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CXVIII.

Fruits quand sont acquis au Seigneur saisissant.

Les fruits ajugez au Seigneur ne luy sont acquis s’ils ne sont engrangez avant que le vassal presente son Aveu, ou forme de delivrance.

La Coûtume par ces paroles, s’ils ne sont engrangez ; a terminé plusieurs grandes questions. cormées par les Docteurs sur la perception des fruits par le Seigneur : Du Moulin 5. 1. gl. 8. n. 42. estimoit que les fruits qui étoient en maturité et prests à être recueillis, étoient reputez perçûs.

Nôtre Coûtume en use autrement, soit que les blés soient coupez ou encore pendans par les racines. Elle dispose qu’ils ne sont point acquis au Seigneur, s’ils ne sont engrangez. La Coûtume de Blois, en l’Article 100. dit que si le Seigneur a commencé à couper les fruits, et que le vassal offre de luy faire la foy et hommage les fruits déja coupez demeurent au Seigneur, et ce qui reste à couper au vassal. Cette distinction inter fructus collectos et colligendos, est prise de la loy, qui saxum ff. de don. Pour acquerir les fruits à l’usufruitier, il falloit que les fruits fussent recueillis et separez du fonds.

La décision est précise pour les blés, il faut qu’ils soient engrangez, mais elle ne peut servir pour les bois taillis et pour les étangs. La Coûtume de Blois, dans le même Article 100. ordonne que s’il y a un étang, et que la bonde eût été levée avant l’offre, les fruits de la pesche appartiendront au Seigneur. Pontanus neanmoins n’approuve pas cette distinction, nam piscatio non fit, nisi totâ ferè stagni aquâ evacuatâ. Du Moulin traite cette autre question, si aprés la saisie teodale, le Seigneur avoit vendu le bois taillis, et l’acheteur avoit commencé de le couper, s’il pourroit l’emporter au préjudice du vassal, qui feroit ses offres. Puisque la Coûtume est si favorable au vassal qu’aprés la presentation de son Aveu, elle luy conserve les fruits, pourvû qu’ils ne soient pas encor engrangez : on peut dire qu’encore que le Seigneur ait commencé à couper le taillis ou à pescher les étangs, il ne peut neanmoins avoir à son profit que ce qui étoit pris et enlevé hors le lieu avant la presentation de l’AveuSi au contraire le vassal avoit commencé à pescher et à couper son bois avant la saisie feo-dale, le Seigneur n’y pourroit rien prétendre. On trouve dans la seconde partie du Journal des Audiences, l. 4. c. 6. un Arrest du Parlement de Paris, par lequel on a jugé qu’un bois taillis ayant été vendu et commencé à couper avant la saisie, il n’appartenoit point au Seigneur, suivant l’opinion dedu Moulin , que fructus maturi & colligi incoepti pro collectis habentur.

Le premier de Mars 1663. cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre. De Cordey, aprés avoir fait reünir à son fief quelque héritage le premier de Juin, il declara au sermier qu’il s’arrêtoit aux fermages, et neanmoins le même jour il fit signifier un desaveu de cet exploit, son intention étant d’avoir les levées, et pour en avoir Acte il le fit appeler devant son Senéchal. Depuis ayant emporté les levées, il fut poursuivi par le vassal pour les rendre, ne pouvant avoir que les fermages, suivant sa première déclaration, qu’il n’avoit pû e changer aprés avoir consommé son droit d’option, ce qui fut jugé de la sorte par le Bailly de Longueville ; sur l’appel on mit les parties hors de Cour, plaidant Maurry et Theroude. On tint à la rigueur de la première déclaration du Seigneur, quoy qu’il l’eûr revoquée le même pour, par cette raison qu’il gagnoit assez ayant les fermages.

En l’explication de ces paroles, que les fruits ne sont acquis au Seigneur, s’ils ne sont engranvrez avant que le vassal presente son Aveu, on a donné Arrest sur ce fait. Charles du Puits Ecuyer, sieur de Sandouville, aprés avoir fait reünir quelques héritages dépendans de ses fiefs, il fit declarer au fermier qu’il s’arrétoit aux fermages, dont il luy fut donné Acte en Juge ment au mois de Septembre. En Novembre ensuivant Claude Minfant Ecuyer, propriétaire des terres reünies, presenta son Aveu, et sur la main-levée des fermages qui étoit demandée par le sieur de Sandouville, le sieur Minfant s’y opposa, prétendant qu’ayant baillé son Aveu avant que le fermage eût été payé, il n’appartenoit point au Seigneur. Le Bailly de Longueville ayant jugé au contraire, le sieur Minfant en appela. Greard concluoit que comme les fruits n’appartiennent au Seigneur que quand ils sont engrangez, par la même raison les fermages ne luy étoient point acquis avant que le terme du payement fût échû : Je concluois au contraire pour le sieur de Sandouville par les termes de cet Article, qui donne les fruits au

Seigneur, lors qu’ils sont engrangez ; que les fruits ayant été perçûs long-temps avant la presentation de l’Aveu, la déclaration qu’il avoit faite de s’arrêter aux fermages, pour ne dépos-seder pas le fermier, ne devoit pas luy être préjudiciable. Par la Coûtume les fermages sont reputez ameublis du jour que les fruits sont perçûs, encore que le terme de payement ne soit pas échû, d’où il s’ensuivoit que c’étoit assez pour gagner les fermages que les fruits eussent été ecueillis. La Cause fut appointée au Conseil, et par Arrest du 8 de Juin 1660. la Sentence fut confirmée. Par l’Article 19. du Reglement de l’an 1666. les fermages des héritages reünis ont acquis au Seigneur, si pendant que les fruits sont encore sur le champ il a signifié au fermier qu’il s’arrête ausdits fermages, à moins que le vassal ne baille Aveu avant que les fruits soient engrangez par le fermier

Godefroy Sodefroy propose cette difficulté, si le Seigneur ayant ensemencé les terres, et le vassal ne presentant son Aveu qu’aprés la S. Jean, il peut avoir les fruits ; car il a de la peine, dit-il, à concilier cet Article avec le 505. par lequel les fruits aprés la S. Jean sont meubles, et par consequent ils doivent appartenir au Seigneur. Mais cela ne doit point faire de peine, quand il s’agit de gagner les fruits par le Seigneur, il n’est pas necessaire d’examiner s’ils sont meubles ou immeubles ; la Coûtume ne les donne pas au Seigneur pour être devenus ou reputez meubles ; ils ne luy appartiennent pas même encore qu’ils soient separez du fonds, et il ne les peut svoir qu’à cette seule condition qu’ils soient engrangez ; ainsi il n’importe pas qu’ils soient meubles ou immeubles, puis qu’encore qu’ils soient meubles, il faut en outre qu’il en soit saisi, qu’il les ait enlevez et engrangez avant que le vassal ait fait son devoir ; autrement ils demeurent au vassal en quelque état qu’ils soient, pourvû qu’ils ne soient point engrangez :