu’esdites matieres échée vûe et enquête.

Nos Vicomtes de Normandie ne peuvent avoir l’origine queLoyseau , c. 7. des Seig. leur attribuë : cet Auteur a remarqué fort à propos que les grands Magistrats, tant à Rome qu’en France, se déchargoient des petites affaires sur leurs Lieutenants, qu’ils appelloient en France tantost Vicomtes, quasi Comitum vicem gerentes ; taaetost Prevosts, quasi praepositi Juridicundo ; tantost Viguiers, quasi vicarii ; et tantost Châtelains, quasi castrorum custodes ; et qu’il y a grande apparence que ces Vicomtes êtoient mis dans les Villes au lieu des Comtes, comme en toutes les villes de Normandie il y eut des Vicomtes établis par les Ducs, d’où vient que même encore à present en Normandie les Juges primitifs des Villes sont appelez Vicomtes. Or il est à présumer qu’au même temps que Hugues Capet se fit Roy de France, et que les Ducs et les Comtes usurperent la proprieté de leurs charges, à leur exemple, aucuns de leurs Lieutenants en firent de même, notamment la pluspart des Vicomtes et des Châtelains des villages, et que neanmoins il y eût des Vicomtes qui ne pûrent se faire Seigneurs, et entr’autres ceux de Normandie ; c’est la remarque de cet Auteur.

Les Officiers, ni mêmes les Seigneurs de Normandie, ne peuvent avoir imité cet exemple des Ducs, des Comtes et Vicomtes de France, qui vivoient au temps de Huges Capet, puisqu’ils n’êtoient pas alors sous la domination des Rois de France ; au contraire ils avoient des Ducs qui scavoient bien maintenir tous les droits de leur souveraineté, la remarque de Dadin de Haute Serre est bien plus probable, il dit l. 3. c. 18. de Duc. et Comit. Provin. que comitum exemplo viceComites in Galliae praefecturas in rem privatam convertêre, at in Angliâ vice-Comites Magistratuum et Juridicorum lineam non excesseruat, unde justitias et justiciarios nuncuparunt. Il pouvoit dire la même chose aussi veritablement des Vicomtes de Normandie, puis qu’apparemment les Normans établirent les Vicomtes en Angleterre.

Il faut donc chercher ailleurs l’origine et l’établissement de nos Vicomtes ; il est certain qu’on ne doit pas entendre ces mots de Ducs et de Comtes dans le sens qu’ils ont maintenant, les uns et les autres n’êtoient que des Magistrats, et selon le sentiment dePithou , des Comtes de Champagne ; il n’y avoit pas grande difference entre ces Etats, quant au pouvoir ordinaire le Gou-vernement des Ducs êtoit neanmoins d’une étenduë beaucoup plus grande, aussi on êtoit élevé de la dignité de Comte à celle de Duc, comme êtant la plus éminente ;Dadin de alta Serra , l 1. c. 4. de Duc.

Les François avoient emprunté et le nom et la chose des Romains ; et quoy qu’en ces siecles-là ils donnassent le nom de Comte à plusieurs Magistrats, il fut donné particulierement aux Juges, et aux Gouverneurs des Villes, et c’est pourquoy Suidas a fort bien défini l’Office des Comtes : MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, Comes, populi Magistratus. Le pouvoir et l’Office des Comtes sont pleinement expliquez dans les Capitul. 1. 2. c. 6. et 1. 4. 5. VoyezDadin de Haute Serre , de ducibus Comit.de Roye , de missis dominicis, l. 1. c. 45.

Comme les Rois avoient leurs Envoyez ou missos dominicos, les Comtes se donnerent aussi la liberté d’en établir, qui êtoient appelez missi Comitum, de Roye c. 4. ils furent depuis appelez vicarios centenarios et vice-Comites ; et Odericus Vitalis lib. 5. hist. Eccl. vicariam vice-Comitiam interpretatur, suivant la remarque deHaute Serre , de vice-Com. l. 3. c. 1. de Duc. qui prouve aussi que ce mot de Vicomte est fort ancien, et qu’il êtoit en usage du temps même de Charlemagne.

La competence des Comtes êtoit distincte de celle de leurs Lieutenans ou Vicomtes : Inter Comites et eorum missos distincta erat Jurisdictio ; Comites de gravioribus negotiis cognoscebant, & eorum missi de humilioribus. C’est de là apparemment que procede nôtre usage, que les Vicomtes ne connoissent point des matieres criminelles.

C’êtoient-là les Juges ordinaires établis dans la Neustrie, comme dans les autres Provinces de France, lors qu’elle fut conquise par les Normans les Commissaires députez par le Roy avoient la souveraine Justice, quamlibet justitiam, les Comtes êtoient aprés eux, et mediam justitiam habuisse videntur inter missum dominicum & suos missos, ac eandem missus Comitis infimam, et de-là dit de Roye c. 6. de offic. miss. dominic. et potestate, on pourroit présumer que cette division des Justices en haute, moyenne, et basse, a pris son origine.

Cet ordre fut changé par les Ducs et par les Seigneurs, comme je l’ay déja remarqué. Les Comtes ne firent plus la fonction de Juges, et les Seigneurs n’avoient garde de les recevoir et de les reconnoître pour gouverneurs dans les terres, et dans les villes qui leur furent baillées. Ce ne furent plus que des tîtres et de simples dignitez : mais le Duc, à qui seul il appartenoit de fairre rendre la justice et d’établir des Juges, commit des personnes ausquelles il bailla sa Justice, qui furent appelez Baillifs, et l’étenduë de leur District Baillie : Et comme ces Baillifs succedoient aux Comtes qui avoient leurs Vicomtes ou leurs Lieutenans, on conserva ces moindres Officiers, qui furent soûmis aux Baillifs, comme auparavant ils l’êtoient aux Comtes. Dans le tître de justiciement les Vicomtes de l’ancienne Coûtume sont subalternes aux Baillifs, c’est pourquoy ce que Loyseau a dit que les Vicomtes en Normandie sont les Juges primitifs des Villes, n’est pas veritable, les Baillifs y ont la principale autorité ; et même en quelques villes de cette Province certains Officiers qui s’appelloient Maires, et qui apparemment avoient êté instituez dés le temps de la premiere Race, furent conservez par les Ducs, et se sont maintenus en la possession de quelque espece de Jurisdiction, comme à Verneüil, à Falaise, et Bayeux. Il est vray qu’en ces deux dernieres Villes l’Office de Maire est reüni à celuy de Vicomte, et autrefois ils êtoient les Juges des Bourgeois, et c’est par cette raison que dans les lieux où ils subsistent encore, ils president dans 1’Hôtel de Ville, ce qui donne lieu à cette opinion que la Jurisdiction des Vicomtes êtoit limitée dans les Villes, et qu’ils êtoient ainsi appelez tanquam vicorum Comites, comme Juges des Bourgeois, et non point parce qu’ils êtoient Lieutenans des Comtes.

Quoy qu’apparemment les Vicomtes ayent êté établis en Angleterre par les Normans, leur autorité y est beaucoup plus grande qu’en cette Province ; ils sont les Juges ordinaires, les lettres de Justice obtenuës du Prince leur sont adressées, comme on l’apprend par les formules queGlanville , Justicier d’Angleterre sous Henry Il. en a recueillies, où nous reconnoissons encore nos vieilles Coûtumes. Ce qui me fait dire qu’on chercheroit avec plus de raison l’origine de nos anciens Usages, et l’explication de nos Coûtumes dans les anciennes Loix d’Angleterre, que dans le Droit Romain, ou dans les Coûtumes de France. Le commerce et le mélange qui s’est fait de nos Loix avec les leurs, nous y faisant trouver beaucoup plus de convenance, tous ces peuples du Nord ont eu d’ailleurs quelque conformité de genie pour leurs loix, et le gouvernement de leurs Etats.

En quelques lieux de cette Province il y a des Prevosts avec les Vicomtes, comme dans le Bailliage de Gisors. François I. en l’an 1544. créa dans les quatre Sieges de Vicomte du Bailliage de Gisors quatre Offices de Prevost, et il leur attribua la connoissance des actions personnelles, mobiliaires, et reelles, dans les villes et fauxbourgs de ce Bailliage, et on prit pour pretexte de cette creation de Prevosts, qu’autrefois il y avoit une Jurisdiction de Prevost, mais confuse et mal reglée.

La Coûtume donnant au Vicomte la clameur de gage-plege, pour choses roturieres, il sembloit que sous ces termes on ne devoit pas comprendre le retrait feodal, quoy qu’il ne fust question que d’une roture ; on a jugé neanmoins, suivant l’Arrest remarqué par Berault sur l’Article 2. que cela êtoit de la competence du Vicomte, et sic habita ratio potius rei servientis quàm dominantis. On a encore depuis jugé la même chose, et c’est l’usage, suivant l’Arrest que j’ay remarqué sur l’Article 2. que les prerogatives de noblesse, dont on ne joüissoit qu’en vertu de quelque privilege, cessoient par le decez de la personne, et que l’inventaire des meubles d’un Prestre se devoit faire devant le Vicomte. On a aussi jugé en la Grand-Chambre en l’an 1621. que l’institution d’un tuteur aux enfans de Février seroit faite devant le Vicomte, quoy que leur pere eût exercé un office Royal : Et par Arrest du 13. de Février 1653. entre Me Antoine le Normand, Vicomte de Vernon intimé, et Nicolas Fermel’huis, Lieutenant de Robbe Courte, appelant du Prevost de Vernon, il fut dit que Fermel’huis, à cause de sa qualité de Lieutenant de Prevost, n’avoit point droit d’évoquer devant le Bailly, et il fut renvoyé proceder devant le Vicomte.

