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CXL.

En ce cas l’Eglise ou autre corps de main-morte à qui est le don ou aumône fait, doit en tout pourvoir à lindemnité du Seigneur, et luy bailler homme vivant, mourant, et confisquant, pour faire payer les droits et devoirs qui luy sont dûs.

Puisque par l’Article precedent les droits du Seigneur ne sont point diminuez par laumone, ou par le bien-fait que le vassal fait de son bien à lEglife, il étoit necessaire d’expliquer comment l’Eglise ou un autre corps de main-morte pouvoit posseder ces biens-là, sans faire préjudice au Seigneur. C’est le sujet de cet Article, où la Coûtume dispose que les gens de main-morte doivent en tout pourvoir à findemnité du Seigneur

Cet affranchissement et cette immunité est sans doute un tres-grand privilege, puis qu’en Modestin consequence d’icelle on est affranchi de toute servitude. Modestin en la l. 15. de exception. la Justinien définit en cette manière, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, et Justinien l’appelle. MOTGREC MOTGREC.

Les premiers Empereurs Chrêtiens qui en connoissoient l’importance ne donnoient cette Bignon exemption que pour les charges et les services personnels. MBignon a fait cette observation, que nos Rois ont été les premiers qui les ont accordez tres-amples, et qu’ils en ont donné l’exemple aux autres Princes. In not. Ad lib. c. 3.Marculphi , on trouve dans Marculphe plusieurs modéles de ces immunitez ou émunitez, comme cet Auteur les appelle : mais appa-remment nos Rois ne les donnoient dans le commencement que pour des terres alodiales, dont les proprietaires n’étoient sujets à aucuns services militaires, et par cette raison elles n’étoient pas préjudiciables à l’Etat. Mais il est toûjours véritable que sous les Empereurs

Romains on ne pouvoit pas bâtir un Temple ou un Oratoire sur le fonds d’un particulier sans sa vermission. Cela même fut expressément ordonné par le Canon 4. du Concile de Calcedoine, nullum adificari posse Monasterium prater voluntatem Episcopi civitatis, et preter voluntatem Domini pos-sessionis ; MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC. Il est vray que ce Canon a été étrangement mutilé par les Balsamon compilateurs des Decrets ; car dans les Canons de l’Eglise universelle, dans ceux de Balsamon, deDenis le Petit , et deGratian , on a rétranché ces paroles, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, preter voluntatem Domini possessionis

Depuis qu’en France les terres ne furent données qu’à la charge de plusieurs services, et que les fiefs furent devenus patrimoniaux, on n’accorda plus ces immunitez avec tant de facilité ; la consequence en devint trop grande, tant à l’égard du Roy et de l’Etat, que des par-ticuliers ; de sorte qu’il ne fut plus permis aux gens de main-morte de posseder des terres sans indemniser le Roy et les Seigneurs de fiefs. On peut donc asseurer que les droits d’amortissement et d’indemnité n’ont commencé d’être en usage que depuis que les terres ont été chargées de services et des redevances envers les Seigneurs de fief, et qu’ils ont commencé e les posseder propriétairement et héreditairement.

Dans nôtre droit François le mot de main, morte a deux significations : dans son premier usage il comprend tous les gens d’Eglise, Corps-de-Ville, Bourgs et Villages, Colleges, Hopitaux, et generalement toutes les Communautez qui sont perpetuelles, et qui par subroga-tion de personnes sont reputées être les mêmes Corps et Communautez, et qui par consequent ne produisent aucuns droits ni profits Seigneuriaux ; et par cette raison on pourroit avec plus d’apparence les appeler main-vives et perpetuelles, que main-mortes, puisqu’elles ne meurent point, et qu’elles representent toûjours leurs predecesseurs, et que les héritages par eux possedez ne changent jamais de main, tam infrugeri sunt Dominis, quam si emortui possiderent.

Argent . Art. 346.

Nous avons apparemment porté ce mot en Angleterre, où il a la même signification legibus magnae Charta sancitum est, ut nemini liceret dare predia collegiis Monachorum, & legem uanc Manumortuam vocaverunt, quod res semel data collegiis Monachorum non utique rursus venderentur.Polydore Virgile , en son Histoire d’Angleterre.

Du Moulin définit la main-morte en ces termes, quod sicut mortuus non amplius moritur, itâ hujusmodi corpus non moritur, licet omnes persona quibus consistit moriantur. De feud. S. 57. gl. 2.

