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CXIV.

Saisie feodale dequoy décharge le vassal.

Le Seigneur ayant joüy en vertu de prise de fief, peut neanmoins se faire payer des reliefs et treiziémes qui luy sont dûs. Mais il ne peut rien demander des arrerages des rentes Seigneuriales ou foncieres, ni même des charges et redevances dûës à cause des héritages desquels il a jouy, de tant qu’il en seroit échù depuis et durant la saisie : et neanmoins le vassal payera les arrerages dûs auparavant icelle saisie.

Le Seigneur qui a joul en vertu de prise de fief, peut se faire payer des reliefs et treiziémes, par cette raison que lucrum fructuum est pena vassalli negligentis, et Dominus fundatur in carentiâ vassalli, relevium autem fundatur in facto vassalli, vel casu contingente in ejus personam, ex quo sequitur mutatio feudi, & debetur, etiamsi nouus vassallus non sit in aliquâ morâ.

La Coûtume en cet Article ne s’est pas expliquée touchant les rentes constituées, si le Seigneur est tenu de les acquiter durant sa jouissance. La Coûtume de Paris, Article 28. décide cette difficulté, disant que le Seigneur n’est tenu de payer et acquiter les rentes, charges, ou hypotheques non infeodées, constituées sur le fief par son vassal. Du Moulin étend cela à toutes sortes de charges, qualecumque sit onus, sive servitus, sive hypotheca, aut aliud, & quocumque modo sit impositum, quia contra Patronum nihil prascriptum possessum-ve est, supposé même que l’autorité du Juge fût intervenuë, et la vente et adjudication par decret faite du fief à la charge des rentes, le fait du Juge n’étant pas plus puissant que celuy de la partie ; le droit du Seigneur est primitif et plus ancien que celuy de tous ceux qui ont traité avec le vassal Brodeau ibid.

Nous le pratiquons aussi de la sorte en cette Province ; et le seigneur n’a pas moins de droit qu’un acquereur, sur lequel les autres creanciers, quoy qu’anterieurs, ne pourroient saisir les fruits, mais ils seroient tenus d’agir par la voye hypothécaire ; mais cependant le Seigneur fait les fruits siens jusqu’à la saisie.

Si les créanciers ne veulent point agir par la voye hypothecaire, ni s’engager à poursuivre une saisie réelle, comment pourront-ils se faire payer de leurs rentes : Du Moulin etBrodeau , Article 28. traitent cette question au même lieu, et sont d’avis que les creanciers peuvent purger le retardement et le mépris du vassal leur debiteur, et obtenir main-levée de la saisie feodale, en faisant faire pour luy, et à son refus, la foy et hommage au Seigneur feodal par le Curateur ou le Commissaire établi à leur requête, par autorité de Justice, au fief saisi, et en payant et avançant les droits, en quoy faisant ils sauvent les fruits du jour qu’ils auront satisfait, et le debiteur rentre en la possession de son fief ; ou s’il est saisi réellement à leur requête, le Commissaire qu’ils y ont établi ; et c’est la disposition de l’Article 34. de la Coûtume de Paris, comme je l’ay remarqué sur l’Article 109-

En Normandie pour déposseder le Seigneur qui jouiroit en vertu de la reunion, il faudroit necessairement agir par saisie réelle ; le Seigneur en ce cas ne pourroit être contraint de recevoir un Commissaire ou un Curateur à luy faire la foy et hommage : Car n’étant pas propriétaire, le Seigneur demeureroit sans vassal, les créanciers ne pourroient esperer cette grace, qu’aprés une saisie reelle, comme je l’ay remarqué sur l’Article 109.