Quoy qu’il soit dit en cet Article que le Vicomte a la connoissance des clameurs de Haro civilement intentées, il ne s’enfuit pas qu’il ait la connoissance de toutes les actions en Haro, cela n’a lieu que quand les personnes ou la chose qui donne lieu au Haro sont de sa competence.

Les adjudications des fermes du Domaine doivent être passées devant le Vicomte, et non devant le Bailly : Godefroy sur 1’Article 2. a remarqué les Arrests qui l’ont jugé de la sorte.

On a même jugé que pour les Domaines engagez il en faut faire les adjudications devant le Vicomte ; Arrest du 16 de Juillet 1656. entre Barrou joüissant du Domaine de Montereüil, qui vouloit en faire des baux en particulier, et sans formalité, et de la même maniere qu’il auroit fait les baux de son propre bien ; et Me Loüis Guerrier, Vicomte de Montereüil, qui soûtenoit que l’adjudication en devoit être faite publiquement devant luy. Il fut ordonné que l’adjudication s’en feroit publiquement en la presence du Procureur du Roy, et de Barrou, que les terres y seroient declarées par bouts et côtez, et que l’adjudication ne se feroit au plus que pour neuf ans, et sans prendre salaire par livre, mais seulement par taxation moderée par le Vicomte et son assistance, qui ne pourroit exceder 30 fols par chacune adjudication : ce qui avoit êté déja jugé par deux Arrests des 9 de Decembre 1631. et 13 d’Aoust 1638. pour le Vicomte d’Andely, contre le fermier general du Comté de Gisors.

Le Bailly et le Vicomte de Roüen disputent depuis long-temps la competence des curatelles : Le Bailly la pretend en vertu de l’Article qui luy attribuë la connoissance des lettres Royaux, et il se fonde outre cela sur une longue possession, et quoy que cet Article comprenne les curatelles des mineurs entre les choses dont il donne la competence au Vicomte, cela n’a lieu que ratiaene hereditatis, non personae, lors qu’il s’agit de l’état de la personne ; le Vicomte au contraire se sert du même Article, et soûtient qu’au surplus les lettres de curatelle n’êtant qu’une formalité inutile, et dont on peut même se passer, cela ne suffit point pour luy ôter la Juridiction ; Cette question a êté appointée au Conseil, toutes les fois qu’elle s’est offerte, mais on a donné la provision au Bailly.

Quoy que les tutelles soient si frequentes et de si grande importance en cette Province, où les parens deliberans sont garands de leur nomination, la Coûtume n’a fait aucune décision sur cette matiere ; la Cour a supplée à ce defaut par un Reglement nouveau qu’elle a fait le 7 de Mars 1673. et parce qu’il ne contient pas toutes les difficultez qui peuvent naître, ou qui ont êté même déja décidées, j’ajoûteray quelques Arrests et quelques Maximes notables.

En cette Province les tutelles font presque toutes datives ; nous ne connoissions autresfois qu’une seule tutelle legitime, celle du frere aîné établie par la Coûtume : par le premier article du Reglement pour les tutelles, la Cour a declaré que le pere êtoit aussi tuteur naturel et legitime de ses enfans. Il ne l’est pas toutesfois si absolument que les parens ne puissent en nommer un autre en sa place.

Les parens sont obligez de faire instituer un tuteur ; ce soin neanmoins regarde principalement la mere et l’ayeule. Terrien a écrit qu’autrefois le Droit Romain n’êtoit point en usage en cette Province, en ce qu’il prive la mere de la succession de ses enfans, quand elle a negligé de leur faire nommer un tuteur, l. omnem ad 5. C. Tertull. mais qu’on pouvoit la contraindre à s’acquiter de ce devoir par la saisie de ses biens et par amende. Par l’Art. 5. du Reglement pour les tutel-les, on impose cette charge à la mere et à l’ayeule, et il leur est ordonné de faire assembler les parens pour nommer un tuteur dans les trois mois du jour que la mort du pere aura êté sçûë communément, à peine de répondre de la perte que les mineurs souffriront par cette negligence.

Le nombre des parens qui doivent deliberer est de douze, cet ordre fut étably par un ancien Arrest du 12 de Decembre 1550. On peut neanmoins augmenter le nombre des parens deliberans ; on le pratiqua de la sorte pour la tutelle des enfans mineurs de Michel Barberie, sieur de S. Contest, et cet exemple a êté suivi en d’autres rencontres.

Il seroit peut-être encore à propos d’admettre l’ufage de Paris, où l’on instituë un tuteur honoraire, et un tuteur oneraire, car l’on épargneroit beaucoup de dépenses aux mineurs, lors qu’on leur don-ne pour tuteur une personne de qualité. En cette Province, où les tutelles sont fort onereuses, on refuse plûtost qu’on n’affecte cette qualité de tuteur, et le desir qu’on en fait paroître est souvent la marque d’une mauvaise volonté contre les mineurs : cette demande neanmoins est favorable et bienseante de la part de la mere, quand elle n’a point oublié ses premieres affections, et suivant l’art. 2. du Reglement, elle doit être preferée en baillant bonne et suffisante caution ; auparavant elle ne pouvoit demeurer tutrice qu’en vertu de la nomination des parens, comme on le peut remarquer par l’Arrest suivant. Thomas Auvray Receveur des Tailles à Caen êtant mort, une partie des parens jetta les yeux sur Thomas Auvray, frere du defunt et Receveur des Tailles à Caen, les autres parens donnerent leurs suffrages à la mere : sur l’appel de la mere devant le Bailly, on ordonna qu’il seroit fait une autre deliberation, vû la qualité du sieur Auvray de Receveur des Tailles. Donc ayant appelé, Baudri son Avocat remontroit que sa qualité de Receveur des Tailles ne devoit point l’exclure de la tutelle, non plus que les procez qu’il avoit contre les mineurs ; qu’il y avoit sujet au contraire d’en exclure la mere, à cause des substractions dont elle êtoit convaincuë, qu’on luy reprochoit inutilement qu’il êtoit insolvable, puisque les nominateurs êtoient ses garands.

Je disois pour Anne Falaise, mere des mineurs, que la tutelle de ses entans ne pouvoit luy être refusée, suivant l’auaehent. matri & aviae C. quando mulier tutelae officio fungi potest : que la nomination de l’appelant ne pouvoit subsister, parce qu’il êtoit redevable de sommes considerables aux mineurs ; minoris debitor, vel is cui minor tenetur, aut qui minoris res tenet, à curatione prohibetur ; authent. minoris. C. qui dare tutores vel curatores possunt. Il étoit même en procez avec eux : si ut allegas, tutor his datus es, cum quibus disceptationem hereditatis tibi esse propaenis, adire praesidem prinvinciae potes, l. 16. C. de excus. tut. Que si on objecte qu’en ces loix hereditas, se prend pro jure hereditario, & quando agitur de statu, on répond que la loy 21. du même titre, à laquelle les Commentateurs renvoyent, dit propter litem quam quis cum pupillo habet excusare se à tutela non potest, nisi de omnibus bonis aut fortè de plurimâ parte controversia sit. J’ajoûtois que ce parent avoit de grands procez contre les mineurs, que les nominateurs êtoient insolvables, qu’aprés tout quand il seroit vray que les procez ne pourroient servir d’excuse à un parent pour se décharger de la tutelle, c’êtoit un sujet legitime pour l’empescher d’être tuteur contre la volonté d’une partie des parens : et qu’enfin sa qualité de Receveur des Tailles êtoit suffisante pour luy donner l’exclusion, ses biens êtant hypothequez au Roy. Par le droit civil, il êtoit défendu par un tître exprés, ne tutor vel curator vectigalia conducat, ne pupillus oneretur ex causâ fiscali, aut ne pupiaeli praelato fisco tacitae hypothecae amittantur ; que par plusieurs Loix principis coloni, vel patrimoniales coloni à tutelà vacationem habent. l. 8. §. 1. ff. de vacat. l. 5. §. 11. de jure immun. ff. Tit. qui dare tut. vel curatores possunt : Quoy qu’en France les Officiers des Finances n’ayent point ce privilege pour s’exempter des tutelles, il y a lieu de les en exclure, à cause de l’hypotheque privilegiée du fisc ; par Arrest du 12 de Juin 1650. on cassa la Sentence du Bailly, parce qu’elle por-toit ces termes, vû la qualité de Receveur des Tailles, et on renvoya proceder devant le Vicomte à nouvelle deliberation ; suivant cet Arrest les Officiers des Finances peuvent être instituez tuteurs par les parens.

