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CXXXVII.

Droit de Colombier entre coheritiers comme se divise et prescript.

En cas de division de fief, le droit de Colombier doit demeurer à l’un des heritiers, sans que les autres le puissent avoir, encore que chacune part prenne titre et qualité de fief avec les autres droits appartenants à fief-noble par la Coûtume : Neanmoins si les paragers ont bary un Colombier en leur portion de fief, et joùi d’iceluy par quarante ans paisiblement, ils ne pourront être contraints de le démolir.

Il n’y a rien de moins uniforme par les Coûtumes de France que le droit de Colombier : dans la pluspart d’icelles ce n’est pas un droit feodal, et il ne suffit pas d’avoir un fief pour avoir la liberté de batir un Colombier. Par l’Article 170. de la Coûtume de Paris, le Seigneur qui n’est point Haut : Justicier ne peut avoir de Colombier à pred, s’il n’a des terres en domaine jusques à cinquante arpens ; et par l’Article 168. de la Coûtume d’Orléans., le Seigneur non Haut-Justicier ayant fief et censive en doit avoir jusques à cent arpens. Mais celuy qui a cent arpens de terres labourables peut avoir une volière à pigeons jusques à deux cents trous.

Selden Cela semble être imité des Hebreux ; car Seldenus à fait cette observation, que par le droit des Noachides il n’étoit pas permis de batir un colombier sur son héritage, s’il n’étoit éloigné de toutes parts de cinquante coudées des terres voisines, afin que les pigeons n’apportassent roint de dommage aux bleds.Selden . de jure not. et gent. juxta disciplinam Hebraorum l. 4. c. 5. et lib. 6. c. 10.

Chopin en son Traité du Domaine, l. 3. t. 22. n. 70. soûtient qu’il n’y a pas d’apparence de mettre au nombre des prerogatives seigneuriales le droit de colombier et de garenne. Colûmbaria et leporaria verè non sunt superioris insignia Dominii, eaque superioribus tantum in fun-dorum Dominis competere prorsus nugatorium est, nisi contrarium suggereret vetus loci consuetudo, aut lex predio feudali et emphyteutico dicta, et tel est lusage de Tholose et de Provence Nôtre Coûtume en l’Article 160. semble en faire un droit feodal, puisqu’elle dit qu’avec les corps des fiefs-nobles sont relevez par même moyen toutes les dépendances d’iceuxi comme sont garennes, moulins, colombiers, et autres appartenances de fief, d’où lon peut es dire que les colombiers sont des dépendances mseparables des fiefs : En effet non seulement Il n’est pas permis de batir un colombier sur une roture, mais aussi la prescription ne peut donner ée droit ; Article 20. du Reglement de l an 1666. Mais cet Article nous apprend que tous fiefs n’ont pas droit de colombier, puisqu’en cas de division du fief le droit de colombier doit demeurer à l’un des heritiers, sans que les autres le puissent avoir, encore que chaque parl prenne titre et qualité de fief, avec les autres droits appartenans au fief-nobles Il ne peut donc y avoir que le plein fief de Haubert à qui ce droit appartienne absolument et generalement, et lorsque la Coûtume le met entre les dépendances des fiefs, il faut entendre ces paroles des fiefs seulement qui ont droit de l’avoir, c’est à dire des fiefs de Haubert. pu-des fiefs sur lesquels les paragers ont baty un colombier, et dont ils ont joui paisiblement par quarante ans.

Aprés avoir traité du titre et de la qualité requise pour avoir droit de colombier, il ne sera pas inutile d’agiter cette question, si les Seigneurs ausquels les Coûtumes accordent le droit de colombier peuvent le permettre à d’autres, ou si en donnant cette faculté de batir un colombier ils se privent eux-mêmes de leur droit

Par la Coûtume de Bourgogne, Rubr. 13. Arn 9. on ne peut faire aucun colombier à pied de nouveeau en justice d’autruy, sans licence du Seigneur. Celle de Nivernois contient la même disposition, 1t. des Colombiers, Art. 1. Il est cettain que dans ces Coûtumes le Seigneur qui ermet ou qui n’empesche point que l’on batisse un colombier n’est pas reputé renoncer à son droit, au contraire ces Coûtumes donnent au Seigneur Haut-Justicier une si grande autorité, qu’il suffit aux particuliers, et même à ceux qui n ont point de fief, d’obtenir son consentement pour avoir droit de colombier.

