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CII.

Definition de Franc-Aleu.

Les terres de Franc Aleu sont celles qui ne reconnoissent Superieur en feodalité, et ne sont sujettes à faire ou payer aucuns droits Seigneuriaux,

Ce Franc-Aleu est une troifième espèce de biens ; elle est sans doute beaucoup plus precieuse et plus estimable que les autres, puisque les terres de Franc-Aleu ne reconnoissent point de Superieur en feodalité, et qu’elles ne sont sujettes à faire ou payer aucuns droits Seigneuriaux, on les possede optimo jure, et en pleine liberté, ainsi les proprietaires d’icelles sont affranchis des rexations des Seigneurs feouaux, et des Receveurs du Demaine du Roy : aussi la Coûtume de Nivernois, t. dernier, d’assiette d’héritage, Article 11. prise le FrancAleu le dixième denier plus que le fief.

Les biens alodiaux étoient autrefois si considerez qu’il n’y avoit que ces sortes de biens, sur esquels on pouvoit seurement asseoir une hypotheque, in his tantum hypotheca tuto contrahi poterat.

Ceux qui n’avoient que des benefices ou des emphyteoses pouvant être dépossedez aisément, et par ce moyen les dettes et les hypotheques contractées sur ces biens-là étoient aneanties uivant la loy, lex vectigali ff. de pignor. Dominici de Prarog. Alod. c. 9. C’est pourquoy dans les anciennes Foimules on employoit ces paroles, oprimis praediis, pradibusque cavere ; et Benedicti sur le C. Rain. in verb. & uxorem nomine Adelasiam, decis. 2. n. 899. dit que celuy qui a promis de donner une caution bourgeoise, doit bailler une personne qui possede des biens alodiaux, qu’il ppelle burgensia, aut burgensatica, qu’il estimoit être francs et libres, comme le FrancAleu.

Dans la definition que la Coûtume donne du Franc-Aleu, elle ajoûte fort à propos, que les terres renuës par Franc-Aleu, ne reconnoissent aucun Supetieur en feodalité ; cette exemption donc n’est que pour la feodalité, et non pour la Jurisdiction, soit du Prince ou du Haut-Justicieri les biens alodiaux et la Jurisdiction n’ont rien de commun, et leur nature n’est point alterée pour reconnoître un Superieur quant à l’autorité publique, il suffit qu’à l’égard de la proprieté ils ne soient dépendans d’aucun Seigneur : La Jurisdiction ni la Souveraineté du Prince, ni de qui que ce soit, ne sont jamais comprises sous la Franc-Aleu, et comme les Romains conservoient a puissance publique sur les terres qu’ils distribuoient à leurs Colonies et à leurs Veterans, ou qu’ils laissoient aux anciens possesseurs, aussi les Aleux ayant commencé par les terres qui furent laissées aux anciens Gaulois, et par celles qui furent données aux gens de guerre, ce fut toûjours à condition de reconnoître l’autorité du Prince, et de l’assister à la guerre : vide, plura apudDominic . e Prarog. Alod. C. ult.

L’origine et la connoissance des Aleuds est un des plus curieux points de l’antiquité Franoise : et c’est une question fort controverse, si le titre est necessaire pour le Franc. Aleu : parce que toutes choses sont présumées naturellement libres ; celuy qui prétend la feodalité est tenu de la justifier. Un scavant homme de ce siecle a combattu le Franc. Aleu sans titre ; deux autres au contraire ont soûtenu fortement la liberté naturelle, et particulierement dans les Provinces oû les loix Romaines ont conservé leur autorité

Pour l’éclaircissement de cette matière, il faut connoître l’origine du terme et de la chose Quant au mot Aleud, il y a grande diversité d’opinions sur son origine : elles ont néanmoins pour la pluspart un grand rapport quant à la signification ; car soit qu’il vienne d’aldia, qui signifit ffranchi, ou du mot Allemand ald, qui veut dire ancien, ou d’aloüé, qui signifie ce qu’on possede depuis long-temps, ou de ein anlod, lequel en Allemand signifie ce qui est propre et hereditaire à la famille ; toutes ces origines expriment, la véritable nature du Franc-Aleu, à sçavoir que c’est un bien propre et hereditaire, et qui est exempt de toute servitude : ceux qui le font écen-lre de Leudes, n’ont pas scû la signification de ce terme, qui veut dire fidéle et sujet : et c’est pourquoy d’autres ont crû qu’Aleud êtoit composé de l’Alpha privatif des Grecs, et de Leude, comme étant un bien qui n’est point sujet ; mais nos anciens Gaulois ou les Allemans n’étoient pas assez sçavans en la langue Grecque pour inventer ces mots composez du Grec et de l’Allemand.