Pour regler le nombre et la qualité des parens qui doivent entrer dans la déliberation, il y avoit souvent de grandes contestations. Suivant le Reglement pour les tutelles Article 14. les ascendans, les freres, ou oncles du mineur doivent être appellez à l’élection du tuteur, et par l’Art. 15 à l’égard des autres parens collateraux, on doit appeller seulement l’ainé de chaque branche, ce qui avoit êté jugé de la sorte par l’Arrest du Tavernier et de Brifaut, au mois de Novembre 1661.

Ceux qui ne sont point appellez à l’election du tuteur, ne peuvent être contraints d’accepter la tutelle. Article 17. du Reglement ; c’est aussi la jurisprudence du Parlement de Paris ; du Fresne en son Journal d’Audiences 1. 3. c. 41. de l’impression de l’an 1652.

Nonobstant la proximité de la parenté on peut quelquefois s’excuser de la tutelle et d’entrer dans la déliberation, mais l’excuse qui sert pour l’un n’est pas toûjours valable pour l’autre : entre les personnes qui pretendent avoir parmy nous une excuse legitime, on met les Prestres qui possedent des benefices à charge d’ames, car pour les simples Prestres ils n’en sont pas dispensez.

Me Adrien Jean, Prestre ; ayant êté nommé tuteur, il appella de sa nomination ; Me Loüis de Brinon, maintenant Conseiller en la Cour, se fondoit sur les Loix Presbyteros & generaliter, et sur l’authent. de sacris Enisc. 8. Deo autem ; coll. 9. Tit. 15. il rapportoit les decrets du Concile de Carthage et le droit Canon, et il argumentoit par l’exemple des Levites ; qui n’avoient point eu de portion, en la Terre Sainte, afin qu’ils ne fussent point distraits du service divin. Voyez Lep. 9.

D. Cyp. l. 1. L’intimé répondoit que toutes ces autoritez ne pouvoient s’appliquer qu’aux Prestres qui avoient charge d’ames, parce qu’autrefois on ne faisoit point de Prestres sans tître, et que la l. generaliter, que Gratian avoit inferée dans son decret, n’avoit lieu que pour les Prestres qui êtoient attachez à quelque Eglise : par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 24 de Janvier 1662. on mit sur l’appel hors de Cour. Un Prestre êtant institué tuteur, on demanda en consequence si pour le reliqua du compte, on pourroit decreter son tître ; par un autre Arrest du 5 de Decembre 1536. on condamna un Prestre par corps pour le reliqua du compte ; mais on jugea que son tître ne pouvoit pas être decreté. Mais à l’égard de la condamnation par corps, quoy que la nouvelle Ordonnance de l’an 1667. la permette pour un reliqua de compte, on la jugeroit difficilement contre un Prestre, parce qu’on a même de la peine à prononcer cette condamnation contre une personne Laïque.

Messieurs du Parlement ne pretendent point avoir exemption de tutelle, et le sieur de Brasdefer s’êtant condescendu sur Monsieur Voisin, Conseiller en la Cour, il fut dit à bonne cause la condescente ; et Monsieur Voisin condamné de gerer la tutelle des enfans du sieur Haley ; plaidans Coquerel pour Brasdefer ; par Arrest en la Grand-Chambre de 1’an 1631. il est vray que cet Arrest porte sans tirer à consequence.

Mes de la Chambre des Comptes pretendent avoir ce privilege par deux Declarations du Roy, la premiere est de Henry Il : en l’année 1556. elle contient que le Procureur General de la Chambre des Comptes de Paris ayant remontré au Roy, qu’à cause du service continuel et assidu que les Officiers sont obligez de luy rendre, ils ne doivent être nommez aux tutelles et autres charges personnelles, qui pourroient les détourner du service, pour cette cause le Roy leur accorda l’exemption des tutelles : cette Declaration ne fut point verifiée au Parlement de Paris, elle fut lûë seulement au Chârclet. Par un autre Declaratien Charles I7. en l’an 1570. accorde aux Presidens et aux Maîtres des Comptes seulement l’exemption des treizièmes. Cette Decla ration fut verifiée au Parlement pour en joüir bonnement et raisonnablement, ce sont les termes.

Enfin en l’an 1580. Henry III. ayant créé la Chambre des Cemptes de Roüen, Me ssieurs de la Chambre des Comptes obtinrent en l’an 1610. une Declaration, par laquelle le Roy leur accordoit les mêmes privileges qu’à ceux de Paris, et la Cour en fit la vérification en ces termes, pour en joüir tout ainsi qu’en ont cy-devant joùi les gens des Comptes de Paris. Et pour justifier cette possession, j’ay vû un Arrest du Grand Conseil donné pour un Secrétaire et un Auditeur exercant, Voila les titres que j’ay vûs en faveur de Messieurs des Comptes ; cependant Me Antoine de la Mare qui avoit été Auditeur en la Chambre des Comptes, ayant été nommé tuteur des enfans le son frère, il s’en porta appelant en la Cour. Je plaidois pour Dame Marguerite de Fouilleuse, veuve de feu sieur du Chesne Varin et mère des mineurs, et pretendois faire confirmer la sentence par ces deux raisons. La première, que la Declaration de Henry Il. qui attribuoit l’exemption de tutelle aux Officiers de la Chambre des Comptes de Paris n’avoit point été verifiée en aucun Parlement. En second lieu, que quand ce privilege feroit bien établi il n’appartiendroit qu’à ceux qui seroient en fonction et non pour les honoraires. Les Empereurs Romains. n’accordoient pas aisément l’exemption des tutelles ; la condition des mineurs est si favorable, que ceux que la Nature oblige à leur protection, ne doivent point s’en dispenser que pour des causes tres-legitimes. Le sieur de la Mare ne soûtint point son appel, et il laissa confirmer la Sentence par defaut en presence, le 22 d’Avril 1649. en l’Audience de la Grand. Chambre, mais quelques mois aprés cette question touthant l’exemption des Officiers de la Chambre des Comptes s’offrit pour le sieur de Bihorel, Correcteur êtant en charge ; et par Arrest du 16 de Decembre 1649. il fut déchargé ; Heroüet plaidant pour le y, et de Cahaignes pour les parens.

Il a été jugé par Arrest du Parlement de Paris, en l’Audience de la Grand-Chambre, le 3 de pecembre 1652. contre un Medecin de l’Université de Rheims, que la disposition du droit Romain touthant le privili ge des Medecins, n’est point gardée en France à l’égard des tuti lles, et que a qualité de Medeem n’est pas une excuse legitime pour pretendre une exemption de cette charge.

Quelquefois l’éloignement du demicile de celuy qu’on veut charger de la tutelle, luy fournit une excuse valable ; du Fresne l. 1. c. 29. assure que c’est une jurisprudence certaine au Parlement de Paris, que les tuteurs doivent être pris et choisis dans la Province, c’est à dire dans le ressort du Bailliage ou Seneschaussée où les biens des mineurs sont situez, et qu’il l’a vû tenir ainsi au Palais ; Cela est juste à cause des frais des voyages que les tuteurs pourroient employer dans leurs comptes, l. ult. de excus. tut. sed & hoc genus est exemptionis, siquis se dicit ibi domicilium non pabere, ubi ad tutelam datus est. Il ne seroit pas raisonnable d’en faire une regle generale, et de regler toûjours l’éloignement par les Bailliages : Il pourroit arriver que le domicile du tuteur que l’on auroit nommé, et les biens des mineurs quoy qu’en divers Bailliages, seroient si proches que le tuteur pourroit faire sa charge sans aggravation pour les mineurs ; elle doit être reglée par les circonstances du fait, et quand l’éloignement est considérable, l’excuse est recevable. Ce qui fut jugé en la cause de Me Dorglandes, Baron de Pretor, que les parens avoient nommé pour gerer la tutelle des enfans mineurs de Monsieur de la Porte, President aux Requêtes du Palais, et parce qu’il demeuroit en Côtentin, et que les mineurs et la plus grande partie de leurs biens étoient à Roüen, et qu’ainsi les voyages d’un Gentilhonme de qualité eussent ruiné les mineurs, la Cour ordonna qu’il seroit procedé à la nomination d’un autre tuteurAutre Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre, du 28 de Février 1653. Le sieur de la Motte-le-Lou, Enseigne des Gardes du Corps, et qui étoit originaire de Bretagne, fut décharge de la tutelle des enfans mineurs de feu Monsieur Morant. En procedant à l’institution d’un tuteur aux enfans de Me Charles Barbé, Seneschal de Fescamp, Me François Danisi, Avocat en la Cour, qui avoit épousé la tante des mineurs, fut nommé tuteur par quelques parens, les suffrages des autres tomberent sur Me Adrien de la Votte, ayant épousé la cousine germaine des mineurs, et d’Adrienne Roussel, veuve dudit défunt et mère des mineurs ; les parties ayant été renvoyées en la Cour, le sieur Danisi remontroit que son domicile étoit éloigné de cinquante lieuës de celuy des mineurs et de leurs biens, et qu’il ne pourroit vaquer à cette tutelle sans un extrême préjudice pour eux, étant Gentilhomme ; il se défendoit arssi par le nombre de ses enfans, qui étoient au nombre de dix tous mineurs, et ajoûtoit qu’il étoit resque sepruagenaire, et qu’ainsi quoy qu’il fût plus proche d’un degré que ledit sieur de la Motre, Il n’y avoit lieu de le charger de cette tutelle, qui pourroit être administrée à leurs frais par le sieur de la Votte, qui avoit son domicile sur le lieu. La mere remontroit qu’elle étoit la partie la plus considérable de la cause t étant obligée de conserver l’interest de ses enfans, et par cette raison elle avoit lieu d’empescher que ledit Danisi ne demeurast tuteur, parce qu’il consumeroit en voyages le revenu de ses mineurs. Heroüet pour de la Votte concluoit que la nomination de Danisi étoit valable, et que l’intervention de la veuve et des parens ne pouvoit changer l’état de la cause, étant constant que Danisi avoit été nommé par la plus grande part’e des parens. De la Votte remontroit qu’il n’étoit qu’allié des. mineurs, et que le Bieur

Danisi étoit leur oncle paternel. La mère des mineurs pour la conservation de leur bienempeschoit de son chef que le sieur Danisi ne fût institué tuteur. Par Arrest du 17 de May 1657. il fut dit qu’il seroit procedé à la nomination d’un autre tuteur que lesdits Danisi et de la Votte.

