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LX.

Mandement de Loy apparente, par qui, et en quel temps peut être obtenu.

Chacun est reçû dans les quarante ans à demander par action de Loy apparoissante être déclaré proprietaire d’heritage qui fuy appartient, ou qui a ap-partenu à ses predécesseurs ou autres desquels il a le droit, et dont il et ses predécesseurs ont perdu la possession depuis lesdits quarante ans.

En cet Article la Coûtume dispose comment on peut former cette action, celuy qui depuis quarante ans a perdu la possession de quelque héritage, peut agir par Loy apparente pour être déclaré propriétaire. Afin donc que cette action soit legitime, le demandeur doit être proprietaire, le défendeur possesseur, et la chose contentieuse doit être designée certainement par ses bornes et par sa situation.

Si le demandeur s’étoit trompé, et qu’ȇtant en bonne possessiom de la chose il eût agi par ignorance pour la proprieté, on demande si ȇtant mieux conseillé il pourroit reprendre la voye possessoire ? La raison de douter est que le demandeur en Loy apparente a reconnu le demandeur pour possesseur, et la fin de son action êtoit la restitution de la proprieté qu’on luy avoit usurpée, et par sa nouvelle action il conclud à la conservation de la possession : Sic pugnantia postulare : videtur, qui rem sibi restitui et eandem sibi seruari postulat. Le Jurisconsulte Ulpian décide cette question en la l. naturaliter. §. 1. de adquir. poss. nihil habet commune proprietas cum possessione ; et ideo non denegatur ei interdictum, uti possidetis, qui coepit rem vindicare. Ce sont deux actions distinctes ; et celuy-là n’est pas reputé avoir renoncé à la possession qui a demandé la proprieté ; Hotoman en ses Questions Illustres q. 3. Au procez qui fut jugé au Rapport de Mr Romé, le 30 d’Avril 1618. entre Baudri et Langlois, et où il étoit question d’une clameur de Loy apparente, pour un pied et demy de terre, que l’on pretendoit avoir ȇté usurpé en bâtissant une maison ; l’entreprise êtoit constante par le Procez verbal de la vûë du lieu ; la difficulté fut, si en prononçant à bonne cause la Loy apparente, on ordonneroit la démolition de la muraille, ou si on la feroit commune ; ou si on estimeroit le fonds qu’on avoit usurpé ? Pour la démolition, on disoit que pour avoir usurpé le fonds de son voisin on n’y avoit acquis aucun droit, et que l’usurpation du fonds étant connuë, il étoit tenu de démolir ; qu’aucun ne peut être forcé à vendre ou à céder son héritage, que son interest ne peut être assez estimé, dautant qu’il luy est important d’avoir un pied et demy de place pour son batiment ; qu’on ne pouvoit argumenter de l’action de rigno juncto ; que suivant la l. 1. de tigno juncto. ff. on n’ȇtoit pas reçû à revendiquer les matereaux, encore bien qu’on les eût dérobez pour les mettre à un batiment, et le proprietaire étant seulement obligé de payer l’estimation ; mais il y avoit de la difference : en l’action de rigno juncto, on n’a pas trouvé juste de démolir un grand batiment pour, une piece de bois ; en cette action il s’agissoit d’un fonds ; et en matière d’interdit on oblige à démolir.

On répondoit qu’il ne paroissoit point de mauvaise foy de la pars de celuy qui avoit bâti, il possedoit depuis vingt ans, et quand dans la rigueur du droit étroit il seroit tenu d’abattre, dans l’équité qu’on devoit plûtost suivre, on ne pouvoit le condamner qu’à l’estimation et aux interests du demandeur, plûtost que de démolir un grand édifice : c’étoit la veritable espece de l’action de tigno juncto, qui n’étoit fondée que sur cette équité, ne diruantur aedificia en l’action fin. reg. permittitur judici, ut ubi non poterit fines dirimere, adjudicatione fines dirimat. l. 2. et 3. ff. fin. reg.Ulpian , in frag. t. 19. il fut jugé de la sorte.

Par Arrest aux Enquêtes du 2 de Mars 1645. au Rapport de Mr de Vigneral, Nicolas Nalo fut debouté des lettres de Loy apparente qu’il avoit obtenuës, pour entrer en possession de sept acres de terre, qu’il avoit acquises de Lusse, par contrat du 7 d’Octobre 1607. sous signature privée, reconnu le même jour, parce qu’il n’avoit intenté son action qu’aprés trente ans, et qu’il ne justifioit point qu’en vertu de son contrat il eût pris possession ; suivant cet Arrest il ne suffit pas d’avoir un contrat, il faut qu’il ait été executé, et que l’acquereur ait pris possession, comme nos contrats sont translatifs de proprieté, et que la tradition actuelle n’est plus requise Il semble que s’agissant d’un droit réel, le tître ne pouvoit en être prescrit que par quarante ans.