Dans l’autre sens main-morte signifie les hommes de condition servile, qui sont sujets de corps envers leurs Seigneurs, qui leur succedent en tous biens-meubles ou immeubles, ou en leurs meubles seulement, ou aux immeubles seuls, quand ils meurent sans hoirs procréez de leur corps : ce qui dépend des conventions faites entre le Seigneur et ses hommes, et parce qu’ils n’ont pas la faculté de tester, ils sont reputez comme morts, et par cette considération on les appelle main-mortes, ou mainemortables. Ils vivent même libres et meurent comme Serfs. Mr Salvaing ; en son Traité des fiefs, 1. part. c. 32. a remarqué qu’autrefois dans le Dauphiné le droit de main-morte êtoit en usage non seulement sur les personnes de vile condition, dedititiae conditionis, mais aussi sur les Nobles qui s’étoient reconnus hommes-liges de corps et personne ; mais que Henry Il. affranchit entièrement ses sujets de Dauphiné de la servitude de main-morte par un Edit de l’an 552

Il seroit inutile aux gens de main-morte de pourvoir à l’indemnité des Seigneurs de fiefi s’ils n’obtenoient aussi du Roy des lettres d’amortissement ; car nonobstant le payement de l’indemnité, le Roy les pourroit contraindre à mettre hors de leurs mains ce qu’ils auroient acquis : mais quand ils ont obtenu le droit d’amortissement, les Seigneurs feodaux ne peuvent les contraindre de vuider leurs mains, et ils n’ont plus d’action que pour demander le droit d’indemnité.

On appelle amortissement, la grace et la permission que le Roy donne aux gens de mainmorte de pouvoir posseder les terres qu’ils ont acquises, ou qui leur ont été données, sansi pouvoir plus être forcez de les mettre hors de leurs mains

L’indemnité consiste en cette recompense et ce desinteressement qui est dû aux Seigneurs, à cause de la diminution qui arrive en leurs droits et profits, lors que les terres de leur mouvance tombent en la main des gens de main-morte ; car l’amortissement qui leur est donné par le Roy ne les exempte point du droit d’indemnité.

Mais doit-on mettre le Roy dans le nombre des gens de main-morte, lors que des terres tenuës d’autres Seigneurs viennent en ses mains par confiscation, ou par d’autres voyes : ses sujets ont-ils droit de demander qu’il s’en défasse, pour ne les priver pas de leurs droits : Il est certain qu’en ce cas, le Roy n’a point plus de prerogative que les gens de main-morte, et suivant l’Ordonnance Philippes le Bel, le Roy est tenu s’en défaire. Chopin de Doman. l. 3. Tit. 23.

Puisque nous entendons les noms de main-morte, d’amortissement et d’indemnité, il faut expliquer quelles sont les conditions, sous lesquelles l’Eglise et les autres gens de main-morte peuvent retenir la possession des orres qui sont en leurs mains.

La Coûtume en cet Article les teblige à ces deux conditions, de payer une indemnité, et de bailler un homme vivant, mourant et confisquant. On a douté s’ils étoient tenus à l’un et à l’autre droit, et si aprés avoir payé l’indemnité ils étoient encore obligez de bailler homme vivant, mourant et confisquant.

Les paroles de l’Article suivant ont fait naître cette ambiguité. Il contient que si l’Eglise a possedé par quarante ans en exemption de bailler homme vivant, mourant et confisquant, ou de pourvoir à l’indemnité du Seigneur, elle tiendra en pure aumone. Cette disjonctive, ou, pouvoit donner lieu à cette explication, que l’Eglise n’étoit tenue qu’à l’un ou à l’autre de ces deux onditions ; mais cet Article éclaircit toute l’ambiguité, car il oblige expressément par cette copulative, Et, l’Eglise et les gens de main-morte à pourvoir à l’indemnité du Seigneur, et à uy bailler homme vivant, mourant et confisquant,

Il y en a qui font distinction entre les héritages Nobles, et ceux qui sont en Censive ou Roture. a l’égard des premiers ils estiment qu’il ne suffit pas de payer l’indemnité, il faut ncore bailler un homme vivant, mourant et confisquant, afin que le Seigneur ait quelqu’un qui luy puisse faire la foy et hommage ; mais à l’égard des terres en Censive ou Roture, pour esquelles on ne doit point la foy et hommage, il n’est point necessaire de bailler l’homme vivant, mourant et confisquant.

