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CVIII.

En quel lieu le vassal doit faire la foy et hommage.

Le vassal est tenu faire les foy et hommage en la maison seigneuriale du fief dont il releve ; et si le Seigneur n’y est pour le recevoir, ou Procureur pour luy, en ce cas le vassal aprés avoir frappé à la porte de ladite maison, et demandé son seigneur pour luy faire les foy et hommage, doit attacher ses Offres à la porte, en la presence d’un Tabellion ou autre personne publique pour luy en bailler Acte, et puis se presenter aux Pleds ou gage-plege de ladite Seigneurie pour y faire lesdits foy et hommage. Et où il n’y auroit maison sSeigneu-riale, il fera ses Offres au Bailly, Senéchal, Vicomte ou Prevost du Seigneur, S’il y en a sur les lieux : sinon il se pourra adresser au Juge, soit Superieur du fief Royal, ou autre, pour avoir sa main-levée.

Aprés avoir parlé de la forme de l’hommage, la Coûtume en cet Article designe le lieu ou doit être fait ; cet Article contient trois parties : Dans la premiere, il remarque le lieu où le vassal doit se presenter : Dans la seconde, on luy prescrit ce qu’il doit faire quand le Seigneur est absent ; et dans la derniere on luy marque le lieu où il doit aller, quand il n’y a point de maison seigneuriale sur le fief.

Il est raisonnable que le vassal aille trouver son seigneur, et il ne seroit pas de la bien-seance qu’un seigneur recherchant son vassal pour l’obliger à faire son devoir, puisque d’ailleurs il a le pouvoir de châtier sa negligence et son peu de respect, par la saisie de son fief.

Le fief servant ayant fait autrefois partie du fief Dominant, et n’en ayant été démembré que ous des conditions imposées par l’investiture, la foy et hommage ne se doit faire qu’en la maison du Seigneur, comme le lieu le plus noble et le plus respectueux, et destiné par le Seigneur pour y exercer les principales fonctions et les actes les plus importans de sa puissance reodale. Aussi dans les anciens Auteurs le manoir Seigneurial est appelé Curtis, curia, la Cour du Seigneur, et en plusieurs lieux de cette Province on appelle encore la Cour, la maison de Seigneur.

Le vassal neanmoins peut en être dispensé dans ces deux rencontres, quand il ne peut y alles ans peril, soit à cause de la violence du Seigneur, ou à cause des inimitiez capitales qui peuvent Chassanée être entr’eux. Chassanée, titre des fiefs 5. 1. toutefois y apporte cette limitation, dummodo non sit inculpâ. En effet il ne seroit pas juste que le vassal pour avoir fait une injure à son Seigneur, fût dispensé de s’acquitter de son devoir. Il peut encore être excusé en temps de guerre ou de peste ; l’intention de la Coûtume n’est pas d’engager le vassal à des devoirs perilleux et difficiles.

Si le manoir du Seigneur est entierement ruiné, le vassal est aussi dispensé d’y aller, il seroit inutilement des Offres à des murailles ruinées, et à une maison deserte et inhabitable : Ce seroit plûtost une illusion qu’une marque de son respect ; que si le Seigneur avoit fait construire un aistre manoir, bien qu’en un autre endroit, le vassal seroit tenu de s’y transporter, pourvû qu’il fût dans l’etenduë du même fief, car le Seigneur a cette liberté de placer son manoir Seigneurial en tel lieu de son fief qu’il voudra choisir ; le vassal ne peut pas contraindre son Seigneur à recevoir son hommage hors l’etenduë de son fief, encore même que cela luy fût plus commode

Dans la seconde partie de cet Article, la Coûtume instruit le vassal de ce qu’il doit fairi quand le Seigneur est absent. Il n’eût pas été juste de l’obliger d’attendre le retour du Sei gneur, et cependant que la saisie de son fief eût continué. En cas d’absence du Seigneur ou de quelque Procureur pour luy, le vassal aprés avoir frapé à la porte de la maison, et demandé son seigneur pour luy faire la foy et hommage, doit artacher ses Offres à la porte en la presence d’un Tabellion ou d’une autre personne publique, pour luy en bailler Acte, et puis se presenter aux Pleds de la Seigneurie pour luy faire foy et hommage.