Dominici luy donne à peu prés la même origine, de Prarog. Alod. c. 1. le faisant décendre de l’Allemand, Obn leiden, qui signifie la même chose mutatâ prapositione que privativa est in aliam Caseneuve ejusdem qualitatis. On peut voir sur ce sujet Caseneuve, en son Traité du Franc. Aleu ; Mr Bignon en ses sur ; le Pere Sirmond en ses Notes sur Marculphe sur les Capitulaires de Charles le Chauve ; Spelman en son Glossaire, verb. alodiums Pontanus en ses Origines de la langue Françoises et Ménage en ses Origines : in verbo Aleu-

Il nous importe peu du mot, pourvû que la chose nous soit connuë. Aprés la conquête des Gaules, les terres furent partagées en deux manieres à l’égard des particuliers, en Benefices et en Alodes, ou Aleux. Les benefices consistoient aux terres que le Prince avoit données, pour un temps, ou à vie à ses gens de guerre ; et les Aleuds étoient les terres que l’on avoit laissées aux anciens possesseurs, ou que le Prince même avoit données en proprieté. Tunc Alodii nomen auditum, ut propriam hereditatem & rem sui juris, & cum omni integritate possessam designarets et on appeloit terre Salique, la portion que Salio militi et Regi assienata erat. Pitheus ad leg Salic.Lindembrog . in Glossario Glossario ad leges Barbaras, et Tit. 62. leg. Sal. Hottoman a crû que la loy et la terre Salique étoient la même chose : mais Dominici en montre fort bien la difference c. 7 de Prarog. Alod. Dans tous les anciens Auteurs, dans les Capitulaires de Charlemagne, de Loüis de Debonnaire, et de Charles le Chauve, on remarque par tout une perpétuelle opposition entre les Benefices et les Aleuds : ponuntur Alodis et Beneficium, dit le PereSirmond , en ses Notes sur les Capitulaires de Charles le Chauve, quia quod beneficiario jure habetur, beneficiarii proprium tion est ; et Mr Cujas au commencement du premier Livre des fiefs fait cette observation., si praedia que miles possidet non sint omnia adscripta militiz, sed habeat miles jure optimo possessionem aliquam militia functione liberam, que Alode sive Alodium dicitur, quasi fidei vinculo soluta.

Constantin Constantin Porphyrogenete l’appelle MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, et c’est pourquoy, que proprio jure possidentur non jure beneficii distrahi poterant.

Les Romains appeloient aussi certains biens hereditaires, ceux qu’ils avoient donnez en proprieté à leurs Colonies, ou qu’ils avoient laissez aux anciens possesseurs.

Mr Bignon dans un passage, dont j’ay déja parlé ailleurs, a expliqué fort nettement la nature et la qualité des biens alodiaux, sur ces paroles deMarculphe , l. 1. c. 2. aut super proprietate aut uper fisco his verbis duae notantur bonorum species, et velut maximâ rerum divisio, que ex eo seculo vecepta erat. ( Marculphe vivoit sous le Roy Dagobert dans le septiéme siecle. ) Omnia namque predia aut propria érant aut fiscalia : propria seu proprietates dicebantur, que nullius juri obnoxia essent, sed optimo & maximo jure possidebantur, ideoque ad heredes transibant : fiscalia verb, sive fisci vocabant, que à Rege ut plurimum, posteaque ab aliis ita concedebantur, ut certis legibus servitii obnoxia cum vita accipientis finirentur.

Je n’ajoûteray point que ces propres ou proprietez étoient de deux sortes, comme M’Bignon l’a aussi remarqué, parce que j’en parleray sur le titre des Propres. Il suffit de sçavoir que les Aleuds étoient libera juris praedia, que nec fidem nec pensitationem deberent, generaliter dicta sunt ad seudi differentiam, quo sensu Alode vocabulum hodie inter nos usurpatur.

Le Pere Sirmond in not. Ad cap. Car. Cal7. en fait de trois espèces, les uns étoient reputez veritablement propres ; parce qu’ils provenoient des Ancêtres : Non olim omnis proprietas Alodis nomine comprehensa, sed illa Speciatim que jure successionis obveniebat, et hereditas appellabatur. Les autres consistoient en ce qui provenoit d’un bon ménage et des acquests, et la troisiéme étoit composée de ce qu’on possedoit par la donation du Prince. Mais aujourd’huy ce mot n’a plus d’autre signification que d’exprimer les héritages qui ne reconnoissent point de Superieur en sdelité, et qui ne sont sujets à faire ou payer aucun droit. La definition que les Coûtumes de France en ont faite est conçûë en ces termes ; Franc-Aleu est héritage tellement franc, qu’il ne doit point de fonds de terre, et d’iceluy n’est aucun Seigneur foncier, et ne doit vest ni devest, ventes ni dessaisines, ni autres servitides : mais quant à la Justice, il y est bien sujet à toute Jurisdiction. Bacquet nouveaux acquests c. 2. Chopin Coûtume de Paris t. des fiefs, n. 26. l. 1. t. 13. Article 16. Coût. d’Anjou l. 2. 1. Alod. Pithou sur la Coûtume de Domanio Troyes, t. 4. Article 30. Alode proprium, in quo tam utile quam directum quis habet do-minium.