La Dame Gobelin, Prieure du Convent de S. Louis, eut cette prétention contre la Dante Abbesse de S. Amand, pour quelques terres qu’elle avoit acquises en sa Censive. Elle luy offrit l’indemnité, mais elle se défendit de bailler l’homme vivant, mourant et confisquant, L’affaire ayant été portée en la Cour, sur l’appel de la Dame de S. Loüis d’une Sentence qui la condamnoit à payer l’indemnité, et à bailler l’homme vivant, mourant et confisquant : Par AArrest de la Grand. Chambre, au Rapport de Mr Cormier, du c6 de Mars 1661. la Senrence fut confirmée, et la Cour ajoûta que la Dame Abbesse de S. Amand seroit tenuë de remplacer en fonds les deniers provenans de cette indemnité, ou de les employer aux reparations de son Abbaye, dont il seroit dressé Procez verbal ; et afin que l’on n’en doutât plus la Cour en a fait une décision generale par l’Article 21. du Reglement de l’an 1666 Puisque donc l’Eglise et les autres gens de main-morte sont obligez à ces deux conditions, il faut sçavoir en quoy consiste cette indemnité, et quel est le profit qui revient au Seigneur de lhomme vivant, mourant et confisquant. La Coûtume n’a point expliqué comment cette indemnité doit être payée. On la regle au Parlement de Paris au cinquième denier, suivant les Ar-ticles 29. et 30. de la Coûtume de Melun, qui est suivie, parce que la Coûtume de Paris n’en a point parlé. La Coûtume de Sens regle l’indemnité selon le revenu de trois années de la chose acquise, ou sur le sixième denier de sa valeur et du prix de l’acquisition ; et à Paris l’on fait payer l’indemnité, nonobstant le payement des quints et requints, contre l’opinion de Mr le Maistre Maistre et de Me Charlesdu Moulin , et suivant celle de Mr d’Argentré , sur l’Article 346. et deTronçon , sur la Coûtume de Paris, Article 1.

En cette Province on la regle au quart denier pour les rotures, et au tiers denier pour les fiefs. Les Religieuses de S. Jean d’Andely avoient acquis de Gabriël Do, Ecuyer, sieur de Villers, un héritage roturier, relevant de Mre Michel de Roncherolles, Maiquis de Maineville. Elles furent condamnées au payement du treizième et de l’indemnité, qui fut reglée au quatrième denier. Sur l’appel par les Religieuses, elles prétendoient ne le payer qu’au cinquième denier ; par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre le 2 de Juillet 1654. la Cour mit sur l’appel les parties hors de. Cour ; plaidans Lyout pour les Religieuses, et moy pour le Marquis de Maineville.

Par ce même Arrest on décida cette autre question. Les sieurs Pouchet avoient promis 8400 livres à ces Religieuses pour l’entrée de leurs filles en ce Monastere. Ils en avoient payé l’interest durant quelques anneés, et depuis pour s’acquitter de cette somme ils baillerent en paye-ment à ces Religieuses vingt : quatre acres de terre. Le sieur de Maineville et le sieur de Villers en demanderent le treizlême et le droit d’indemnité, qui leur furent ajugez. Sur l’appe des sieurs Pouchet, leur Avocat remontra que ces terres qu’ils avoient baillées aux Religieuses étoient au lieu de la legitime de leurs filles, que suivant la Maxime du Palais il n’étoit dû aucuns trofits Seigneuriaux de ce que le pere donné à sa fille en dot. Je répondois qu’il y avoil différence entre la donation d’une terre pour le mariage d’une fille, et la cession faite pour l’entrée d’une fille en Religion. Lors qu’un pere donne une terre à sa fille en la mariant, les droits du Seigneur ne sont point diminuez ; mais par la cession faite à des gens de main-morte, les droits du Seigneur son aneantis ; ce qui ne se peut faire sans l’indemniser. Par le même Arrest on confirma la Sentence.

Autre Arrest en la Grand. Chambre du Is de Decembre 1662. entre Nicolas du Four, Ecuyer, sieur de Longueruë, appelant d’une Sentence renduë par le Bailly de Roüen, par laquelle les eligieuses du Val de Grace n’étoient condamnées à payer le droit d’indemnité qu’au cinquième denier, la Cour en reformant la Sentence regla le droit d’indemnité au quatrième denier.

Ces Arrests ont servi de fondement à l’Article 21. du Reglement de l’an 1666.

Gerault, sur cet Article, aprés avoit rapporté un Arrest du Parlement de Paris, par lequel Il avoit été jugé pour l’Hôtel. Dieu de Boulogne, que le Seigneur seroit contraint de recevoir leindemnité à la raison du tiers pour les fiefs, et du quart pour les rotures, ajoûte ces paroles, que sur ce il est intervenu Arrest entre les Religieux de S. Dominique d’Argentan, et Christophe et Jacques Guyard.

Il semble que cet Auteur a voulu dire que par cet Arrest, l’indemnité a été réglée pour les rotures au quatrième denier. Cependant cet Arrest jugeoit tout le coutraire de ce qui s’observe aujourd’huy ; car à l’égard de l’indemnité elle fut reglée au quatrième denier, si mieux lesdits Religieux de S. Dominique n’aimoient bailler homme vivant, mourant et confisquant. juivant cet Arrest l’indemnité n’étoit dué qu’au quatrième denier, et on laissoit au choix desdits Religieux, ou de payer l’indemnité, ou de bailler homme vivant, mourant et confisquant.

Mais sans doute la derniere jurisprudence est plus conforme à cet Article, et le Reglement ayant été fait aprés une meure déliberation, il ne seroit pas juste de s’en départir.

