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XXI.

Les Hauts-Justiciers peuvent demander jusques à vingt-neuf années d’arrerages des rentes Seigneuriales qui leur sont duës.

En cet Article la Coûtume donne encore cette prerogative aux Hauts-Justiciers, de pouvoir demander vingt-neuf années de leurs rentes Seigneuriales. Comme les rentes Seigneuriales des Hauts et des Bas-Justiciers sont d’une même qualité, on auroit de la peine à marquer d’autre raison de cette difference, que celle rapportée parTerrien , 1. 7. c. 12. art. 33. Tit. de fieffe de fonds à rente. a sçavoir que la Coûtume permet au Bas-Justicier de lever dix. huit sols un denier d’amende pour rente non payée, mais que le Haut-Justicier n’ayant pas e pouvoir de lever cette amende, on luy donne le droit de demander jusqu’à vingt-neuf années d’arrerage de ses rentes Seigneuriales.

Mr le Févre rapporte l’origine des droits Seigneuriaux au temps que les benefices furent rendus hereditaires, ce qui arriva lors que sous Hugues Caper les Ducs et les Comtes usurperent la Seigneurie des Provinces, dont ils n’avoient auparavant que le Gouvernement, don-nans en proprieté à leurs parens et à ceux qui s’étoient attachez à leur fortune, les benefices qui étoient dans l’etenduë de leur Seigneurie, et y joignirent les redevances qu’ils levoient ur chaque arpent d’héritage.

Car il faut remarquer que sous les deux premieres Races de nos Rois, il y avoit de deusortes de biens, les benefices, et les leudes ou alodes, qui étoient les biens propres et heredi-taires. Les possesseurs de cette dernière espèce de biens étoient tenus de fournir aux Comtes. ou Miffis dominicis, certaines choses pour leur dépense, ce qui s’appelloir conjecta, ou viatica ; nous en avons un exemple dans le Capitulaire 3. de Loüis le Debonnaire, dont voicy es termes : Volumus ut talem conjectum Missi nostri accipiant, quando per Missaticum suum perrexerint, hoc est, ut unusquisque accipiat panes 40. fresthguas 2. Cid est duos porcos nondum justi incrementiy porcellum aut agnum unum, pullos 4. ova 2S. vini sextarios 9. de cervisa modios 2. de annona mâdios ae. vide plura apudde Roye , de Miss. domin. et eor. postrit. c. 17.

Les Ducs et les Comtes avoient aussi leurs distributions de pareille qualité, qui leur tenoient lieu de gages et d’appointemens, ( selon Mr Le Févre ) l. 1. c. 8. des fiefs, et quand ls usurperent la domination, ils continuerent d’exiger ces droits ou les donnerent à leurs amis et à leurs parens.

Cette observation de Mr Le Févre est curieuse, elle ne peut neanmoins être appliquée nos rentes et droits Seigneuriaux de Normandie, parce que ce grand changement qui arriva dans lEtat et Gouvernement. de la France, n’eut point lieu en cette Province, qui n’étoit pas alors un membre de la Couronne, elle avoit un autre Souverain contre lequel les grand, Seigneurs n’entreprirent rien, et n’usurperent aucun droit qui luy appartint.

Il faut donc nécessairement chercher ailleurs l’invention des rentes et des droits Seigneuriaux.

Tacite dans son Traité de la manière de vivre des Allemans, a fait cette remarque, cateris servis non in morem nostrum per familiam descriptis utuntur, suam quisque sedem, suos penates regit : trumenti modum Dominus aut pecoris aut vestis, ut colono injungit, et serous hactenus paret.