Nôtre Coûtume est plus rigoureuse ; elle ne permet pas même à ceux qui possedent une portion du fief, auquel le droit de colombier êtoit attaché, d’en pouvoir jouir, si les paragers. n’en ont joui paisiblement pendant quarante ans. Ainsi ce droit ne pouvant être multiplié par la division du fief, il s’enfuit qu’il ne peut être accordé par le Seigneur du fief qu’en se privant luy-même de s’en servir. C’est une jurisprudence certaine en cette Province, que non seulement les Seigneurs feodaux, mais même les Hauts-Justiciers consentiroient ou donneroient inutilement cette faculté de batir un colombier, s’ils ne cedoient en même temps le droit qui eur appartenoit ; Berault en a cité plusieurs Arrests

Mais en tout cas ce qui n’est pas permis aux Seigneurs de fief, ou aux Hauts-Justiciers, ne le doit-il pas être au Roy : Nos deux Commentateurs, Bérault etGodefroy , étant de sentiment contraire, chacun d’eux a cité un Arrest pour soûtenir son opinion : Quoy que Berault fait repris aigrementGodefroy , pour l’avoir contredit, son opinion neanmoins me paroit la plus. xéritable. Il fait sort à propos cette distinction entre la permission que le Roy donneroit de batir un colombier sur des terres qui seroient de sa mouvance, et la permission qui seroit donnée de le batir sur des rotures qui seroient tenuës d’un autre Seigneur. En ce dernier cas la faculté accordée par le Roy ne pourroit valoir au préjudice du droit acquis au Seigneur, et rpuisque le Seigneur même ne pourroit donner cette licence dans son propre fief, à plus forte raison le Roy ne pourroit faire ces deux choses contraires à la Coûtume, de donner un droit de colombier sur une roture, ou de l’accorder sur un fief qui ne seroit point tenu immediate. ment de luy. Et c’est l’espèce de l’Arrest de Mr de la Tigeoire, que Berault alléguoit en sa faveur : Car Mr Guairin prétendoit en vertu des Lettres qu’il avoit obtenuës, de faire bâtir un colombier sur une roture, tenuë d’un fief qui appartenoit aux Religieux de sainte Catherine.

Au contraire si le Roy érigeoit des rotures en un fief de Haubert, il pourroit sans difficulté y attacher le droit de colombier, car le pouvoir d’ériger en fief les terres roturieres qui seroient en sa mouvance, ne pouvant luy être debatu, on contrediroit beaucoup plus mal à propos le droit de colombier qu’il luy plairoit d’attribuer à ce nouveau fief, et c’est l’espèce de l’Arest du Miere qu’il rapporte. Je n’approuverois pas neanmoins le sentiment de Godefroy en ce point, qu’il estime que le Roy pourroit attacher ce droit à une roture ; parce que par nôtre Coûtume c est un droit tellement feodal, que regulierement il n’appartient qu’au plein fief de pe Haubert, et qu’il ne peut être possedé par les fiefs divisez qu’aprés une possession de quarante i Sans, et il ne le peut jamais être sur une roture, suivant l’Art. 20. du Reglement de l’an 1666. ré Suivant cet Article le droit de colombier bâti sur une roture ne peut être acquis par prescription, et suivant la derniere partie de cet Article les paragers, qui ont bâti un colombier ena eur portion de fief, et qui en ont joûi paisiblement par quarante ans ; ne peuvent être contraints de le démolir.

Daviron êtoit de ce sentiment, que si un parager avoit laissé tomber en décadence S émolir son colombier, il ne pourroit le réedifier si le droit luy en êtoit contredit, nonobstant sa possession durant quatante ans : mais, à mon avis, ce droit ne peut être perdu par lap eule démolition, ni pas même per non usum ; il suffit pour le conserver que les restes et les estiges en apparoissent encore, habuisse columbarium intelligitur, non tantum qui integrum habuit li et volantes columbas, sed et qui parierinas solas, et superstantiâ radera et reliquias veteris materiae habuit, sicut & in moletanis quoque judicatur.Argent . Art. 368. de la Coûtume de Bretagne.

On ne pourroit batir un colombier sur un héritage tenu en Franc-Aleu ou en Bourgage, arce que c’est un droit purement feodal ; cela fut jugé de la sorte le 24. de May 1623. en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr du Moucel, entre Guillaume le Mercier et Demoiselle Marie Jourdain, veuve de Nicolas Anquetil, appelans et opposans à l’enterinement de Lettres en forme de Charte, obtenuës par Me Gilles Gaudin, pour être permis de réedifiera un colombier sur une place située en la franche bourgeoisié d’Avranches, et ledit Gilles Gauin intimé. Par l’Arrest la Sentence fut cassée, et faisant droit au principal, défenses furent faites audit Gaudin d’appliquer le batiment de nouveau par luy fait à usage de colombier, quoy qu’il y eût plus de quarante ans que ce droit fût employé dans l’Aveu qu’il en avoit rendu au Roy, et dans des anciens partages.