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XXXI.

Les Bas-Justiciers ne peuvent demander que trois années d’arrerages des rentes Seigneuriales à eux dûës par leurs sujets, s’il n’y a compte, obligation, ou condamnation, ou qu’il apparoisse de la premiere fieffe par generale hypotheque.

Ce que nous appelons rentes Seigneuriales, la Coûtume de Paris l’appelle Cens ; l’un et l’autre etant dû pour marque de la Seigneurie directe. Brodeau dans sa Preface sur le second tome de la Coûtume de Paris. Sur cet Article voyez l’Ordonnance de Charles IX. de l’an I563. vulgairement nommée des Censives et rentes foncieres, et Brodeau Article 75. n. 1. de a Coûtume de Paris.

En consequence de cet Article qui ne permet au Seigneur de demander que trois années de ses rentes, il faut sçavoir si l’ainé d’un tenement doit être reduit à n’en demander que pareil nombre à ses soûtenants ou puisnez, quand il en a avancé pour eux davantage : Me Pierre du Four Avocat à Caudebec avoit payé toutes les rentes d’une aihesse dont il étoit le chef, ou pour user du terme de Normandie, le porteur en avant, il en avoit arrêté les comptes avec le Seigneur, mais en l’absence des puisnez : Du Four ayant demandé à Pierre le Moyne, curateur de Raulin le Masson, vingt-neuf années par recompense, on maintint contre luy que n’agissant qu’au droit du Seigneur, il ne pouvoit demander plus de trois années. Du Four pretendoit qu’à son égard ce n’étoit qu’une rente fonciere, comme si l’ainé avoit rebaillé en fieffe à ses puisnez une portion de son tenement ; par Arrest du té de Juillet 1654. les puisnez furent condamnez seulement au payement de trois années, sauf audit du Four à faire apparoir de diligences bonnes et valubles et d’acte judiciaire, auquel cas le puisné étoit dés à present condamné à sa recompense : l’ainé n’a qu’une action recursoire pour être remboursé de ce qu’il payé plus que sa part, mais il n’a point une action solidaire comme le Seigneur.

Depuis cette même question s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre le 14 de May. 675. entre Nicolas de Grieu appelant, et Simon le Cordier intimé. Le sieur le Cordier avoit fait condamner l’appelant en sa recompense de plusieurs années de rentes Seigneuriales, qu’il voit payées comme ainé au Seigneur feodal. De Grieu pour moyens d’appel s’aidoit de l’Arrest de du Four, qu’à proprement parler le soûtenant ne doit rien au Seigneur, parce qu’ils sont te-us de payer aux mains de l’ainé, autrement on rendroit cet Article illusoire, le Seigneur bailleroit une quittance à l’ainé pour avoir un moyen de demander plus de trois années au puisné. Greard pour l’intimé convenoit que la question avoit été décidée par l’Arrest mais il demandoit à trouver que l’appelant luy avoit promis diverses fois de le payer. Plusieurs ne furent pas d’avis de recevoir cette preuve, et que l’ainé n’étoit point recevable à demander plus de trois années sans diligences valables ; il fut dit neanmoins avant que de faire droit sur l’appel, que l’intimé seroit la preuve de son fait.