D’où il paroit que les Aleuds avoient deux grandes prerogatives sur les benefices : on les possedoit en proprieté et heredité, et sans aucune servitude ; au contraire on n’avoit la joüissance du benefice que pour un temps, et à condition de servir à la guerre. Aussi les pre-mniers étoient beaucoup plus recherchez que les derniers, et chacun faisoit ses efforts pour convertir son benefice en Aleud, comme je l’ay montré cy-devant par les Capitulaires de Charle-magne et de Loüis le Debonnaire

Cela dura jusques sur la décadence de la seconde Race, que commença l’heredité et la proprieté des benefices : Alors sous Hugues Capet, et depuis, les Aleuds et les Benefices changerent bien de nature et de condition. Les Seigneurs feodaux, outre lheredité et la prorieté qu’ils avoient usurpée, ajoûterent encore plusieurs droits à leurs fiefs, et diminuërent ses Aleuds autant qu’il leur fut possible, pour accroître leur feodalité. Quelquesfois ils employoient pour cet effet la violence et la force ; quelquesfois les proprietaires des biens ilodiaux, ou par complaisance, ou par amitié, ou dans l’espèrance d’en recevoir de la protection, leur remettoient leurs Aleuds pour les reprendre d’eux en fiefs. On peut en voir des exemples dansDominici , de Prarog. Alod. c. 19. et ce changement pour les Aleuds n’arriva pas feu-lement en France, mais aussi en Allemagne, dont Freherus nous a donné une illustre exemle dans ses Origines Latines. Cependant comme les Seigneurs ne pouvoient se prevaloir de leur autorité sur les villes et les bourgs, ni obtenir le consentement de tant d’habitans, les Aleuds se sont conservez plus aisément dans ces lieux-là.

De cette alteration et diminution des biens alodiaux, ce Proverbe, nulle terre sans Seigneur, pris naissance ; on en fait remonter néanmoins le principe un peu plus loin, à sçavoir à une Constitution de Chaules le Chauve ; volumus etiam ut unusquisque liber homo in rosiro regno, seniorem qualem voluerit, in nobis & in nostris fidelibus accipiat. Pour comprendre le sens de cette Constitution, il faut sçavoir que les hommes de condition libre, sous la première et seconde ace, ne se croyoient point obligez de servir leurs Rois, que quand ils tenoient d’eux quelques benefices, et ceux qui possedoient des Aleuds n’étoient point obligez au commencement l’aller à farmée, que pour défendre leur païs : et quand le Royaume êtoit partagé, chacun pouvoit se choisir un Prorecteur et un Seigneur à sa volonté : ce qui paroit par ce partage. qui fut fait par Loüis le Debonnaire entre ses enfans, ut unusquisque homo post mortem Domini ui, licentiam habeat se commendandi inter hac tria regna ad quemcumque voluerit, similiter et ille qui nondum commendatus est.

Pour remedier à de desordre, Charles le Chauve fit deux Constitutions ; par la premiere il vonlut que personne ne fût exempt du service militaire, sed ut liberi homines fecundùm qualitatem proprietatis exercitare debeant. Que ceux qui avoient des Aleuds fussent obligez de servir la guerre, selon la valeur et la qualité d’iceux ; et quand ils n’avoient pas de grandes commoditez on les assembloit deux, trois, et quatre ensembla, qui contribloient à l’aimement de celuy d’entr’eux qu’ils nommoient pour rendre le service en leur nom, ce que nous avons vû pratiquer pour les pauvres Gentilshommes, lors de la Convocation de l’Arriere-ban ; mais comme ils n’étoient obligez à ce service que quand il s’agissoit du falut et de la défense de la patrie, ceux qui tiennent en Franc. Aleu Vsuivant le sentiment deBacquet , titre des francssefs ) se sont conservez cette prerogative d’être exempts de l’Arriere-Ban. Brodeau n’est pas de cet avis, par cette raison que les biens alodiaux et le proprietaire d’iceux est sujet aux loix et aux coûtumes des lieux, et par la même raison le Franc. Aleu noble est sujet aux francs-fiefs.

Par l’autre Constitution, qui fut faite par le Traité de Paix entre Charles le Chauve, Lothaire. et Loüis ses freres, il fut ordonné, ut unusquisque liber homo in regno nostro seniorem qualen voluerit, in nobis & in nostris fidelibus accipiat. On voulut que chacun se choisist un Seigneur, un Prorecteur tel qu’il vouloit. Il ne faut pas neanmoins s’imaginer que ce Senior fût un Seineur de fief, ou que cet homo fût ce que depuis on a appelé homme-de-fief

Il paroit par ce partage de Loüis le Debonnaire, dont je viens de pailer, que chacun pouvoit prendre tel Seigneur qu’il luy plaisoit, ou le Roy même, ou quelqu’un de ses Sujets, et qu’aprés la mort d’iceluy il pouvoit en choisir un autre, post mortem Domini sui licentiam habeat se commendandi ad quemcumque voluerit, similiter et ille qui nondum commendatus est. Ce qui n’a point de relation avec le Seigneur feodal, que le vassal ne choisit point, et qu’il ne peut quitter qu’en abandonnant le fonds qui le rend vassal, et ce mot homo ne signifioit dans ce siecle là que ce qu’il veut dire dans sa signification generale en la langue Latine, et non point dans le sens qu’il est pris dans la matière feodale, pour celuy qui a pris un héritage d’un autre à la charge d’un service militaire, ou de quelqu’autre sujettion

Cependant cela servit de pretexte aux Seigneurs feodaux, pour introduire cette maxime, nulle terre sans Seigneur : obtentu hujus Constitutionis, ut quis seniorem in Rege vel in fidelibus ejus habear liberorum hominum proprietates, oneri fuere subdite militari ; adeb ut que primum in personi iberis inducta subjectio, ad res deinceps ejusdem qualitatis fuerit explicata : C’est la pensée deDominici , c. 13.

