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LXXXII.

Les prez et terres non cultivées quand sont en défends.

Les prez, terres vuides et non cultivées sont en défends, depuis la my-Mars, jusques à la Sainte Croix en Septembre : et en autre temps elles sont communes, si elles ne sont closes ou defenduës d’ancienneté.

Il semble que nôtre Coûtume en rendant communes en certaines saisons de l’année les terres vuides, et non cultivées, est contraire au droit commun, en ôtant aux proprietaires la dibre disposition de leurs héritages, en les faisant servir au profit et à la commodité d’autruys eanmoins l’interest public a prévalu sur la liberté des particuliers, et comme le bétail fait une partie tres-considérable du ménage et de la richesse des champs, et que les hommes en tirent ne tres-grande commodité, par une consideration de police et d’utilité publique, on a rendu communes en certaines saisons les terres vuides, et non cultivées.

Plusieurs Coûtumes de France contiennent une pareille disposition ; elles appellent droit de vaine pature, cette faculté de pouvoir mener paturer ses bestiaux aux lieux de vaine pature, appartenans à d’autres, même contre la volonté du proprietaire, sans qu’il soit besoin d’aucuu ître pour joüir de cette liberté. Ces terres de vaine pature sont les terres vuides, et non Chassanée cultivées. Chassanée sur la Coûtume de Bourgogne, verbo, 13. 6. 2. vers. 10 quaro quid operatur, ssure qu’aprés la récolte et durant que les terres demeurent vacantes, le proprietaire ne peut empescher les voisins d’y faire paturer leurs bestiaux ; et Covarruvias en ses Questions Questions Pratiques. c. 37. pose cette maxime que l’on peut tirer de l’utilité du fonds d’autruy, lors que le propriefaire n’en souffre aucun dommage, potest quis facere in alieno fundo quod ei prodest, & Domino undi non nocet.

Il n’est pas neanmoins permis en cette Province indistinctement de mettre pûturer ses bestiaux dans les prez et dans les terres vuides, et non cultivées, car la Coûtume en excepte les terres ui sont closes et défenduës d’ancienneté ; par cette voye le proprietaire qui possede un fonds fertile et qui produit beaucoup d’herbe peut en tout temps en faire son profit, et empescher qu’elles ne soient communes en les faisant clorre. Car il ne faut pas se persuader que le proprietaire ne puisse empescher ce droit de vaine pature, si son héritage n’est clos et défendu d’an-cienneté. Terrien Terrien êtoit dans cet erreur, lib. 4. c. 12. et il croyoit que l’on ne pouvoit clorre sa terre de nouveau, au préjudice du Ban, et que dans les temps ordonnez par la Coûtume le propriétaire seroit sujet de laisser une ouverture pour y mener paturer les bestiaux, comme on faisoit avant cette nouvelle clôture ; le mot, Et, vaut icy de disjonctive, et ce terme d’ancienneté n’a pas sa relation à celuy de clorre, car l’intention de la Coûtume n’est pas qu’une terre lemeure toûjours commune, si elle n’est close d’ancienneté ; elle s’en est expliquée nettement par l’Article suivant, où elle permet à un chacun d’accommoder sa terre de hayes et de fossez : dinsi le véritable sens de cet Article, est que depuis la Sainte Croix jusqu’à la my-Mars le prez et les terres vuides, et non cultivées, sont communes, si elles ne sont closes ou défenduës. d’ancienneté

Il y a deux choses qui meritent de léclaircissement. La première, si cette liberté de vainc pature est generale et mdéfinie, et si les habitans d’une Paroisse voisine peuvent mener paturer eurs bestes dans la Paroisse joignante, ou si ce droit de vaine pature est restreint et limité aux habitans de la Paroisses

Selon beaucoup de Coûtumes il est permis aux habitans de diverses Paroisses, Justices, Seigneuries et Villages, dont les territoires sont contigus et joignans, de mener leurs bestiaux les uns sur les autres dans les terres ouvertes, et non cultivées, d’un clocher à un autre clo cher, et s’il n’y a d’Eglise, jusqu’au milieu des bourgs. Nivernois t. De Blarie, Article 1. Troyes, Article 169. Orléans, Article 145. Pour la Beausse, et ibi. De laLande .

D’autres Coûtumes permettent seulement la vaine pature pour les habitans d’une même Jurisdiction ou Paroisse ; et enfin il y en a d’autres toutes contraires qui linterdisent entièrenent, ne souffrant pas qu’on aille sur lhéritage d’autruy contre le gré du propriétaire sinon qu’entre deux Paroisses ou Bourgs, il y ait droit de parcours, c’est à dire une certaine societé, que deux communautez ont contractée ensemble.

C’est lusage en cette Province que les habitans d’une Paroisse ne peuvent mener paturer ieurs bestes dans une autre Paroisse ; comme chaque Paroisse porte sa charge, les habitans se doivent contenir dans leur térritoire, s’il n’y avoit quelques terres communes à deux Paroisses.