Les anciens Allemans employoient leurs esclaves à cultiver leurs terres, à condition de leur en payer une certaine quantité de blé, de bétail et d’habits ; et ces gens-là n’étoient pas tout à fait esclaves ; le propriétaire n’exigeoit d’eux ces pensions-là, que comme il auroit fait d’un ermier, et c’étoit-là tout le service qu’ils étoient tenus de rendre à leurs Maîtres, et servus bactenus paret. Les Romains avoient pareillement leurs esclaves, qu’ils préposoient à la culture et à l’aménagement de leurs terres, qu’ils appelloient adscriptitios et colonos Ansitos, parce qu’ils étoient attachez à de certains fonds, glebae addicti. De sorte qu’on ne pouvoit pas même aliener le fonds, sans aliener en nême temps ces esclaves, qu’ils appelloient Colonos, et ils étoient de différente qualité, les uns étoient entièrement esclaves, les autres étoient reputez de condition libre, et à l’égard de ceux-cy les Romains en usoient comme les Allemans ; ils leur bailloient leurs terres à condition de leur payer de certaines choses, comme on l’apprend de la l. 1. C. in quibus causcolon, cens. dom. accip. &c. On ne peut douter que les François n’eussent conservé cette ancienne Coûtume, puisqu’ils la pratiquerent encore dans les premieres conquêtes qu’ils firent au decâ du Rhin, où ils ôterent en quelque façon la liberté à une partie des Gaulois, qui étoient apparamment les plus pauvres, en les contraignans de faire valoir leurs terres, et de leur en payer le revenu, avec cette dure et indispensable obligation, que ni eux ni leur postérité, ne les pouvoient abandonner. Et ce sont ces personnes que les Coûtumes appellent hommes de corps, gens de pore et de suite, parce que les Seigneurs les pouvoient vendiquer en quelque lieu qu’ils fussent ; et l’on a remarqué, que ces Coûtumes-là ont été établies principalement dans les Provinces qui étoient les plus voisines du Rhin. Les François ayant, poussé leurs conquêtes plus avant dans les Gaules, devinrent plus doux et plus humains, et sans ôter la liberté ils se contenterent de taxer les terres et d’en exiger de certains revenus, à l’exemple des. Romains, qui en usoient de cette maniere avec les Gaulois. Ab omni avo veluti jure naturali ita comparatum est, ut populorum bello subactorum res in victorum jus cederent, nec victis quidquam redderent, nisi tributo imposito.Herald . l. 1. c. 13

Les Normans trouvans les chpses ainsi établies, ils ne furent pas moins équitables envers les Neustriens. Ceux qui furent maintenus en leurs possessions furent chargez de certaines. redevances, et pour les Normans les grands Seigneurs ne pouvans pas faire valoir toutes les terres qui leur avoient été données, ils en firent des infeodations sous telles conditions qu’il leur plut, et il ne faut pas douter que dans les siecles de desordre et de confusion, les personnes puissantes et violentes n’ayent beaucoup augmenté leurs premiers droits, et qu’ils n’en ayent exigé de nouveaux ; l’on peut mettre en ce rang tous ces droits qui ressentent la servi tude, et qui sont contraires à la liberté publique, et particulierement la pluspart des corvées, les Seigneurs ayant fait un droit de ce qui ne leur êtoit accordé que par civilité. Mais le temps. en a purifié le vice, et l’on s’est contenté d’abolir les droits bigearres et irreguliers, qui n avoient d’autre fondement que le caprice ou la violence apparente des Seigneurs.

Comme les personnes qui faisoient les infeodations, et ceux qui les recevoient, étoient de différente qualité, que le mérite, les services, la faveur, et l’amitié y mettoient de la diffeence, cela faisoit que les infeodations étoient plus onereuses, ou plus utiles, selon les qua-ditez et les inclinations des personnes ; et sans doute que les grands Seigneurs firent à leurs parens, ou à leurs amis, dont ils vouloient recompenser les services, ou conserver l’amitié, des infeodations plus favorables que celles qu’ils firent aux Neustriens.

Les rentes Seigneuriales sont proprement le contractus libellarius des Latins, seu concessio ad libellum. Car luivant la définition des Docteurs, concessio ad libellum est, quando feudatarius feudum suum, seu utile dominium quod in eo habet, alii concedit in perpetuum, vel ad tempus sub certâ nnuâ pensione prastandâ. Et quoy que les contrats emphytheutiques soient faits sous les mêmes onditions, ils different en ce point, que cette concession ad libellum, ne se fait qué pro re fendali, quand celuy qui a le domaine utile du fiefidonne une partie d’iceluy à la charge de la reconnoissance feodale, et d’une prestation annuelle. Pontanus sur la Coûtume de Blois, Tit. 5. Art. 62 On peut se défendre contre cette demande de vingt. neuf années, par la representation des quittances de trois années consecutives, sans aucune reserve, qui per tres, annos solvit, praimitur superiorum annorum censum solvisse. On a étendu la disposition de la loy quicunque C. de apoch. Publ. qui ne parle que des rentes dûës au fisc, à celles qui sont dûës aux particuliers.

