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CXXXIX.

Tenûre par aumone ne diminuë les droits du Seigneur.

Par aumône ou bien fait que fasse le vassal de son bien à l’Eglise, les droits du Seigneur ne sont en rien diminuez, soit en sustice, rente, ou autres devoirs.

Terrien L’ancienne Coûtume définit que pure aumone est en quoy le Prince ne retient rien de terrien, ni Jurisdiction, ni dignité, et de cela Jurisdiction et dignité appartient du tout à l’Eglise.

Cet Article est conforme à plusieurs Coûtumes de la France, l’Article 41. de la Coûtume de Blois défend expressément aux gens d’Eglise, Communautez, Confrairies, et autres qui sont reputez main-mortes, d’acquerir héritages sans le congé et permission des Seigneurs feodaux, et s’ils en acquierent ils peuvent les contraindre dans quarante ans de les mettre hors de leurs mains

On trouve presque dans tous les Etats une défense semblable. Dans l’ancienne Rome la Loy Papyria défendoit de consacrer aucunes maisons ou terres sans la permission du peuple ; ne innumeris consecrationibus res omnes sensim è Dominio commercioque suo eriperentur. Sous les Empe-reurs il en falloit obtenir d’eux le congé, l. ult. D. ut in possess. leg.

Les Canonistes ont taché de persuader que cette défense ne devoit avoir lieu que pour les terres feodales ou censuelles, et non pour celles qui sont situées en Franc-Aleu : mais on ne les en a pas crûs, non plus quele Pape Alexandre IV . quoy que dans le Chap. 1. de immunit. Eccl. in 6. il ait fort declamé contre les Seigneurs feodaux de France, et qu’il leur ait défendu de ne contraindre plus les gens d’Eglise à vuider leurs mains des héritages qu’ils possedoient : car, comme dit Pontanus sur l’Article 41. de la Coûtume de Blois, parum potest illius conatus ad elidendam rem tantis temporibus et longevo usu confirmatam, & ad prajudicandum Regiam majestatem, que in temporalibus neminem in superiorem agnoscit. Par le Chap. Imperialem de prohib. feud. alien. non licet etiam pro falute animae aut alius piae causae intuitu feudum alienare. Et par le Chap. Si clientelas de alienat. feud. optimâ ratione constitutum est ne feudum quod ex natura sua ad Dominum revertitur in Ecclesiam alienare possit.

Enfin on a permis aux gens de main-morte de posseder des terres, tant feodales que censuelles ou roturieres. Mais c’est à cette condition que l’aumone ou le bien, fait du vassal ne donne aucune atteinte, et ne diminuë point les droits du Seigneur en quelque manière que ce soit. Ce qui est si raisonnable que cela même auroit lieu, ditdu Moulin , licet etiam feudum transferretur in capitulum ejusdem Patronae seu dominantis Ecclesiae, quia tunc aeque illi fit prajudicium, ac si in aliud corpus transferretur.Molin . de feud. 8. 51. gl. 2. n. 59.

La tenûre par aumone se forme en deux manières ; la premiere quand le Seigneur de fief donne à l’Eglise, ou à quelqu’autre corps de main-morte quelques héritages ; en ce faisant on resume qu’il a consenti qu’elle demeure déchargée des reliefs, treiziémes, et des autres droits de cette qualité ; et même si lhéritage étoit chargé de quelques rentes, et que le Seigneur donateur ne les eût point reservées, le fonds en demeureroit déchargé, suivant l’Article 142.

Il faudroit dire la même chose si le Seigneur avoit vendu ou donné son consentement à la vente ; Bacquet des franes-fiefs, l. 2. n. 7

L’autre manière par laquelle un héritage devient tenu par aumone, est quand le vassal aumone son fonds ; en ce cas si le corps de main-morte a possedé par quarante ans, il n’est plus obligé qu’à bailler une simple declaration, suivant l’Article 141.