Godefroy Berault , sur l’Art. 100. et Gudefroy, sur l’Art. 101. ont traité la question, si le possesseur d’un fief pouvoit renoncer à la noblesse d’iceluy. Berault avoit tenu l’affirmative d’abord ; depuis il changea de sentiment et suivit celuy deGodefroy , qui sans doute est le plus véritable On peut former cette même question pour les biens alodiaux ; et s’il étoit permis aux Seigneurs de se faire rendre des aveux, et d’accroître par cette voye leur feodalité et leurs tenures Depuis Hugues Capet, les grands Seigneurs affectoient passionnément de s’acquerir un grand nombre de vassaux pour se rendre plus redoutables, et on peut dire qu’en usurpant la feodadité sur les terres en Franc-Aleu, ils soustrayoient autant de Sujets au Roy, qui devenoient par ce moyen obligez de servir contre luy leur nouveau Seigneur. Il ne faut pas douter que quand les Rois de France eurent commencé de rétablir leur autorité ils ne rétranchassent cet abus, et que cela ne fut plus permis que par la concession du Roy : En effet on apprend par une vieille Charte du Roy Philippes, rapportée parDomin . c. 19. n. 5. qu’entre plusieurs immunitez qu’il accordoit aux Gentilshommes de Perigord, pour recompense de l’assistance qu’ils luy avoient donnée dans la guerre de Flandre, il leur octroyoit particulierement par une grace speciale, quod illos qui tenent alodia, qui ipsa alodia de ipfis nobilibus tenere & advocare voluerint, liberè possint recipere in eorum homines de allodiis ipfis, que tamen infra omninodam eorum jurisdictionem exitant, quorum quidem alodiorum per eos receptorum feuda tenebuntur à nobis. On peut faire deux observations importantes sur cette Charte : La premiere, qu’ils ne pouvoient recevoir pour vassaux les possesseurs des terres en Franc-Aleu, que ceux qui étoient situez en des lieux où ils avoient toute Justice, omnimodam Jurisdictionem : La seconde, qu’ils ne pouvoient les unit leurs fiefs, mais ils les tenoient en fief du Roy.

En Normandie comme j’ay remarqué que les fiefs n’y avoient pas eu une même origine un même progrez, et une même destinée, que ceux de France sous Hugues Capet, parce qu’alors elle êtoit separée de la Couronne ; aussi le changement qui arriva en France pour les biens alodiaux, par l’usurpation de l’heredité et de la proprieté des fiefs, ne peut s’étendre au Franc. Aleu de cette Province, parce que l’autorité souveraine du Prince qui y commandoit n’avoit reçû aucune atteinte ni diminution.

On ne peut douter que dés le temps de la conquête de cette Province, les proprietez, c’est à dire les Aleuds, n’y fussent connus et établis ; on le pourroit induire de cet Article, qui n’est pas de Coûtume nouvelle ; mais j’en rapporteray un témoignage plus ancien que nôtre Coûtume écrite. Dudo Doyen de S. Quentin, dans son Histoire des Gestes des Normans, racontant les conditions du Traité fait entre Charles le Simple et le Duc Raoul, dit que Charles donna à Raoul, terram determinatam in alode et fundo â flumine Epta usque ad mare terramque Britanniam, de qua posset vivere. Ces paroles in alode et fundo, signifiant que cette Province êtoit cédée à Raoul en pleine proprieté ; et en : ce sens on peut dire que les terres qui furent divisées et distribuées par Raoul à ses gens de guerre, leur appartenant en heredité et proprieté, pouvoient être appellées des Aleuds, puis qu’Alodes en sa propre et naturelle signification est une proprieté hereditaire ; mais comme ces terres-là ne furent pas don nées en exemption de la feodalité, qui est la prerogative essentielle des véritables aleuds, i faut chercher ailleurs ce Franc-Aleu, dont il est parlé en cet Article.

Cette cause me semble la plus apparente : Avant la cession de la Neustrie faite aux Normans par Charles le Simple, plusieurs villes de cette Province avoient fait leur composition, et il est ray-semblable qu’elles s’étoient rachetées du pillage par argent, et qu’elles furent maintenues en la possession de leurs maisons et de leurs territoires qui leur appartenoient en proprieté, et non point en benefice, parce que les benefices consistoient principalement en terres de la campagne, et pour le reste du païs, Raoul voyant sa Province si inculte et si abandonnée qu’il refusa de l’accepter, sinon en luy donnant aussi la Bretagne, ut inde se suosque aleret, pour rappeler les habitans que la frayeur de ses armes en avoit chassez, il leur accorda des franchises et des immunitez selon la faveur, le mérite et la condition des uns et des autres, et comme apparemment les villes et les bourgs s’étoient maintenus auparavant en leur liberté naturelle, le Duc leur continua leur franchise, ainsi les Seigneurs feodaux ne pûrent étendre leur domination dans senceinte des villes et des bourgs, qui depuis ce temps-là ont toûjours demeuré exempts de leurs mouvances.

