Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


LXXXIV.

Quelles bestes sont toûjours en défends :

Les chevres et pores, et autres bestes mal-faisantes font en tout temps en défends.

La pluspart des Coûtumes de France portent une prohibition perpétuelle pour les porcs et les chevres, comme étant des bestes tres-nuisibles au labourage, aux vignes, aux prez et aux bois.

En consequence de cet Article, qui met les porcs et les chevres en tout temps en défends, on a traité la question si lors qu’ils sont pris en dommage, et que le proprietaire les laisse à abandon, il est permis de les tuer ; Il fut mû procez sur ce sujet, devant le Bailly HautJusticier de Fécamp. Beuxelin avoit donné ordre à son valet de tuer les pourceaux du nommé Autin, s’ils venoient endommager ses blés. Ce valer les ayant trouvez en dommage, il en tua deux d’un coup de fusil. Sur l’action formée par Autin, Beuzelin reconnut que son valet en avoit tué un, il fut condamné d’en payer la valeur, suivant l’estimation qui en seroit faite par les experts, dont les parties conviendroient, et au surplus Autin fut appointé à faire preuve qu’on luy en avoit tué deux : il fut aussi permis à Beuzelin de prouver le dommage qu’il avoit souffert ; sur l’appel de cette Sentence on n’agita dans toute la plaidoirie que cette seule question, si l’action êtoit recoable de la part de celuy dont les pourceaux avoient été tuez : Le Bourgeois pour Beuxelin, appelant, representa la difference que les Coûtumes avoient faite entre les porcs et les chevres, et les autres animaux. Ces derniers n’étans pas perpetuellement défensables, il n’étoit pas permis de les tuer, quand ils étoient pris en dommage ; mais le proprietaire du fonds avoir une action noxale, pour être recompensé du dommage : Pour les porcs et les che vres, puisqu’ils sont en défends en tout temps, suivant cet Article, comme le dommage qu’ils commettent est plus grand, il faut aussi que le proprietaire ait plus de liberté de s’en gatantir, et le maître des bestes a moins de sujet de s’en plaindre, puis qu’êtans per-étuellement défensables, il a dû en faire la garde avec plus de soin : et comme il seroit mal-aisé de les arrêter et de s’en saisir, et qu’ainsi on ne pourroit prouver par quelles bestes de dommage auroit été fait, il devoit être permis de les tuer : ce qu’il confirmoit par le senti ment de Bérault et deGodefroy . De TEpiney pour Autin répondoit, qu’encore que les pores et les chevres, et les autres bestes mal-faisantes fussent en défends en tout temps, il ne s’ensuivoit pas qu’il fût permis de les tuer : et il argumentoit de l’Artiele suivant, par lequel les bois sont toûjours en défends, réservé pour ceux qui ont droit de coûtume et d’usage, et toutefois on ne pourroit pas tuer impunément les chevaux et les vaches, ou les autres animaux qui feroient pris en forfait ; mais ce raisonnement n’étoit pas valable, car bien que les bois fussent toûjours en défends, ces animaux-là n’étoient pas toûjours en défends, et c’est pour-quoy il n’étoit pas permis de les tuer : La seule Coûtume de Bourbonnois permet de tuër les pourceaux. Par l’Article 162. de la Coûtume d’Orléans, quand oyes ou autres voltures sont trouvées en dommage, il est loisible au detenteur de l’héritage d’en tuer une tiu deux, et les laisser sur le lieu, ou les jetter devant ledit héritage ; mais cette permission esté fondée sur la nature de ces volatiles ; lesquelles étant des animaux fuyards ne peuvent êtreT arrêtées aisément, de sorte qu’il est plus à propos de permettre d’en tuer quelquos-unes. De la Lande en son Commentaire, sur cet Article, dit que par la même raison quelques-uns sont aussi d’avis que celuy qui trouve une bande de pores. faisans dommage sur son fonds, à cause que ces bestes sont mal-aisées à arrêter, peut en tuër un, ou du moins le blesser aux jambes, afin qu’il soit reconnu, et porte sur soy quelque marque et vérification du dommage. Mais parmy nous, ajoûte cet Auteur, il est bien loifible de les arrêter et de les retenir jusqu’à vingt-quatre heures, mais celuy qui les tuéroit ou blesseroit, seroit condamnable aux dommages et sinterests ; les loix civil ne permertent pas qu’on use de violence, quamvis alienum pecus in agro suo quis deprehendisset, sic illud expellere debet, quomodn si suum deprehendisset, quoniam si aliquod damnum coeperit, habet proprias actionis, l. quamvis, ad l. Aquil. D. Par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambré le s de Mars 1676. la Cour en émendant la Sentence, mit sur le principal les parties hors de Cour.

Il est certain que par cette prononciation la Cour semble avoir jugé la question generale, que l’on peut tuer les poureeaux qui sont trouvez en dommage, quoy que quelques-uns des Juges assurassent que ce n’avoit point été leur intention ; cependant il n’y avoit rien de particulier dans le fait. On fe plaignoit bien que pour deux pourceaux le Juge avoit donné trois appointemens differens, qui eussent produit un procez long et ruineux, et que l’on avoit sou sent averti celuy à qui les pourceaux appartenoient de les faire garder, mais tous ces faits n’étoient point constans.

Quoy qu’il en soit, il est toûjours beaucoup plus expedient d’en user avec moderation et de n’en venir à cet excez qu’aprés avoir averti le proprietaire de les faire garder, et particulierement dans les saisons où les animaux causent plus de dommage ; que s’il ne le fait pas, sa rop grande négligence autorise celuy qui en souffre à se faire justice, ce que le droit Romain. ermet en quelques rencontres Tit. quando liceat unicuique sine judice se vindicare C. celuy qui tuë ou fait tuer quelque beste trouvée en dommage n’en doit point profiter, mais il doit les laisser sur le lieu, Coût. d’Orléans, Art. 162

Plufieurs Coûtumes défendent de mener paturer les porcs dans les prez en quelque temps que ce soit, et bien que la Coûtume en cet Article n’exprime que de deux sortes de bestes mal-faisantes, il y en a toutefois encore d’autres qui sont nuisibles aux prairies, et c’est pouruoy par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 16 de Novembre 1655. il a été jugé que l’on ne dogoit point mener les moutons paturer dans les prairies, mais bien dans es marais et communes, qui sont au bord de la mer. Les habitans de Bondeville possedent tune fiéferme, qui leur a été baillée par Mademoiselle d’Orléans, moyennant soixante livres de rente ; elle consiste en prairies, marais et communes, qui sont sur le bord de la mer. Les communes sont loüées à des particuliers, et aprés la recolte des foins, les particuliers peuvent y mener paturer leurs bestiaux ; les fermiers empescherent qu’on y menât des moutons et des pourceaux, prétendans que l’haleine et la dent du mouton sont veneneuses, et font mouritr les herbes, et les pourceaux foüillans la terre font mourir la racine des herbes Les habitans se défendoient par une possession immemoriale, et particulierement pour les marais, étant sur le bord de la mer, dont l’herbe n’étoit propre qu’à nourrir les moutons et que les chevaux et les vaches ne l’a voudroient point paître : La Cour ordonna que les habitans pourroient mener paturer leurs moutons et leurs pourceaux dam les communes et marais seulement, et non point dans les prairies, et que les pourceaux seroient annelez, et que les habitans n’y pourroient mettre de bestiaux pour en faire trafic, mais pour la necessité de leurs familles ; plaidans Pilastre et de Sets.