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XXXIV.

Grains dûs au Seigneur où doivent être portez, le prix en cas de refus, et le jauge de la mesure.

Le Seigneur doit tenir son grenier ouvert pour recevoir les rentes en grain du jour qu’elles luy sont dûës : et ne pourra lever l’amende, sinon aprés le jour des pleds qu’il sera tenu faire termer un mois aprés le terme échû. Et si le Seigneur refuse recevoir le grain, le vassal se pourra retirer à la Justice ordinaire, pour prendre extrait de la valeur du grain, du temps que l’offre de payer a été faite, pour assujettir ledit Seigneur à recevoir le prix de l’evaluation dudit grain, et seront tenus les Seigneurs avoir chacun en leur Seigneurie un étalon de leur mesure, jauge et marque du jaugeur Royal, dont les Seigneurs et leurs vassaux conviendront.

La Coûtume ordonnant au Seigneur de tenir son grenier ouvert, il s’ensuit que les vassaux sont tenus d’y apporter leurs rentes, ce qui termine cette question, si le Cens est quera-ple, ou portable ; Le Seigneur tiendroit inutilement son grenier ouvert, si le vassal n’étoit point obligé d’y apporter les rentes qu’il doit. Et c’est aussi le sentiment de nos Auteurs, parce que les rentes Seigneuriales ne sont pas de simples redevances pecuniaires, dont on soit quitte en les payant aprés la demande qu’on en a faite : Elles ont été imposées au vassal pour une marque de sujetion et de reverence qu’il doit à son Seigneur, et ideo annexam habent honoris & reverentiae exhibitionem, & ideo hec jura reddi debent in domo à qua feudum dependet,Molin . de feud. S. 62. n. 10 Loysel Loysel en ses Institutes coûtumières en a fait une regle du droit François, l. 4. t. 2. Art. 2.

Cens n’est requerable, ains vendable et portable. Nous avons neanmoins quelques Coûtumes qui le rendent requérable, comme celle d’Orléans, Art. 117. La Coûtume de Blois, Art. 109. fait deux sortes de cens ; les uns se payent à jour nommé, les autres se font à queste Chassanée Chassanée sur la Coûtume de Bourgogne, Rubr. 11. 6. 6. in verbo, contre le tenementier, fait cette distinction suivant le sentiment de Bartole sur la loy item illa de constit. pecu. D. que quand le Seigneur et le vassal demeurent sous une même Jurisdiction, sunt ejusdem fori, le tenantier est obligé de porter le cens à la maison de son Seigneur : Que s’ils ne sont pas ejusdem fori, le Seigneur est tenu de demander le cens à son vassal. Il seroit équitable en Chassanée quelques rencontres de suivre la distinction de Chassanée ; Car il peut arriver que les teneures d’un fief seront fort éloignées du manoir Seigneurial, et que les frais du port et du voyage. d’un pauvre vassal excederoient beaucoup la valeur de la rente Seigneuriale : En ce cas il seroit uste d’obliger le Seigneur à établir son grenier de recepte sur le lieuComme cet Article est d’un grand usage en cette Province, à cause du grand nombre de sentes dont les terres sont chargées envers les Seigneurs feodaux, il est fort important de le bien entendre.

Le Seigneur doit tenir son grenier ouvert pour recevoir ses rentes du jour qu’elles luy sont : dûës : On ne doit pas induire de ces paroles que le Seigneur doive faire publier le, jour et le lieu où il tiendra son grenier ouvert : car pour le jour lors qu’il est limité par les aveux, le seigneur n’est point obligé de faire d’autre interpellation à son vassal ; et pour le lieu, lors qu’il y a un manoir Seigneurial, le vassal n’a point besoin d’être averty que c’est en ce lieu-là qu’il doit apporter ses rentes : ce seroit une ignorance malicieuse et affectée de sa part s’il excusoit sa negligence et le defaut de payement par cette raison, que le Seigneur n’auroit pas notifié et designé le lieu de son grenier. Si le Seigneur pour recevoir la foy et hommage de ses vassaux n’est pas tenu de leur marquer le lieu où il pretend la recevoir, parce qu’ils ne peuvent ignorer que le manoir Seigneurial est le lieu naturel et ordinaire, ou ils doivent se presenter, il y a’beaucoup moins de necessité de leur designer un lieu pour le payement des sentes, leur excuse seroit raisonnable. s’il n’y avoit point de manoir Seigneurial, et que le Seigneur ne fit point de residence sur le lieu : Ainsi par ces paroles, le Seigneur doit tenir son grenier ouvert, il faut entendre que le Seigneur doit toûjours être prest de recevoir ses rentes et de tenir son grenier ouvert pour les recevoir, autrement il ne peut accuser son vassal de negligence, ni lever lamende que le vassal doit quand il n’a point payé dans le temps prefix par ses aveux : aussi cet Article n’oblige point le Seigneur à déclarer le lieu où sera son grenierII présuppofe que ce sera en son manoir Seigneurial : que s’il ne veut point que ce soit en ce lieu-là, il en doit designer un autre, pourvû qu’il ne soit pas incommode aux vassaux : Dominus patest mutare domicilium, modo ipsum constituat in aliquo loco feudi non valde remobi à veteri, et le vaissal s’y doit transporter, pourvû qu’il le puisse faire en seureté ; aliter non meruit mulctamiMolin . de feud. Art. 85. et Ricard 16.