Quoy qu’il en soit le Franc-Aleu étant autorisé par l’ancienne Coûtume, il ne faut pas douter qu’il n’ait été établi dés le temps des Ducs de Normandie, et il n’y a pas d’apparence qu’il se soit introduit depuis Philippes Auguste, parce qu’alors tout conspiroit pour l’agrandissement des fiefs ; de sorte que les Aleux mêmes étoient convertis en fiefs ; ce qui montre que lon êtoit fort éloigné d’affranchir des terres de la feodalité.

Le FrancAleu êtant reconnu et approuvé par cet Article, on en tire une forte conséquence pour la décision de cette question si fameuse, si celuy qui allégue le Franc-Aleu est tenu de prouver son droit, vù la Maxime, nulle terre sans seigneur, ou si le Seigneur qui le conteste doit ustifier sa mouvance :

Les Provinces qui gardent le droit Romain prétendent avoir un grand avantage sur les autres aïs qui sont au decâ de la Loire, dont les Coûtumes font leur droit commun : et deux sçavans hommes de nôtre siecle, pour soûtenir le droit de ces Provinces, ont posé pour fondement certain, que sous l’Empire des Romains, et depuis même que leur domination a été détruite, selon les loix Romaines, qu’elles ont toûjours observées, toutes choses sont reputées franches et libres, l. cum eo. l. imperatores in l. cujus de servit. prad. urb. l. sicut 5. sed si quaeritur ff. si servit. vind. l. Altius de servit. et ac4. C. Et afin qu’on ne pense pas que ces loix ne doivent point s’éendre au de-là de leurs especes, on confirme cette maxime par l’autorité des Interpretes du droit, et particulièrement par le sentiment de MrCujas , de feud. l. 4. t. 3. presumuntur in dubio predia omnia esse Alodia ; ad d. l. Altius de servit. et ac4. Godefroy dit la même chose, hinc nferunt rem prasumi liberam, alodialem, non feudalem ; feudum enim Speciem servitutis esse, que regulariter presumend. i non sit. EtChopin , Coûtume d’Anjou l. 2. de feud. part. 2. c. 2. t. 5. Romanis legibus conjicitur pradia esse libera. EtPontanus , Coûtume de Blois, Article 107. res omnes suâ taturâ liberaee, et immunes ab omni servitio conjiciuntur, ut probationibus liquidis conctat Ce changement de dumination n’altera point cette liberté. Les Goths la confirmerent, et elle leur resta toute entière sous la première Race de nos Rois, qui firent la conquête de ce païs-là : Le Seigneur donc a bien un droit general quant à la Jurisdiction et pour la protection, et non point quant à la Seigneurie directe, et pour la proprieté des biens, étant obligé quand il la prétend de faire apparoir d’un titre.

Dans la France Coûtumière l’établissement des fiefs semble avoir ruiné cette liberté naturelle, et avoir introduit une servitude universelle, par cette Maxime, nulle terre sans Seigneur, qui est si ancienne que Joannes Faber 61. de sum. Trin, c. n. 9. l. 1. c. de jur. Emphyt. n.S. Domin . in Inçt. de act. n. 13. ne l’a point ignorée, in regno Franciae omnes terrâ, vel quasi feudales, vel aliis ensionibus seu censibus affecte, ita ut possessores quasi omnes sint utiles Domini, le droit du Seigneur est si fort que la prescription même immémoriale ne peut sen priver, le vassal ne pouvant amais prescrire la foy et hommage ; que si les terres sont présumées naturellement libres, ce n’est qu’à l’égard des services et des charges réelles, et non point à l’égard de la reconnoissance et de l’hommage qui sont dûs au Seigneur, dans le térritoire duquel l’héritage est situé, tout ce qui se trouve dans son térritoire est présumé sujet à sa mouvance, si le contraire n’est justifié par titre. Aussi les Docteurs François tiennent que le Franc-Aleu est un privilege, une concession particulière qui va contre le droit commun suivant lequel tout héritage est présumé enu en fief ou en censive, cé qui s’observe particulièrement en la Coûtume de Paris ; quoy que le Franc-Aleu soit reconnu par cette Coûtume, toutefois plusieurs tiennent qu’il n’y a point de Franc-Aleu sans titre particulier, et que la presomption n’est jamais pour le FrancAleu, quand le Seigneur est fondé en un terroir uniforme, universel, continu et limité, et en droit d’enclave, sans qu’il s’y trouve aucun autre héritage voisin, tenu en Franc Aleu, et Loüet qui ne soit en sa censive. Voyez les Auteurs citez par Mr Loüer, l. C. n. 21. in fine.Brodeau , sur la Coûtume de Paris, Article S8. n. 5.Tronçon , sur l’Article 87.Ricard , Article S8.

De la Lande dit la même chose, sur l’Article 255. de la Coûtume d’Orléans, qui est conforme à celle de Paris et à la nôtre.

Heraut l. rer. et quest. quot. c. 14. n. 8. sequ. à contredit cette opinion et soûtient que dans les Coûtumes qui reconnoissent un Franc-Aleu, la possession immemoriale vaut de ître, lors que cette possession n’est interrompué, ni affuiblie par aucun acte contraire ; car il y beaucoup de différence entre la question, si les droits Seigneuriaux peuvent être prescrits par cent ans, et celle dont il s’agit ; si par une possession immemoriale de franchise ou de liberté, qui n’est détruite ni affoiblie par aucun titre ou possession contraire, la chose ne doit pas être présumée naturellement libre, et si une telle possession vaut pas de titre : Or une possession de ette qualité a toûjours été reputée valoir de titre ; si tous les héritages étoient sujets à servitule de leur origine, et qu’il ne parût point qu’en aucun temps, on les eût possedez en franchise, la presomption seroit assurément pour la servitude contre la liberté, à plus forte raison puisque toutes choses sont naturellement libres, cette perpétuelle possession de la liberté est le titre le plus fort que l’on puisse désirer.

