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XXXIII.

Les Bas-Justiciers en tenant les Pleds peuvent lever dix-huit sols un denier d’amende où amende échet, et non plus pour rente non payée, et selon la qualité d’icelle, sans préjudice des amendes curiales, des defauts, blâme d’aveu, et autres instances.

L’amende jugée par cet Article contre le vassal par le defaut du payement de la rente qu’il doit, peut être levée quoy que cette rente soit au dessous dedix-huit sols ; car elle est prononcée par la Coûtume, pour punir la negligence et le mépris du vassal, et afin que le Seigneur n’ait pas la peine de former une action pour une rente de peu de consequence, le Seneschal neanmoins peut la moderer. La Glose de l’ancienne Coûtume, Tit. de Justiciément, dit que c’est dépiter Justice, quand le vassal ne paye point sa rente. Pontanus sur l’Article troisième de la Coûtume de Blois a fait cette observation que les Seigneurs de fief, en s’attribuant le pouvoir de lever une amende pour rente non payée, se sont attribuez les prerogatives du fisc. Nam nunquam reperias in jure ponam ob censum sua die privato non solutum parti privata applicari. Glossa in l. Omnibus. C. de vectigali et com.

Si le vassal a negligé plusieurs années de payer les rentes qu’il doit, le Seigneur ne peut pas lever autant d’amendes, si par chaque année il n’y a fait condamnar le vassal, suivant un ancien Arrest du 9 de Juillet 1528. Sur cette question, et les Arrests et les Commentateurs de la Coûtume de Paris sont fort contraires. MrLoüet , l. 2. n. 8. rapporte un Arrest, par lequel il a été jugé que l’amende qui est commise par la Coûtume, faute de payement de cens, ne se commet qu’une fois, les amendes des années precedentes étant couvertes par le silence et par la negligence du Seigneur ; et d’ailleurs in stipulationibus penalibus pona semel commissa amplius non committitur. l. si duo S. fin. D. de recept. arb. Charon et Brodeau sur sur M. Loüet en citent de contraires, et quoy que Brodeau les tienne rigoureux, il les défend par ces raisons, que ces amendes ne sont pas tant poenables que domaniales, patrimoniales, et coûtumieres dûës au Seigneur censier, sieut ipse census & sunt fructus sui census ; ce qu’il repete en son Commentaire sur l’Article 85. de la Coûtume de Paris : Ricard sur ce même Article outre l’Arrest remarqué par MrLoüet , on allégue un autre contraire à ceux deBrodeau , et son sentiment est que l’amende ordonnée par l’Article 85. de la Coûtume de Paris pour cens non payé, ne se commet qu’une fois : de sorte que bien qu’il soit dû plusieurs années d’arrerages, le Seigneur ne peut demander qu’une seule amende ; et du Moulin sur ce même Article atteste que c’est l’usage de tout le Royaume, sinon au cas que le censier fingulis annis, in jus vocatus fuerit, & semper contumax et reliquator manserit : ce qui est conforme à cet ancien Arrest de ce Parlement dont je viens de parler, les termes de cet Article semblent décider cette question : Les Bas-Justiciers peuvent lever une amende de dix-huit sols un denier : cette amende n’est pas commise de plein droit, le Seigneur peut véritablement la lever, mais il peut aussi la remettre : or on doit présumer qu’il a eu cette volonté de la remettre, quand à ses Pleds il n’y a point fait condamner son vassal, au contraire on ne peut douter de son intention quand il a fait condamner son vassal, et que par consequent il ne puisse demander l’amende pour autant d’années qu’il en a fait juger la condamnation, que si le Seigneur n’a point tenu ses Pleds, il n’a point d’actions car cet Article ne luy permet de lever l’amende qu’en tenant ses Pleds : et neanmoins puisque par cet Article le Bas-Justicier peut demander trois années de ses rentes, il semble qu’on peut aussi demander pour ces trois années l’amende qui luy est acquise en cas de non payement.

Si le Seigneur feodal n’avoit point de Coureni de Jurisdiction, comme il peut arriver, dans la division d’un fief, où la Justice sera reservée à une des portions du fief, on demande si l’amende jugée pour rente non payée appartiendra au Seigneur de la rente, ou au Seigneur à qui la Jurisdiction appartient : On dit pour le Seigneur de la rente, que la cause de l’amende est le defaut du payement de la rente, par consequent elle doit luy appartenir. On allégue pour le Seigneur de la Jurisdiction, que celuy qui n’a point de Justice ne la peut prononcer, que c’est un fruit de sa Jurisdiction qui luy doit demeurer : mais cette Jurisdiction étant empruntée, et le seigneur qui la possede étant obligé de faire rendre la Justice à celuy qui a partage avec luy par une condition expresse ou tacite du partage, il ne doit point profiter de l’amende. Voyez Bacquet des Droits de Just.

Ce ne seroit pas une paction legitime dans le contrat d’une rente constituée à prix d’argent, qu’à faute de payement on pourroit demander une amende, cette convention seroit nulle, comme étant faite pour déguiser une usure ; mais la peine ordonnée par cet Article n’est pas de cette nature, la Coûtume a voulu vanger le mépris du vassal, et au lieu de permettre au Seigneur de l’expulser, elle châtie le vassal par une amende,Bald . Ad tit. qualiter Domin. proprie-tate feudi privetur.