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LXXXVI.

Benefice d’inventaire, et diligences requises en iceluy.

Celuy qui se veut porter heritier par le benefice d’inventaire, doit obtenir lettres, et faire recherche au domicile de celuy qui est decedé, s’il y a aucun qui se vueille porter son heritier absolut ? Et où il ne s’en presentera, il doit faire faire trois criées à jour de Dimanche, issué de la grande Messe Paroissiale. dudit lieu où le défunt est decedé, faisant sçavoir que s’il y a aucun du lignage. dans le septième degré, qui se vueille porter heritier absolut, qu’il se compare à la prochaine Assise, et y sera ouy et reçû, sinon l’on procedera à l’adjudication dudit benefice d’inventaire.

Par cet Article la Coûtume prescrit plusieurs solemnitez pour parvenir à l’enterinement du benefice d’inventaire. L’Ordonnance de 1667. introduit encore des delais fort lengs pour eliberer

La longueur de ces formalitez apporte aux creanciers et aux heritiers plus de dommage que Argentré de profit : Mr d’Argentgé condamne avec beaucoup de raison l’usage trop frequent des lettres de Chancellerie, Art. 114. de la Coûtume de Bretagne. Car puis que le benefice d’invenfaire est établi par la Coûtume et approuvé par le Prince, quel besoin avoit on d’obtenir ces lettres : frustra precibus impetratur quod jure publico conceditur. l. unica. C. de Thesauris. Aussi dans les Provinces où les loix Romaines sont suivies, on peut s’en éjoüir de plein droit, sans avoir recours aux lettres de Chancellerie.

Il eût été beaucoup plus raisonnable de n’engager pas l’heritier à tant de formalitez superfuës et de dépenses inutiles : Sur tout puis qu’aujourd’huy c’est un usage presque general par toute la France, que dans la ligne directe l’heritier beneficiaire n’est point exclus par l’heritier pur et simple, il faut avoüer que toutes ces diligences qui ne se font qu’à cette seule fin de sçavoir si quelqu’un veut se porter heritier pur et simple, sont entièrement inutiles, puis que quand quelqu’un se presenteroit, il n’y seroit pas recevable ; ainsi tous les Articles de ce Tître pouvoient être reduits à trois seulement, dont le premier seroit le 92. suivant lequel l’heritier beneficiaire est tenu de faire bon et loyal inventaire de tous les biens, titres et enseignemens de ladite succession ; le 93. qui luy ordonne de faire appretier les meubles ; et le dernier de ce titre, par lequel il est tenu de répondre aux actions et demandes des creanciers.

Ce mauvais usage procede assurément de ce qu’on s’est éloigné, ou pour mieux dire que Justinien l’on n’a pas conçù le véritable principe du benefice d’inventaire que Justinien avoit introduit.

Ce ne fut jamais l’intention de cet Empereur, que l’heritier presomptif qui n’acceptoit la suocession que sous benefice d’inventaire, pût être exclus par un parent plus éloigné, qui se de-elareroit neritier pur et simple. Mais comme il paroissoit fort rude que les proches parens d’un défunt fussent contraints indispensablement de s’embarrasier en une sucression onereuse, ou d’abandonner un droit qui leur êtoit acquis par la nature et par la loy iTEmpereur Justinien trouva ce moyen, par lequel l’heritier pourroit accepter une succession sans s’engager. aux dettes du défunt.

Mais nos mauvais Praticiens s’étant persuadez qu’il étoit de l’honneur du défunt et de l’interest des créanciers, d’avoir un heritier pur et simple, ils ont été dans cette erreur que l’he-ritier absolut étoit toûjours preserable à l’heritier beneficiaire, et c’est par ce principe que le penefice d’inventaire n’est accordé qu’aprés beaucoup de formes, pour avertir ceux qui se voudroient porter heritiers simplas, et par cette même raison cette clause est toûjours employée dans les lettres de Chancellerie, pourvû qu’il ne se presente aucun qui se veüille porter heritier pur et simple.

Les delais pour parvenir à lenterinement du benefiée sont fort longs. Balde et Jasons sur la I. dern. de jure delib. c. estiment que par le droit civil, les creanciers ne devoient être ppelez qu’une fois : creditores non amplius quam semel evocari oportet.Argent . Art. 51. Gl. 3 par fusage de France il suffit de deux ajournemens faits au domicile du défunt et au prochain marché. Voyez la Coûtume de Bretagne, Article 573

On obtiendroit inutilement un benefice d’inventaire, si l’on n’étoit pas en état de s’en pouvoir servir, étant certain qu’en plusieurs cas, le benefice d’inventaire ne peut être obtenuCeluy qui s’est porté heritier pur et simple, est exclus de ce benefice, c’est la dispositron expresse de la loy fin. 5. 1. de jure delib. c. et les lettres Royaux contiennent expressément cette clause, pourvû que l’exposant ne se soit immiscé esdits biens, ni d’iceux apprehendé aucune chose comme heritier simple.

en second lieu, celuy qui commet fraude en linventaire, et qui est convaincu de recelement, ou de sustraction, est indigne de ce benefice, suivant l’Authentique de hered. et falcid. 5. sancimus, et les Arrests rapportez par Mr Loüet I. ff. n. 24.