Si nous suivions la raison, elle nous apprendroit que Dieu donna la terre à lhomme, sous cette feule obligation, de le reconnoître pour son Maître et pour son seigneur : Cependant puisque la guerre et loccupation peuvent donner un droit legitime, il faut sçavoir seulement de quelle manière les Conquerans ont disposé des terres qu’ils avoient gagnées, s’ils les ont distribuées à charge de services et de reconnoissance feodale, sans doute la presomption gene. fale doit être pour la servitude, si au contraire ils les ont divisées de telle sorte que les anciens ossesseurs ayent conservé la même franchise dont ils joüissoient auparavant, suivant toutes es regles, il faut dans lincertitude incliner pour la liberté, ainsi la necessité de la preuve doit omber sur celuy qui prétend la servitude : possessorem enim cogi ab eo qui expetit titulum suae possestionis, dicere incivile est : l. cogi de pet. hered.

l est notoire que les François aprés leurs conquêtes firent deux espèces de terre, terram alicam et Alodem. Ce qui fut aussi imité par les Goths, qui appeloient sortes Gothicas, les terres qu’ils avoient retenuës, et sortes Romanas, celles qu’ils avoient laissées aux Romains.

La terre Salique étoit la portion qui fut donnée aux gens de guerre en benefice, et on appeloit Alode, le bien qui étoit demeuré en proprieté aux anciens possesseurs. Terra Salica dicitur quae dharet Corona ad differentiam Alodialis, que est subditorum. De Grassaliis, l. 1. Regul. Franc. c. 17.

Il se trompe neanmoins en ce qu’il restraint la terre Salique aux biens de la Couronne, car elle s’entendoit aussi de celles qui avoient été concédées aux particuliers :Domin . de Prarog. Alod. c. 7.

Et j’ay aussi montré qu’en Normandie les anciens possesseurs ne furent pas dépoüillez de tous leurs biens par les Normans, et qu’ils en conserverent quelque partie sans aucune sujettion feodale. Les terres donc se trouvant divisées en feodales et en alodiales, il est plus juste de s’attacher à l’ordre naturel

Ce qui semble ne recevoir point de difficulté, lors que la Coûtume reconnoit qu’il y a des Francs-Aleux dans l’etenduë de son territoire : car on fait de deux sortes d’Aleux ; unum a concessione, in quo titulus requiritur : alterum à natura seu legibus inductum, in quo sola presumptio sufficit. Quare feudum pratendenti onus probandi incumbit, de leg. Conradi Cap. 1. et Cap. si Vassallis. si de feud. fuerit controvers.

Le Franc-Aleu ne doit point être considéré en ce cas comme un privilege, la Coûtume l’autorise et qu’elle en fait une espèce de biens, comme du fief et de la roture ; les uns et les autres sont par consequent du droit commun établi par la loy.

Ce qui détruit en même temps ce Proverbe nulle terre sans seigneur, puisque la Coûtume déclare expressément qu’il y a des terres en Franc-Aleu. Aussi du Moulin aprés avoir dis-couru sur ce Proverbe, il conclud qu’il est faux, non posse quempiam in hoc regno terram tenere ine Domino, & hoc intelligendum sine Domino, scilicet directo, quem scit necesse in Dominum directum recognoscere ; sed hoc intelligendum, sine Domino, id est, quin subsit Dominationi et Jurisdictioni Regis, vel subalterni Doinini sub eo, est verissimum ; c’est aussi le sentiment de Duaren difput. seud, c. 21. n. 10. Nec verum est quod dicitur neminem tenere posse Alodium sine Domino, nisi contraria Loysel it in aliquibus locis consuetudo. Ideo hac ratione intelligenda sunt haec verba, sine Domino, id est, Jurisdictione alicujus. Aussi Loysel en ses Institutes coûtumieres, n’a pas placé cette Maxime sous le titre de Cens ou de Fief, mais sous le titre de Justice et de Seigneurie, suivant l’observation le Mr Salvaing part. 1. c. 53. Si donc cette regle ne peut passer pour le droit commun, le party de la liberté est trop favorable pour fabandonner : et cette liberté ne consiste pas en une simple xemption de charges réelles, mais en une liberation de la plus importante de toutes les sujetions, à sçavoir de la necessité de reconnoître quelqu’un pour son seigneur.

L’Auteur du Franc. Aleu a ramassé un tres-grand nombre d’autoritez pour établit ce Proverbe, nulle terre sans Seigneur : mais cette regle ne peut valoir contre fautorité de la Coûtume, que pour obliger le possesseur à montrer un titre, quoy que par le droit naturel il n’y fût pas obligé. cette regle ne peut donc valoir que dans les Coûtumes qui rejettent expressément le FrancAleu, comme celle de Bretagne, Article 289. ou en tout cas dans celles qui n’en parlent point ; et je ne puis comprendre pourquoy l’Auteur du Franc-Aleu a mis nôtre Coûtume au nombre de celles qui n’admettent point le Franc. Aleu, contre la teneur si expresse de cet Article.