Coûtume de Bourg. Article 419. la Coûtume de Poictou Article 47. dit davantage, que par le payement de la dernière année, sans protestation de la part du creancier, les precedens arrerates sont présumez acquittez, mediante juramento veritatis & credulitatis in eddam personâ Du Moulin b. 88. gl. n. 41. et 42. a même estimé que non seulement des quittances des trois dernieres années font présumer le payement des precedentes, mais aussi qu’encore qu’il soit échù des arrerages depuis ces trois payements, cela n’empesche point que les années échuës avant les quittances des trois dernieres années ne soient reputées quittes ; etiam si in ultimes annis sit cessatum, apparet tamen ante quatuor vel quinque annos continuos fuisse solutum, quia tunc presumitur solutio superiorum ab illis, trium annorum.

Ce même Auteur ne veut point que cette regle ait lieu pour les fermages, contre le sentiment universel des Docteurs, comme luy-même en demeure d’accord : tout son raisonnement se reduit à ce point, que les tributs publies, dont il est parlé dans cette loy quicunque, se payent avec plus de solemnitez, et per multas publicorum manus examinâta transeunt, & in publicis restorum monumentis annotantur, laquelle raison ne paroit pas suffisante, car cette exactitude ou gette solemnité des fermiers publics à se faire payer, n’empesche pas que la presomption ne soit également forte contre un proprieraire, pour faire juger qu’il ne luy est rien dû, lors qu’il reçoit et qu’il donne quittance de trois années consecutives, sans se reserver aux puecedentes ; aussi l’usage est contraire à l’opinion de du Moulin : et soit que l’on demande des rentes dûës au Domaine du Roy, ou des rentes ou des fermages qui appartiennent à des particuliers, les quittances des trois dernieres années sans reserve suffisent.

Le payement d’une rente seul ne suffit pas pour faire présumer un titre, quoy que le payement en ait été continué durant plusieurs années, pourvû qu’ils n’excedent pas le temps de quarante ans, car il y a grande différence entre la reconnoissance et la solution d’une rente : la reconnoissance fait une pleine foy de la redevance, pourvû qu’elle ne soit point faite par erreur, car en ce cas il y a lieu de s’en pourvoir par les voyes de droit, quia, ditdu Moulin , dicta vecognitio fit àd probationem conservandam, non autem ad quid de nouo difponendum. Le ayement des arrerages n’engage point à la continuation, s’il ne paroit un titre obligatoire, plutio nullo modo tendit ad obligandum, sed ad exonerandum à preterita pensione quae solvitur.Molin . de usur. n. c1o.

Le payement d’une rente Seigneuriale fonciere ou constituée, se faisant souvent par plusieurs obligez, nos Docteurs ont traité cette question, si le creancier recevant par les mains de l’un des obligez une portion de la dette, soit pour le principal ou pour les arrerages, la rente est présumée divisée.

Ceux qui soûtiennent la division alléguent pour leur opinion la l. si creditores, laquelle y est formelle, si creditores vestros ex parte debiti quenquam vestrûm pro persona sua solventem proba-eritis. preses provinciae ne alter pro altero exigatur, providebit. Et M. Loüet rapporte un Arrest, par lequel on a jugé qu’un creancier qui a plusieurs héritages obligez à sa dêtte, recevant une partie de la rente de l’un des détenteurs de l’héritage, à proportion de ce qu’il en tient, ne peut plus s’adresser aux autres obligez solidairement pour toute la rente, suivant cette loy creditores, laquelle a lieû non seulement in personuli actione, sed : etiam in hpothecariâ. Mais Brodeau ajoûte que cette maxime n’est pas universellement. vraye, et qu’elle ne doit avoir lieu que quand le creancier paroit l’avoir fait animo dividendi.

