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CXX.
Presentation d’Aveu bon ou mauvais que profite.
Aveu baillé, soit bon ou mauvais, sauve la levée : doit neanmoins le vassal payer les frais de la saisie, adjudication, si aucune y a, et de ce qui s’en est ensuivi.
Cet Article donne au vassal un moyen fort commode et fort prompt pour reparer sa negligence, et pour éviter la perte de ses levées. Il n’est point necessaire pour obtenir la main-devée de son fonds d’entrer dans la discution de son Aveu, ni de sçavoir si ses Offres sont vadables ou non ; La seule presentation de l’Aveu suffit tel qu’il puisse être, elle ne suspend pas seulement l’execution de la saisie, elle la détruit entièrement, et bien qu’il ne paye pas au Seigneur ce qu’il luy doit, il ne perd pas ses fruits ; le Seigneur peut les arrêtet ; mais il ne les gagne pas comme il auroit fait, si le vassal n’avoit pas baillé son Aveu. Ce qui a été prudemment ordonné pour prévenir l’oppression des Seigneurs, qui trouvoient toûjours à rédire aux Offres ou à l’Aveu leur vassal, ce qui rend inutiles toutes ces questions traitées pardu Moulin , de feud. S. 67. et Brodeau 16. et par les Commentateurs des Coûtumes, sur la validité ou invalidité des Offres du vassal. Cette disposition est semblable à ce vieux mot de nos Auteurs, quod contumacia abstulit, obedientia restituit.
La première difficulté qui peut naître sur cet Article resulte de la qualité des personnes, qui peuvent bailler Aveu. J’ay remarqué ailleurs que l’absence ne peut servir de pretexte pour proceder à une saisie faute d’homme et devoirs non faits, quand le vassal absent a donné son Aveu.
Si le vassal n’en a point donné et le Seigneur a usé de main-mise, sçavoir si l’heritier presomptif peut être reçû à donner Aveu ; Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand.
Chambre le 7 de Juin 1661. Un jeune garçon de vingt ans et quelques mois, êtoit party en l an 1658. pour aller à S. Jacques en Galice, quelque temps aprés le Seigneur fit reünir les héritages faute d’Aveu, et fit juger les fruits à son profit, dont le frere uterin de l’absent se rendit adjudicataire à fort vil prix. L’heritier presomptif de l’absent presenta sa Requête au Senéchal du fief, pour être reçû à bailler Aveu ou Declaration, et faire les droits et devoirs Seigneuriaux, ce qui fut consenti par le Procureur Fiscal, mais contredit par l’adjudicataire qui obtint Sentence à son profit, dont l’heritier ayant appelé : Thomas, son Avocat, disoit que dans l’incertitude de la mort ou de la vie des personnes absentes, on prend toûjours le party de plus équitable. En cette cause la faveur êtoit toute entière pour lappelant, qui êtoit lheritier presomptif, et qui se presentoit pour conserver le bien de son parent absent, consentant même pour cet effet de donner caution de rapporter les fruits en cas du retour de l’absent, que quand on ne présumeroit pas la mort de labsent, il étoit plus juste de luy laisser hadministration du bien, que de la bailler à un Seigneur, dont le droit n’est pas si favorable. Laloüel, pour lintimé, répondoit que Iabsent êtoit majeur lors qu’il étoit party, qu’il avoit dû presenter son Aveu, ou laisser une Procuration pour obtenir un temps durant son absence, qu’à faute de lavoir fait la reünion êtoit valable ; l’appelant n’étoit pas recevable à faire les devoirs Seigneuriaux. On ne reconnoissoit point en Normandie de curateur aux biens vacans, que la mort de l’absent ne pouvoit être présumée, n’étant absent que depuis trois ans, et qu’enfin si l’appelant alléguoit la mort, il étoit en obligation de l’a prouver. Maurry Avocat, se presenta aussi pour le Scieneur, qui demandoit l’execution de la reünion, nonobstant le consentement collusoire de son Procureur Fiscal. Par l’Arrest la Sentence fut infirmée, et l’heritier envoyé en possession de l’héritage, en baillant caution de rapporter les fruits en cas de retour de l’absent, et en donnant Aveu et en faisant les droits et devoirs Seigneuriaux, et en payant les frais de la reünion : cet Arrest est d’autant plus remarquable qu’en Normandie on n’admet point de Curateurs aux biens vacans ni de Commissaires, comme à Paris.
La Coûtume aprés avoir remis, ou maintenu le vassal en la possession de son bien, permet au Seigneur de blamer l’Aveu, les blâmes pouvant être de plusieurs sortes ; s’il n’a pas employé toutes les rentes et rédevances ; s’il n’a pas designé et marqué assez expressément et en particulier les héritages dont il a donné Aveu ; s’il n’y a pas employé la quantité, les bornes, es tenans et aboutissans, et autres pareille nature : Du Moulin dit qu’un Aveu peut être blamé en sept manieres : Mol. de feud. 5. 10. n. 11.
