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CXXVII.

Tenûre par parage.

La tenûre par parage est quand un fief-noble est divisé entre filles ou leurs décendans à leur representation.

Plusieurs Auteurs ont traité de l’origine du Parage, et de la signification de ce mot. Loyseau en donne cette origine, qu’on laissoit aux puisnez des grandes maisons, certains membres de hautes Seigneuries, qui leur étoient baillez en partage, pour les tenir à pareil droit que l’ainé renoit le chef-lieu, à condition néanmoins de les relever d’eux en parage. Stenaus en ses loixf d’Ecosse, l. 2. c. 29. dit que la même chose se pratique en Ecosse, que les maris des soeurs puisnées ne sont point obligez de faire la foy au mary de l’alnée, ni leurs enfans jusqu’au second dégré inclusivement. Il ajoûte que ce mot de parage veut dire egalité, à pari, égal ; sie pares Curiae dicuntur convassalli, qui habitant in eodem territorio, ubi feudùm jacet, de quo est controversia cap. unic. de controver. feudi apud pares terminandis, quod enim ibi dicitur domus, dicitur territorium, Scotus Baroniam vocai

Bouteiller en sa Somme Rurale, et, qui étoit Maître Pierre des Fontaines Requêtes de Loyseau S. Louis, assurent la même chose que Loyseau ; obtinebat in illustrium familiarum minoribus filiis sub primogenito ut nunc sub filiabus.Chop . l. 2. c. 3. de Dom.

D’autres tirent ce mot non à paritate, sed à fraternitate, et par cette raison il faudroit dire frarage, et non parage, parce que cela se partage entre frères et seurs en plusieurs Coûtumes ; Bretagne, Article 363. Poictou, 225. et 226. et Angoumois, Article 25. 1. 7. En effet nous apprenons qu’autrefois en Normandie le parage avoit lieu entre freres comme entre soeurs, ce que l’on remarque par un ancien Arrest du Parlement de Paris de l’an 1398. donné entre Guillaume, Vicomte de Moulins, Gardien Noble du Comte de Tancarville, son frere, et Roger de Bricqueville, à cause de Jeanne Campion, sa femme, et le Procureur Quesnel, pour l’hommage ou parage de la Baronnie de la Haye-du-Puits ; et il est dit dans cet Arrest que Robert de Mortemer avoit eu de Guillaume son frère la terre de la Have-du-Puits en premier degré de parage de la Baronnie de Varanguebec, per consuetudinem nostrae Provinciae Normaniae observatam, per quam filius fecundogenitus portionem hereditagii sibi ex successione paternâ obvenientem à fratre primogenito per paragium tenere debebat usque ad sextum gradum consanguinitatis.

Mr Cujas n’a point ignoré cet ancien usage de Normandie, il en parle en ses Commentaires sur les fiefs, l. 2. t. 10. en ces termes ; et in quibusdam locis res ita geritur inter fratres, ut frater major natu feudum obtineat, et cateris aspergat tertiam partem, cateri non minus nobiliter suam partem tenent quam frater major natu, nec minus dicuntur esse pares in feudo, et à majore quidem fratre dicuntur tenere jure paragii, quo sensu paragium etiam dicitur : Constit. Neap. l. 3. c. 18. sed ejus conditio talis est, ut pro eo nullam fidelitatem, frater fratri jurare aut repromittere debeat : et ce fut peut-être par cette raison que Charles, ce Roy de Navarre qui causa tant de maux à la France, obtint du Roy Jean de tenir par parage certaines terres dont il faisoit auparavant la foy et hommage.

I falloit qu’autrefois il y eût des fiefs qui pouvoient se diviser entre mâles.Guntherus , Marchia, seu Comitis possessio, sive Ducatus,

Integra permaneant, feudalia catera multis

Participanda petent, Domino dum quisque fidele

Spondeat obsequium, jurandâque federa prestet.

Et dans un vieux Manuscrit Statutorum Reeni Gallici, on trouve ces mots, Ducs et Barons, et autres hommes de foy ne peuvent donner leurs hommes de foy, si ce n’est à son frere ou à sa seur, mais à ci eux les peuvent-ils bien donner en parage et en partie, mais ils ne pourroient l’y donner â homme étrange. Et le grand Coûtumier de France t. de saisine de fief, dit le frèrage ou partage d’un Fief oi Haute-Justice que chacun tient du Seigneur superieur. D’Argentré , sur’l Article 314. de sa Coûtume, veut que hoc verum paritatis indicium et aequalitatis honorem signifi-car : Et nôtre vieil Coûtumier le définit de la sorte, tenûre par parage est quand cil qui tient et cil de qui il tient doivent par raison de lignage être pairs en partie de l’héritage qui descend de leurs ancêtresBrodeau , Article 13. n. 20. a pensé que le parage étoit imité de la loy des Hebreux, Gen. c. 27. 8. 29. et qu’il a été approuvé par plusieurs Coûtumes ; Bretagne, Maine, Anjou, Poitou, Tours, Loudunois, et Normandie, autrement appelé pareage, et parentage, ou fraragium. ditPithou , l. 1. de ses Memoires des Comtes de Champagne, et aprés luy Dominici de Prarog. Alod. c. 21. Il n’a point lieu en la Coûtume de Paris, où lainé n’est point parageux, ni les ainez parageaux, et leurs portions quoy que divisées relevent nuëment et immediatement et en plein fief du même Seigneur dont la terre est mouvante.Chopin , l. 1. de Mor. Mor. Paris. 1. n. 1o. 12. tient que cela fut établi par une Ordonnancae de Philippes Auguste intitulée, Stabilimenta de feodis regni Franciae. Brodeau la rapporte tout au long, et il assure qu’avant cette Ordonnance le parage avoit lieu par le droit commun et general de la France En Normandie nous n’avons plus pratiqué la division des fiefs qu’entre les filles. Quand le Royaume cessa d’être divisé, comme il s’étoit fait sous la première Race de nos Rois, on commença en suite à ne diviser plus les fiefs de dignitez, comme les Duchez, Marquisats, Com-ez, et autres ; et enfin on jugea même qu’il étoit plus utile pour la conservation des familles, de ne separer point les fiefs entre mâles, ce qui s’est introduit principalement dans les Coûtumes où les ainez ont de grands preciputs

