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XVI.

Pleds et Assises des Hauts-Justiciers.

Les Hauts-Justiciers, soit qu’ils soient ressortissans sans moyen en la Cour ou autre lieu, ne peuvent tenir leurs Pleds et Assises pendant le temps que les Juges Royaux tiennent leurs Pleds et Assises dans les Vicomtez et Sergenteries, aux enclaves desquelles lesdites Hautes. Justices sont assises : et se regleront sur le temps de la Mession qui sera baillée et déclarée par les anciens Baillifs Royaux,

Cet Article est une imitation de ce qui se pratiquoit sous la premiere et la seconde Race les Rois de France, où les Comtes qui étoient alors les Iuges ordinaires, ne pouvoient tenis leurs Assises, pendant que les Missi dominici tenoient leurs Assemblées. Capitul. Caroli Mag. c. c. 63. On a estimé qu’il étoit juste que les Hauts-lusticiers rendissent le même honneur aux Saillifs Royaux : par un Arrest de l’Echiquier de l’an 1391. il fut défendu à tous Iuges inferieurs de tenir aucuns Pleds ni Assises pendant la sceance de l’Echiquier ; et par un autre Arrest e l’année 1663. pareilles défenses furent faites aux Hauts-lusticiers de tenir leur Iurisdiction. endant les Assises du Iuge Royal, quand elles sont enclavées dans son térritoire ; et le Glossateur de l’ancien Coûtumier en rend cette raison, que les Barons devoient être aux Assises afin de faire les jugemens, et pour ce cessent leurs Iurisdictions l’Assise Royale seant où leurs Baronnies sont enclavées. Bouvot témoigne que la même chose se pratique en Bourgogne, dans son Commentaire sur la Coûtume de Bourgogne, Article 1.

Tout cela a pris son origine des Envoyez ou Miffi dominici, les Comtes et les Cen teniers, qui étoient les moindres Iuges, étoient tenus de se trouver devant les Comtes pour être repris de leurs fautes et pour voir corniger ce qu’ils avoient mal-jugé, et c’est pourquoy leurs onctions cessoient pendant que les grands Comtes tenoient leurs Assemblées, parce qu’ils étoient obligez de s’y trouver. L’Echiquier ayant été établi par nos Ducs, ils s’attribuerent le même pouvoir. C’est de-là que procede cette Coûtume qui s’observe encore aujourd’huy, qu’à l’ouverture de chaque Bailliage les Juges doivent comparence à la Cour.

Le mot d’Assises en cet Article signifie la sceance du Bailly, dans nôtre vieil langage il signifioit quelquefois une loy ou constitution. Chopin en sa Preface de la police Ecclesiastique, a remarqué que Godefroy de Boüillon et le Patriarche de Ierusalem firent des Ordonnances qu’ils publierent sous le nom d’Assises : Les Anglois se servent de ce mot en ce même sens, l. 13. c. 7. et passim alibi in tractatu de leg. et consuetud. Angliae. Nous le trouvons aussi en cette signification dans nôtre ancienne Coûtume, et en celle de Bretagne, voyez d’Argentré sur le Reglement de Gefroy Duc de Bretagne, l’Assise du Comte Godefroy. Et ce mot a passé usques dans la Poüille et dans la Galabre, se trouvant plusieurs fois employé dans les constitutions Neapolitaines, verbum Assisia multas significationes habet, dit Matth. de afflict. l. 1. 1. de Officio justitiarii. Et j’estime qu’il s’y est établi dés le temps de nos braves Normans.

On s’en est servi pour exprimer les Assemblées qui se tenoient pour rendre la Justice, que les Auteurs de la basse latinité ont appellées Mallum publicum, M Bignon en ses Nottes sur Marculphe Mallus, Placitum majus, ubi majora negotia à Comite finiuntur, vide plura apud eundem.

Pithou sur les Capitulaires de Charlemagne. Loyseau des Seig. c. 7. n. 14. les Assises, dit cet Auteur, n’étoient que pour les grandes causes dont les grands Seigneurs se refervoient la connoissance.

Cette distinction d’Assises et de Pleds êtoit en usage avant nos Ducs, et ils emprunterent des François cette manière de rendre la Iustice. In Capitul. Caroli Calv. apud Parisiacum in finei nallum à placito distinguitur, ut illud sit publicus majorum causarum conventus, Placitum sit minorum. Le lieu où se tenoit le Mallum, où l’Assise s’appelloit Malloburgium lege Salica t. 56. quasi habitatio malli. Burgium est habitatio, Spelman in Glossario, quasi habitatio malli, de Roye c. 4. Miss. domin. ad justitiam.

La dispute fut mûé au grand et au privé Conseil, sçavoir si les appellations des HautesJustices aux causes qui n’excedent 25o livres devoient se traiter en la Cour ou aux Presidiaux, et il fut dit au grand Conseil qu’un Arrest obtenu par les Iuges des Presidiaux seroit revoqué, et encore par un autre Arrest du privé Conseil et de la Cour, la question ayant êté renouvelée par tous les Iuges des Presidiaux, sous le nom de celuy de Caudebec, ils surprirent un Arrest du grand Conseil, mais la Cour fit défenses de l’executer. Depuis ayant encore surpris un Arrest au privé Conseil, cela donna lieu d’examiner les Régistres de la Cour, et on trouva dans l’inventaire des lettres et pieces du greffe, que lors de l’établissement des Presidiaux, on donna à la pluspart des Hautes-Iustices des lettres d’exemption de la Iurisdiction des Presodiaux, et lors de la reformation de la Coûtume en l’an 1583. cet Article parlant des Hautes-dustices ressortissantes à la Cour, fut arrété sans aucune opposition de la part des Presidiaux Ce n’est plus aujourd’huy une question que toutes les appellations des Hautes-Iustices qui ressortissent sans moyen à la Cour, des causes qui sont au dessous de l’Edit des Presidiaux, se relevent en la Cour.

Les Seigneurs Hauts-lusticiers pretendent aussi que les Iuges Consuls ne peuvent connoître des causes de leurs justiciables, parce que le Roy par l’érection de la Iurisdiction des Consuls n’a pû leur ôter le droit qu’il leur avoit accordé par les lettres de commission de leurs Iustices.

Et l Parlement de Paris n’y a point fait de difficulté à l’égard de ceux dont les Hautesustices sont hors le ressort des Bailliages, où il y a des Iuges Consuls établis. Et outre les Arrests remarquez par Loyseau des Seig. c. 14. n. 68. il s’en trouve encore un dans le Journal des Audiences, 2. p. l. 2. c. 14. entre Mr le Duc de Retz, Comte de loigny, appelant, et les Iuges Consuls de la ville d’Auxerre. Mr le Duc de Retz soûtenoit que les Juges Consuls d’Auxerre n’avoient pû connoître du different qui êtoit entre deux particuliers, sujets à la Jurisdiction du Comté de Joigny, dautant que le Comté de Joigny n’étoit point du ressort du Presidial d’Auxerre ; mais de celuy. de Troyes ; et si les Juges Consuls avoient eu droit d’en prendre connoissance, c’étoit aux Juges Consuls de la ville de Troyes, et non point à ceux d’Auxerre ; par l’Arrest du 18 d’Aoust 1659. défenses furent faites aux Consuls de la ville d’Auxerre de connoître à l’avenir des causes des marchands, sinon de ceux du ressort du Bailliage d’Auxerre.