On a formé depuis cette autre difficulté, si la raison de l’éloignement étoit suffisante pour empescher la condescente du tuteur nommé par les parens sur un parent plus proche. Pierre de Neuville, Ecuyer, sieur de Danvilliers, étoit appelant à la Cour d’une Sentence renduë par le Juge de Vire, par laquelle sur l’assignation faite aux parens paternels et maternels des enfans mineurs de feu Gabriel de Neuville, pour leur instituer un tuteur, vû qu’ils avoient nommé pour tuteur Pierre Loüis sieur du Maillot ; sur la remontrance du Substitut de Monsieur le Procureur General, que ledit du Maillot étoit éloigné du bien et de la personne des mineurs de vingt-quatre lieuës, et qu’à cause de cet éloignement ils seroient chargez de grands frais, requerant que les parens eussent à proceder à une nouvelle nomination. Sur quoy les parens ayant nommé ledit Danvilliers pour tuteur principal, et le sieur Comte de Pontavice pour tuteur particulier, ledit sieur Danvilliers en ayant appelé, Aubout son Avocat concluoit que l’intimé devoit être établi tuteur comme ayant été premièrement nommé par les parens, et étant le presomptif heritier, et en tout cas il maintenoit qu’il pouvoit se condescendre sur luy. Maurry Avocat pour le sieur Loüis intimé, conclut au contraire, que la même raison qui avoit engagé les parens à revoquer leur première déliberation fondée sur l’éloignement de son domicile, rendoit encore l’appelant non recevable à son action en condescente, puisque le même préjudice en arriveroit aux mineurs ; par Arrest du 22 de Decembre 1671. en l’Audience de la GrandChambre, la Cour sans avoir égard à l’action en condescente, mit l’appellation au neant. Et en l’année 1676. au mois de Novembre, Monsieur le Boucher Conseiller en la Cour des Aydes, qui avoit été nommé tuteur aux enfans du sieur Boullais ; ayant fait juger par Sentence du Bailly. de Roüen, à bonne cause son action en condescente contre le sieur de la Mare Anger, qui étoit domicilié en la Vicomté de Vallogne, sur l’appel dudit sieur de la Mare Anger, l’affaire ayant été portée au Parquet, on ne fit point de difficulté à casser la Sentence.

Au reste il faut que l’éloignement soit considérable, autrement l’excuse ne seroit pas admissible.

Un Bourgeois de Bayeux, aprés avoir été nommé tuteur, agit en condescente contre un Libraire de Caen, et ayant été debouté de son action, sur son appel le Tellier soûtenoit que la condescente étoit juste puisque ce Libraire étoit plus proche parent ; Je défendois pour le Libraire par deux raisons, la premiere fondée sur l’éloignement, et la seconde sur l’imbecillité de sa vuë ; mais cet éloignement n’étant que de six lieuës, et n’étant pas entièrement aveugle ; il fut condamné. de gerer. Je ne doute point que la perte entière de la vûë ne fût une excuse legitime, luminibus captus tutela excusationem habet ; l. un. qui morbo exc. pas. Par un Arrest du 12 de Decembre 1550.

Simon Baudoüin âgé de 65 ans et chargé de quatorze enfans fut déchargé d’une tutelle. Par le droit Romain, numerus liberorum excusat à tutelâ. Papon l. 15. t. 15. rapporte un Arrest conforme à la disposition du droit, mais il n’estime pas que cela fût gardé en Frante ; et en effet cette excuse n’est pas recûë en cette Province.

Le mary n’est pas obligé d’accepter la tutelle des parens de sa femme, quand elle est morte sans enfans, mais s’il luy en reste, il peut être institué tuteur : C’est la disposition de l’Article 19. du Reglement pour les tutelles. Il fut même jugé en la Grand. Chambre le 5 d’Avril 1658. entre Noël Vautier appelant, Jean Hervieu et les autres parens des enfans mineurs de Jacques Behier, qu’un mary pouvoit être nommé tuteur aux enfans de sa femme, issus d’un autre mariage, quoy qu’il soûtint que ses enfans étans majeurs, et étans les véritables parens, ils devoient entrer en sa place ; et l’on confirma la Sentence qui l’avoit jugé de la sorte, si ce pere avoit déclaré qu’il remettoit à ses enfans la joüissance du bien de leur mere, son excuse eust été juste.

Puisque les parens sont garands de leur nomination, il étoit raisonnable de leur laisser cette liberté de choisir celuy des parens qu’ils estiment le plus solvable, combien qu’il ne soit pas le plus proche ni le plus habile à succeder ; d’autre part aussi n’étant pas juste de luy faire porter cette charge ; quand il se trouve un autre parent plus proche, on luy permet. de se décharger sur luy ; ce que nous appellons une action en condescente ; cela ne se fait toutefois qu’aux perils de celuy qui a été nommé, qui demeure toûjours obligé envers les mineurs. Si celuy sur lequel il s’est condescendu n’est pas solvable, les mineurs sont tenus de discuter celuy qui a geré, quand le tuteur nommé le demande, suivant. l’Arrest du 28 de Novembre 1671. Beaussier ayant été institué tuteur agit en condescente contre Lenfant qui gera la tutelle : Le mineur aprés sa majorité poursuit le tuteur nommé pour luy rendre compte, il appelle en garantie Lenfant qui avoit géré, le Vicomte condamna Beaussier à faire diligence contre le second tuteur pour rendre son compte ; sur l’appel le Bailly cassa la Sentence et renvoya le demandeur en compte contre Lenfant à la garantie de Beaussier. Le demandeur en compte en ayant appelé, de Cahaignes. son Avocat disoit qu’il avoit une action directe et legitime contre celuy que les parens luy avoient donné pour tuteur, qu’il n’en devoit pas connoître d’autre, et qu’on n’avoit pû empirer fa condition en luy donnant un autre tuteur, car s’il n’étoit pas solvable il seroit contraint d’entreprendre une deuxième discution, ainsi par cette multiplicité de tuteurs et de discutions on le reduiroit à l’impossible, et on rendroit son action inutile, et qu’en tout cas ce tuteur nommé ne pouvoit se dispenser d’en faire les diligences, comme il avoit été jugé par la Sentence du Vicomte. On répondoit que l’usage de cette Province autorisant l’action en condescente elle devoit profiter en quelque chose à celuy qui s’en étoit prévalu, que si nonobstant la condescente, on pouvoit artaquer directement le tuteur nommé par les parens cette action devenoit inutile, bien qu’elle fût favorable, que si pour une plus grande seureté des biens des mineurs on avoit permis aux parens de choisir celuy qu’il leur plairoit, on avoit en même temps donné cette liberté à celuy qui étoit nommé de se décharger sur celuy qui étoit le plus proche, ou le plus habile à succeder, que cela ne faisoit aucun préjudice aux mineurs, puisqu’il geroit aux perils du demandeur en condescente, que celuy sur lequel on s’étoit condescendu êtoit le véritable tuteur ayant administré la tutelle, et par consequent tenu de rendre compte ; par l’Arrest la Sentence du Bailly fut confirmée.