Non seulement le Seigneur, mais même l’acquereur, n’est point tenu des arrerages des rentes constituées, dont il n’a point été chargé, il ne peut être dépossedé que par la saisie réelle ; le delaissement par hypotheque n’ayant point lieu en cette Province : et pour les rentes foncieres, il ne peut être condamné personnellement à les payer, et en déguerpissant le fonds, il est déchargé des arrerages precedens. Les nommez le Messager d’en mariant leur seur au Masson, luy donnerent vingt et une livre de rente, pour sa legitime. Ils dsssiperent sieurs biens, et n’ayant point payé les arrerages de cette rente, le fils de cette soeur poursuivit les acquereurs pour être payez de leurs arrerages, et pour continuër la rente à lavenir, si mieux il n’aimoit déguerpir en payant les arrerages, jusqu’à la concurrence de la valeur des fruits perçûs par eux depuis leur acquisition ; et l’ayant fait juger de la sorte, sur lappel de Bacheley, Ecuyer sieur du Breüil, je soûtenois pour luy, que suivant la disposition du droit, bona fidei d possessor ; fructus suos facit etiam ex re alienâ perceptos, que si le véritable proprietaire du fonds ne peut pas repeter les fruits que le possesseur de bonne foy a perçûs, à plus forte raison la sirur qui n’a qu’une rente fonciere à prendre sur le fonds ne peut pas l’y faire condamners Theroude, pour le fils de la seur répondoit, que la legitime de la soeur êtant une charge réelle, que sequitur quemlibet possessorem, il étoit tenu de payer les arretages, ou de rapporter les fruits perçûs depuis son acquisition : Par Arrest en la Grand. Chambre du s de Février 1655. vù la declaration du fieur Bacheley, qu’il déguerpissoit le fonds, la Sentence fut cassée, et l’intimé debouté de sa demande : La même chose fut encore jugée depuis pour Mr Cousin, sieur de Martot, pour lequel je plaidois contre le sieur Février.

Bérault cite un Arrest, par lequel un acquereur fut condamné de payer les arrerages échûs t durant sa jouissance, mais il a remarqué que le motif de l’Arrest fut que l’acquereur avoit reconE nu le creancier de la rente, et luy avoit payé quelques arrerages, de sorte qu’ayant connoissan-ce de la renté il n’étoit plus. en bonne foy.

Les charges réelles suivent le fonds obligé, et régulièrement le creancier de la rente n’a pas d’action personnelle contre l’heritier du preneur à bail à rente, quand il ne possede plus l’herit tage, si toutefois le preneur à bail à rente y avoit affecté tous ses biens par une generale hypotheque, son heritier pourroit être poursuivi personnellement et solidairement pour les arrerages, encore qu’il ne fût pas possesseur du fonds, comme il fut jugé le 2 de Mars 1671. en la Grand. Chambre, en vuidant un partage de la Chambre des Enquêtes. En l’an 1622 Louis de Gourmont avoit pris à fieffe un héritage d’un nommé Bataille, par roo livres de rente fonciere, au payement de laquelle il avoit obligé specialement cet héritage et tous ses autres biens par generale hypotheque ; Marie et Charlotte, filles dudit Gourmont, ayant par tagé les biens de leur pere, l’héritage affecté à cette rente êtoit tombé au lot de Marie, et neanmoins Charlotte étoit chargée par son partage de payer la moitié de cette rente, montant à 50 livres ; Dame Judith le Loup, veuve de Charles Mustel, sieur du Bosroger, ayant eu cession de cette rente, fit saisir les biens du sieur Osber, mary de ladite Charlotte de Gourmont, pour le payement de cinq années d’arrerages, et pour luy passer titre nouveau : Osber offrit les arrerages de 50 livres de rente, dont le partage de sa femme avoit été chargé : Mais. il contredit les autres 5o livres, qui faisoient l’autre moitié, parce qu’il ne possedoit pas le fonds affecté à la rente : Ladite Dame du Bosroger soûtenoit que Louis de Gourmont pere, ayant obligé par une generale hopotheque tous ses biens au payement de cette rente, tous ses heritiers pouvoient être poursuivis personnellement et solidairement ; par Sentence du Juge de Carenten, Osber fut condamné de son consentement à payer les 5olivres de rente, et déchargé de l’autre moitié, sauf à la Dame du Bosroger à poursuivre le possesseur du fonds : Sur l’a pel de la Dame du Bosroger, le procez fut partagé aux Enquêtes : Osber s’aidoit de l’Article de la Coûtume de Paris, qui porte que si aucun a pris héritage à rente, et que par lettre il ait promis payer ladite rente, et obligé tous ses biens, que telle promesse s’entend tant qu’il est proprietaire, sinon qu’il eût promis mettre aucun amendement, ce qu’il n’eût fait, où qu’il n’eût promis fournir et faire valoir ladite rente, et à ce obligé-tous ses biens, dont Osber concluoit que n’étant pas propriefaire ni possesseur de l’héritage, il n’étoit obligé à cette rente, que pour autant qu’il avoit été chargé : On répondoit que suivant l’usage de cette Province, le preneur de la rente ayant ebligé tous ses biens par une generale hypotheque, il en êtoit tenu personnellement, que la même obligation avoit passé sur chacun de ses heritiers, parce que suivant les Maximes de cette Province les heritiers sont tenus personnellement et solidairement des dettes du défunt ; il passa en la Grand. Chambre tout d’une voix à dire, qu’il avoit été mal-jugé, et en reformant, Osben ut condamné personnellement et solidairement au payement des roo livres de rente, quoy que le possesseur du fonds fut tres-solvable.