Pour décider cette question il faut faire de la difference entre une simple dette mobiliaire et une rente, soit Seigneuriale, fonciere ou constituée, quand le creancier reçoit une portion lu capital d’une dette on considere principalement son intention, et les termes de la quittanco, p et on présume qu’il a eu le dessein de diviser la dette, quand il employe dans sa quittance, quie c’est pour la part et portion de celuy qui paye. Que si ces termes n’y sont point employez x simplici solutione divisio inon fit, l. si ex-toto S. 5. 1. de leg. 1.

Il y a moins de difficulté pour le capital des rentes que pour les arrerages ; du Moulin a bien estimé que pour le cens, et autres petites rentes, quand le Seigneur les a-reçûës par portions durant plusieurs années, parce que le fonds vaut beaucoup davantage, et que le Seigneur ne recoit aucun préjudice par la division de la rente, on présume avec plus d’apparence, qu’il n’a point : fait difficulté de la diviser, mais il ajoûte que cette presomption n’a point lieu pour les autres rentes, ubi de notabili praejudicio Domini agitur Mais, à mon avis, pour quelques rentes que ce foit la division n’en doit point être présumée que par le. fait exprés du Seigneur ou du créancier.

Il n’est pas raisonnable que la facilité d’un Seigneur ou d’un creancier envers lun des obligez, luy porte préjudice, et je serois de ce sentiment que la reception de la portion d’une dette de la part de l’un des obligez solidairement, soit du principal ou des arrerages d’une rente, n’induit point de division et ne libere point les autres obligez de l’obligation solidaire, non plus que celuy qui a payé, s’il ne paroit que le croancier l’ait tenu quitte pour sa part et portion, hoc enim casu creditor aocipiendo partem sibi prajudicat. Voyez Bacquet des droits de Just. c. 21. n. 244.

Brodeau sur la Coûtume de Paris, traite cette question, si une rédevance de cens ou autre rente fe peut compenser avec d’autres dettes : Bien que les Docteurs tiennent qu’il y a lieu à a compensation, pour éviter la commise, du Moulin sur l’Article 85. de la Coûtume de Paris gl. 1. n. 19. refute cette opinion, parce, dit-il, que le Canon emphyteutique, et à plus forte raison le oens ne consiste pas seulement en la somme convenuë, mais en la reconnoissance de la Seigneurie directe en l’honneur et au respect de la superiorité, dont le Seigneur demeureroit frustré par mépris, si une rédevance de cette qualité privilegiée et assistée de prerogatives éminentes se compensoit de plein droit avec une dette commune. C’est aussi le sentiment de Tronçon ; Article 105. de la Coûtume de Paris. Ce raisonnement me semble plus subtil qu’équitable, la rente Seigneuriale, lors qu’il ne s’agit que des arrerages, n’a point de prerogatives particulières, le payement qui s’en fait emporte avec soy la reconnoissance de la superiorité, et le Seigneur ne pouvant demander que le payement de sa rente, il en est pleinement sarisfait par la compensation contre une dette legitime, et un Seigneur qui refuseroit cette compensation passeroit parmy nous pour un chicaneur.

Pour donner effet à la compensation, il faut que la dette soit ejusdem privilegii, prarogativa et qualitatis avec celle qu’on veut compenser. Je ne serois point du sentiment deBrodeau , qu’une dette qui porte interest est compensée de plein droit avec une dette sterile, et que cela même doit avoir lieu en une rente constituée à prix d’argent, quand le creancier a reçû de l’argent appartenant à son debiteur, sans luy en tenir compte, ni faire offre de luy restituers dé duction faite préalablement des arrerages échus, au temps de la reception, bien que ce qui reste ne soit pas suffisant d’amortir le principal, et que la rente ne soit rachétable qu’à un seul payement, étant au pouvoir du creancier d’y renoncer. Brodeau sur la Coûtume de Paris, Article 5. n. 5. et suivans.

Chopin par. l. 2. t. 2. n. 16. a été aussi cette opinion, s’attachant à la Constitution l’Empereur Severe, rapportée dans la l. cum alter D. de mor. compens. cum alter alteri pe-cuniam sine usuris, alter usurariam debet, constitutum est à D. Severo concurrentis apud utramque quantitatis usuras non effe prestandas.