Quelque inclination que l’on puisse avoir pour la liberté, il y a neanmoins des cas où la presomption ne peut être reçûë en faveur Franc-Aleu ; Me Charles du Moulin 5. 8. n. 4. et seq. fait cette distinction, que quand le Seigneur a un térritoire uniforme et universel, en ce cas il est fondé en droit commun ; que si le territoire est separé en portions éloignées, la prefomption n’est point pour le Seigneur : et pour en dire mon sentiment je distinguerois ces trois cas. Le premier, pour les Coûtumes où tout héritage est franc, et reputé en Franc-Aleu, si on ne montre le contraire comme celles de Troyes, Article 51. De Nivernois, t. 7. Article 1.

En ce cas comme la liberté naturelle est le titre des titres, c’est au Seigneur à prouver son droit. Le second cas est pour les Coûtumes qui ne reconnoissent aucun Franc-Aleu, comme celles de Bretagne et de Blois. Bret. Art. 328. Blois, Art. 32. Le possesseur de Franc-Aleu doit representer son titre ; In locis in quibus consuetudo derogat juri communi pro alodio requiritur titulus, quia presumptio specialis vincit generalem,Mol . S. 68. Le dernier cas est pour les Coûtumes qui reçoivent et autorisent le Franc-Aleu, comme la nôtre ; mais qui ne disposent point si le titre est necessaire de la part du Seigneur feodal ou du proprietaire du Franc. AleuLa question doit se decider alors par les circonstances particulières ; Si le Seigneur a un terri-toire universel et continu, sans qu’il s’y trouve aucun autre héritage voisin, tenu en FrancAleu, et qui ne soit en sa censive, le proprietaire du Franc-Aleu n’ayant point pour luy la presomption du droit commun, il est tenu de produire son titre ur quoy neanmoins il faut remarquer qu’à faute par le proprietaire de representer fon titre, Il décherra véritablement du droit de Franc-Aleu : mais si en outre il desavoué de tenir de co Seigneur-là, il le reduira dans la necessité de montrer son titre, ce que ne faisant pas il demeurera dispensé de le reconnoître, et par cette voye il obtiendra au moins à l’égard de ce Seigneur-là une exemption de feodalité, quoy qu’il ne puisse faire ce desaveu mal à proups sans tomber en Commise :. Cela fut ainsi jugé en la Grand. Chambre le 2 de Juillet 1626. pour Poret sieur de la Josserie, appelant d’une Sentence qui ordonnoit que les parties liciteroient à qui écriroit de premier, sur la demande du sieur de Clere, pour la tenure d’un héritage, comme rotutier, et le sieur de la Josserie prétendoit que c’étoit un fief relevant du Roy : Par l’Arrest on cassa la Sentence, et le Seigneur fut condamné d’établir sa demande.

Il faut aussi remarquer qu’encore que la presomption soit pour le Seigneur qui a un territoire universel et continu, on ruine aisément l’effet de cette presomption, pour peu qu’on dit de preuves contraires, comme il a été jugé par un Arrest du Parlement de Paris remarque par Mr Loüet ibid. et parRicard , sur la Coûtume de Paris, Article S8. par lequel un herigage fut déclaré tenu en Franc-Aleu roturier, quoy qu’on ne rapportât point le titre primitif ni aucun autre déclaratoire passé avec le Seigneur, fondé en un térritoire limité ; mais seulement des contrats d’acquisition passez 60 ou 7o ans auparavant, qui énonçoient la qualité du FrancAleu, suivie de possession immemoriale, le Seigneur ne rapportant aucun titre.

Comme la presomption est pour le Seigneur, lors que dans son térritoire il ne se trouve point d’autres terres qui ne soient en sa censive, par la même raison elle est contre luy, quand dans le lieu’il y a plusieurs Franc-Aleux, comme dans les villes et bourgs. Cela fut décidé de la sorte par Arrest du 8 de Juillet 1631. on cassa la provision ajugée au Receveur du Domaine de Caen, des treizièmes des héritages acquis par le Sueur, Bourgeois de Caen, et les parties. furent renvoyées instruire la cause. Le Sueur seûtencit que les héritages contentieux etoient dans le Franc. Aleu et Territoire de Cormeille, et que le Roy n’étoit fondé en un dreit general pour les profits de fief, n’ayant que la souveraineté et protection en Franc-Aleu : ce qui étoit contredit par le Receveur du Domaine, par cette ration que le Franc : Aleu êtoit un tivilege et un dioit special, qu’il failloit prouver par titre