Me Jacques Godefroy ayant proposé cette question, si le Seigneur seroit tenu de recevoir ses rentes, qui luy seroient offertes par un tiers sans en avoir pouvoir du vassal, il répond ndéfinitiment qu’il pourroit refuser le payement qui luy seroit offert par deux raisons ; la prenière, que la rente Seigneuriale étant une reconnoissance quele vassal doit à son seigneur ; il la doit faist en personne ou par une personne approuvée par luy ; la deuxiéme, qu’il a interest de conserver ses possessions, ce qu’il ne pourroit faire s’il n’étoit payé que par une personne qui pourroit être desavoüée par son vassal ; ces raisons seroient considérables si le vassal en ssoit toûjours de la sorte, mais l’offre de payer faite par un tiers, quoy qu’il n’eûr point de procuration, seroit toûjours bonne à l’effet d’empescher le Seigneur de lever l’amende Quand le Seigneur refuse de recevoir le grain qui luy est offert, le vassal peut prendre un extrait de la valeur d’iceluy, du temps que l’offre de payer a été faite : Cet Article est favoable aux vassaux, et il étoit juste de l’ordonner de la sorte, afin que les Seigneurs ne pûssent pas exiger leurs rentes en argent, lors que les grains qui leur êtoient dus, étoient à vil prix Cette fraude fut autrefois pratiquée par les soldats Romains, qui ne vouloient pas prendre en essence les vivres et munitions qui leur êtoient ordonnées, lors qu’elles étoient à bon marché, reaeudiata ad tempus Specierum copia, et inopiae occasione captata pretia postulabant, mais cela leur fut défendu par la loy, nulli militarium C. de erogatione annonae. C. l. 14. t. 38. Nos gens de guerre font aujourd’huy la même vexation aux pauvres païsans, pour leurs rations et leurs étapes.

Or comme le vassal ne peut être contraint de payer ses rentes que dans les espèces qu’il doit, il auroit mauvaise grace de requerir que son Seigneur les reçût en argent. Par un ancier Arrest du 24 de Janvier 1523. donné entre le Baron du Neubourg et les habitans de S. Nicolas du Verbois, il fut jugé qu’une rente de poivre, chapons, et moutons, et autres espèces, devoient être payées en essence, et non en deniers par estimation ; dans le titre du Code de Fabricensibus Provincialis, qui tenetur dare ferrum, non liberatur dando estimationem. Creditori inico. An aliud pro alio solvi possit, consule l. 2. de rebus cred. D.

Suivant cet Article, lors que le Seigneur a refusé de recevoir le grain qui luy êtoit offert, le vassal ne luy doit que lestimation du prix qu’il valoit au temps de l’offre, suivant l’évaluation faite par la Justice ordinaire, c’est à dire par la Justice Royale : car par Arrest du 18 de day 1619. sur la remontrance du Procureur General il fut dit, que les Seneschaux se regleoient sur les appretiations apportées au Greffe des Jurisdictions ordinaires, et du temps que les rentes sont dûës.