Du Moulin de usur. 4. 43. n. 326. et seq. a fortement soûtenu le party contraire, et prouvé que pour une rente, il ne s’en fait aucune compensation avec une simple dette de plein droit, sed demùm. congrua oppositione factâ ab homine, que vice oblationis fit : ratio quia nulla est obligatio fortis reddendae, igitur nulla compensationis materia. La condition du creancier seroit fort desavantageuse, il doit rendre l’argent qu’il a recû pour son debiteur toutefois et quantes qu’il luy lemandera, et de sa part il ne pourroit exiger son principal ni compenser sa rente, quand il e voudroit, le debiteur luy pouvant dire qu’il ne la veut pas amortir, ainsi il seroit en la diberté du debiteur seul d’arréter le eours de la rente ; et ce qui est encore plus étrange, Brodeau a estimé que la rente pouvoit cesser en partie, quoy que par le Contrat elle ne soit ra-t. chétable qu’à une seule fois, parce, dit-il, que le creancier a pu renoncer à son droit, mais a il faudroit que cela parût par quelque acte exprés, et on doit presumer une volonté contraire de sa part, puisque comme il vient d’être dit, il ne sçait pas si le debiteur de la rente agréta la compensation ; quantamcumque summam debeat creditor, currit reditus ipfo jure et cum effectu, donec debitor significet creditori se velle redimere. Mornac sur la l. cûm alter D. de ompens. rapporte un Arrest du Parlement de Paris, qui l’a jugé conformément à l’opinion de du Moulin ; et c’est aussi le sentiment deTronçon , Article 105. de la Coûtume de Paris. Ricard sur ce même Article de la Coûtume de Paris dit que si d’une part il est deub 1oo livres vec les interests, et de l’autre pareille somme sans interests, ces deux sommes sont reputées avoir été compensées, ipfo jure, quoy qu’il n’y en ait aucune demande à l’effer d’empescher le tours des interests de la premiere somme, et ainsi en usons-nous ; dit cet Auteur e suivrois cette opinion pour une dette exigible, et dont le debiteur a été condamné aux interests, parce que ces interests-là ne sont pas favorables : Il n’en est pas de même pour les sentes constituées dont le principal ne peut être repeté, que du consentement du debiteur.

J’estime aussi que pour toutes les dettes exigibles la compensation s’en feroit de plein droit, et sans aucune demande, l. 11. de compens.

La compensation de la dette du cedant, se peut aussi demander contre le cessionnaire, parce qu’il n’a pas plus de droit que son auteur. Il y a plusieurs cas ausquels la compensation n’est pas admissible, et particulierement pour le depost, parce que la retention en est anissable : Du Moulin ; Article 85. n. 19. et sui. Tronçon, Article 105. de la Coûtume de Paris. Bacquet des droits de Just. c. 8. n. 12. et les Auteurs remarquez par Ricard en ses adit. ur l’Article 105. de la Coûtume de Paris.

On ne peut pas opposer à lheritier beneficiaire, la compensation de ce qui luy est deub en son nom, avec ce qu’il doit en qualité d’heritior beneficiaire : idem pour le tuteur.1

C’étoit autrefois la coûtume d’obtenir des lettres de Chancellérie ; d’où vient queMornac , sur la l. 3. et la 21. de comp. à dit que in foro Gallico duo necessaria sunt ad compensationis opposita effectum. 1. ut liquido ad liquidum fiat. 2. ut accedat rescriptum principis distinctione factâ regionum ; Et Mr Cujas sur la l. 16. de comp. l. 3. quest. Papin. aprés avoit montré que jure civili in omnibus judiciis tam strictis, quam bona fidei compensatio fit ipfo jure ; il ajaeûte que, moribus Galliae non fit ipfo jure, ac ne remedio quidem exceptionis, sed ex rescripto Principis nominatim par lettres de Chancellerie, non porest uti compensatione is unde petitur, nisi id Princeps nominatim concedat. Cette pratique de prendre des lettres de Chancellerie, avoit fait croire à plusienrs, que la compensation ne fe pouvoit faire de plein droit, et qu’il l’a faloit opposer, mais la question s’étant offerte, par Arrest au Rapport de Mr Buquet, du 1s de Juillet 1665. entre du Pont, Martin, et Samüel, il fut jugé que la compensation se fait ipfo jure, nonobstant le ransport et au préjudice du creancier arrétant, avant la déclaration de compenser, compensatio folutioni aquiparatur, et tollit ipso jure actionem. l. 51. debitor 14. in fine, qui potui. pig. dolo facit qui petit quod redditurus est eidem. l. dolo. S. D. de dolo.