Il seroit neanmoins raisonnable de faire quelque différence pour les héritages situez en Bourgage.

Comme l’on ne doit à cause d’iceux aucuns reliefs ni treizièmes, et que par consequent le Seigneur ne souffre pas une si grâde diminution de ses droits, l’indemnité doit être beaucoup moindre.

Sur ce même principe ne seroit-il pas encor fort juste d’accorder aux gens de main-morte une pleine liberté pour acquerir des terres en Franc-Aleu, en exemption de tous droits, et sans pouvoir être contraints d’en vuider leurs mains ; car à l’égard des Seigneurs feodaux, comme ils n’y ont aucun droit de feodalité, il ne leur est rien dû ; et de quelque qualité que soient es possesseurs de ces sortes de biens, leur condition est toûjours pareille, la possession d’un Laique ne leur pouvant être plus utile que celle d’une Communauté.

Le Roy même y est sans interest, car les gens de main-morte demeurent toûjours sujets à sa ustice, et il n’auroit pas d’autre avantage quand un Laique demeureroit proprietaire de ce Franc : Aleu.-

On convient que les Seigneurs particuliers n’ont point d’action pour troubler les gens de main-morte en la possession des alodiaux, parce qu’ils n’en souffrent aucun dommage : mais le Prince et l’Etat ont un notable interest d’empescher que les biens en Franc-Aleu ne tombent en la main de gens de main, morte ; car il importe au public que ces biens-là, comme les autres, soient possedez par des personnes capables de rendre service à l’Etaet : Hoc respicit publicum et commune interesse reipublice, quod aeque se habet ad omnia bona immobilia Laicorum, sive int seodalia, sive alaudialia et libera et franca ;Molin . de feud. 8. 57. gl. 2. n. 92. et sed. C’est pourquoy cet Auteur soûtient, comme a fait Pontanus au lieu que j’ay cité sur l’Article precedent, que la distinction des Canonistes pour les biens alodiaux n’est point reçûë en France, et qu’encore qu’ils ayent enseigné que les Coûtumes qui défendent aux Laiques de vendre à l’Eglise des biens alodiaux soient nulles, on ne doit point se mettre en peine de leur opinion, non plus que de la Constitution d’Alexandre IV . c. 1. de immunit. Eccl. et de cette autre Decretale, Clericis, au même titre qui punit les Laiques, lors qu’ils aexigent quelques droits sur les gens d’Eglise, quia regnum Franciae nec Papam, nec alium superibrem recognoscit in temporalibus, per cap. venerabilem qui filii sint legitimi. aux Decretales.

Il faut donc que les gens de main-morte obtiennent des lettres d’amortissement pour ces sortes de biens, comme pour les feodaux et pour les roturiers. Ils ont besoin de cette grace du Prince qui les rehabilite, et pour user des termes deChopin , mortuas manus lege solvit, adscribit in ordinem, ac velut exheredatis dat bonorum possessionem

L’autre condition où la Coûtume engage l’Eglise et les gens de main, morte est de bailler homme vivant, mourant et confisquant. Plusieurs Coûtumes sont conformes à la nôtre.

Il y en a qui les déchargent de bailler l’homme confisquant ; sur cette consideration que l’Eglise et les autres gens de main-morte n’étant que de simples usufruitiers, il ne seroit pas juste que pour le crime commis par un homme baillé par l’Eglise le bien fût confisqué. C’est le sentimentdu Moulin ,. 8. 51. gl. 2. n. 62. et c’est l’usage Paris, où les gens de feud main-morte ne donnent que l’homme vivant et mourant.

Quelques Auteurs, comme Mr le Maistre Maistre Papon etFerrerius , ont tenu que les gens de main-morte ne doivent que l’indemnité, ou l’homme vivant, mourant et confisquant.

D’autres ont fait distinction entre les Seigneurs Justiciers, et les Seigneurs feodaux et censiers.

Les Seigneurs Justiciers peuvent demander non seulement l’indemnité, mais aussi l’homme vivant, mourant et confisquant, parce que la confiscation dépend de la Justice, et c’est l’usage. du Parlement de Tholose. Mr d’Olive , l. 2. c. 12.

Quoy qu’il en soit pour les autres Coûtumes ce n’est plus une chose douteuse en cette Province, que les gens de main-morte doivent l’indemnité, outre l’homme vivant, mourant et con-fisquant, afin qu’aprés la mort ou par le crime de cet homme, le Seigneur puisse recueillir les profits qui appartiennent aux fiefs suivant la Coûtume.

Cette nécessité que l’on impose aux gens d’Eglise et de main morte de bailler un homme confisquant, n’est pas inutile et illusoire. Si cet homme commet quelque crime qui emporte la confiscation, la peine en tombe sur l’Eglise, quia Ecclesia patitur penas conventionales.