Ces paroles, ou qu’il n’apparoisse de la première fieffe par generale hpotheque, sont icy employées fort mal à propos, et il est mal-aisé de leur donner un sens raisonnable. S’il est necessaire que 4a première fieffe contienne une generale hypotheque, pour donner droit au Seigneur de demander plus de trois années, il s’ensuivra par la même raison, qu’on né pourra aussi demander plus de trois années d’une rente fonciere, lors que le bail à rente ne contiendra point la clause dune hypotheque generale. Cette paction n’étant pas moins requise pour les rentes foncieres, ue pour les Seigneuriales, puisqu’elles ont un même principe, et qu’elles sont créées pour le pail à rente ou fieffe d’héritage, la seule difference consistant en ce point qu’il n’y a que celuy bi a droit de fief qui puisse créer une rente Seigneuriale. Et c’est pourquoy Godefroy sur et Article, dit qu’en consequence de ces paroles, s’il n’apparoit de la première fieffe par generale hypotheque, il avoit toûjours crû qu’on ne pouvoit demander plus de trois années d’arrerages. l’une rente fonciere, et toutefois il est d’un usage certain et notoire qu’on peut en demander jusqu’à vingt-neuf années : Il est bien vray que quand il s’agit du déguerpissement d’un heitage, le preneur n’y est point reçû, quand par la fieffe ou bail à rente, il y a une obliga-tion et une hypotheque generale sur tous ses biens. C’est en ce cas que cette clause peut valoir et operer, mais ce ne doit point être en vertu de cette clause que le Seigneur a droit de denander vingt-neuf années, car la generale hypotheque ne fait pour le nombre d’années, et le defaut de cette stipulation n’a point été aussi le motif qui a porté nos Législateurs à reduire et limiter à trois années la demande des arrerages des rentes Seigneuriales. Ils ont eu cet égard que les rentes Seigneuriales étant souvent de peu de consequence, il seroit trop incommode à un vassal de conserver ses quittances durant tant d’années, que d’ailleurs les Seigneurs e plus souvent n’en donnent point, et qu’ils se contentent d’employer les payemens sur leurs journaux ; et enfin, que le Seigneur ayant sa Justice et ses Pleds de gage-plege, qu’il fait tenit expressément pour le payement de ses rentes, et pouvant même punir par amendes ceux qui n’y viennent point, ou qui ne payent point leurs rentes, on ne présume pas qu’il ait negligé si long-temps de s’en faire payer, et par consequent il étoit raisonnable de limiter le temps de cette action, pour ne leur donner pas un moyen de faire de la vexation à leurs vassaux, Quand on produit un tître valable, la possession peut être prouvée par témoins pour interrompre la prescription. C’est une précaution que l’on employe assez souvent dans les contrats que l’on se charge de payer une rente si elle est dûe, pour se conserver la liberté de la contredire, si la demande n’en est pas appuyée sur de bons titres : et Godefroy forme la question, si cette clause vaut d’interruption : et son opinion me semble vraye, que cette clause suffit pour inter rompre la prescription, quand la redevance est bien prouvée par titres Loyseau Suivant le sentiment de Loyseau du déguerp. l. 1. c. 5. toutes les rentes dont il est fait mention dans le droit Romain, étoient seigneuriales : mais parmy nous il faut avoir un fief pour leur donner cette qualité.

Outre les rentes, les Seigneurs ont exigé de leurs vassaux des sujetions, qu’ils appellent des corvées, dont suivant nôtre jurisprudence on ne peut demander qu’une année On rapporte diverses origines de ce mot de corvées ; je croy que ce mot de vée peut être, Allemand, signifiant peine et tourment. Pomarius en sa, parlant Chronique de Saxe ce traitement rigoureux, que Charlemagne fit souffrir aux Saxons, dit que cet Empereur établit dans la Vestphalie une Justice secrete, où sans aucunes formalitez ni connoissance de cause les Juges condamnoient à la mort sur de simples soupçons. aCe severe tribunal s’appeloit veen Gericht, velut propter hanc crudelitutem subditi cogerentur illum Germanicum dolorem, vée exclamationibus dignis exprimere, quasi vae vae.Vander-hagen , de Rep. Hanseat. p. 1. c. 5. trouve plus d’apparence que ce mot de veen Gericht, soit composé de veen, qui signifie peine et tourment, et de Gericht, qui veut dire jugement ou condamnation.

Mr Cujas sur la loy un. cod. ne opèré à collationibus exigantur, estime que les corvées sont ainsi appelées quasi corpez, scilicet quasi opera corporalia, nam et Luodunensibus, inquit, vée operam significat. C’est aussi le sentiment de Ménage en ses Origines. Sur ce mot de corvées, Mi deCambolas , l. 1. c. 11. veut qu’elles soient ainsi appelées, parce qu’elles ne se peuvent faire que par le travail du corps, qu’il faut courber pour travailler ; cela a de lapparence pour les Gascons Chassanée qui prononcent le B, pour l’V. Voyez Chassanée t. des Main-mortes, in verbo corvées : Brodeau sur la Coûtume de Paris, Artiele 71. Ferrier sur la question 217. et 472. de GuyPapé .

