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CIV.

Deux sortes de foy et hommage.

Il y a deux sortes de foy et hommage : l’un lige dû au Roy seul, à cause de sa souveraineté, l’autre dû aux Seigneurs qui tiennent de luy mediatement ou immediatement, auquel doit être exprimée la reservation de la feauté au Roy.

Cette foy et cet hommage que les Seigneurs exigent de leurs vassaux n’étoient point dûs autresfois. Le premier acte de foy et hommage que les Feudistes pretendent avoir été rendu par un vassal à son Seigneur feodal, est celuy de Tassilo, Duc de Baviere, à Pepin Roy de France, en l’année 756. Mr leLe Févre , l. 2. c. 3. de l’orig. des fiefs, fait voir leur erreur, et prouve que ce ne fut pas un acte de foy et hommage que Tassilo fit pour son Duché, mais un serment de fidelité tel que tous Sujets sont tenus de prêter à leur Souverain.

En France on tient abusive la Constitution deBoniface VIII . l. hac consultissima de Reb. Ecc. non alien. qui défend aux Ecclesiastiques de faire la foy et hommage pour les choses temporelles et fiefs dont ils joüissent, soit à cause de leurs benefices, ou de leur propre pien. Nous avons dans Aimonius un Formulaire fort ancien du serment de fidelité que les Ecclesiastiques font au Roy, en la personne de Hinemarus Evesque de Laon ; amodo fidelis, et obediens ero Domino Carolo Regi seniori meo, secundùm ministerium meum, ficut homo seniori suo.

Quelques differentes que soient les Coûtumes de France touchant les fiefs et les droits qui en dé pendent, il y a entr’elles une parfaite conformité pour la foy et hommage. Nôtre Coûtune fait de deux sortes d’hommage, sun lige dû au Roy seul, l’autre dû aux Seigneurs qui tiennent de luy mediatement ou immediatement.

L’origine de ce mot de lige est rapportée fort diversement. MrCujas , l. 1. des fiefs. M Bignon sur sur Marculphe, l. 1. c. ult. in verbo Leoda ; et Brodeau sur la Coûtume de Paris, Art. 63. estiment qu’il vient d’un ancien mot François Leudum, qui signifie foy ou fidelité.Couvellus , l. 2. t. 2. 8. 6. en ses Institutions du droit Anglois ; feudum apud Anglos aliud est ligium, aliud non ligium : Feudista ab Italica voce ligâ, quod vinculum significat, derivatum volunt, idque quod arctius liget vassallum. VoyezDuaren , in Comment. de feud. disput. feud. c. 7. Hottoman a écrit ue cette distinction d’hommage est inconnuë dans le livre des fiefs, et qu’elle est venuë des tal ens, comme aussi le mot de lige.

IlI importe peu que le mot soit Latin ou Italien, pourvû que la chose qu’il signifie nous devienne connuë. La Coûtume fait de deux sortes d’hommage : elle veut que l’hommage-lige. soit celuy qui est dû au Roy seul, à cause de sa Souveraineté.

Deux sçavans hommes, dit M d’Argentré , Art. 314. de la Coûtume de Bretagne, ont fort disputé touchant la signification de ce mot de lige, et de son usage : unus ut demonstret ligii voce, non alium intelligi quam vassallum quemlibet, alius ut eum vassallum designari agnoscat, non tamen quemvis, sed eum qui fidelitatem jurat, nullâ alterius cujusque fidelitate jalvâ, sine exceptione contra omnes, qualis summis principibus prastari solet. C’est en ce lens que les Italiens, dont ce mot nous est venu, prennent ce mot de lige, comme fait aussi nôtre Coûtume. Mais en Bretagne on ne l’entend pas de cette manière, hec significatio nobis recepta non est, que supremi agnitione fit. sed pro communi, & vulgari feudi et hommagii jure quod à quolibet vassallo cuilibet Domino praestari folet, ratione hommagii directi. Plusieurs Coûtumes de France, dit le Bouteiller en sa comme Rurale, l’ont pris en cette manière, l. 1. c. 12. des fiefs. Et c’est aussi le sentiment de

Mr leLe Févre , qui montre que ceux-là se trompent qui se persuadent que l’hommage-lige est celuy qu’on rend à son seigneur, quand il est Prince Souverain : justifiant par plusieurs actes que des vassaux-liges ont des vassaux-liges, et que les Rois de France ont des vassaux simples. aussi-bien que des liges : et que la véritable différence de l’un et de l’autre est, que le vassaldige est obligé au service personnel, quand son seigneur en a besoin, et que le vassal simple à y est obligé qu’à raison du fief, c’est à dire que le vassal peut mettre un homme en sa place ; nais en l’état que les fiefs sont maintenant reduits, il importe peu de sçavoir en quoy consiste le vasselage-lige et le vasselage-simple : Nôtre Coûtume nous en instruit suffisamment n appelant l’hommage-lige, celuy qui est dû au Roy seul, et que dans celuy qu’on rend aux Seigneurs la reservation de la feauté doit être exprimée. Cette clause a été prudemment employée, les Seigneurs depuis Hugues Capet jusqu’à Loüis XI. commandoient absolument à urs vassaux, et les obligeoient à les servir même contre le Roy ; et par une Ordonnance de S. Louis, ils pouvoient luy faire la guerre sans crime, aprés avoir gardé les mesures prescrites par cette Ordonnance, que Mr le Le Févre a donnée au publie. L’Empereur Frederic I. pour empescher ce desordre fit une Ordennance au Camp de Roncal, portant qu’en tout serment de fidelité ( il entend la foy et hommage que les vassaux font à leur Seigneur de fiefy l’Empereur seroit nommément excepté.

Maintenant on n’entend plus parler d’hommage-lige, de service personnel en guerre, d’ouvrir ses châteaux à son seigneur, et autres choses pareilles : Le droit des fiefs ne subsiste plus que pour les Cens, rentes Seigneuriales, lots et ventes, ou treiziémes, et autres profits, selon les coûtumes des lieux

Ce mot de Seigneur dans le sens feodal, signifie celuy qui donne une partie de son héritage, en retenant sur celuy qui le reçoit quelque marque de superiorité ; Il a été donné aux Seigneurs de fiefs, aprés qu’ils se sont fait prêter le serment de fidelité par leurs vassaux. Tou-chant ce mot de Seigneur, voyez leLe Févre , l. 2. c. 2. des fiefs