Mais l’Eglise n’en souffre point de préjudice, parce qu’elle ne choisit que des gens sans reproche, et en effet on auroit de la peine à trouver un exemple d’une confiscation semblable.

On demande si par la mort civil de l’homme confisquant, il y a ouverture à l’action du

Seigneur ; On fait distinction entre les actes commandez par la Loy et par la Coûtume, et ceux ausquels l’on est obligé par contrat, ou par convention faite avec le s hommes, parce que la loy comme maîtresse du droit civil parle civilement : mais pour les contrats il falloit attendre la mort naturelle, parce que l’homme parle naturellement, et faisant mention de mort en ses contrats, cela ne se pouvoit entendre que de la mort qui luy est familiere et commune Suivant cette distinction la mort civil donneroit ouverture à l’action du Seigneur en cette Province ; car c’est la loy qui parle, et qui oblige les gens de main-morte à bailler l’homme confisquant.

On peut, à mon avis, faire cette distinction, que lors que la mort civil emporte la confiscation des biens, comme au bannissement, ou à la condamnation aux Galeres à perpetuité, il y a ouverture à demander les droits Seigneuriaux : mais quand il s’agit de convention où l’on n’entend parler que de la mort naturelle, en ce cas il n’est pas raisonnable de donner le même effet à la mort civil, qu’à la mort naturelle.

Il y a plus de difficulté lors qu’un homme change la vie seculière en monastique, car les Religieux sont reputez morts au monde.Benedicti , sur le Chap. Rainutius, in verbo, duas abens filias, n. 143. si filius, inquit, sit Monachus, in omnibus et per omnia habetur pro mortuo naturaliter, & secundum consuetudinem hujus regni à succedendo excluditur : & in verbo, mortuo itaque testatos, n. 302. in isto regno quamcunque quis profiteatur Religionem, habetur pro mortuo, et ideb heredes scripti possunt adire hereditatem.

Berengarius Fernandus , en son Commentaire, de filiis natis ex matrimonio ad Moroanicum contracto, C. unic. de feud. assure que quand le fils embrasse une Religion qui ne possede rien en commun ni en particulier, comme sont tous les Moynes, il ne peut succeder cn France.

La profession de Religieux opère si véritablement les mêmes effets que la mort naturelle, que par Arrest de ce Parlement il a été jugé que le doüaire est éteint par la profession de Religion que fait la doüairière. Il est vray que le Parlement de Paris a jugé le contraire ; mais comme sur ce point nos Maximes sont opposées, et que nous étendons plus loin que l’on ne fait à Paris. les effets de la mort civil, on peut conclure que dans la question proposée il y a ouverture aux profits feodaux par la profession de l’homme vivant et mourant.

On peut dire au contraire que quand les Religieux sont reputez morts au monde, cela se doit entendre pour n’être plus habiles à succeder, contracter, et faire tous les autres actes de la vie civil, et non point pour paroître tanquam capite minuti comme n’étant plus capables des effets civils ; au contraire in gloria vivere perpetuo sunt existimandi. L’homme vivant et mourant n’est point un véritable vassal, mais par fiction seulement : De sorte que venant à faire profession de Religion personne ne luy doit succeder au fief, parce que la proprieté et la Seigneurie d’iceluy demeure toûjours aux gens de main-morte, et par consequent il faut attendre sa mort naturelle.

C’est une maxime confirmée par plusieurs Arrests du Parlement de Paris, que comme le droit d’amortissement est personnel, et qu’il ne profite qu’à ceux qui l’ont obtenu du Roy, aussi seindemnité qui se paye aux. Seigneurs est une grace et un privilege qui ne sert qu’à ceux qui l’ont payé, et qui ne dure qu’autant qu’ils sont en possession du fonds : mais il ne passe point à ceux qui leur succedent en la proprieté d’iceux, par achapt, échange, ou autre titre. Ainsi quoy que des héritages amortis passent d’une main-morte à une autre main-morte, ces nouveaux possesseurs tombent dans la même obligation, ou d’en vuider leurs mains, ou de payer l’indemnité et de bailler homme vivant, mourant et confisquant. Mr le Prestre Prestre, Cent. l. c. 87. en rapporte un Arrest prononcé en Robes rouges. Les Chanoines d’Arras avoient payé les droits d’amortissement et d’indemnité pour un fief qu’ils avoient acquis ; deux cens ans aprés ayant vendu le même fief à des gens de main-morte, Mr de Chaune demanda d’être indemnisé, et par ledit Arrest les Chanoines furent condamnez à payer l’indemnité. On peut voir là-dessus plusieurs Arrests qui sont rapportez par de laLande , sur les Art. 40. et 41. de la Coûtume d’Orléans.

