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CXVI.

L’hommage ne peut être prescrit.

Le vassal ne peut prescrire le droit de foy et hommage dû au Seigneur par quelque temps que ce soit.

Suivant cet Article le droit de foy et hommage est imprescriptible, par quelque temps que ce soit, non point par la raison alléguée parBérault , que les fiefs appartiennent à la Republique, mais parce que ( selon le sentiment de du Moulin et de Brodeau ) le Seigneur et le vassal sont deux correlatifs, qui ne peuvent subsister lun sans fautre ; la privation de l’un opere en un même instant la ruine de l’autre, ce qui produit à tous momens une interpellation naturelle de la part du Seigneur, et une sûmission tacite et volontaire de la part du vassal, qui empesche l’effet de la prescription. Vide Boûrium dec. 2rt.

Pithou , sur l’Art. 23. t. 3. de la Coûtume de Troyes, qui est conforme à la nôtre, rapporte un Arrest du Parlement de Paris, suivant lequel en païs de droit écrit, la foy et hommage. peut se prescrire par un temps immemorial, par le C. 26. 8. siquis per triginta S. 2. de feud. con. trov. sit int. dom. et agn. vassal. feudum 30 annis prascribitur ; ut feudum fiat, et pro feudo habeatur quod feudum non erat.

On peut douter si par ces paroles, par quelque temps que ce soit, la prescription de cent ans est excluse ;Du Moulin , sur l’Art. 7. l’ancienne Coûtume de Paris, a été d’avis que la prescription centenaire n’est jamais excluse par des clauses generales, et qu’il en faut une disposition expresse, centenaria prescriptio non expressa nunquam intelligitur, quibuscumque verbis lex concepta sit, et qu’elle a lieu tant à l’égard du Seigneur que du vassal qui prescrit tout droit de feodalité, non tam jure prascriptionis quam presumptione justitiae. VoyezLoüet , l. C. n. 21.

Les Feudistes sont presque tous de ce sentiment ; d’autres ont crû que ces mots, par quelqui temps que ce soit, sont exclusifs de toutes autres prescriptions, prater immemorialem et sanè summus est, ditPontanus , Art. 37. de la Coûtume de Blois, omnium interpretum consensus ut nun-uam eâ sublatâ videatur, cujus vitii mémoria non extet cum eâ tempus infinitum contineat ; et Bartolus affirmat, statutum quo cavetur rem executioni mittendam, non continere prescriptionis centenariae exceptionem, quia immemorialis praescriptio alius sit naturae à reliquis, et longé potentiorem haber virtutem. Pontanus conclud néanmoins, que quand la loy défend la prescription entre le Seigneur et le vassal, elle rejette absolument toute prescription, même l’immemoriale. La raison est que ces paroles, par quelque temps que ce soit, ne recoivent aucune exception, dictio illa ( quocumque tempore est universalis, nihil excipiens ) cum consuetudo negativâ dispositione constituit ea jura praescribi non posse, & verbum ( potest ) cui negativa adjecta est, precisam necessitatem im. portat. Et cette opinion a prévalu contre la faveur de la prescription centenaire, quoy qu’un si long-temps dût établir le repos et l’assurance en toutes choses, que alia improbum liticatorem tam valida defensio submovebit, si nec transacta in infinitum secula defendunt. Nov. S. La prescription n’est point reputée immemoriale si elle n’excede cent années.

En une Paroisse il y avoit deux Seigneurs qui possedoient chacun un fief ; l’un prétendoit que l’autre avoit quelques rotures relevantes de luy, et pour cet effet il s’aidoit de quelques anciens aveux et fieffes ; on mit en controverse si contre ses anciens aveux et titres, la prescription pouvoit être alléguée ; comme le vassal ne peut prescrire contre son seigneur, aussi le Sei-gneur ne peut prescrire contre son vassal. Or en ce fait ces deux qualitez concurrent, il fut tenu pour constant au procez jugé au Rapport de Mr Baillard aux Enquêtes, le mois de Juillet 1629. que la prescription ne pouvoit être opposée. Le procez neanmoins ne fut pas décidé sur cette question, mais sur le fait particulier.

Le vassal ne peut prescrire contre son seigneur la foy et hommage ; mais entre deux Seigneurs la prescription n’est pas défenduë, ni même la peremption d’instance. Un particulier avoit mis en debat de tenûire son héritage entre le sieur de Courcelles et le sieur Morin, Receveur des Consignations ; par Sentence la tenûre fut ajugée au sieur de Courcelles. Morin en appela sans faire aucune poursuite sur son appel ; le sieur de Courcelles obtint des lettres de peremption. Heroüet et le Bigot contestoient l’enterinement des lettres de peremption, disant que s’agissant de tenûre, l’instance ne pouvoit tomber en peremption, les fiefs étant de droit public, que le fief d’Asniere possedé par Morin êtoit immediatement mouvant du Roy, et par consequent le Roy avoit interest que ses tenures ne fussent pas diminuées et ajugées au fief de Courcelles, qui ne relevoit pas immediatement du Roy, et que la peremption n’étoit point reçûë dans toutes les causes où le Roy pouvoit avoir quelque interest. Theroude pour le sieur de Courcelles representoit que l’Edit des peremptions êtoit general, et que les troits du Roy n’en étoient point diminuez, tous fiefs étans mouvans de luy mediatement ou immediatement. Par Arrest du 4 de May 1654. l’instance fut déclarée perie.