Jous apprenons par lhistoire de la Chine de Martinus Martinii l. 6. Hist. Hist. Sinicae, que les Empereurs de la Chine donnoient des Provinces en partage à leurs fils et à leurs freres, et cet Auteur appelle Regulos, les Princes partagez de cette manière. Il arriva que pour la fois blesse de quelque Empereur, ces petits Rois usurperent la souveraineté. Chongus Unxius, qui regnoit 246. ans avant la nativité de Nôtre Seigneur, ayant usurpé lEmpire de la Chine il détruisit tous ces petits souverains ; mais lorsqu’il voulut, à l’exomple des Empereurs precedents, ériger des Royaumes à tous ses enfans, un Gouverneur de Province luy remontra, qu’à la vérité les Empereurs des anciennes familles en avoient usé de cette manieres mais que l’experience avoit fait connoître combien cet exemple étoit pernicieux pour l’Etat, parce que ces petits Rois s’élevoient contre leur souverain, où ils se faisoient entr’eux une guerre mortelle qui troubloit tout l’Empire ; que cette funeste experience du passé ne permettoit pas d’esperer à l’avenir un meilleur succez, et qu’il importoit au repos et à la grandeur de son Empire de leur donner seulement de grands revenus dans les Provinces, dont il donneroit le gouvernement et l’autorité à d’autres. Chongus approuva ce sage conseil. Il y eut neanmoins de ses successeurs qui ne suivirent pas son exemple.

Quoy que le parage rende la condition des paragers égale, il est vray pourtant que l’ainé a toûjours quelque prerogative. Au procez de Me Robert de Croisilles, Conseiller au Presidial de Caen, representant l’ainée au partage de la terre de Breteville, il fut jugé au Rap-port de Mr du Houlé, le premier d’Avril 1666. que les enfans de la fille ainée paragere auroient les lionneurs du Patronnage alternatif avant les enfans de la fille puisnée, et même pendant la joüissance du Curé presenté par la puisnée.

Quand il y a dans la succession quelque Patronnage honoraire, si lors de la division du fief entre seurs, il n’a point été fait mention à qui les droits honorifiques doivent appartenir, il a été jugé que tous les paragers auroient les honneurs en lEglise, à condition que la part de lainée auroit seule cette prerogative aprés le parage fini. Arrest au Rapport de M’Roque du 20 de Mars 1632.

Le Patronnage de l’Eglise de Monfort avoit été aumôné par les Seigneurs de Monfort, ce fief avoit êté divisé entre filles ; Mr de Matignon representant l’ainée, et le sieur de la Harillière representant la puisnée, Mr de Matignon avoit reüni sa portion à sa Seigneurie de Gacey, et il n’avoit d’autres preuves de sa possession qu’un banc dans le Choeur que l’on présumoit être e banc des ainez. Le sieur de la Harilliere avoit banc et sepulture au dessous ; il fut jugé que Mr de Matignon auroit seul les honneurs de Patron honoraire, parce qu’on imposeroit trop de servitude à l’Eglise, si tous les paragers avoient les honneurs, et neanmoins le sieur de la Harilliere fut maintenu en la possession d’un banc, et il fut jugé que quoy que la possession ne soit pas suffisante sans titre, toutefois qu’à cause du parage il étoit fondé en titre L’Arrest donné au Rapport de Mr Roque me semble plus équitable, en ce qu’il donne conjointement les honneurs à tous les paragers, lors qu’ils n’ont point été partagez, jusqu’à ce que e parage soit fini. L’Arrest donné au profit de Mr de Matignon pouvoit être fondé sur ce motif que le parage pouvoit être fini ; mais en ce cas on faisoit une grace au sieur de la Harilière de luy laisser un banc dans le Choeur, sa sepulture, ses armes, et la presceance avant les autres Gentilshommes, c’étoit luy donner presque tous les honneurs Ce parage n’a lieu qu’en cas de partage. Au procez entre le sieur le Doux pour sçavoir s’il s avoit parage pour le fief d’Outrebois, que deux seurs avoient eu par droit de retenuë feodale, il fut jugé qu’il n’y avoit point lieu au parage, parce que la Coûtume ne l’admet qu’en cas de partage, et non en cas de division entre des associez ; in judicio famil. ercisc. non de comm. dividundo.

Si par le partage entre soeurs le fief n’avoit point été divisé, et qu’un lot eût été composé seulement d’une portion du domaine du fief, sans aucune dignité feodale, la seur qui possederoit ce lot ne pourroit tenir en parage, bien qu’il fût dit par les lots qu’elle tiendroit son lot en cette qualité, car le parage ne peut échoir qu’aux fiefs, suivant l’Arrest rapporté parBérault , Article 134. Il est encore certain que la prerogative du parage doit toûjours demeurer à l’ainée ou à ses representans, nonobstant qu’elle eût choisi un lot qui dût tenir par parage d’un autre, suivant les Arrests qui en sont remarquez parBerault , desquels ont pû inferer que cette prerogative est en quelque façon personnelle, puisqu’elle est tellement attachée à la personne de l’ainée et de ses descendans, qu’elle luy doit être conservée nonobstant toutes pactions contraires,