Depuis on a agité cette autre question, si cela devoit être aussi pratiqué, lors que les heritages amortis sont acquis ou transferez à des gens du même ordre, que ceux qui les ont vendus Cette difficulté a été décidée au Parlement de Paris entre les Prieur et Religieux de S. Martin des Champs, et les Religieuses Carmelites de la rue Chapon. En l’année 1626. ces Religieuses avoient acquis conjointement avec les Religieuses du même Ordre du Fauxbourg S. Jacques une maison qui étoit en la Censive des Prieur et Religieux de S. Martin des Champs, à qui dés ce temps-là ils en avoient payé non seulement les lors et ventes, mais aussi le droit d’indemnité En l’année 1643. les Religieuses Carmelites de la rue Chapon, proche lesquelles cette maison étoit ituée, ayant acquis par échange desdites Religieuses du Fauxbourg S. Jacques la moitié qui leur appartenoit, moyennant quelques rentes qu’elles leur bailloient en contr’échange, les Prieur et Religieux de S. Martin les avoient poursuivies en l’an 1648. pour leur payer le droit d’indemnité, si mieux elles n’aimoient en vuider leurs mains.

Contre cette demande les Religieuses Carmelites disoient pour défenses que les demandeurs étoient hors d’interest, parce que lors de la premiere acquisition par elles faite, ce droit d’indemnité leur avoit êté entièrement payé, que la maison étant toûjours demeurée entre leurs mains, on ne pouvoit pas dire qu’il y eût changement par cette nouvelle acquisition, la maison demeurant de la même qualité et condition qu’elle êtoit auparavant, icelle passant de mainmorte en main-morte : ce qui faisoit qu’il n’y avoit mutation ni de qualité, ni de condition. d’héritages, ni de qualité ni de condition de personnes, dautant que l’échange êtoit faite entre des Religieuses d’un même Ordre, qui avoient un même Superieur, et qui s’assistoient mutuellement dans les occurrences et dans la necessité.

Les demandeurs au contraire soûtenoient que tous amortissemens êtoient personnels, et qu’ils ne pouvoient profiter qu’à ceux qui les avoient impetrez pendant le temps qu’ils posdedoient lhéritage amorti, tellement qu’encore que lhéritage amorti passast de main-morte en main-morte, le premier amortissement n’étoit plus considérable ni pareillement le droit d’indemnité, quand l’héritage tomboit en main-morte, que c’étoit l’opinion deBacquet , du droit d’amortissement, c. 46. n. 4. et 12. Opinion confirmée par plusieurs Arrests par luy rapportez, que la distinction que l’on avoit voulu mettre entre gens de main-morte d’un même Ordre n’étoit point considérable, parce qu’encore que lesdites Religieuses fussent d’un même Ordre, c’étoit neanmoins deux Communautez distinctes qui avoient un revenu pauiculier et separé. Par Arrest donné en l’Audience de la Grand Chambre du 20 d’Avril 1651-contre les Conclusions de Mr l’Avocat GeneralBignon , la Cour, sur la demande desdits Prieur et Religieux, mit les parties hors de Cour.

Si l’héritage amorti rentre dans le commerce, et qu’il passe d’une main-morte en une personne Laique, sera t’il encore tenu en aumône, et l’acquereur Laique sera-t’il exempt des lots et ventes ; La terre de l’Hermitage tenuë en aumone du Roy, et amortie, avoit été venduë à Charles de Nollent, Ecuyer, sieur de S. Michel ; le treizième en fut demandé par Jac-gues Marguerit, Receveur du Domaine de Falaise, prétendant que cet héritage amorti étant possedé par une personne seculiere, il étoit sujet au droit de lots et ventes. Le Juge de Falaise ayant ajugé le treizième au Roy ; François de Droulin, Ecuyer, sieur d’Avoines, tuteur des enfans de feu Alexandre de Droulin, sieur de Chantelou, s’en porta appelant à la CourIl disoit que par l’amortissement son fonds avoit été affranchi, et déchargé de toutes rede-vances feodales, et l’indemnité qui avoit été payée au Seigneur feodal l’avoit mis hors d’interest : l’Eglise en vendant ou alienant l’héritage qu’elle possede, elle en tire un plus grand profit à cause qu’il est tenu en franche aumons, et qu’il est exempt de tous les droits feodauxLes héritages tenus en aumône, ne sont pas feuls en cette Province qui ne doivent point de droits Seigneuriaux. La Coûtume dans l’Article 102. reconnoit une tenûre en Franc-Aleu re qui n’a point d’autre Seigneur que le Roy pour sa Jurisdiction, et l’héritage tenu en Bourgage est exempt de relief, treizième, s’il n’y a titre ou possession contraire. L’héritage qui cu doit relief, doit necessairement être mouvant de quelque fief ; or l’héritage tenu en aumone comme un fonds amorti, ne réleve d’aucun fief.