La presomption peut être en faveur du Seigneur, quand il n’y a qu’un particulier qui allégue a fianchile ; mais quand tous les habitans d’un lieu se maintiennent exempts de la feodalité, le eigneur n’ayant point de térritoire qui ne luy soit contesté, c’est à luy à prouver la feodalité Ainsi jugé pour les h. birans de Forge, appelants contre Mr le. Maréchal de S. Luc, Seigneur Haut-V. sticier de Gailli fontaine, en infiimant la Sentence par laquelle ils avoient été condam nez par provision, quoy qu’il alléguassent que leurs terres étoient en Franc. Aleu. en posant cette Maxime que le piroprietaire est tenu de produire pour justifier le FrancAleu, il reste encore cette difficulté quel titre est necessaire pour cet effet, s’il faut montrer le titre primitif, ou s’il si ffit de ce titre que du Moulin et les autres Docteurs François appellent declaratoire S. Bre deau etRicard , Article c8. de la Coûtume de Paris, con-viennent qu’il n’est pas necessaire de rapporter le titre primordial pour la preuve du FrancAleu ; autrement il n’y en a point qui ne perdit son privile ge, n’étant pas possible de l’avoir conservé aprés une si longue suite d’années, et qu’il suffit de quelque titre déclaratoire, comme en l’Arrest du Parl ment de Paris, dont je viens de parler ; mais la possession immemoriale ou centenaire destituée de tout titre primitif ou déclaratoire ne stroit pas si ffisante, suivant les Arrests du Pail ment de Paris. alléguez par Trencon sur l’Article 87. sur la fin. Les partates et les contiats, lors qu’ils sont foit anciens, et qu’ils sont soûtenus et confirmez par une possession certaine, font presi mer la perte du titre primitif

Bacquet a tenu que la concessien du Franc : Aleu doit être faite necessairement par le Roy, et qu’il n’est pas au pouvoir d’aucun Seigneur particulier de faire un Franc. Aleu, sans le consentement du Roy. Brodeau soûtient au contraire que cela n’a lieu que pour la Souveraineté. ou pour la Jurisdiction, et non point pour les droits profitables et honorifiques, ausquel E Roy n’a qu’un droit habituel et éloigné, et qu’il ne veut pas être si puissant que d’ôter aux Seigneurs la liberté d’user de leurs biens.

Il est vray que les Rois ne refusent guere les graces qui leur sont demandées ; mais il ne s’ensuit pas que les Seigneurs puissent sans sa permission renoncer à la feodalité. Ils peuvent pien remettre quelques droits profitables et honorifiques, puisque la Coûtume leur donne ce pouvoir de se joüer de leurs fitfs ; mais le Roy étant le S. igneur mediat ou immediat de tous les fiefs qui peuvent retourner en sa main par plusieurs voyes, les Seigneurs ne peuvent clipser de leurs fiefs la mouvance ; sur tout pour les Francs-Aleux nobles, dont le Roy peut avoir la garde-Noble, encore qu’ils fussent tenus en artière fief.

C’est aussi l’avis de Brodeau que le proprietaire du Franc. Aleu, est cbligé d’exhiber ses titres au Roy ou au Seigneur Haut Justicier, lors qu’ils font leur Papier Terrier, cela servant pour empescher que le proprietaire des biens alodiaux ne les augmente : cela est vray à l’égard du Roy ; mais pour le Haut Jestitier, le proprietaire n’est tenu que de fournir sa declaration des biens qu’il pretend être alodiaux,Tronc . Art. 69. pag. 119.Héraut . c. 13. in adject. n. 6. et 13. sans être obligé d’en fournir les titres, sur tout quand ils sont reconnus pour tels par le Scigneur, et on ne peut en faire de comparaison avec les gens de Main-morte : le diroit d’amor-rissement n’est pas un droit naturel et commun, ils n’en joüissent que par grace, dont ils ne lieuvent se prévaloir qu’en la fondant sur un titre ou sur la prescription que la Coûtume a utorisée en lar faveur.

Godefroy propose la question, si les tetres de Franc-Aleu sont sujettes à confiscation ; et sans se determiner absolument, il semble tenir la negative, à l’exception des crimes de lezeMajesté, pour lesquels ces biens-là sont confiscables.Dominici , c. 13. de Prarog. Alod. estime ue sous la première Race ils n’étoient point sujets à la confiscation, et qu’ils n’ont perdu cette prerogative que sous la seconde Race ; mais il faut sçavoir qu’en ces siecles-là les crimes. à la réserve de ceux de lez-Majesté, ne si punissoient que par amende, et même pour ceuxlà on laissoit souvent les Al’euds ax coupables, dont Grégoire de Tours rapporte un exem-ple, l. 0. c. 36.Brodeau , Art. 68. dit que le Franc-Aleu est sujet au droit de cunfiscation, et de deshérence au profit du Roy et du Haut. Justicier,Domin . c. 10.

Je ne d’ute point que le Franc-Aleu ne soit confiscable comme les autres biens, par cette raison generale que qui confisque le corpe, confisque les biens sans distinction ; les rentes et le, meubles, comme les héritages. La confiscation est ordonnée pour l’interest pablic, ce qui fait que tous les biens tombent sous cett : peine sans distinction de leur nature et de leurs qualitez, et c’est d’ailleurs un fruit de la Jurisdiction : mais la confiscation des terres en Frane-Aleu ne doit tourner qu’au profit du Roy, le Haut-Justicier ne doit avoir que ce qui est de sa mouvance ; Il n’importe pas que ces terres-là soient dans l’enclave de sa Haute Justice, puis que le possesseur ne le reconnoissoit point pour Superieur, et il en est comme des rentes contuées, soit que le condamné eût son domicile dans la Haute-Justice ou Fief d’un Seigneurs elles appartiennent au Roy aussi-bien que les meubles, quoy qu’ils suivent la loy du domicile.