Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


CXV.

Saisie d’aînesse, et pourvoy des puisnez

Si aprés la saisie ou adjudication d’une aînesse faite au Seigneur, l’ainé est negligent d’obtenir main-levée, les puisnez sont reçûs à la demander. Et en ce cas, il est à l’option du Seigneur de la leur bailler chacun pour leur part, retenant par devers luy la part de l’ainé, ou bien la leur laisser, en baillant par eux déclaration entière de toute l’ainesse, et payant les arrerages des rentes qui en sont dûës.

Cet Article étoit fort necessaire pour éviter la collusion du vassal avec son seigneur ; car le proprietaire d’une ainesse refusant de faire son devoir, on auroit pû douter si le Seigneur pourroit être contraint à recevoir les puisnez à faire les devoirs et les charges de l’ainesse : J’ay remarqué sur l’Article precedent que le Seigneur ne peut être obligé à recevoir la foy et homnage par un Curateur ou par le Commissaire établi à la saisie réelle, parce qu’ils ne sont point propriétaires ; d’où l’on pouvoit induire une fin de non recevoir contre les puisnez, qui n’ont rien au chef de l’ainesse : cet Article a levé cette difficulté, et sa décision est tres-équitables car la condition des puisnez est fort differente de celle des creanciers : le Seigneur voulant étendre sa main-mise sur les terres dont les puisnez sont propriétaires, en consequence de la negligence de leur ainé, ils sont tres-favorables en leurs offres de contenter le seigneur pour obrenir la main-levée : Leurs héritages faisant partie de l’ainesse, et étant tous obligez par indivis, on ne peut pas les considerer comme des étrangers ; et afin que la contumace de l’ainé ne demeurât pas impunie, cet Article a donné une option au Seigneur, par laquelle il peut punir le mépris de son vassal, en retenant sa part, et les puisnez de leur côté sont hors d’interest en obtenant la main-levée de leurs portions.

Mr Jacques Godefroy a traité cette question, si la doüairiere ou tout autre usufruitier pourroit s’aider de la faculté accordée par cet Article aux puisnez ; On peut dire pour la negative, qu’ils ne sont point proprietaires, que le Seigneur a un notable interest d’avoir un vassal asieuré, et qu’au moins il luy faudroit donner un homme mourant, vivant et confisquant. Du Moulin a soûtenu l’affirmative, en faveur de la doüairiere seulement, et non point pour les autres usufruitiers, sauf leur recours contre les proprietaires. Il est sans doute que le doüaire est tres-favorable, étant constitué par la loy, même sur les biens du mary ; il ne seroit pas raisonnable que la veuve en fût privée par la malice d’un heritier. Le doüaire étant un droit réel, il affecte plus fortement la chose qu’une simple dette, ou une rente constituée, suivant le sentiment de Godefroy : Le Seigneur est obligé de donner souffrance à la doüairiere, ce qui s’étend à tous autres usufruitiers. Il n’en est pas de même comme du Curateur aux biens vacans, la succession étant abandonnée, le Seigneur a raison de demander un véritable vassal, ou un homme vivant, mourant et confisquant. Mais quand le proprietaire est certain, quoy u’il neglige de reconnoître son Seigneur, son bien peut tomber en commise, confiscation ou deshérance. Cependant comme une doüairiere ou un usufruitier ne perdroient pas leur usuruit, quoy que la succession fût vacante ou abandonnée, la difficulté reste toûjours, si le Sei-gneur n’auroit pas raison de demander un vassal certain, qui par sa mort, ou autrement, puisse donner ouverture à ses droits : Il sembleroit que le droit du Seigneur étant le plus ancien, il ne peut être détruit par les conventions des vassaux ; neanmoins la Coûtume ne permettant point que les puisnez souffrent de préjudice par la negligence d’un ainé, par un même principe d’équité, il y a lieu d’accorder la même grace à l’usufruitier.

Si le Seigneur retient l’ainesse, ou qu’elle retourne en sa main, les puisnez ne peuvent plus être poursuivis par indivis, comme il a été jugé au Rapport de Mr Gormier, le 18 de Février 1631. entre le sieur de Breauté et le Seigneur de Pleine-Sevete. Il est vray que le et Seigneur peut remettre le Chef de l’ainesse toutesfois et quantes, quoy qu’il fait possedée quelE que temps, et en ce cas les puisnez sont obligez solidairement aux rentes, fauf à eux à faire leur profit de toute l’aînesse, et à élire entr’eux un aîné.