Quand les vassaux offrent de payer en essence leurs rentes en blé, on a demandé s’ils sont tenus de bailler du meilleur, ou tel qu’il est excru sur lhéritage sujet à la rente ;Coquille . d. 53. conclud pour l’affirmative, hec enim sunt fructus impendia, que s’il l’on n’y en a point ecueilli, il suffit qu’il soit de prix mediocre, 9. arg. l. si quis argentum s. 1. C. de donat. l. fidejussorum, aliâs si fidejussori C. mandat.

La Cour, pour éviter les vexations que les Seigneurs ou leurs Receveurs faisoient à leurs vassaux, lors qu’ils n’avoient point payé leurs rentes en essence, a fait un Reglement sur ce sujet ; par un Arrest du 18 de Janvier 1665. au Rapport de Mr Fermanel, entre Mr du Four Maître des Comptes, appelant, et Anne le Chevalier, veuve de Pierre des Vaux, intimée, il a été jugé ro que le Haut-Justicier ne peut faire l’appretiation des grains qui luy sont deubs, mais qu’il faut avoir recours au Greffe du Juge Royal ; 2o que le vassal qui n’a point payé les rentes, les doit sur l’appretiation faite sur un prix commun, resultant de l’appretiation de plus haut, mediocre, et bas prix de l’année, si mieux le Seigneur n’aime les faire payer sut e prix qu’elles valoient au temps de l’écheance ; il étoit juste de ne laisser pas aux Seigneurs la liberté de regler les appretiations, afin qu’ils ne le fissent pas à la foule de leurs vassaux.

Cet Arrest a été confirmé par un autre donné au Rapport de Mr du Houley, du 19 d’Avril 1667. entre la Demoiselle Bouleur, appelante, et Pancrace de la Motte, Ecuyer, sieur du PontRoger, caution du Receveur du Domaine de Coûtance, intimé.


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ARTICLE VIII. Page 92 et. ligne 27.

P Ar l’Arrest de Rousseau l’on confirma un decret fait devant le Vicomte de Bayeux, quoy qu’une partie des héritages fût située dans la Vicomté de Bayeux, et l’autre dans la HauteJustice de Maisi, qui est véritablement dans les enclaves de la Vicomté de Bayeux, mais qui n’est qu’une dépendance et un membre de celle de Varenguebec, dont le chef est assis dans le Bailliage de Côtentin, en consequence dequoy l’on soûtenoit que les terres êtans en deux Bailliages differens, le decret n’avoit pû en être fait qu’en vertu d’un Arrest d’Attribution.