Toutes prescriptions entre le Seigneur et le vassal ne sont pas prohibées, quand ils ne possedent point jure feudi, sed Dominii. La prescription dont il est parlé dans cet Article, ne doit être entenduë qu’en ce cas, ut scilicet omnem quam Domino debet subjectionem vassallus non possit ullo temporis spatio prascribere, ce qui est pleinement expliqué pardu Moulin ,Tronçon , et grodeau, sur l’Article 10. de la Coûtume de Paris ; et parPontanus , sur l’Article 37. de la Coûtume de Blois.

Nous ne trouvons dans le titre des fiefs que deux prescriptions qui soient défenduës par la Coûtume : La premiere en cet Article, et la deuxième en l’Article suivant. Dans la pluspart Loüet des autres Coûtumes les droits de fief, de cens, et de directe, sont imprescriptibles. Loüer, Loyseau l. C. n. 21. Loyseau du Déguerp. p. l. 1. c. 3. n. 3. ajoûte que c’est une prerogative des rentes Seigneuriales, qu’elles ne se prescrivent point, sinon quant à la quotité, et quant aux arrerages, prés trente ans, parce que le rentier quasi nomine Domini possidens, causam possessionis sibi mutare non potest ; Et la Coutume de Paris en a fait une disposition expresse, Article 124. Il sem-ble parmy nous que les rentes Seigneuriales ne soient point si favorables ; on ne peut en denander que trois années, quoy qu’il y ait action pour vingt-neuf années d’arrerages d’une rente fonciere. Elles peuvent être prescrites par le vassal et par le Seigneur aprés le laps de quarante ans : cette prescription de la part du vassal est favorable, nec enim ad lucrum querendum spectat, sed liberationem concernit, ex solâ non petentis negligentiâ.

Quand le cens est pris pour ce droit qui est dû en reconnoissance de la Seigneurie directe, il semble qu’il ne soit point plus sujet à la prescription que la foy et hommage ; c’est pourquoy Pontanus fait de deux sortes de cens, l’un qui est dû au Seigneur in signum subjectionis et recognitionis, et hic jure communi prascribi non potest, sicut nec ipsa subjectio propter quam prestatur : altero autem modo consideratur census, ut scilicet privato debetur, et hic prascribitur ao annorum pario. Nous ne faisons point ces distinctions, et toutes les rentes Seigneuriales sont prescriptibles.

Dans les Coûtumes où le cens est imprescriptible, les autres droits se peuvent prescrire ;Pithou , Coûtume de Troyes, Article 3. titre 3.Brodeau , Coûtume de Paris, Article 12.

Pontanus , Coûtume de Blois, Article 37. Certas et speciales libertates sive exemptiones vassallus prascribere potest, putâ cùm feudum vendit, ut nulla Domino debeantur laudimia.

Comme nous recevons la prescription pour les rentes Seigneuriales, c’est une question assez familière, si les Journaux et papiers de recepte du Seigneur font une preuve pour la possession et pour interrompre la prescription : Il semble, ditPithou , sur le même Article, que les papiers censiers de recepte faite par le Seigneur doivent faire foy des payemens à l’effer seulement d’empescher la prescription. La faveur est grande pour le Seigneur quand ses papiers censiers sont soûtenus par des titres ; et il y a d’autant plus de nécessité à recevoir cette sorte de preuves ; que souvent les Seigneurs ne donnent point de quittances, et se contentent d’écrire les payemens Chassanée sur les Registres. GuyPapé , Décision 206. Chassanée, Coûtume de Bourgogne, titre 4. des prescriptions, S. 4. de hoc genere probationis multa extant apud jurisconsultos in legem admonendi, ff. de jure-jurando. Les Seigneurs exacts et diligens font approuver leurs Journaux par leurs Senéchaux. Mr d’Argentré estime que les papiers de recepte ne font pas une preuve entière, mais une grande presomption : Si non plenam fidem faciunt, magnam tamen conjecturam faciunt, sum scriptura est vetus et de facto antiquo & mortui dicantur qui superscripsere. Du Moulin 5. 1. n. 8. aprés avoir fait plusieurs raisonnemens sur la question, an catalogi probent, conclud que, quando caralogus non habet formam publicam et authenticam, tunc cûm sit privata scriptura, de se neque probat neque judicat, et si est omni adminiculo destituta, tunc quod nullum gradum probationis facit per rationem legis, exemplo de probationibus. C.

Il faut faire distinction entre les papiers du Receveur du Domaine, et les Journaux des particuliers. Il a été jugé pour de la Mare Receveur du Domaine au Ponteaudemer, que les anciens Régistres du Domaine font preuve. Quelques-uns sont aussi de cette opinion pour les Registres des Seigneuries temporelles des Ecclesiastiques, et qu’ils en ont une Declaration du Roy. Pour les particuliers leurs Journaux ne font pas absolument foy, mais quand le titre est constant, il faut peu de chose avec les Régistres pour interrompre la prescription.