Cela fut jugé de la sorte en l’Audience de la Grand-Chambre le et de Juin 1647. et pa l’Arrest il fut défendu aux Paroissiens de Bosquentin de mener paturer leurs bestes dans le Paroisses voisines

La seconde chose qu’il faut observer est que chaque habitant n’a pas la faculté de faire atuter dans les communes de la Paroisse, ou dans les terres vuides, et non cultivées, autant de bestes qu’il luy plait, mais ils s’y doivent comporter de telle manière, que le nombre de bestes qu’ils envoyent paître, soit proportionné à la quantité des héritages qu’ils possedent dan le même térritoire : La raison est que ces terres communes, qui appartiennent à la communauté des habitans, ou celles que cet Article déclare communes en certaines saisons, n’ont été établies et introduites que pour la commodité des maisons et des fermes de toute la Paroisse, de sorte que chaque proprietaire en doit avoir sa part ; ce qui ne seroit pas s’il étoit permis aux plus riches d’y en envoyer autant qu’il leur plairoit. Et l’on ne doit en cette rencontre mettre aucune différence entre le noble et le roturier. Car ce droit de paturage étant réel, et non personnel, il doit être réglé sur-la proportion des terres que chacun possede en sa Paroisse.

Le Seigneur même de la Paroisse doit être soûmis à cette loy, lors qu’il n’a point de droit particulier aux communes, comme en celles qui relevent immediatement du Roy. Car en ce cas il n’a point plus de prerogative qu’un particulier ;, c’étoit le sentiment de Bertrandus Con sil. 37. vol. 1. Dominus ipse non potest tantam animalium quantitatem tenere, propter quod pascun subditis non sufficiant : Il sera mal-aisé de persuader cette maxime aux Seigneurs de Paroisse, et de les obliger à remettre en commun ce qu’ils ont usurpé. Cela ntanmoins leur est enjoint par les Ordonnances, tant anciennes que modernes. VoyezPithou , sur l’Article 169. de la Coûtume de Tours. De laLande , Article 149. de la Coûtume d’Orléans.

Pour confirmer ce que j’ay proposé, que chaque habitant ne peut envoyer des bestes dans les communes qu’à proportion des terres qu’il possede, je rapporteray l’Atrest donné en la Chambre des Vacations le 2é d’Octobre 1670 pour le sieur Marquis de Rothelin, par lequel il ut ordonné que chaque laboureur ne pourroit nourrir de moutons dans la Paroisse qu’à proportion des terres qu’il labouroit dans la même Paroisse, et un mouton pour arpent ; plaidans Greard et de Cahagnes : et par l’Arrest donné contre le Curé de Meri, que j’ay rapporté sur l’Article III. il ne luy fût permis d’avoir des moutons qu’à proportion des terres qu’il avoit dans la même Paroisse.

Ces terres communes qui appartiennent aux habitans en commun d’un Bourg ou d’une Paroisse, ont eu apparemment cette origine, que dans la division des terres qui fut faite par les Conquerans, on laissoit à chaque bourg ou communauté un certain fonds pour la commodité publique, et pour la nourriture du bétail ager compascuus relinquebatur ad pascendum Isidor Loyseau communiter vicinis, Isidor. lib. 15. Orlii, c. 13. Loyseau des Seign. c. 120. n. 120. De laLande , Article 149. de la Coûtume d’Orléans. Alciat sur la l. pratum. 31. de verbor. sign Mais il est arrivé en France que plusieurs Ducs, Comtes et grands Seigneurs, ont quelquefois baillé des bois, des landes, des marests et auttes terres vaines et vagues, à condition de les relever d’eux, ou bien ils en accordoient seulement quelques usages, demeurans toûjours Seigneurs tres-fonciers.

Ces differentes concessions ont fait que quand les Seigneurs ont voulu se separer d’avec sieurs vassaux et partager les communes, on a fait différence entre les vassaux ausquels la pleine proprieté avoit été cédée, et pour ces communes-là le Seigneur ne peut contraindre ses vassaux à luy laisser leur part ; ce qui fut jugé le 7 de Decembre 1634. contre du Ménil, sieur de Fontenay Vierville, mais à l’égard du Seigneur tres-foncier il peut laisser aux usagers. une portion competente et suffisante pour leurs usages. par une Declaration du Roy du mois d’Avril 1667. verisiée au Parlement l’11. d’Aoust ensuivant, il est permis à tous les habitans des Paroisses et Communautez de rentrer sans aucune formalité de Justice, dans les fonds, prez, paturages, bois, terres, usages, communes, communaux, droits, et autres biens communs par eux vendus on baillez à baux, à cens, ou emphyteotiques, depuis l’année 1620. pour quelque cause ou occasion que ce puisse être, même à titre d’échange en rendant toutefois en cas d’échange les heritages échangez ; et à l’égard des autres alienations en payant et remboursant aux acquereurs dans dix ans, ef dix payemens égaux, d’année en année, le prix principal desdites alienations faites pour causes legitimes, et qui aura tourné au bien et utilité desdites Communautez ; &c. et seront tenus tous Seigneurs prétendans droit de tiers dans les communes et communaux des Communautez, ou qui en auront fait faire le triage à leur profit, depuis l’année 1630. d’en abandonner la libre et entiere possession, au profit desdites Communautez, nonobstant tous contrats, transactions, et autres choses à ce contraires. Et au regard des Seigneurs qui se trouveront en possession desdits usages auparavant lesdites trente années, sous pretexte dudit tiers, ils seront tenus de representer le titre de leur possession, pour en connoissance de cause leur être pourvû-