Lors qu’il s’agit de la succession de celuy qui a manié les deniers Royaux, ses proches parens habiles à luy succeder, sont tenus de renoncer ou de se porter heritiers purs et simples, sinon qu’ils fussent mineurs.

Le Parlement de Paris a sagement étendu l’Ordonnance contre les heritiers des Receveurs des Consignations, quoy qu’ils ne soient point comptables envers le Roy ; mais puisqu’on est forcé de leur confier son argent, et qu’ils sont les dépositaires publics des deniers des particuliers, il est tres-juste que pour éviter aux fraudes et aux abus qui se commettroient aisément, on ne puisse prendre leurs successions par benefice d’inventaire. Cette Ordonnance de Charles IX. est une imitation de ce qui se pratiquoit parmy les Romains, où les enfans du Pri-mipile, Receveur des vivres de la Gendarmerie, étoient obligez d’acquitter ce qui étoit dû de reste par leur pere, de Primip. l. 3. et 4.

On a douté si cette Ordonnance avoit lieu seulement à l’égard du Roy, ou si les creanciers particuliers d’un comptable pouvoient s’opposer à l’enterinement du benefice d’inventaire. aprés la mort de Barbenson, Receveur des Tailles à Caen, et payeur des gages des Officiers du Parlement, son neveu obtint des lettres de benefice d’inventaire, et il les fit enterineri nonobstant cette qualité et sa declaration qu’il renonçoit au benefice d’inventaire, les creaftiers le firent condamner au payement de leurs dettes, parce qu’étant heritier d’un comptable il n’avoit pû accepter la succession par benesice d’inventaire, et ayant mis la main à la choses ton le devoit reputer heritier pur et simple. Sa défense étoit que lon oncle avoit vendu sa charge plus de dix ans avant sa mort, qu’il n’avoit rien profité de cette heredité, et qu’il étoit prest de l’abandonner entièrement : Mi le Procureur General se porta pour appelant de l’enterinement du benefice d’inventaire, et il conclud qu’à l’égard du Roy, l’heritier devoit être condamné personnellement, mais qu’au surplus il devoit joüir de son benefice : La cause fut appointée au Conseil, et depuis cet heritier nommé Daigremont, ayant pris des lettres pour être reçû à renoncer à la succession, et à se départir du benefice d’inventaire, elles furent en terinées par Arrest du p de Mars 1625. aprés que le procez eut été départi, les Chambres assemblées.

Suivant cet Arrest l’heritier du comptable est exclus du benefice d’inventaire, tant à l’égard du Roy que des creanciers, mais aprés l’avoir accepté sous cette qualité, il peut y renoncer Enfin quoy que l’heritier beneficiaire soit le plus proche et le plus habile à succeder, il ne peut neanmoins se prévaloir du benefice d’inventaire, lors qu’un parent plus proche se déclare heritier pur et simple

Il faut toutefois remarquer que cela n’est véritable qu’entre parens collateraux : car en ligne directe l’heritier presomptif beneficiaire exclud l’heritier pur et simple, comme il sera montré sur l’Article 90.

Le President Fabri traite cette question de erro. prag. dec. 2. err. 9. si celuy qui étoit poursuivi par les créanciers d’un défunt, leur avoit declaré qu’il étoit heritier par benefice d’in-ventaire, quoy qu’il n’en eût pas obtenu de lettres, pouvoit être condamné en vertu de sa seule déclaration, nullis tamen aliis accedentibus hereditatis aditae probationibus. Cet Auteur même fait le procez aux Praticiens, pour avoir maintenu que sa confession feule ne le rendoit point heritier, parce qu’il falloit prendre sa confession entière, et que s’il n’y avoit point de benefice d’inrentaire, il ne pouvoit être heritier, ne le voulant être qu’à cette condition, pourvû qu’il n’eûr point fait d’ailleurs acte d’heritier, et pour prouver leur erreur il raisonne de cette sorte, que sive heres confessus sit se heredem efse cum beneficio legis et inventarii, sive negaverit se heredem isse, nisi cum beneficio legis et inventarii, pro herede absoluto haberi et condamnari eum debere, ex jjujusmodi responsione tanquam ex pura et absoluta confessione, si nullum inventarium exhibeat.

Il arrive souvent à cet Auteur de mettre au rang des erreurs des maximes tres-véritables, il seroit bien injuste de reputer pour heritier celuy qui n’en a point fait d’action et qui n’en a jamais eu la volonté, sa declaration seule ne luy peut donner cette qualité ; car outre qu’il la faut prendre toute entière ayant témoigné qu’il n’étoit heritier que par benefice d’inventaire, on ne peut pas le faire passer pour un heritier pur et simple, et quand il a pris une qualité qu’il n’avoit point, il ne peut en recevoir d’autre préjudice que de ne pouvoir avoir la succession, adition d’heredité magis est animi quam facti : Or suivant sa declaration il n’a jamals eu d’intention de l’être, puisqu’il ne le vouloit qu’avec une qualité qu’il n’avoit point : il suffit donc que les choses soient entieres, et qu’il en est demeuré dans les termes d’une simple déclaration