Depuis cette question s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre : Le sieur Bacon saisir réellement une maison appartenant à Jean Nicole, au mois de May 1677. et au mois de Novembre ensuivant il augmenta sa saisie de plusieurs héritages situez en la Paroisse de Ry, qui est dans les enclaves de la Vicomté de Bayeux, mais qui dépend de la Haure : Justice de S. Gabriel, dont le siege est dans les enclaves de la Vicomté de Caen, il obtint des Lettres de Mixtion pour faire decreter le tout devant le Bailly de Caen au Siege de Bayeux : Demoiselle Madeleine Lucas, vreuve de Me Magloire Bailleul, ayant fait saisir les mêmes héritages se pourvût devant le Vicomte de Bayeux, qui fit défenses de proceder ailleurs que devant luy : Bacon obtint un Arrest, par lequel il luy fut permis de continuer son decret devant le Bailly audit Bayeux : La Demoiselle Lucas pour ses moyens d’opposition contre cet Arrest, disoit par Louver son Avocat, que cette question étoi nettement décidée par l’Article VIII. de la Coûtume, car il donne au Vicomte la connoissance des Lettres de Mixtion pour les héritages situez dans le Ressort de sa Vicomté, encore qu’ils soient de diverses Sergenteries ou Assises dans le Ressort d’un Haut-Justicier qui est dans les enclaves le sa Vicomté : Or étant constant dans le fait que la Paroisse de Ry est dans les enclaves de la Vicomté de Bayeux, la competence du decret ne peut être contestée au Vicomte ; et pour montrer que l’on devoit considerer seulement le lieu où les héritages étoient situez, et non le lieu où le Haut-Justicier tient sa Jurisdiction, s’il étoit question de Lettres Royaux ou de cas Royaux entre des personnes domiciliées dans la Paroisse de Ry, on ne pourroit pas se pourvoir devant le Vicomte de Caën, quoy que le Siege de la Haute-Justice soit dans les enclaves de sa Vicomté, mais il faudroit proceder devant le Vicomte de Bayeux. Je répondois pour Bacon, que pour faire valoir l’explication que la demanderesse donne à cet Article, I faudroit en rétrancher une partie ; car autrement on ne sçauroit donner un sens raisonnable à ces paroles, qui sont assises dans le Ressort d’un Haut-Justicier qui est dans les enclaves de sa Vicomté. Si pour fonder la competence du Vicomte il suffit que les héritages soient assis dans le Ressort de sa Vicomté, il étoit superslu d’ajoûter que le Haut-Justicier fût dans les enclaves de sa Vicomté, car il n’importoit point que le Haut-Justicier fût dans les enclaves de sa

Vicomté, sitomme on le pretend, c’est assez que les terres y soient assises ; afsi ces dernieres pparoles de l’Article VIII. seroient entièrement supersluës, cé qui ne peut être dit, tous les mots d’une loy étans énergiques et significatifs : Il faut donc entendre cet Article de cette manière, que le Vicomte a la connoissance des Lettres de Mixtion quand les héritages sont assis dans deux Sengenteries, ou dans le Territoire d’un Haut-Justicier qui est dans les enclaves de sa Vicomté, c’est à dire qui a son siege et qui tient sa Jurisdiction dans les enclaves dessa Vicomté ; car l’on ne peut pas dite qu’un Haut-Justicier soit dans les enclaves d’une Vicomté, lorsqu’il ne tient pas sa Jurisdiction dans son Territoire, et qu’au contraire il en fait poutes les fonctions dans une autre ; Il ne suffit donc pas que les terres foient enclavées dans une Vicomté pour rendre le Vicomte competent, il faut encore que le Haut-Justicier y ait on siege et qu’il y tienne sa Jurisdiction, et c’est l’espèce de l’Arrest de Rousseau ; car les rerres n’étoient pas seulement dans les enclaves de la Vicomté de Bayeux, mais aussi la HauteJustice de Maisi y étoit assise ; et lorsque l’on objecte que le Juge Royal de Bayeux connol-éroit des cas Royaux et des Lettres Royaux entre les personnes non domiciliées dans la Paroisse de Ry, on répond que c’est poser pour principe ce qui est en contestation ; ; et pour prouver que cela n’est pas véritable, on suppose que la Justice de S. Gabriel soit abolie et supprimée, comme le fief qui la compose est relevant du Roy, à cause de sa Vicomté de Caen, non seulement le fief, mais aussi tout le Domaine qui le compose, et par consequent a Paroisse de Ry seroit soûmise à la Jurisdiction du Vicomte de Caen, et il n’en retourneroit aucun droit ni competence à celuy de Bayeux, quoy qu’elle soit dans les enclaves de son Territoire, parce que les choses revtendroient au même état qu’elles étoient avant l’erection de la Haute-Justice de S. Gabriel, d’où il resulte évidemment que la Paroisse de Ry n’ayant amais fait partie de la Vicomté de Bayeux, quoy qu’elle soit dans ses enclaves, mais étant de a dépendance de celle de Casn, lorsqu’il s’agit de Lettres de Mixtion elle doit être considerée comme si elle dépendoit encore de la Vicomté de Caen, et par consequent la connois-fance de ce decret appartient au Bailly ; la Cour ordonna qu’il en seroit délibéré le 18 de Mars 1678.