On alléguoit au contraire qu’en faveur des Ecclesiastiques on faisoit valoir ces raisons, quand les héritages étoient possedez par leurs mains, mais lors qu’ils les alienoient ils retournoient aisément à leur première nature, unaquaeque res facile revertitur ad pristinam naturam & mutatione personae mutatur rei qualitas. L’amortissement ne subsiste qu’en la personne des Ecclesia-stiques ausquels il a été accordé, et quoy que par ce moyen les droits feodaux ayent été éteints, cette extinction neanmoins êtoit conditionnelle, en cas que l’Eglise possedàt toûjours le fonds amorti, autrement s’il sortoit de leurs mains il retournoit à sa première nature, 1. qui res suas, I. qui rem alic. ff. de solut. Terrien Terrien a été de ce sentiment sur le Chap. de ten. de l’ancienne Coûtume, où il dit, que l’héritage demeure amorti tant qu’il sera tenu en main-morte, et non pas incommutablement, car s’il vient en main d’homme mourant et confisquant, il cessera d’être amorti et re-tournera à sa premiere condition. C’est aussi l’opinion deBacquet , Chap. 46. du droit d’amort. que l’amortissement est personnel, ce qu’il confirme par l’autorité d’un Arrest du Parlement de Paris. Par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre du 13 de May 1631. la Sen. tence fut confirmée, plaidant Gior, Coquerel, Aleaume, et Caruë.

Lors des premieres alienations qui furent faites sous Charles IX. on douta si les biens Eeclesiastiques étant acquis par personnes Laiques demeureroient en tenûre d’aumone, ou s’ils reprendroient leur première nature. Jay appris qu’il fut jugé conformément à l’Arrest precesent pour Gilles de Lieurray, fieur de Marcilli, qu’ils retournoient à leur premiere qualité, et qu’ils seroient tenus par foy et hommage.

Quand les gens de main-morte ont payé le droit d’indemnité au Seigneur immédiat, le Seigneur superieur ne peut les troubler, bien que puis aprés à faute d’homme il prenne possession du fief, dont les fonds amortis étoient relevants, parce que celuy qui le possedoit a pû a user de ses droits et disposer des choses qui étoient en sa mouvance et en sa Seigneurie directe.

Le Seigneur neanmoins ne peut pas contraindre l’Eglise ou autre corps de main-morte à mettre hors de ses mains les héritages qu’ils possedent, s’il les a reçûs à faire la foy et hommage, ou s’il a été payé treizième : C’est la doctrine dedu Moulin , 5. 61. n. 71. et de tacquet c. 35. n. 5. des Francs-fiefs. Si toutesfois il n’avoit reçû que les arrerages de sa rente Seigneuriale, on ne pourroit pas fonder là-dessus une fin de non recevoir contre sa demande B pour son indemnité, suivant le sentiment même du Moulin au même liéu. Dominus qui recepit censum prestari solitum non sibi, prajudicat in jure expellendi Ecclesiam, quia census est onus ordinarium debitum, & omnino solvendum à quovis possessore.

Sainson La Coûtume de Tours, Art. 41. est contraire à ce que je viens de dire, ce que Sainson ne peut approuver, comme êtant contre la disposition du droit civil, ibidem. Voyez Bacquet des nouveaux Ac4. c. 35. n. 5. La Coûtume de Blois, en l’Art. 45. en a fait une disposition expresse, sur lequel Pontanus assure que le Seigneur a dû dés le commencement expliquer son intention, et faire son option ; autrement en se faisant payer de l’un ou de lautre de ces droits differens, on presume qu’il renoncé à fautre. Il convient neanmoins que cela ne doit point être étendu au payement cens ou terrage, ou de quelqu’autre redevance feodale. Ce qu’il prouve par le raisonnement que j’ay rapporté dedu Moulin , qu’apparemment il avoit emprunté dePontanus .

Le Seigneur pour être payé du droit d’indemnité, ne doit pas commencer par la saisie, car il ne luy est pas acquis de plein droit, et aussi-tost aprés le Contrat. Les gens de mainmete ont loption de le payer ou de mettre le fonds hors de leurs mains dans un temps, le-quel même ne commence à courir que du jour que le Seigneur a formé sa demande. C’est pourquoy il doit commencer par une action, par laquelle il conclura qu’ils seront tenus de vuider leurs mains, ou de payer les droits ausquels ils sont sujets par la Coutume. Les Religieuses Cordelieres avoient acquis un héritage dans la mouvance du Baron de Bulli, aprés trois Sans de joüissance elles furent poursuivies par le Seigneur pour le payement des profits de fief.

