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VIII.

Appartient aussi audit Vicomte la connoissance des lettres de mixtion, pour les héritages situez dans le ressort de sa Vicomté, encores qu’ils soient de diverses Sergenteries, ou assises dans le ressort d’un Haut-Justicier, qui est dans les enclaves. de sa Vicomté, pourvû qu’il n’y ait rien noble.

Le mot de ressort est employé fort improprement en cet Article. Suivant l’usage general de la France, le Juge de ressort est celuy qui connoist d’une cause par appel, ressortum nihil est aliud quam jus primarum appellationùm.Guy Papé , decision 518. etFerrerius , sur cette decision, ressortum vocamus apud Gallos juridicum quoddam imperium., & facultatem cognoscendi de primis appellationibus intra certum tervitorium. Cependant les Vicomtes ne connoissent d’aucunes appellations ; ce mot est emprunté, comme : l’estimeBudée , ab antiquo more, priscorûmque sortibu judiciorum, quia olim litigantes judices sortiebantun.Ferrer . ibidem,Budae . in annot. prior. er. et past. Ad Pandectas. Nec verâ sine sorte data, sine judice sedes, quesitor urnam movet. Il n’y a que les Baillifs parmy nous qui connoissent des premieres appellations, et qui soient Juges de ressort ; on auroit mieux parlé en disant qu’ils connoissent des lettres de mixtion dans l’etenduë de leur Vicomté, ou dans les enclaves.

Par Arrest donné en la Grand. Chambre, au Rapport de Monsieur Deshommets, du 30 d’Avril 1661. il a été jugé qu’encore que deux Hauts-Justiciers ressortissent à la Cour, cela ne chan-geoit point : l’ordre des lettres de mixtion attribuées au Vicomte.

La Coûtume, en donnant au Vicomte la connoissance des lettres de mixtion des terres assises dans le territoire du Haut-Justicier, ne distingue point si le Siege principal d’une Haute-Justice, ou quelqu’autre Siege, est assis dans l’etenduë de la Vicomté ; elle dit simplement, si les héritages sont assis dans le ressort d’un Haut-Justicier ; en explication de cet Article on a donné cet Arrest Me Adam Rousseau, Avocat au Conseil, fit saisir reellement les héritages de Me Pierre Artus, situez dans la Vicomté de Bayeux, mais en diverses Sergenteries, et il y en avoit même quelque portion située dans l’étenduë de la Haute-Justice de Maisi : il avoit obtenu des lettres de mixtion pour faire ajuger le tout devant le Vicomte de Bayeux. Aprés les criées et le record fait des dilisences du decret, Demoiselle Marie Mustel, veuve de Canivet, Ecuyer, sieur de Col-leville, ayant acquis quelque portion des héritages decretez, appela de la saisie et de tout ce qui fait avoit été, soûtenant que le Vicomte de Bayeux êtoit incompetent, parce que la Haute-Justice de Maisi étoit un Siege de celle de Varanguebec, qui êtoit dans les enclaves du Bailliage de Côrentin ; ainsi ces héritages étant situez en divers Bailliages, Rouss : au avoit dû se pourvoir par devers la Cour, et non pas prendre des lettres de mixtion, que cela avoit été jugé de la sorte en la Chambre de l’Edit, le 21 de Mars 1638. entre le Roux et autres, pour le decret des héritages de Suhard, qui avoit été renvoyé à Bayeux. Rousseau s’aidoit de deux Arrests donnez en la même Chambre, le 20 d’Aoust 1636. au Rapport de Monsieur d’Eri, contre de Melun, appelant et decreté ; et fautre du 27 de Janvier 1634. contre de Rupalé : Par ces Arrests on avoit confirmé les decrets faits en vertu de lettres de mixtion, d’héritages situez en partie dans la HauteJustice de Maisi ; on trouva que le Vicomte étoit competent, et que ces deux Arrests êtoient formels, et qu’en celuy de Suhard il y avoit du particulier ; et par Arrest du 9 de Septembre 1639. au Rapport de Monsieur d’Eri, le decret fut confirmé.

Par Arrest sur Requeste, au Rapport de Monsieur Auber, on a jugé qu’un creancier voulant saisir les héritages situez en deux diverses Hautes-Justices, il les pouvoit saisir et faire ajuger par un seul et même decret, et pour cet effet on le renvoya en la Jurisdiction où la plus grande partie des héritages étoit située : la raison de douter étoit, qu’un Haut-Justicier n’a de Jurisdiction que dans l’étenduë qu’il a plû au Roy de luy donner, et qu’il n’est pas au pouvoir des Parlements de l’étendre au de-là de ses limites, qu’il n’en est pas comme de deux Vicomtez ou de deux Bailliages, dont les Officiers ont leur caractere du Roy, et par consequent ils ont pouvoir de rendre justice en son nom à tous ses sujets, ce qui ne peut être dit d’un Haut-Justicier. On remontroit au contraire qu’il y alloit du bien de tous les creanciers, en évitant la multiplicité de decret, que les frais étroient moindres dans les Hautes-Justices, et que lautre Haut. Justicier n’y êtoit point préjudicié, puis qu’en une autre rencontre on luy feroit fattribution, lors que la plus grande partie seroit située dans sa Haute Justice.