Cette action en condescente doit être formée régulièrement contre un plus proche et plus habile à succeder, cela n’a pas laissé de produire plusieurs difficultez. Du Gard avoit eu de son pre-mier maringe Jacques et Pierre du Gard, et d’une deuxième femme il eut Claude, Paul, Jacques, et Jean : Jacques issu du premier lit mourut et laissa des enfans majeurs : Jacques sorti du second lit mourut aussi, il laissa des enfans mineurs, les parens nommerent pour tuteur le fils de Jacques sorti du premier lit, il agit en condescente sur Claude son oncle sorti du second mariage, et nonobstant la cendescente le sils de Jacques l’ainé ayant été condamné de gerer, il en appela : Caruë, son Avocat, soutenoit que Claude étant oncle êtoit obligé de se charger de cette tutelle, plûtost que Claude qui n’étoit que cousin germain ; que cet oncle d’ailleurs êtoit conjoint aux mineurs, ex utroque latere, et le cousin ne l’étoit que du côté paternel seulement, que les tutelles étoient déférées comme les successions, qu’en celle des mineurs l’oncle excluroit le cousin aux meu-bles et acquests, parce qu’en cette sorte de succession la representation n’avoit lieu qu’au premier degré, et que s’agissant de la succession des mineurs qui étoient des cousins germains, on êtoit hors le premier dégré. Castel pour l’oncle remontroit qu’il faloit faire valoir le choix et le jugement des parens, lesquel pour leur propre interest n’avoient pas manqué à choisir le plus capable et le plus asseuré, que ce fils representant l’ainé, la nomination êtoit dans l’ordre ; que l’ainé ou ses representans ayant tous les avantages de la famille, ils étoient obligez de porter les charges ; que pour les successions l’appelant en pouvoit autant esperer que luy, parce que le seul bien paternel étoit considérable, et pour la succession aux meubles et acquests il ne faloit pas la mettre en compte, les biens des mineurs êtant à peine suffisans pour leur nourriture : Par Arrest du 18 de May 1650. en l’Audience de la Grand. Chambre, la Sentence fut confirmée, et en ce faisant il fut dit, à bonne. cause l’action en condescente. Par un autre Arrest du 31 Janvier 1657. il fut jugé qu’un cousin germain avoit l’action en condescente contre l’oncle, plaidans Theroude et Lyout ; l’oncle est plus proche que le cousin d’un demy degré, selon le droit Canon, et il l’exclut de la succession aux meubles et acquests ; il fut neanmoins jugé que la condescente d’un oncle sur le fils ainé de son frère ainé en Caux, êtoit valable, parce que le neveu succedoit à son préjudice en la meilleure partie.

Quand le plus proche parent a des procez importans contre les mineurs, où il s’agit de summâ bonorum, il ne peut être institué tuteur. Mais on demande si son fils et son presomptif heritier peut être nommé en sa place, ou si l’action en condescente peut être formée contre luy. Catherin et Guillaime Cheron, frères, aprés avoir vécu long-temps en communauté, se separerent en procedant à lrurs partages, ils eurent des grandes contestations : Guillaume Cheron mourut, et laissa un enfant mineur : les parens sçachant que Catherin son oncle à qui la tutelle tomboit en charge, avoit de grands procez contre le mineur, et que par consequent il n’étoit pas utile de luy confier la tutelle, nemmerent en sa place Lucas qui étoit son gendre, qui préta serment par provisien, fauf à luy à se faire décharger : Lucas use de condescente sur son beau-frere Vincent Che-ron, fils de Catherin, qui fut condamné à se charger de la tutelle, dont il appella à la Cour.

Caruë soûtenoit que Catherin Cheron son pere ayant une excuse legitime, à cause des grands procez qu’il avoit contre le mineur, suivant la l. propter litem de excus. tut. le fils qui étoit son presomptif heritier ne pouvoit être nommé, s’agissant de son propre interest, car il seroit soupçonné d’agir collusoirement avec son pere, au préjudice de son pupille, ou il faudroit qu’il aban-donnast sen prepte interest. Cequerel pour Lucas répondoit qu’il avoit les mêmes excuses, un gendre étant comme un autre fils qui doit les mêmes respects à son beau-pere ; Parentis locum obtinet l. 6. ff. sol. mat. et la l. suivante, ex diverso si socer à marito ex promissione conveniatur, folet queri, an idem honor habendus sit, Neratius & Proculus scribunt hoc justum efse. Sur tout ce respect et cette amitié doivent demeurer en leur vigueur, lors que les causes et les liens de l’affinité subsistent, comme décident les mêmes loix ; jusques-là même que le gendre manente matri-monio, ne peut exiger la dot promise par le beau-pere, que in quantum facere potest, l. pen. de jure dot. l. 22. de re judic. Or d’engager le gendre à se charger d’une tutelle remplie de procez contre son beau-père, ce seroit le forcer à rompre avec luy, et luy faire perdre ses affectione. Maunourry pour Catherin Cheron, remontroit aussi qu’ayant tant de démélez avec le mineur, il seroit bien étrange que ses propres enfans prissent les armes contre luy, au sortir de sa table. Cahaignes plaidant pour les parens nominateurs, soûtenoit que la nomination étant faite d’un tuteur solvable elle devoit subsister, et puis qu’ils étoient garans de la nomination et qu’ils n’en connoissoient point de plus capable, on ne pouvoit leur ôter la liberté de pourvoir à leurs interests, ou qu’autrement on les devoit décharger de la garantie. Pilastre. pour le Vaigneur beau-frere du défunt, et qu’on avoit appelé en la cause pour se. charger de la tutelle, se défendoit par la raison de l’éloignement de son domicile, qui étoit de faize ou dix-sept lieuës : Par Arrest du 9 de Mars 1651. il fut dit qu’il seroit fait une nouvelle assemblée pour proceder à la nomination d’un tuteur.

L’action en condescente a lieu non seulement d’un parent éloigné contre un plas proche, mais aussi quelquefois contre, celuy qui est en parité de degré, ou même plus éloigné, quand tout le profit de la tutelle regarde celuy que l’on poursuit en condescente : Il fut ainsi jugé le 5 de Juin 1652. que la condescente d’un oncle sur le fils de son frère ainé dans la Coûtume de Caux êtoit valable, le neveu succedant à tout l’ancien propre au préjudice de son oncle ; et sur ce même principe on a recû la condescente en parité de degré ; et par Arrest du 16 de May 1639. dans la Coû-tume de Caux on prononca à bonne cause la condescente d’un puisné contre son ainé, à cause du grand avantage dont cet ainé joüit dans les successions, et sur tout dans les successions collaterales de l’ancien propre qui luy appartiennent entierement. Autre Arrest du 18 de Novembre 1667. contre les nommez l’Archer, aprés la mort du frère ainé le dernier puisné qu’on avoit institué tuteur à ses enfans, ayant été debouté de son action en condescente sur l’ainé des puisnez, il en appella, et pour causes d’appel il disoit que quo cedit hereditas, ibi & tutela perveniat, que ce premier puisné auroit toute la succession, si les mineurs mouroient ; ce qui fut jugé, plaidans Theroude et de l’Epiney.

La même chose avoit été jugée dans la Coûtume generale entre les nommez le Prestre, le 7 de Decembre 1649. plaidans Lesdos et Lyout ; et afin qu’on n’en doutast plus, la Cour en a fait un Reglement, Art. 237. du Reglement pour les tutelles, dont voicy les termes : Celuy qui a été nommé tuteur, peut se décharger de la tutelle sur celuy qui est l’heritier presomptif, soit qu’ils soient parens en pareil degré, ou en degré plus éloigné. Et par l’Article suivant, ceux qui peuvent succeder également aux mineurs, ne peuvent se décharger de la tutelle les uns sur les autres, mais seulement sur celuy qui prend plus grande part en la succession.

Ces Articles n’ont pas décidé toutes les difficultez ; les biens êtant de differente nature et confistant en propres, acquests et meubles, il peut y avoir divers heritiers, les uns aux propres, les autres aux meubles et acquests. En ce cas plusieurs pouvans participer à la succession, on peut douter sur quelles personnes la nomination d’un tuteur où la condescente doivent valoir, puisque la succession des meubles et des acquests, et même le reliqua du compte, qui est meuble et qui procede de l’administration de la tutelle appartenant toûjours au plus proche parent, cet heritier ne peut regulierement se dispenser de-la tutelle ; neanmoins suivant l’Article du Reglement pour les turelles, si l’heritier au propre prenoit la meilleure part en la succession, l’action en condescente pourroit être reçûë contre luy. La condition des seurs étant égale, et l’ainée n’ayant d’autre prerogative que celle de pouvoir choisir, l’action en condescente n’est point reçûë entr’elles, suivant l’Arrest du 25 de May 1653. en la Grand Chambre, entre Vincent Gaulete ap-pelant d’une Sentence qui le deboutoit de la condescente sur Roger d’Artois, qui avoit épousé la soeur ainée de sa femme, et Roger d’Artois intimé, par l’Arrest la Sentence fut confirmée, plaidans Morlet pour l’appelant, et moy pour l’intimé.