Berault , sur l’Article 109. est d’avis que pour un fief-noble, on n’est point sujet à specifier par l’Aveu les espèces des rentes, sur quelles personnes elles sont dûës, et le nombre de son Domaine, tant fieffé que non fieffé, ni le déclarer par tenans ou aboutissans. On jugé le contraire aux Enquêtes, au Rapport de Mr Boulaye, le 16 de Decembre 1666 entre Guillaume Picard appelant de Sentence donnée par le Bailly Haut-Justicier de Vicfleurs par laquelle il avoit êté dit, à bonne cause les blames proposez contre son Aveis, et qu’il seroit tenu d’emloyer dans iceluy par le menu les noms de ses tenans, la quantité de leurs heritages, et les redevances é Seigneuriales, autant qu’il pouvoit luy en être dû, et ce par bouts et côtez houveaux, pour êviter aux entreprises sur le Domaine fieffé et non fieffé. Mre Henry de Bourbon Abbé de Fécamp, intimé. par l Arrest la Sentence fut confirmée.Chopin , sur la, l. 2. t. 2. de la seronde partie, est Coûtume d’Anjou avis que le vassal ne peut être contraint de comprendre en son dénombre : ment, que les censives et les droits dont il a connoissance, et quant aux droits dont il ne jouit pas ; de déclarer au Seigneur qu’il n’en a pas de connoissance, et qu’il les abandonne : mais un Seigneur l’est pas obligé de se contenter de cette déclaration-là, si le vassal ne fournit pas la quantité des héritages compris dans les anciens Aveux, et qu’il n’y employe pas les tenans et aboutissans ; faute par luy de remplir son dénombrement, il en doit être condamné aux interests envers on seigneur, qui souffre du préjudice par la diminution de ses tenûres : On ne peut mieux regler ce dédommagement que par l’exemple des Main-mortes, en condamnant son vassal au droit d’indemnité, suivant l’usage dé cette Province.
Du Moulin en plusieurs endroits de ses Commentaires sur le titre des fiefs, et en son Traité des usures, a fort discouru touchant l’effet des reconnoissances et déclarations portées par les Aveux. Mr d’Argentré a pareillement traité ce sujet, Art. 85. homb. 4. de la Coûtume de Bretagne, et particulierement cette question, si quand on a acquis à condition de relever d’un tel Sei-eneur, et de payer certaine rente, le Seigneur peut user de saisie en consequence d’un tel contratâ Jure stricto tdit Mr d’Argentré ) il ne peut agir en vertu d’un contrat, il peut neanmoin servir de preuve ; sur tout vû que par l’Ordonnance de François I. de l’année 1536. et de HenTy Il. en l’an 1549. il faut exprimer dans les contrats de vente la tenûre des terres qu’on vends his verbis narrativis et enuntiativis in contractibus appositis praesertim de re feudali Domini fundatur intentio, per regulam in l. optimam d. de contrah. Stip. non solum inter contrahentes & successore : vorum singulares : ande isti contractus faciunt fidem pro Dominis contra contrahentes et quostiber successores eorum in qualitate dominicà procedentibus, & ita judicatum in curia parisiensi. Papon dit que le contraire a été jugé, titre des droits Seigneuriaux, Article 18. La reconnoissance faite par le vassal, en vendant son fonds, sert de titre au Seigneur, pourvû que le vassal ne montre point qu’il l’a faite par erreur, ou par imprudence. Par la Coûtume de Paris, Article 8. l’Aveu doit être écrit en parchemin. Cela est ordonné fort à propos, vù l’importance de ces Actes qui doivent servir pour la posterité. On ne les donne aussi qu’en parchemin en cette Province.
Si le Seigneur nonobstant la presentation de l’Aveu, soit bon ou mauvais, retient la possession des choses saisies, par quelle voye le vassal se doit-il pourvoir contre luy : Plusieurs Au-teurs anciens ont estimé qu’il ne pouvoit intenter la complainte en cas de saisine et de nouvelleté, ou la reintegrande ; mais qu’il devoit se pourvoir par opposition, ou par appel, parce que les querelles et ces actions possessoires marquent quelque violence, notant vim expulsivam et dolum ejus, contre quem instituuntur. Or le vassal doit toûjours. demeurer dans les termes de re spect envers son seigneur, et n’intenter aucune action qui blesse son honneur et sa reputation, ce que l’on confirme par l’exemple des affranchis, qui ne pouvoient agir contre leurs Patrons par interdits possessoires, interdicto recuperandae possessionis non agunt liberti adversus Patronos ; sed actio in factum tribuitur ; l. 2. et l. licet de obsed. à liber. et libert. prest. D. 3 Mais nous n’avons point tant de consideration pour le Seigneur, qui retient injustement le bien de son vassal. Les vassaux sont reçûs à former la complainte pour l’obliger à leur quitter la possession de leurs héritages, lors qu’ils luy ont rendu les devoirs où ils sont obligez par la Coûtume.