Il ne suffiroit pas neanmoins que le vassal eût offert son grain, s’il n’étoit pas de la valeur de la qualité requise par ses titres, et que par consequent le seigneur eût eu raison de le refusers mais comme le Seigneur demande toujours du meilleur, et qu’au contraire le vassal n’offre que le moindre, il faut trouver un temperament équitable pour les accorder Lors que la rente est dûë simplement en grain, sans faire mention de la qualité, le Seigneur ne peut refuser celuy qui a excrû sur le fonds naturellement affecté à la rente, et il est juste qu’il se paye des fruits que son fonds même a produits, pourvû qu’il n’y ait point de la faute du laboureur, c’est à dire, comme l’explique Coquille en sa question 53. que le blé soit bien vanné et criblé, et qu’il ne soit gâté ni poutry : car il faut que les rentes Seigneuriales et foncieres soient payées des fruits ; hec enim sunt fructus impendia, & fructus minuunt. l. neque sti-oendium D. de impen, in res dot. fact Que si l’héritage infeodé est de telle qualité qu’il ne puisse produire ni rapporter le grain qui est dû par l’inf-odation, il suffit, dit Coquille au lieu préallégué, de bailler du blé qui ne soit ni le moindre ni le meilleur, pourvû qu’il soit d’un prix et d’une bonté médiocre ; le Jurisconsulte l’a décidé de la sorte dans une espèce pareille : Legato generaliter relicto, veluti homi-nis, id est obseruandum ne optimus, vel pessimus accipiaturl. 37. de legat. 1 Enfin si le fonds est propre à rapporter du grain de la qualité qu’il est dû, et qu’il n’en ait oint rapporté cette année-là, en ce cas l’offre du vassal ne peut être bonne, s’il n’a offert du blé d’une valeur médiocre, entre le meilleur et le moindre, quand par les titres il n’est point fait mention de la qualité du blé que le vassal a promis de payer.

Le droit Romain êtoit plus favorable pour la liberation du debiteur, lors qu’il s’étoit obligé en termes generaux à payer du blé, du vin, ou quelques autres fruits, s’il n’étoit point fait mention de la qualité ou de la bonté, lors qu’il n’étoit en retardement de payer il en êtoit quitte en payant le pire blé, ou vin qu’il pouvoit, si qualitas adjecta non sit quaslibet dando etiam vilissimas liberatur, quia, ditBartole , in obligatione generis liberatur quis dando vilissimum quod est in ipfo genere. l. fidejussorem. 52. D. mandati. l. cum certum D. de tritico, vino, oleo, legMais il me semble plus équitable de garder le temperament dont je viens de parler Ce terme de blé employé simplement dans un contrat a fait naître une autre difficulté, s’il doit être entendu du blé froment, ou du blé meteil, ou du seigle, ou de quelqu’autre blé Mr Cujas sur la l. triticum 9ae. de verb. oblig. estiie que celuy qui a promis simplement du blé, est quitte en payant du seigle : Il faut à mon avis considerer l’usage et la manière de parler du lieu où l’on a contracté. Si par le mot de blé on entand communément du froment, il faudroit payer du froment ; que si l’usage étoit douteux, id quod minimum est sequen-Tronçon dum efset ; Troncon sur la Coûtume de Paris, Article 22. témoigne qu’il a été jugé contre le ntiment de MrCujas , que cela se regle, ex communi usu loquendi, et que dans les lieux oû il croit du froment, le mot de blé mis dans un contrat, ou dans un testament, doit toûjours être entendu de blé froment ; que si c’étoit en des lieux steriles, où il ne croit que du seigle, il faudroit considerer la qualité du blé qui croit dans les lieux où l’on a contracté. Pour faire une décision feure sur cette matiere, il faut dire que id sequendum est quod in regione in qua contrahitur, frequentatur La disposition de cet Article auroit été beaucoup plus parfaite, si aprés avoir décidé que le vassal aprés ses offres ne doit plus que l’évaluation de la chose sur le prix qu’elle valoit au temps de l’offre, on avoit ajoûté sur quel prix et de quel temps on doit estimer la chose dûë, lors que le vassal ou le debiteur sont en retardement, et qu’ils n’ont offert ni payé dans le temps. et au lieu qui leur êtoit limité.

Il est certain que cette matière est plus embarrassée dans le Droit civil, que dans nos Coûtumes, à cause de cette difference que les Jurisconsultes Romains mettoient entre les actions, et les jugemens de droit étroit, et ceux de bonne foy. Et quoy que le President Fabri ait fort s déclamé contre l’erreur des Praticiens qui n’y sont point de difference, de eer. pragmat. deca. i6. err. 1. et seq. cette distinction est maintenant inutile selon nos usages, car la raison de la différence entre les jugemens de droit étroit et ceux de bonne foy, consistoit en ce qu’en ceux, à le juge ne pouvoit condamner qu’en la somme qui luy étoit prescrite par la loy ; mais en ceux-cy aeon pouvoir n’étoit point limité, differentiae ratio est, ditHotoman , quest. illust. quest. 6. quod in illis judex ad certam quantitatem in judicium deductam adstrictus est : in his vero liberan ex aequo & bono astimandi potestatem habet. Or en France tous les jugemens sont de bonne foy, parce que les Juges ont la liberté de juger selon leurs consciences. : Il suffit donc pour l’éclaircissement de cette matière d’examiner ces trois questions ; la premiere, quand le debiteur est reputé morosif ; la deuxiéme, de quel temps on doit faire l’esti-mation ; et la troisiéme, sur quel prix elle doit être faite Pour connoître si le debiteur est en retardement, il faut considerer les termes de la promesse et de l’obligation ; on s’oblige en trois manieres, ou purement, ou dans un temps prefix, ou sous condition. Quand la promesse est pure et simple l’interpellation ou commandement de paye est necessaire de la part du creancier, soit que cela se fasse judiciairement ou hors jugement, tune mora contrahi intelligitur cum quis congruo loco, et tempore opportuno interpellatus fuit, l. mora. D. de usur.