Si l’alliance ou la parenté est survenuë depuis l’institution de tutelle, le tuteur n’est pas recevable à demander la condescente : Rousselin nommé tuteur aux enfans du Tondu, ayant fait épouser à Jacques Morel la tante des mineurs, il forma peu de temps aprés une action contre Morel, pour le charger de la tutelle, parce qu’il se trouvoit alors le plus proche parent, sa demande n’ayant pas été jugée raisonnable, il appela de la Sentence : Heroüet son Avocat concluoit, que vû la proximité, son action êtoit dans les regles : Je répondois pour Morel, que cette défense eust été bonne, si Rousselin l’avoit euë lors qu’il fut institué tuteur ; mais cette parenté n’étant survenuë que depuis, elle ne luy pouvoit servir, les excuses qui arrivent aprés l’institution de tutelle n’étant point considérables, autrement cela pourroit proceder à l’infini : la disposition du droit Romain y est expresse, l’âge de 70. ans excusat à tutela ; sed excessisse oportet tempore illo, quo tutores creantur, non intra tempora administrationis, l. 2. de excus. le nombre de trois enfans donne aussi l’exemption de tutelle, numerum autem esse oportet unicuique tunc cum creatur, et si post creationem generantur non auxiliantur : Il faut donc que le Droit qui donne lieu à l’exemption ou à la condescente, soit acquis tempore delatae tutelae ; une cause nouvelle, et qui survient aprés l’institution, ne sert point, surtout quand le tuteur en a déja fait les fonctions, post susceptam, administrationem non excusatur. l. 4. si tutor fals. all. se exc. C. Cela même feroit préjudice au mineur, le nouveau tuteur faisant reftire compte au premier on aggraveroit le mineur en frais ; par Arrest en l’Audience de la Grand Chambre du 7 de Juillet 1648. la Sentence fut confirmée.

Cela ne reçoit plus de doute aprés l’Article 34. du Reglement, suivant lequel le tuteur ne peut se demettre de la tutelle sur celuy qui a épousé la seur du mineur depuis son institution, mais seulement sur les freres du mineur, devenus majeurs depuis cette institution. Autre Arrest lonné contre le Vavasseur, lequel voyant son frère mort, prit une commission pour les Eauës et Forests d’arpenteur dans les Bois, laquelle par la nouvelle Ordonnance excuse de la tutelles mais on n’y eut point d’égard, parce que cette excuse ne luy appartenoit pas au temps de la tutelle échuë, plaidans de Cahaignes pour le Vavasseur, et Greard pour les parens.

La destitution du tuteur peut être demandée par les parens nominateurs, s’ils craignent qu’il ne soit, ou qu’il ne devienne insolvable ; ou ils peuvent l’obliger à bailler caution, en cas qu’ils prouvent qu’il en a mal usé.

Le remploy que le tuteur doit faire des deniers de ses mineurs est l’acte le plus perilleux de la tutelle ; il doit s’y conduire avec toute la prudence et l’exactitude possible, sur tout quand il le fait de son chef, et sans en avoir consulté les parens. Par Arrest du 14 d’Aoust 1618. donné au Rapport de Monsieur Bretel, quoy qu’un tuteur eût baillé l’argent de son mineur à une personne tres-solvable, et qui n’avoit perdu son bien que par le malheur de la guerre, il en fut neanmoins jugé responsable, pour avoir fait cette constitution sans l’avis des parens : il y avoit cela de particulier que le debiteur n’avoit que des meubles, lesquels étant fort perissables par leur nature, le tuteur n’avoit pas dû fonder là-dessus la seureté de cette rente : Le droit Romain ne rend point les tuteurs garands des cas fortuits, tutoribus & curatoribus casus fortuitos adversus quos caveri non potuit, imputari non, oportere ; saepius rescriptum est. l. tutoribus. 4. c. de peric. tut. à l. si reo de admin. tut. D. Si toutesfois il a pû les prévoir, ou les éviter, il n’est plus excusable, et il doit s’imputer, si par son imprudence, il s’est exposé à ces risques-là. l. 3. de per. tut. si res pupollares quas in horreo conditas habere aut menundare debuistis, in hosbitio tuo vi ignis absumpte sunt, culpam seu segnitiem tuam non ad tuum damnum, sed ad pupilli tui spectare dispendium minus probabili gatione deposcis. Le tuteur donc qui baille de l’argent à rente à celuy qui n’est riche qu’en meubles, ne doit pas être déchargé sous pretexte que l’obligé a été ruiné par un cas fortuit, ou par une force majeure.

On l’a pratiqué de la sorte non seulement contre un tuteur, mais même contre les parens nominateurs, dans l’exemple suivant : les maisons d’un tuteur Bourgeois du Ponteaudemer, ayant été brulées, les nominateurs furent poursuivis pour répondre de son insolvabilité, et pour payer le reliqua du compte, l’affaire ayant été partagée en la Grand. Chambre et aux Enquêtes, elle fut décidée, les Chambres assemblées, au Rapport de Monsieur Auber ; le mois de Février 1663. et les nominateurs furent condamnez : il y avoit quelque chose de particulier qui aidoit fort aux nominateurs, et neanmoins on jugea la These generale, on fe fonda sur ces raisons qu’on ne, manqueroit point à trouver toûjours quelque pretexte pour décharger les nominateurs, et l’on estima que les parens n’avoient point eu assez de soin et de précaution, lors qu’ils avoient confié cette turelle à un homme dont la meilleure partie du bien consistoit en meubles. Cet Arrest sembla rigoureux, si le tuteur eût été vivant et que le malheur fut arrivé sans sa faute, il y auroit eu lieu de le décharger du compte, ou au moins de ne l’obliger pas à rendre un compte fort exact, aprés la perte qu’il avoit faite de tous ses papiers ; mais il étoit extrêmement dur de faire tomber ce malheur sur dé pauvres parens nominateurs, qui ne devroient pas être garands d’un cas fortuit, puisqu’ils ne font qu’office de parens, et qu’ils en tirent aucune utilité, et ce n’est pas une faute d’avoir nommé pour tuteur un hommes dont la pluspart des biens consistoit en meubles, n’ayant la liberté d’en prendre un que dans le nombre de douze parens, ils sont forcez de s’arrêter au plus apparent, quoy que sa fortune ne soit pas fort assurée, ainsi ils se sont acquittez de leur devoir, en choisissant celuy des parens, qui paroissoit le plus solvable. Cette question à sçavoir si le tuteur est garand de la rente qu’il a constituée sur une personne reputée riche par le bruit commun, est décidée fort diversement.

Le Jurisconsulte en la l. si res pupillaris 50. P. de admin. tut. dit que si argentarius, cui tutor pecuniam dederat ; cûm fuisset celeberrimus, reddere non possit ; nihil eo nomine tutor prestare cogitur.

Mais suivant nôtre Usage, un tuteur n’en seroit pas quitte, pour alléguer que le debiteur êtoit reputé fort solvable, et il ne se peut garantir de la mauvaise collocation qu’il a faite des deniers des mineurs que quand il a pris l’avis des parens.

Cette précaution et cette exactitude requise en un tuteur, ne le décharge point de l’interest des deniers otieux et inutiles qui restent en ses mains, et même de l’interest des interests.

La manière de regler ces interefts a été fort differente, et même incertaine se trouvant des Arrests contraires ; mais enfin par le dernier Reglement, on a mieux éclairci cette matiere, et on a beaucoup moderé cette grande rigueur, dont on usoit contre les tuteurs : neanmoins pour un plus ample éclaircissement je rapporteray l’ordre que l’on y agardé jusques à present.

L’interest des deniers provenans de la vente des meubles, commence à courir six mois aprés l’institution du tuteur, ou du jour que les payements sont échûs, et dans les autres six mois il est tenu d’en faire le remploy, ce qui est conforme à la disposition de droit : Il étoit juste de donner ce temps au tuteur pour faire proceder à la vente des meubles, recevoir les deniers et les remployer ; si toutesfois il arrivoit des obstacles et des empeschemens legitimes, le tuteur ayant fait des diligences valables pour le payement des obligations et des autres dettes mobiliaires, il est déchargé du remploy d’icelles, Article 43. et pour l’argent comptant : trouvé dans les coffres, lors du decez, et les deniers provenants du rachapt des rentes, ventes d’héritages, et offices, il en doit faire le remploy dans le même temps de six mois, Article 42.

Pour les arrerages des rentes, loyers de maisons, et fermages, autresfois l’interest commençoit à courir un an aprés l’institution du tuteur ; mais par l’Article 44. il n’est tenu d’en faire le remploy que dix-huit mois aprés que les termes des payemens sont échus.

Tous ces interests étoient deubs au denier quatorze, aprés les delais expirez ; maintenant on les a reduits au denier vingt pour les tutelles commencées depuis le Reglement, et tous ces interests sont joints aux sommes dont le tuteur se trouve redevable de cinq ans en cinq ans, pour en faire un capital, qui produit interest, et pour les tutelles anterieures il court au denier quatorze, pour ces interests d’interests ; c’est ce que nous appelons en cette Province interests pupillaires.

Ces interests des sommes capitales, et les interests des interests, ne cessent point par la seule majorité des pupilles, le tuteur n’en est déchargé que par la presentation de son compte ; mais depuis la presentation d’iceluy, et durant l’examen, il ne doit plus l’interest qu’au denier vingt, pour les turelles anterieures du Reglement, et aux deniers vingt-cind pour les autres, et les interests des interests cessent aussi de courir de ce jour-là ; que si le tuteur pratique des refuites, le Juge qui procede à l’examen peut pourvoir sur l’augmentation d’interests : Avant le Reglement pour les tutelles, les interets cessoient aprés la majorité, quoy que le compte n’eût point été presenté, suivant un Arrest de l’année 1632. rapporté par Berault C. Il faut voir si c’est sur cet Article 1. et la raison de cette jurisprudence êtoit que le pupille devenu majeur, êtoit aussi-bien obligé de demander un compte, comme un tuteur de le rendre.