Par la Coûtume de Paris, Article 63. quand le Seigneur ne se trouve point sur le lieu, ni autre ayant pouvoir pour luy, il suffit de faire foy et hommage devant la principale porte du manoir, aprés avoir appelé à haute voix le Seigneur par trois fois Par la Coûtume d’Orléans, titre des fiefs, Article 11. quand le Seigneur n’est pas sur le dieu, le vassal doit faire son hommage à la porte ou verou., en baisant la porte ou verou toutes ces ceremonies ridicules ressentent l’ignorance et la simplicité des siecles passez.

Dans la derniere partie la Coûtume enjoint au vassal, quand il n’y a point de maison Seigneuriale, de garder les mêmes formalitez qu’elle luy a prescrites, en cas d’absence du Sei-gneur. Il eût été fort à propos de déclarer si ces Offres ont le même effet que la reception en foy ou acceptation faite par le Seigneur, et s’il peut encore puis aprés contraindre son vasfal à luy faire la foy et hommage. Par la disposition du droit une offre simple ne libere point : sed obligationem tantùm debitoris leviorem reddit. l. si mora soluto matrimonio I. qui Roma in princ. ff. de verb. oblig. et ainsi cette offre du vassal ne le décharge pas si absolument que son Seirneur ne le puisse interpeller derechef, et le poursuivre pour luy rendre ses devoirs, dont il luy avoit fait offre en son absence. Ce refus du vassal le constituëroit en un juste retardement, ultima quippe mora nocet ; et il y a grande différence entre le vassal qui a rendu effectivement son hommage à la personne de son Seigneur, et celuy qui peut-être a cherché l’occasion de son absence, et bien que la Coûtume donne le même effet aux offres faites par le vassal, qu’à une véritable prestation de l’hommage, cela toutefois ne doit s’entendre que pour décharger le vassal de la peine qu’il auroit encouruë cessant son offre, et comme en droit, qui dari vult proximus danti habetur, & ideo à pona excusatur, ita hoc casu vassallus propter istam obligationem non tenetur, nisi postea interpellatus fidelitatem Domino prestare recuset : ista oblatio à vassallo facta illi quidem fructus rei suae servat, non autem liberationem rerum Domino debitarum parit C’est le sentimentPont ., Art. 56. et Coût. de Blois du Moulin des fiefs, S. 45. 4. 1. n. 14. et seq. qu’encore que le vassal soit en seureté et n’encoure plus la perte des fruits de son fief, en consequence de la saisie, parce qu’il a purgé la demeure et satisfait à son devoir, entant qu’il a pû, neanmoins il n’est point déchargé de la prestation de la foy, parce que c’est un Acte de deux personnes naturel et reciproque, qui ne se peut accomplir par defaut et en l’absence du Seigneur.

du contraireBrodeau , Art. 63. n. 12. dit que comme en matière beneficiale, un refus injuste vaut de Collation, l’Offre de la foy et hommage faite serieusement et de bonne foy pro-eluit le même effet que l’admission et la reception actuelle, et il atteste que l’usage a rejetté l’opinion de du Moulin ; et en effet ce dernier party me semble plus équitable, car un vassal ayant executé tout ce que la loy luy prescrit, il ne seroit pas juste de rendre son obe issance llusoire, et de l’exposer derechef aux surprises d’un Seigneur, qui sous pretexte d’un interellation faite à un vassal absent, ou dont il pourroit n’avoir point eu de connoissance, saisi-roit de nouveau son fief.

C’est une maxime certaine que les Engagistes du domaine du Roy ne peuvent exiger la foy et hommage, et que les vassaux la doivent faire en la Chambre des Comptes, les Engagiste n’ont que les droits utiles : mais dans les Apanages des enfans de France, on fait la foy et nommage aux Apanagers.