L’usage de ces corvées est tres-ancien en France. Parmy les anciens Gaulois les laboureurs et autres pauvres gens n’étoient pas moins sujets aux riches et aux puissans ; que les esclaves Cesar parmy les Romains, comme on lapprend Cesar, l. 6. de bello Gall. plerumque, inquit, apud Gallos, potentiorum injuriâ oppressi se se in servitutem dicant ; nobilibus in hos eadem su jura quae Dominis in servos : Nonobstant tout les changemens arrivez dans les Gaules, cette tyrannique Coûtume continua toûjours. Durant l’Empire deDiocletian , tout le pauvre peuple accablé par la servitude fut forcé de se rebeller pour s’en delivrer : Car Salvian témoigne que de son temps les laboureurs et les autres gens de pareille condition, ut vim exactionis evadant, tradunt se ad tuendum protegendumque majoribus, dedititios se divitum faciunt, et quasi in jus eorum ditionemque transcendunt : omnes hi qui defendi videntur defensoribus suis omnem ferè substantiam addicant. Mais on ne peut faire une peinture plus naturelle de hhumeur de nos Gentilshommes et Seigneurs de village, que celle qui se trouve dans cette ancienne Comedie, appelée Querolus, où Querolus fait, cette demande au Lar familier, ut sim privatus et potens, et mihi liceat, spoliare non debentes, cedere alienos, vicinos autem & cedere & Spoliare. a quoy Lar réponds atrocinium non potentiam queris : hoc nescio adepol quemadmodum prestari possit tibi, tamen inveni, habes quod exoptas, vade ad Ligerim, vivito illic jure gentium, illic vivunt homines, ibi nullum est aerestigium, ibi sententiae capitales de croboreproferuntur et scribuntur in ossibus, illic etiam privati rustici perorant, et privati judicant, ibi totum. licet. La replique est, neque dives ero sum, neque robore uti cupio, nolo hec jura silvestria. Pierre Daniel qui a commenté cette Comedie, et Loyseau aprés luyLoyseau , t. des Abus de Justice de village, estiment que cela s’entend des Druydes et des Juges sous l’Orme.Brodeau , Coutume de Paris, Article 71. n. 17. l’explique à la lettre des Gentilshommes François, qui traitent leurs pauvres villageois à coups de baton, ce qui êtoit pratiqué principalement aux Provinces d’Anjou, du Maine, et autres voisines de la Loires dont nous avons d’illustres témoignages dans les Capitulaires de Charlemagne. Il reste encore aujourd’huy trop de gens de cette humeurs et qui en usent de la sorte, lors qu’ils osent le faire impunément. Les Ordonnances de Loüis XII. de l an 1499. d’Orléans, Article, oS. De Blois, aux Articles 280. 283. et 305. ont condamné toutes ces vexations, et il est défendu aux Gentilshommes d’exiger des païsans aucune somme de deniers, ni blés et avoines, ni de corvées, et autres choses quelconquesa sous pretexte de donner leur protection et de les garantir de gens de guerre ; de sorte qu’aujourd’huy parmy nous il ne reste presque plus de marques de la servitude personnelle, que dans la Bourgogne.

Le grand Clovis en l’année 499. imita les Romains, car aprés avoir défait les Allemans en la bataille de Tolbiac, eos servituti mancipavit beneficiario titulo fiscalinos, hoc est Regis proprios homines re et corpore reddidit, ce qui fut pratiqué par les Rois suivans dont AngelusVanderhagen , de Rep. Hanseat. c. 4. 5. 3. rapporte cette preuve ; Ludovicus Caroli filius Cinatdo patris sui cancellario contulit predia enichiestad cum servis Regis propriis quatuordecim & uxoribus suis, et libevis tredecim : Et cet Auteur ajoûte in Galliis, hi homines manus mortua vocantur, ce sont pro-prement ceux que le droit Romain appelle ascriptitios, Bodin en sa Rep. l. 1. n. 10. qui Cujac ne differoient gueres des esclaves : Cujat. Ad Tit. de agric. et cen. et lib. 12. obser. c. 35. servi conditionales 1. 7. C. de jur. fis. censiti, glebaque ascripti, qui cum agro uni Domino serviebant, et unâ cum feudo mancipabantur et alienabantur, sic érant coloni palestini, coloni patrimoniales, saltuenses, Emphyteucarii, Burgarii, colonarii, inquilinarii, coloni rei privata, dominici fiscales servi, tamiaci, matileguli, et une infinité d’autres parmy les Romains, et parmy les premiers François. l. 3. Francic. leg. c. 86. nous y trouvons de pareilles servitudes, censatos qui operum & servitutem personalem in domo Domini debebant ; et au liv. 1. des mêmes loix c. 75. il est fait mention de beneficialibus arque Pagensibus, Pagenses quasi pueri de pago Domini in ejus domo enutriti. ce qui a fait estimer àFerrerius , que le mot de Page a pris de-là son origine, non à pedagogianis Romanorum pueris. Agobard Evesque de Lyon dans le Chap. de privilegio et jure sacerdotali, en arle en cette sorte, habeo clericionem quem nutrivi de Pagensibus.