Si le debiteur s’est obligé de payer dans un certain temps, il est en retardement dés le moment que ce terme est passé ; mais si le jour est incertain ou sous condition, la sommation est requise pour mettre son debiteur en retardement.

Coquille en sa question 206. dit, que pour sçavoir si un debiteur est en retardement, et an mora facta intelligatur, difficilis est definitio, parce que cela n’est décidé par aucune loy, et que la question en est plus de fait que de droit, l. mora de usuris, parce que l’on est en doute si c’est du jour que le payement a dû être fait, ou du jour de l’interpellation simple, ou du jour de la demande judiciaire ; il est certain neanmoins que le debiteur est reputé morosif dans les cas que j’ay proposez quand il faut faire lestimation de la chose que le debiteur n’a point payé dans le temps et au lieu qu’il avoit promis, on a douté de quel temps on doit faire lestimation. S’il faut considerer le temps que l’on a contracté, ou le temps de la contestation en cause, ou le temps le la Sentence ; Sur cela les interpretes du Droit mettent de la difference entre les jugemens de droit étroit, et les jugemens de bonne foy : En ceux-là lon considère la valeur de la chose au temps de la contestation en cause ; en ceux-cy le temps de la condamnation. l. 3. 5. in hac.

D. commod. les autres distinguent si le debiteur a été constitué en retardement par une interellation faite hors jugement, l. mora de usur. ou s’il est reputé morosif dés le jour que le ter-me du payement est échû, l. vinum. de rebus Cred. D.

Il importeroit fort peu de quel temps on feroit l’estimation, si le prix et la valour de la chose n’avoient point changé, et qu’il n’y fût point arrivé d’augmentation ou de dechet ; mais comme le prix peut être different en tous ces trois divers temps, de la demande, de la conrestation en cause, et de la Sentence, c’est en cela que consiste toute la difficulté, pour sça-voir de quel temps le debiteur doit payer l’estimation Comme on s’oblige en differentes manieres, et que obligatio differtur ex die, loco, et conlitione, le droit civil en la loy, vinum de reb. cred. et en la l. derniere de condict. triticana, aprés avoir proposé la question touchant le temps où l’estimation doit être faite, il l’a refoud en cette manière ; Que si le jour que l’on doit fouenir les especes venduës est limité par l’opligation, elles doivent être estimées selon leur valeur au jour que le terme est échù ; s’il n’y a point de temps certain, on doit le prix que la chose vaut au temps de la demande Mais on oppose à ces loix la loy penult. de condict. tritic. et la l. 3. 8. si per venditorem de act. emp. et vend. suivant lesquelles, sans considèrer le temps de la demande, de la contectation en cause, ou de la Sentence ; logs que le debiteur est en retardement, il doit payer la n chose au plus haut prix qu’elle a valu, quanti plurimi res fuerit à tempore mora : Il est vray que PresidentFabri , Decad. 16. err. 1. de errore prag. a pretendu que l’estimation quanti plurimi, l’a jamais lieu qu’en deux cas, in actione legis Aquiliae, & in condictione furtivâ, et que le veritable sens du S. si per venditorem est que l’estimation du plus haut prix ne doit être conside-rée que du temps de la demande, ou de la condamnation, et qu’il ne faut point avoir d’égard à l’augmentation qui pourroit être arrivée dans le temps intermediat, et que le debiteur ne doit que l’estimation de la chose au temps qu’il a dû la payer on raisonnement est que le terme de payement est ajoûté dans l’obligation, afin que l’obligé ait tout ce temps-là libre, sans pouvoir être contraint de payer avant qu’il soit échû, et le creancier l’a consenti de sa part, pour avertir le debiteur que s’il ne satisfait à sa promesse dans le jour prefix, il ne sera pas quitte en livrant la marchandife qu’il a promise, mais qu’il sera çondamné aux interests que le creancier souffre, pour n’avoir pas été livré en temps et lieu, d’où il s’enfuit que le creancier n’a jamais eu d’autre int ention que d’être payé ou dédommagé du préjudice qu’il souffre, faute d’avoir reçû sa marchandise au temps qu’il avoit espèré, et par consequent il ne peut demander que le prix que la chose valoit au temps. du payement,Fabri , erro. 4. ibid. On répond que cette estimation quanti plurimi, au plus haut prix que la chose a valu, est tres-équitable, autrement le debiteur profiteroit de sa negligence et de sa n’avvaise foy, s’il étoit quitté en ne payant la chose qu’au prix qu’elle valoit au temps de l’écheance de sa promesse. Il est vray qu’il ne devoit rien en plus outre s’il avoit reparé son rétardement, mais ayant ersevéré dans sa negligence, il n’est pas juste que le creancier fût privé du profit qu’il auroit ait sur sa marchandise s’il en avoit été livré.

