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XLVIII.

En ajournement de tréves, il n’y a répit ni delay.

Ces Articles et les deux precedens sont maintenant fort inutiles, autrefois ils étoient d’un usage fort necessaire, mais ils ne l’étoient plus déja au temps de la reformation de la Coûtume, et on doit s’étonner que nos Reformateurs, qui ont négligé tant de matieres importantes, ayent grossi nos Coûtumes de tant d’Articles superslus, et qui ne sont d’aucun usage.

Tous ces peuples d’Allemagne qui occuperent les Gaules, avoient cette mauvaise coûtume de vanger par les armes leurs querelles particulieres, et toute la parenté prenoit part à l’injuré qu’un parent avoit reçûë. Tacite a remarqué que les anciens Allemans en usoient de cette manière, suscipere tam inimicitias seu patris seu propinqui, quam amicitias necesse est ; cette barbare coûtume a duré plus de six cens ans en France, sans pouvoir être abolie par l’autorité des loix, ài par les défenses severes des Princes : et ce desordre s’augmenta particulièrement sur la fin de la seconde Race de nos Rois, et au commencement de la troisiéme, jusques-là même qu’il toit permis aux Seigneurs particuliers de déclarer et de faire la guerre les uns aux autres ; la paine d’un particulier devenoit celle de toute sa famille, les parens de chaque côté jusqu’au eptième degré, s’interessoient en l’affaire, et s’attaquoient cruellement sans épargner les innocens et ceux mêmes qui n’en avoient point de connoissance : ce qui causoit une infinité de meurtres et de ravages, et notamment dans les Provinces de Normandie, d’Anjou et du Maine.

On appeloit feida cette vengeance que les particuliers exerçoient les uns contre les autres On essaya par divers moyens d’empescher ces desordres, quelquefois les amis communs obligeoient ces furieux à faire des tréves, nous en avons des modeles dans les anclennes Formules, et les exemples en sont frequens dans, lib. 7. c. 47. celuy Gregoire de Tours Sicha-rius est remarquable. Ce Sicharius aprés avoir tué Austregisilas, fut poursuivi par les parens du défunt ; et enfin aprés plusieurs meurtres commis de part et d’autre, il se fit un accord entre les deux partis, par lentremise ; et l’Eglise paya pour Sicharius l’argent qu’on l’avoit condamné Gregoire de Tours payer : Tunc Cinquit ) dato ab Ecclesia argento, quâ judicaverant acceptâ securitate ; componunt datis sibi invicem per partes sacramentis, ut nullo unquam tempore contra alteram pars altera mussitaret, et sic altercatio terminum fecit.

Cet abus continuant encore au temps de S. Louis, il ordonna que quand quelque querelle seroit avenuë, il y auroit tréves ce jour-là jusqu’à quarante jours : ce qu’on appelle la quarantaine du Roy, et tous les amis et parens de part et d’autre étoient compris dans cette quarantaine.

Cette Ordonnance de S. Loüis est rapportée par Bouteiller dans sa Somme Rufale, l. 1. c. 34. et suivant icelle cette surseance n’étoit donnée qu’à l’égard de ceux qui n’étoient point les auteurs du crime, car pour les coupables ils pouvoient être poursuivis incessamment. Voicy les termes, la quarantaine echeoit sur autres que sur les faiseurs, parce qu’ils pouvoient ignorer le fait, et afin qu’on ne puisse aller se contrevanger contre ceux qui n’en sçavent, mais bien sur les faiseurs qui gnorer ne le peuvent.

La Formule de ces tréves ou assurances est rapportée par ce même Auteur : on faisoit difference entre tréves et assurances. La tréve n’étoit que pour un an, et c’est pourquoy par ceta Article, l’action en tréves enfraintes est annale ; mais la paix ou assurance êtoit à toûjours ; naintenant au lieu de ces tréves ou de ces assurances, on demande d’être mls en la garde et protection du Roy ; voyez Pithou sur la Coûtume de Troyes, Article 124. Tit. des Just.

Mr Bignon en ses sur Notes sur Marculphe, l. 2. c. 18. et Bouteiller en sa Somme Rurale, l. 1. Tit. 34. et l. 2. Tit. 1.