Et pour dire le vray toutes ces corvées sont des restes de l’ancienne servitude, que les Conquerans imposoient aux peuples vaincus ; nos François imiterent l’exemple des Romains. ce qu’on infere de la conformité de ces sujetions qui étoient en usage parmy les Romains, avec celles que Clovis et Charlemagne imposerent aux Gaulois et aux Allemans, et dont il reste encore quelques marques dans la Bourgogne. Les Historiens Allemans nous apprennent que les Allemans qui avoient défendu si long-temps leur liberté contre la puissance des Romains, furent enfin vaincus et reduits sous une dure servitude par Clovis, aprés cette fa-meuse bataille de Tolbiac ; car à l’exemple des Romains, il leur laissa la vie sous de facheuses conditions ; Charlemagne en usa de meme contre les Saxons ; aprés les avoir défaits en une nfinité combats : Lehman dans sa Chronique de Spire l. 2. c. 20. en rapporte quelques Articles. 1. vir & femina cum liberis & omni supellectile ac sumptu cum operis venales fuerunt, et ita ad possidendum emptori & possessoribus traditi sunt. 2. non licebat servo aliam sibi copular nisi servam, nec quamlibet, sed eam solam que ejusdem dominii effet, nisi aliud conventione paciscentium Dominorum licuisset. 3. quecumque sudore et labore suo comparaverunt, ea omnia Domino eorum fuerant lucrati, ita ut nihil proprii in iis possiderent ; ac licebat impunè Dominis illis talia eripere. 4. sic nec colono nec fiscalino licitum erat traditiones facere, aut per testamentum justum aliquid in liberos, nepotes, aut ecclesias transferre, sed competebat Dominis optimum quodque prius ex bonis sibi ligendi. 5. ita quoque cogebantur quotannis certas pensiones ex hortis, arborum fructibus, piscibus, carnibus, anibus, pullis, Gallinis ; & ejusmodi generibus, quasi pro usu fructu solvere, qui reditus in Dominos redundabant. 6. quod si quadam persona serva nimiam ob perturbationem aliamve ob causam in alium locum concessisset, non solum revocati poterat, sed etiam Magaestratus statim ad initium jugae factum expellere ultro eam cogebantur, unde lex hec servi fugere, latitare, statum dissimulare, se infamiae nota, et amplioris penâ irrogatione vetantur. 7. quod si quoque vir, mulier, famulus aut incilla à Domino suo effet interfectus, quocumque modo id fuisset perpetratum, exilem solvit mulctam.

VoyezVander-hagen , de Rep. Hanseat. p. 1. c. 5. Du Moulin a écrit que fous le regne de François I. plusieurs Normans accablez par les tailles se refugierent en Bourgogne où ils se firent gens de Main-morte, Coûtume de Paris t. 1. gl. 3. n. 2. et 8. 41. n. 55. Guy Papé traite cette question, si le vassal est tenu de faire ces corvées à ses dépens, ou sipson Seigneur doit uy fournir sa nourriture ; cet Auteur en usoit charitablement envers ses vassaux, et il les détrayoit durant le temps qu’ils travailloient pour luy. Mais si les aveux n’y obligent le Seigneur, les vassaux ne peuvent demander leur nourriture, ce qui est conforme à la disposition du droit Romain, où laffranchi suo victu & suo vestitu deber operas praestare Patrono ; Ratio est, quia unusquisque rem quam spopondit suo impendio dare debet, l. suo sumptu ; de oper. liben. D.