Au procez de Cauchois et de Godebin, il se mût une question qui peut renaître aujourd’huy, par le changement du prix de la constitution des rentes, à sçavoir si un tuteur qui a recù le rachapt de rentes au denier quatorze, a dû employer ces deniers-là au rachapt de rentes au denier dix, dont les mineurs êtoient redevables, et si pour ne l’avoir pas fait il doit tenir compte de l’interest au denier dix ; un tuteur pour s’acquitter de son devoir en l’administration des biens pupillaires, doit agir avec toute l’exactitude d’un pere de famille, prudent et diligent. Or il commet une faute en gardant ou constituant de l’argent au denier quatorze, quand il peut le faire valoir au denier dix : On excusoit le tuteur par cette raison qu’il ne doit pas toûjours se dessaisir des deniers de ses mineurs, se trouvant des occasions où il leur est plus utile qu’ils demeurent en ses mains, et qu’aprés tout les mineurs ne souffrent pas de préjudice, puisqu’on leur paye l’interest, et l’interest de l’interest des deniers qui se trouvent otieux, cette question fut partagée aux Enquêtes et en la Grand-Chambre, et décidée les Chambres assemblées, Monsieur de la Place Ronfeugere Rapporteur, Monsieur Salet Compartiteur, il passa à l’avis de Monsieur le Rapporteur, que le tuteur avoit pû garder les deniers et n’en payer l’interest qu’au denier quatorze. Suivant l’Article 45. du. Reglement pour les tutelles, le tuteur peut retenir en ses mains une demie année entière du revenu annuel du mineur, pour l’employer aux affaires d’iceluy, sans qu’il soit tenu d’en faire aucun interest.

Nous avons encore un usage particulier en cette Province, et qui est favorable au tuteur, car on luy donne un article general, lequel on regle à proportion du bien du mineur, et suivant d’Article 66. du Reglement on luy donne la somme de cinquante livres, à raison de mille livres du revenu annuel du pupille.

Il est vray neanmoins que par l’Article 67. du même Reglement, cette somme peut être augmentée ou diminuée, suivant la facilité ou difficulté de l’administration. Mais quand il n’y a rien de particulier, on allouë toûjours cinquante livres à raison de mille livres de rente, de sorte que si le revenu annuel du mineur êtoit de trois mille livres, on donneroit au tuteur pour son article general cent cinquante livres par an.

L’Article 77. du Reglement pour les tutelles ne permet point au tuteur de transiger avec son mineur, s’il ne luy a presenté le compte de son administration, et avec les pieces justisicarives d’iceluy, et qu’il n’y ait eu contredits et salvations baillées. Et pour retrencher aux tuteurs tous les moyens de surprendre leurs pupilles, on a fait encore deux autres Reglemens par les Art. 78. et 79. suivant lesquels le tuteur ne peut transiger avec son mineur dans l’an aprés sa majorité, sinon en la presence de deux de ses parens, qui doivent être nommez et choisis par les autres parens qui ont procedé à la nomination d’un tuteur, et aprés l’an expiré depuis la majorité, le tuteur n’est point valablement déchargé par la restitution des pieces, énoncées par la transaction, qu’ils pourroient passer entr’eux, si cette restitution de pieces n’a été faite en la presence des deux parens nommez et choisis.

Aprés la tutelle finie, si le tuteur abusant de la facilité et du peu d’experience de son pupille, de fait transiger sur son compte, sans connoissance de cause, suivant la Maxime generale, toutes ces transactions faites, non visis, nec dispunctis rationibus, sont nulles. Il reste en suite cette question, si le mineur est obligé de se pourvoir dans les dix ans du jour de la transaction, ou s’il y est recevable aprés ce temps-là : elle a été fort debattuë depuis quelques, années, et décidée au Rapport de Monsieur du Plessis-Puchot, le 28 de Février 1670. entre Morin Frappier et les heritiers du Cercle. Ces heritiers ne furent inquietez qu’aprés la mort de leur pere, n’ayans aucune connoissance de ce qui s’étoit passé ; une des quittances du reliqua du compte êtoit de l’année 1637. et l’autre en l’an 1651. et les Lettres de récision ne furent obtenuës qu’en l’an 1666. l’affaire fut partagée en la Grand-Chambre, et décidée aux Enquêtes, suivant l’avis de Monsieur Sales

Compartiteur, qui êtoit que la nullité n’étoit point couverte par lesdix ans, et que l’Ordonnance n’avoit point de lieu en ce cas : il y avoit déja eu deux Arrests pareils, l’un pour le Fevre, et l’autre contre le Vicomte de Bayeux.1

Cette autre question s’offrit en la Grand Chambre, le 15 de Mars 1672. entre Coulon et Brifaut. Une mere tutrice traitant avec son fils et sa fille du compte de leur tutelle, non visis rationibus, et depuis ils passerent une seconde transaction sur les Lettres de récision, que le fils et la fille vouloient prendre, par laquelle elle leur payoit encore une somme, cette transaction fut encore depuis ratifiée par eux ; on demanda si ce fils et cette fille aprés l’an 35. de leur âge étoient restituables contre tous ces Actes. Par l’Arrest de Morin on avoit jugé l’affirmative, ces sortes de transactions étant des ouvrages de surprises et des pieges qu’on avoit tendus à des mineurs, qui traitoient aveuglément de leurs droits sans avoir vû au’unes pieces, le mineur ouvoit même dans les trente ans bailler des omissions ; on répondoit qu’en cette espece on n’ôtoit point dans les termes des Arrests, la première transaction ayant été ratifiée plusieurs fois, le vice et la nullité en êtoit effacée par tant d’Actes volontaires, car autrement il seroit impossible de finir les affaites, ni d’assurer le repos des familles, quand ils avoient ratifié volontairement la premiere transaction, ils n’ignoroient point qu’ils avoient droit de se faire restituer, et sur la foy de cette ratification, qui purifioit tous les defauts du premier Acte, on avoit negligé de conserver les pieces necessaires pour rendre un compte. Par l’Arrest les demandeurs furent deboutez de leurs Lettres, plaidans Cabeüil et Poulain.

La jurisprudence du Parlement de Paris a été fort diverse sur ce sujet, les premiers Arrests étant conformes aux nôtres : depuis on fit distinction entre les simples quittances et les transactions. Chenu cent. 1. q. 22. 23. 24. 27. et 28. Monsieur Bouguier l. R. n. 14. 2. edit.

Enfin par les derniers Arrests on a jugé sans distinction, que les pupilles doivent se pourvoir dans les dix ans aprés leur majorité contre les transactions qu’ils ont faites avec leurs tuteurs pour la reddition de leurs comptes, cela semble fort équitable, quoy qu’un tuteur ne doive pas profiter de sa fraude ; neanmoins quand le pupille aprés sa majorité a pû pendant dix ans s’informer de ses affaires, et qu’il demeure dans le silence, c’est tenir trop long-temps les choses dans l’incertitude, que de donner à cette action la durée de trente ans : Il n’est pas juste de renouveler une action qu’il semble avoir remise sur tout contre les heritiers du tuteur, qui se trouvent reduits par cette négligence frauduleuse dans l’impuissance de rendre compte : c’est aussi la pensée du Jurisconsulte en la l : maximéque S. D. de admin. tut. periniquum est eum qui post viginti annos in mentem non venit tutelam reposcere, et qui n’a pas songé dans l’espface de dix ans à contester la transaction qu’il a faite, soit recû à troubler une famille, qui se croyoit en repos sur l’autorité de l’Ordonnance, qui ne permet point de se pourvoir aprés les dix ans.

Cependant comme il arrive rarement qu’il y ait de la bonne foy de la part d’un tuteur, on ne doit point restreindre au préjudice du mineur le temps, ni les moyens de reparer cette surprise, et de faire annuller un Acte qui blesse l’interest public : c’est un crime et un vol de la part d’un tuteur, que la prescription de dix ans ne peut effacer. Arq. l. ubi lex. de usurp. Le Parlement de Tholoze a tenu ce parti, et jugé que le mineur avoit trente ans pour se pourvoir. Mr d’Olive l. 4. c. 16. Mainard l. 2. c. 99. Ces raisons paroissent bonnes contre le tuteur, mais il est rigoureux de prolonger le temps contre l’heritier ; c’est une peine personnelle contre le tuteur, qui ne doit passer contre l’heritier, que quand l’action a été formée contre le tuteur. Il seroit juste, à mon avis, d’y apporter ce temperament en cette Province, où lors que le tuteur est insolvable, les parens nominateurs en sont responsables. On étendoit autrefois cette garantie si loin, que les nominateurs êtoient tenus de l’insolvabilité les uns des autres, et condamnez solidairement. Cela fut jugé par Arrest du 34 de May 1621. on a depuis corrigé fort justement cette durété ; les plus proches étant obligez de déliberer, et les parens n’ayant pas la liberté de choisir, ni de rejetter les pauvres ou les insolvables ; il êtoit fort injuste de leur faire porter cette perte, et c’est pourquoy par l’Article 70. du Reglement pour les tutelles, les parens nominateurs ne sont garands de l’administration du tuteur, que chacun pour leur part, et non point solidairement, et même ils ne peuvent être poursuivis que subsidiairement et aprés la discussion des meubles et des immeubles du tuteur, Article 11.