Pour refoudre cette difficulté, il faut considerer la qualité des personnes et la nature de le ent chose. Quand il est question entre marchands de blés et de vins, qu’on a promis de payer en certain lieu, si l’obligé n’accomplit point sa promesse, l’estimation se doit faire au plus haut prix que le marchand eût pû vendre sa marchandise, étant juste d’estimer le gain qu’il pouvoit faire, puisque c’est sa profession de trafiquer pour gagner ; l. 2. in fine de eo quod certo loco. que si l’obligation est causée pour prest de blés ou de fruits, en ce cas quoy que la restitution en dût être faite à un jour prefix par l’obligation, néanmoins il ne faut point avoir égard qu’au prix qu’elle valoit lors de l’interpellation ou sommation rapportée en jugement ; la raison est que le prest étant gratuit ; l’obligé n’est en retardement que du jour de la demande ; que si le blé ou si le vin sont dûs pour une redevance foncière, Coquille estime qu’il faut payer l’année en espece, ou au plus haut prix, depuis la demande, et pour les arrerages precedens. il faut prendre l’estimation commune de chaque année, si ce n’est que le greancier en eût formé la demande par chaque année.

Mr deCambolas , l. 1. c. 20. rapporte un Arrest du Parlement de Tholose, par lequel on a ce fait cette distinction, que quand la rente est portable, celuy qui la doit est tenu de payer sur Loysel le prix le plus haut de toute l’année : ce qui n’est pas en la rente querable. Argumento, l. vinum ff. de rebus cred. et de la I. derniere de condict. tritic. Loysel en ses Instit. coûtumieres l. 4. t. 6. art. 18. dit que toutes appretiations de blés, vins, bois et autres choses, se doivent faire sur le registre du rapport qui s’en fait en Justice, et selon l’estimation commune de l’année qu’elles étoient dûëg mais les moissons et rentes foncieres en grain dûës à certain jour et lieu, seront appretiées au plus haut prix qu’elles ont valu en l’année depuis le jour que le payement en a dû être fait.

Parmy nous cette question a été long-temps indécise, elle fut fort disputée en un proces jugé au Rapport de Mr Boivin, le 31 de Janvier 1637. les uns disans qu’il falloit estimer les sentes seigneuriales non payées du jour de lécheance, les autres voulans que le payement en fût fait au plus haut prix de lannée ; il fut vâ un Arrest qui avoit jugé que c’êtoit du jour du terme échu. On argumentoit au contraire des termes de cet article, en ce qu’il dit que si le Seigneur refuse loffre du vassal, il ne la doit que sur le prix que la chose valoit au temps de sostre, d’où lon tiroit cette consequence que quand le vassal n’avoit point offert il étoit tenu de payer au plus haut prix ; les aûtres soûtenoient que le vassal étant puny d’une amende lors qu’il ne paye point la rente, il ne falloit point luy imposer d’autre peine, et que l’estimation quant plurimi n’avoit lieu qu’entre marchands. La question ne fut pas décidée, elle l’a été depuis par les deux Arrests donnez au Rapport de Mr du Houley et Fermanel, que j’ay remarquez sur l’Article 21 Quand la Coûtume ordonne au vassal de se retirer à la Justice ordinaire, il faut entendre à Royale ; et par Arrest du 18 de May r619. sur la remontrance du Procureur General, il fut dit que les Seneschaux se regleroient sur les appretiations apportées aux Greffes des Jurisdictions ordinaires, et du temps que les rentes sont échûës.