Comme ces corvées sont odieuses, elles ne peuvent s’acquerir par la possession même cenrenaire sans titre. Mornac ad l. si servus S. si servum ad l. Aquiliam. Brodeau Article 2. de la coûtume de Paris.Loüet , l. 5. n. 7. et infra Art. 21. ur cette question si le Champart est dû des pommes et des poires qui ont crû sur le fonds sujet à champart, il fut jugé pour l’affirmative en la cause plaidée en la Grand-Chambre se 23 de Novembre 1657. entre Mr de Gruchet-Soquence, Conseiller en la Cour, et un sien vassal, lequel sur l’appel de la Sentence des Requêtes qui le condamnoit au droit de champart, disoit qu’en toute la Province il ne se pavoit qu’en grains, qu’il étoit en une possession imnemoriale de ne payer aucun champart de ses pommes et poires, quoy que depuis tres-long-temps on eût planté sur le fonds une ceinture de pommiers, si on avoit changé entièrement a Culture ancienne et ordinaire du fonds, al seroit raisonnable de le payer au Seigneur, afin qu’il ne fût pas frustré de son droit ; mais cette ceinture d’arbres ne diminuoit point la recolte, non pas même pour ce qui naissoit sous les arbres, aussi tous les Aveux ne faisoient au-cune mention du champart des pommes ou des poires, mais seulement des grains ; que l’Aveu d’un autre vassal contenant qu’il devoit le champart de tout ce qu’il portoit à sa grange, ne faisoit point de consequence à son préjudice ; on pouvoit même en tirer une preuve contre le Seigneur, parce que les fruits ne se portent point en la grange, mais en des greniers.

Hurard pour M de Soquence, soûtenoit que le champart étoit dû de tous les fruits, ce qui e prouvoit par la defintion du champart, campi pars : Or les fruits ne font pas moins partie du fonds que les grains, et par cette plantation de pommiers on recueilloit moins de grains, parce que ces arbres occupoient la terre et y portoient ombrage : La cause fut appointée au Conseil, elle fut depuis jugée au Rapport de Mr de Caradas-du Heron, et par l’Arrest du 2 d’Aoust 1658. la Sentence fut confirmée.

C’est un usage en cette Province, que quand on a quelque somme à reprendre sur quelque communauté, on ordonne que dans un temps on en fera la repartition sur les particuliers, autrement qu’il sera permis de se faire payer sur les plus solvables de la communauté. On a prétendit qu’un Seigneur ne peut pas en user de même sur ses vassaux, pour le non accomplissement de quelques corvées. Les vassaux de Bonenfant, sieur de Magny, étoient sujets par leurs Aveux de curer ses fossez ; le sieur de Magny les y fit condamner aux Pleds de sa Seigneurie, et faute d’y avoir satisfait, il fit ajuger ce curage à 8oo livres ; aprés l’adjudication, quelques-uns de ces vassaux ayant offert de travailler, par Sentence du Juge de Fa-laise il fut dit que le prix de l’adjudication seroit reparty sur tous les vassaux, au pié la perche des terres que chacun possedoit, et à faute par eux de faire cette repartition dans le mois, il fut permis au Seigneur de faire executer douze des plus solvables. Morin et le Bourgeois, i deux de ses vassaux, ayant appelé de cette Sentence Theroude leur Avocat disoit que le seigneur pour ces corvées n’avoit point d’obligation solidaire, et que chaque vassal n’y êtoit renu qu’à proportion des terres qu’il possedoit : Le Bouvier au contraire, soûtenoit que c’étoit une obligation in factum, qui étant individuë ne pouvoit être separée, que l’offre faite par un des obligez n’étoit point valable, si tous les autres ne s’acquitoient point de leur devoir, que comme les infeodations avoient été faites à une seule fois, la condition du Seigneur ne pouvoit devenir plus mauvaise par le fait des vassaux, ni par leurs partages et divisions, comme il arriveroit toûjours si le Seigneur êtoit reduit à poursuivre chaque vassal en particu-dier, que cette condamnation sur douze vassaux n’étoit que per modum pona, à faute par les vassaux d’avoir satisfait à leur devoir dans les delais qui leur avoient été accordez ; par Arrest en l’Audience de la Grand Chambre du et de May 1659. la Sentence fut confirmée.