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XV.

Hauts-Justiciers tenus demander renvoy.

Les Hauts-Justiciers sont tenus demander aux Juges Royaux le renvoy des causes dont ils pretendent la connoissance leur appartenir, sans qu’ils puissent aser de défenses à l’encontre desdits Juges Royaux et des Sujets du Roy.

Le Glossateur de l’ancienne Coûtume s’est fort étendu sur cette question, si le Haut-Iusticier est tenu d’aller demander au Iuge Royal le renvoy de la matière qu’il prétend être de sa competence, et je m’étonne qu’il ait conclu pour la negative, car cet article même est de l’ancienne Coû-tume, Chap. des Cours. Le Duc doit avoir la Cour de tous les cas qui appartiennent à sa dignité, et de toutes autres choses qui appartiennent à Cour-Laye, et dont plainte est faite à luy, mais si aucun requiert la Cour de ce dequoy doit l’avoir, elle leur sera ronduë : Omnis Jurisdictio regni Regis est, ditdu Moulin , de feud. S5. 5. gl. 3. n. 10. et sed. Et solus regius judex est ordinarius & fundatus de jure communi : Et c’est pourquoy tous autres Iuges sont sujets à demander le renvoy, ou, comme parent quelques Coûtumes, à requerir obeissance ; Pratoris enim est estimare an sua sit jurisdictios.

Ils ne peuvent user de défenses, il est de leur devoir de venir demander le renvoy, ce qu’ils peuvent faire en quelque état que soit la cause par devant le Juge Royal. Choppin du Domaine l. 2. t. 1. 4. car les Jurisdictions étant in fructu et patrimoniales, ils sont recevables à conserver leur competence, et le renvoy doit être fait ; nonobstant même le contredit des parties plaidantes, pourvû R de le Seigneur Haut-Justicier prouve qu’ils sont ses Justiciables ; Mais une partie ne peut demander le renvoy, parce que le Juge Royal est son Juge naturel, et le Juge Royal fundatus est in omni Jurisdictione, toutes Justices appartiennent au Roy, et comme toutes les autres en sont émanées, elles y retournent aisément par la negligence du Seigneur.Molin . 5. 2. gl. 3. n. 9.

Le Sujet du Roy seul peut demander son renvoy, et suivant cet ancien Brocard, que l’amveu emporte l’honneur ; à l’égard du vassal d’un Haut-lusticier, il faut que son seigneur vienne à son secours : Le Iuge Royal peut faire défenses de plaider ailleurs que devant luy, mais cela n’est pas ermis au Haut-Justicier. On n’est point tenu de comparoir devant un Iuge qui n’est point Royal, pour demander son renvoy.

Berault et Godefroy sur cet article ont été d’avis que, quand deux Hauts-Justiciers demandent le renvoy d’une cause, que chacun d’eux prétend être de sa competence, s’ils sont tous deux du Ressort d’un même Juge Royal, ce Juge Royal en pourra connoître par main Souveraine, jusqu’à ce que le different des Hauts-Justiciers soit vuidé.

Il est vray qu’en quelques lieux de la France on le pratique de la sorte, mais en Normandie le uge Royal ne pourroit se donner à luy-même la connoissance du different par main Souveraine, il seroit obligé de renvoyer les parties à la Cour, laquelle luy en donneroit la connoissance, durant a contestation entre les Hauts Justiciers, ordo confunditur cum unicuique Jurisdictio non servatur. C. cum peroenit n. 9. 1.

Comme les Juges Royaux ne se dessaisissent pas volontiers, et ne prononcent qu’avec peine le renvoy qui leur est demandé ; Par Arrest du 20 de Novembre 1664. il leur fut enjoint d’v p ononcer sans delay, et aux Greffiers, en cas d’appel, d’expedier les Sentences en papier. II1 uit encore enjoint au Juge Royal de faire le renvoy à la Cour à jour certain, pour dispenser les Hauts. Justiciers de prendre des lettres à la Chancellerie, et de donner des assignations. Il n’est Es neanmoins necessaire, comme le prétendent mal à propos quelques Juges Royaux, que le Procureur fiscal vienne en personne, c’est assez que le Procureur qui parlera pour luy soit fondé d’un pouvoir special, comme il fut jugé pour Mr le Duc d’Elbeuf, par Arrest du premier de Février 1619

Celuy qui est ajourné devant le Juge Royal doit comparoître, bien qu’il soit domicilié dans une Haute-Justice, et ce n’est pas à luy à proposer le déclinatoire, mais le Seigneur Haut-Justicier doit se presenter pour le reclamer, au contraire le sujet du Roy, ne seroit pas J renu de comparoître sur l’ajournement qui luy seroit donné devant le Haut-Justicier. La l. 1o. ff. de judiciis qui a décidé que vocatus ad pratorem venire debet ad hoc ipsum, ut sciatur an sua sit jurisdictio, ne s’entend, comme a fort bien remarquéLoyseau , l. 1. c. 8. des Offices, que de celuy qui est ajourné devant son Juge naturel et ordinaire mais qui a quelque privilege et quelque exception pour décliner son Tribunal : En effet cette loy et la l. 2. si quis vocatus, ff. contiennent ces mots, privilegia sua allegaturi. Celuy qui est ajourné hors son térritoire est aux termes de la loy extra territorium jus dicenti impunè non paretur. ff. de Jurisd.

On a néanmoins fait cette distinction, que quand celuy qui est domicilié dans une HauteJustice est ajourné devant un Juge Royal, dans le territoire duquel cette Haute-Justice n’est, point enclavée ; en ce cas le Haut-Justicier n’est point tenu d’aller demander le renvoy, et que même son justiciable le peut demander sans être reclamé par luy, cet Article n’ayant lieu que quand on est ajourné devant le Juge Royal, dans le district duquel la Haute-Justice est enclavée. Et quand cela n’est pas on peut luy opposer avec raison que extra territorium jus dicenti impunè non paretur. Ainsi jugé en la Grand. Chambre le 20 de May 1670. ce qui avoit été jugé auparavant par Arrest du 13 de Novembre 1663. en la Chambre des Vacations entre B Me Denis Maillard, appelant, et Me Vsambard Nicole, intimé ; on cassa un Mandement obtenu du Bailly de Roüen comme incompetent ; et l’on renvoya les parties en la HauteJustice de la Ferté en Brey qui étoit le luge de Maillard ; et on tint pour maxime que le Procureur fiscal de cette Haute-Iustice qui étoit située dans les enclaves du Bailly de Caux, n’étoit point sujet d’aller demander le ronvoy en un autre Bailliage, et que c’étoit le sons de cet Artiele.