On avoit saisi reellement plusieurs héritages, situez en partie sous la Haute-Justice de Longueville au Siege de Halsboc, et en partie sous la Haute-Justice de Maulevrier, qui toutes deux sont dans letenduë de la Vicomté Royale de Caudèbec ; et il y avoit aussi quelque portion des heritages saisis qui étoient dépendans de cette Vicomté.

Pour parvenir à ce decret, on avoit obtenu des lettres de mixtion, qui étoient adressées à ce Vicomte, mais sur une opposition, aux fins de distraire tout ce qui étoit de la competence du Vicomte de Caudebec, on avoit jugé la distraction : ainsi les terres situées dans ces HautesJustices restoient seules comprises dans ce decret ; ce qui donna lieu à soûtenir, que le Vicomte n’étoit plus competent du decret, et qu’il devoir être renvoyé dans la Haute-Justice, ubi major pars ; mais nonobstant ce soûtien, le Vicomte avoit procedé à l’adjudication finale et définitives sur l’appel, la cause fut plaidée par Castel, pour Madame de Longueville, et Dutand pour Monsieur Côté, Doyen de la Cour ; ils soûtenoient que quand les héritages sont situées en deux Hautes-Justices, il faut renvoyer le decret ubi major pars, et non devant le Juge Royal, n’étant pas le cas de cet Article, qui parle de deux Sergenteries, ou d’une Haute-Justice.

Me Cavelier, Vicomte de Caudebec, plaida luy-même sa cause, pour mon absence et remontra que c’étoit la même chose, que ces héritages fussent situez en deux Sergenteries, ou en deux Hautes-Justices, que cet Article en attribuant la connoissance au Vi-comte, lors qu’il y en a dans une Haute-Justice, on devoit ordonner la même chose lors qu’il s’en trouve en deux Hautes-Justices ; ce qui avoit été ainsi jugé par un Arrest rapporté parBerault , sur cet Article ; que d’ailleurs les choses n’étoient plus entieres, le decret ayant été commencé et continué devant luy jusqu’à l’adjudication finale. Monsieur l’Avocat General le Guerchois donna adjonction au Vicomte, et remontra que tout dépendoit de la comperence du Vicomte, que quand il y avoit des héritages en deux Hautes. Justices, assises dans une même Vicomté, le Vicomte devoit connoître du decret, comme il connoitroit des héritages de deux Sergenteries : et ce qui favorisoit fort la cause, êtoit que ce decret s’étoit achevé devant luy, il s’en rapportoit neanmoins à la Cour, vù les Arrests que l’on disoit avoir jugé le contraire, et qui pouvoient avoir êté donnez sur des circonstances particulieres. Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 30 d’Aoust 1667. on ordonna qu’il seroit procedé à nouvelle adjudication, et on renvoya la connoissance du decret devant le Juge de Longueville. Cet Arrest semble contraire à celuy rapporté parBerault , la distraction des héritages dépendans du Juge Royal, n’étoit point un sujet valable pour le dessaisir l’un decret qui luy appartenoit en son origine, sur tout vû que les Hauts-Justiciers et Monsieur Côté n’avoient reclamé qu’aprés l’adjudication définitive. Cet Arrest non plus que celuy donné sur Requête, au Rapport de Mr Auber, ne doivent point être tirez en consequence, le Haut : Justicier ne doit connoître que de ce qui est situé dans l’etenduë de sa Seigneurie, et si pour éviter une multiplicité de decrets ; lors que les terres sont situées en diverses HautesJustices, l’on trouve à propos d’en faire l’attribution à un Juge seul, elle ne peut être faite qu’à un Juge Royal, sans s’arrêter à cette regle ubi major pars, qui ne doit être pratiquée qu’entre les Officiers Royaux. Aussi autant de fois que l’occasion s’est presentée d’attribuer le decret d’héritages situez dans deux Hautes-Justices, enclavées dans l’etenduë d’un même Bailliage ou l’une même Vicomté, on en a toûjours fait le renvoy devant le Juge Royal. Godefroy a fort bien remarqué sur cet Article, que les lettres de mixtion étoient véritablement necessaires, quand il y a des terres assies dans le Territoire d’un Haut-Justicier, mais qu’il n’y avoit raison ni nécessité d’en obtenr pour les terres qui sont toutes dans les limites de sa Vicomté, car à l’égard de la Haute-Justice, il y a raison, parce que le Vicomte n’a point de pouvoir nors de son Térritoire ; mais pour le Vicomte, puisque son pouvoir et sa Jur-sdiction s’étendent également sur les uns comme sur les autres, et que le plus souvent les Pleds de plusieurs et diverses Sergenteries se tiennent en un même lieu, c’est une formalité tres-fupersluë, que de prendre des lettres de mixtion.