Cette question si le preneur à baii d’héritage, peut déguerpir sans avoir satisfait à son obligation, de batir sur le fonds qu’il avoit pris, s’offrit en l’Audience de la Grand : Chambre le t d’Aoust 1655. Mr Marette, Avocat General en la Cour des Aydes, fit un bail à rente d’une place et maison, située en la ville de Roüen, à un Masson, moyennant do livres de rente fonciere et irraquitable, à condition d’y faire un bâtiment de la valeur de 1200 livres, pour asurance de la rente, et pour l’execution de faquelle clause il donna une caution, et par contrat on employa l’obligation de l’hypotheque generale sur tous les biens : quinze jours seulement aprés ce Masson en obtint des lettres de récision fondées sur la lesion, et en suite il déclara qu’il déguerpissoit le fonds au même état qu’il luy avoit été baillé ; par Sentence des Requêtes du Palais, il fut declaré non recevable en ses lettres de récision et de déguerpissement. Le Canu laidans pour le Masson appelant, dit que ses lettres de récision étoient justes, à cause de la lesion qu’il souffroit, étant obligé de faire un bâtiment de 1200 livres, sur un fonds qui ne les valoir pas, que quand il avoit contracté il étoit yvre et ne sçavoit ce qu’il faisoit ; et en effet dés le dendemain ayant reconnu sa faute, il avoit prié Mi Marette de reprendre sa maison, et la luy remettant au même état il n’en souffroit aucun préjudice, qu’il étoit recevable à déguerpir en payant les arrerages échûs, que lobligation par hypotheque generale n’étoit point considérable n’étant qu’accessoire. L’Article 109. de la Coûtume de Paris le décide expressément de cette orte, si aucun a pris héritage à cens ou rente, il y peut renoncer en payant tous les arrerages du passe, iaçoit que par lettres il eût promis payer ladite rente et obligé tous ses biens, et s’entend telle promesse tant qu’il est proprietaire. Le Daim pour Mi Marette intimé, répondoit qu’il n’y avoit pas d’apparence qu’un Masson eût été trompé en une affaire qui étoit de son mêtier ; il n’étoit pas véritable qu’il fût vvre, lors que l’on passa le contrat, que le déguerpissement ne pouvoit avoir lieu suivant l’Article même de la Coûtume de Paris qu’on avoit cité, où aprés les paroes qu’on a rapportées il est ajoûté, sinon que par lettres il eût promis de mettre aucun amende-ment, ce qu’il n’eût fait, ou promis fournir et faire valoir ladite rente, et à ce obligé tous ses biens, en laissant toutefois l’héritage en aussi bon état qu’il luy avoit été baillé.Du Moulin , ur cet Article, a écrit ces paroles, quid si hi velint Domino offerre, interesse reparationis aut alterius rei non factae : puto non audiendos, tum quia non est merum factum, ideo non succedit interesse Et Ricard a remarqué sur ce même Article, qu’il y a de la difference de la clause par laquelle le preneur par bail à rente, s’oblige à mettre amendement, d’avec celle par laquelle on promet fournir et faire valoir sous l’obligation de tous ses biens : car au premier cas, satisfaisant à cette charge, rien ne l’empesche de déguerpir ; mais au second, encore qu’il offre de rendre les héritages en bon état, il ne peut pas obliger le bailleur à recevoir le déguerpissement ; parce que cette clause contient une obligation personnelle, non seulement pour le temps de la détentions mais même pour la continuation : comme il a été jugé par Arrest. Voyez MrLoüet , l. D. n. 4.

Mais par nôtre Usage la promesse par generale hypotheque a le même effet que la promesse de fournir et faire valoir, suivant les Arrests de ce Parlement. Par Arrest du s’d’Aoust 1655. on mit sur l’appel les parties hors de Cour : parce neanmoins que l’appelant seroit tenu faire les reparations sur le fonds, jusqu’à la valeur de ; 0o livres, si mieux l’intimé n’aimoit reprendre son fonds.