Il fut imême jugé au Rapport de Monsieur du Moucel en l’an 1621. aux Enquêtes, que si au temps de la tutelle finie le tuteur êtoit solvable, le mineur avoit negligé d’intenter son action en compte dans les dix ans, il n’étoit plus recevable à inquieter les nominateurs, qui depuis sa majorité n’étoient plus en obligation de s’informer de ses affaires.

On trouve un Arrest du 6 de May 1619. donné au Rapport de Monsieur Bigot, sur un partage. de la Grand-Chambre du 4. du même mois, vuidé aux Enquêtes ; par lequel il fut dit que les mineurs oyant compte étoient tenus solidairement envers leur tuteur de l’executoire qui luy avoit été ajugé pour avoir plus mis que reçù ; les parties étoient le sieur Boivin de Bonnetot, et le Sauvage.

Cet Arrest est de consequence, la tutelle semble n’être qu’un seul acte, bien qu’il y ait plusieurs mineurs, et par cette raison la dette du tuteur ne doit pas être divisée pour ne luy denner pas autant de procez qu’il auroit eu de pupilles. D’ailleurs aussi comme il peut arriver que la dépense pour les mineurs n’avoit pas été faite également, il seroit injuste que celuy qui a moins dépensé fût obligé solidairement pour le tout, et que sa portion hereditaire fût ajugée au tutear pour l’engager à poursuivre une recompense peut-être inutile contre ses autres freres. Nonobstant cet Arrest, l’usage est certain que chaque oyant compte n’est tenu qu’à proportion de la dépense que de tuteur a faite pour luy.

Du partage de succession.

M Aître Josias Berault cite un Arrest du 14 de Mars 1608. par lequel il fut ordonné, que les lettres d’une succession seroient representées, pour sçavoir où la plus grande partie d’icelle étoit située, pour en être le partage fait entre les coheritiers au lieu où la plus grande partie de la succession se trouveroit assise. Si l’on suivoit cet Arrest, on engageroit des heritiers dans un grand embarras, et souvent la succession se trouveroit consumée en frais, pour sçavoir seulement le lieu où il la faudroit partager. Il est plus dans les regles d’attribuer la connoissance de l’action en partage au Juge du lieu, où celuy de la succession duquel il s’agit est decedé, parce que les titres s’y trouvent, et qu’il est plus facile de les voir en ce lieu-là, que de les porter ailleurs.


1

ARTICLE V. Page 48. ligne 3.

I L a êté encore jugé que l’heritier du mineur êtoit recevable aprés les dix ans à se pourvoir par récision contre la transaction que le mineur avoit faite avec son tuteur. Pierre Hoüel, de Ecuyer, sieur de Valleville, ayant laissé deux enfans mineurs, Demoiselle Charlote de Sarcillie fut instituée leur tutrice en l’année 1640. Paul de Rommieu, Ecuyer, l’ayant épousée trois ns aprés, il continua la gestion de cette tutelle moyennant une consignation de quinze cense divres qu’il fit pour l’assurauce des mineurs, et aprés la majorité du fils, ayant presenté son compte, ils convinrent de deux parens pour l’examiner, et en suite par une transaction le sieur de Valleville consentit que le sieur de Rommieu son tuteur retirât les quinze cens livres qu’il avoit consignées, et il reconnut encore qu’il avoit été ressaisi de toutes les pieces du compre ; cette transaction fut confirmée et executée par le sieur de Valleville par plusieurs Actes subsequens, et depuis étant décedé en l’année 1661. Loüis Isnel, Ecuyer, sieur de Comble, qui avoit épousé Demoiselle Marie Hoüel sa soeur, et son héritiore, la ratifia encore par plusieurs autres Actes, et s’obligea même de payer audit sieur de Rommieu ce qui luy restoit dû de son reliqua de compte ; mais se voyant poursuivi par le sieur de Rommieu pour quelques deniers dont il luy êtoit redevable, il obtint en l’annde 1672. des Lettres de récision contre la transaction faite en l’année 1650. avec le sieur de Valleville, et contre tous les Actes faits en con-sequence : ses moyens de restitution étoient fondez sur la jutisprudence certaine des Atrests, qui ont annullé tous les Actes faits par les tuteurs avec leurs mineurs, avant que d’avoir rendu compte dans toutes les formes ; c’est la disposition des Arrests rendus contre le Vicomte de Bayeux, Beaurepaire, le Cercle, et autres : Le mineur ignorant l’état de ses affaires ne transige pas tant qu’il se laisse surprendre, non tam paciscitur quam dicipitur. Les Coûtumes de Nornandie, de Paris et de Bretagne, ont reprouvé ces contrats ; il est vray que le tuteur avoit presenté un compte, mais il étoit rempli de suppositions ; il n’a point été presenté en Justice, point de contredits baillez ni de salvations, nulle production des pièces du compte, et les apostilles que l’on prétend y avoir été mises ne sont point de la main du pupille, ni de la main de celuy que l’on prétend avoir été son arbitre : la lesion y est énorme, par le premier Ecrit du mois d’Octobre de l’année 1650. on rend le pupille reliquataire, quoy que par un Ecrit du mois de May precedent il luy fût dû deux mille cinq cens livres, et que l’on ne fasse point voir que le tuteur se fût acquité de cette somme. On remarque la même surprise dans tous les Ecrits subsequens : pour la fin de non recevoir fondée sur ce que le mineur ne s’est point plaint, ce qui rend ses heritiers non recevables, on convient qu’un heritier doit tenir les faits d’un défunt, pourvû que ce qu’il a fait soit dans l’ordre, mais s’il a été trompé, s’il y a eu du dol Sil étoit dans le temps de se pourvoir, ses heritiers le peuvent : il est vray que l’heritier n’est pas venu dans les dix ans, mais il s’est plaint aussi-tost que ledit sieur de Rommieu poursuivi la reconnoissance des Ecrits qu’il avoit surpris ; on demeure aussi d’accord que pour la transaction du mois d’Octobre 1650. les dix ans étoient passez lors du decez du mineurs nais comme ces contrats entre un tuteur et un pupille sont reprouvez, bien que l’on jugest autrefois que la restitution devoit être demandée dans les dix ans, néanmoins depuis la faveur des pupilles opposée à la malice des tuteurs, a fait juger que les pupilles et leurs heritiers sont restituables en tout temps. Le sieur de Rommieu, pour rendre la fin de non recevoir favorable, sepresentoit que si un tuteur pouvoit être troublé en tout temps, il n’y aumit rien d’assuré dans des familles, que les maximes que le demandeur avoit avancées étoient vrayes, quand den 3 avoit point eu de presentation de compte ni de production de pieces, mais quand le compte avoit été presenté, apostillé et examiné, et qu’en suite on avoit transigé du refultat du compte, executé et ratifié la transaction par plusieurs Actes faits en connoissance de cause, il n’y avoit plus de retour pour le pupille, et beaucoup moins pour ses heritiers. Le pupille durant sa vie ne s’est point plaint, au contraire il a ratifié tout ce qu’il avoit fait, et entré en payement du reliqua de compte, et ce qui est encore plus décisif est que le demandeur depuis le decez du pupille s’est saili de tous ses effets, a pris tous ses papiers, a disposé de tous ses meubles et immeubles, et bien loin de reclamer contre ce qui s’étoit fait contre le défunt, il a compté avec le défendeur, et s’étant trouvé redevable de treize cens cinquante livres pour les arrerages de la dot de la Demoiselle de Rommieu sa femme, il luy a délégué des fermiers pour le payement d’icelle, et aprés tout il paroissoit que le demandeur avoit arraché des feüilles qui avoient du rapport aux dernieres feüilles, sur lesquelles le resultat du compte pouvoit être employ8 ; il faudroit en tout cas remettre les choses au premier état : Or on rapporte un compte laceré, dont quatre pages sont arrachées, et le tuteur s’ôtoit dessaisi des pieces, ce qui ne peut être desavoüé, le pupille ne les ayant jamais demandées non plus que son heritier lorsqu’il a compté avec le défendeur en execution de la transaction ; or celuy qui avoit reçû le compte ayant toûjours témoigné qu’il étoit content, l’ayant ratifié et executé ainsi que son heritier, il n’est pas recexoble vingtrdeux ans aprés d’en demander la récision, sur tout vû l’impossibilité du tuteur de rendre un nouvean compte, et qu’au fonds il n’y a aucune lesion, la conduite du tuteur êtant sans reproche : Par Arrest, au Rapport de Mr de Touvens, du 3r de Janvier 1674. la Cour faisant droit sur les conclusions des parties, les remit en tel état qu’elles étoient auparavant lesdits contrats des à d’Octobre 1650. et 6 de Decembre 1653. 18 de Juin 1660. et 4 de May 1665. ce faisant ordonna que dans le mois ledit sieur de Rommieu presenteroit un nouveau compte audit Isneh et à ladite Hoüel sa femme, de l’administration des biens dudit défunt Pierre Hoüel, à laquelle fin ledit Isnel representeroit le compte et les pieces dont il étoit saisi