Elles y furent condamnées, et il fut permis au Seigneur de joüir de la moitié des héritages jusqu’à l’actuel payement dudit droit. Sur l’appel Maurry, Avocat de ces Religieuses, disoit que l’on avoit dù leur deférer cette alternative, ou de payer, ou de remettre l’héritage dans un temps. et qu’elles n’avoient point perdu ce droit d’option par les trois ans qui s’étoient écoulez dequis le Contrat. Le Févre répondoit que les choses n’étoient plus entieres, qu’elles avoient consommé la faculté qu’elles pouvoient avoir, ayant payé le treiziéme, et possedé pendant trois années, et par cette joüissance elles avoient expliqué nettement leur dessein de vouloir garder l’héritage. Par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre de l’11. d’Aoust 1656. on cassa la Sentence, et aprés la déclaration des Religieuses on leur donna un temps de trois mois pour revendre l’héritage, et à faute de le faire dans cé delay, il fut permis au Seigneur de le saifir.

Si les Ecclesiastiques ne veulent point payer le droit d’indemnité, et qu’ils revendent lhéritage qu’ils avoient acquis, il en resulte cette difficulté, si pour la validité de cette alienation ils sont tenus de garder toutes les formes et les solemnitez prescrites par les Canons et par les Ordonnances : La negative me paroit sans difficulté, car lhéritage n’ayant point été amorti, et de Seigneur feodal n’ayant point encore agreé le contrat, on ne peut reputer ce fonds-là un bien urement Ecclesiastique, à l’effet d’être inalienable que par les mêmes voyes que lancien domaine de l’Eglise peut être aliené. C’est un bien qui n’est point encore sortl du commerce, et qui retient sa premiere condition jusques aprés l’amortissement : Le Roy et les Seigneurs dans la censive desquels l’héritage est assis peuvent obliger les possesseurs d’iceluy d’en vuider leurs mains toutesfois et quantes, n’étant pas permis aux gens de main-morte de posseder aucuns fonds sans prendre des lettres d’amortissement du Roy, de sorte que tandis qu’ils n’ont point brenu ce privilege, ils ne sont point reputez en avoir eu la parfaite proprieté. Il fut jugé conformément à ces raisons en l’Audience de la Grand. Chambre du Parlement de Paris le 19 d’Avril 1649. oi les gens de main-morte ont été forcez de vuider leurs mains des héritages qu’ils avoient acquis, il est important de sçavoir si le Seigneur peut demander les lots et ventes de ce contrat : cette difficulté peut être décidée par cette distinction, que si les gens de main, morte les ont revendus volontairement à des personnes qui soient capables de les posseder, les profits en sont dus, parce que leur contrat a eu son entière execution par la paisible joüissance qu’ils ont eué, de Seigneur feodal ne les ayant point poursuivis pour en vuider leurs mains : De sorte qu’en ayant par aprés disposé volontairement, cette vente volontaire donne au Seigneur les profits de fief. Cela reçoit encore moins de diffitulté, lors qu’ils ont tiré du profit de cette revente. si au contraire le Seigneur les a forcez de se dessaisir, en refusant de les accepter pour ses rassaux, et qu’il les y ait fait condamner par Justice, en ce cas l’acquisition étant resolué sur sa poursuite même, il n’a pas droit d’en demander les lots et ventes en vertu d’un contrat dont il a luy-même empesché l’execution. Et puisque le Seigneur ne peut exiger les profits de fief, que lors qu’il est prest, et qu’il consent d’investir l’acquereur, et de le recevoir pour son vassal, e il ne luy reste aucune action contre celuy qu’il ne veut point accepter.Molin . de feud. 8. 33. gl. 1. n. 14. et 135. De laLande , sur les Articles 40. et 41. de la Coûtume d’Orléans. Mais je ne doute point que les lots et ventes ne soient dûs de cette revente Par ces mêmes raisons on peut décider une question qui n’est à present que trop ordinaire, si le huitième denier peut être exigé de ces sortes de biens, dont les Ecclesiastiques se sont dessaisis auparavant que d’en avoir obtenu l’amortissement et d’en avoir payé le droit d’indemnité, ou dont ils ont été forcez de vuider leurs mains ; car ces biens non amortis ne pouvant passer pour un véritable domaine de l’Eglise, puisqu’on a contraint les possesseurs de s’en dessaisir avant qu’ils en fussent proprietaires, on ne doit pas tant considerer la personne qui a rendu, que la chose qui a été venduë, parce que ce n’est qu’à cause de la chose que le huitième denier est demandé.

Par l’Edit fait en faveur des Ecclesiastiques, on leur permet de retirer leurs domaines alienez : On demande si les terres par eux acquises, et non amorties, et depuis venduës par eux, pouvoient être retirées en vertu de cet Edit : Il y a grande différence entre l’ancien domaine de l’Eglise, qui est amorti, et qui par consequent est devenu inalienable, et les terres acquises par les Ecclesiastiques, elles n’acquierent aucun privilege ni prerogative pour passer en leurs mains, au contraire ils ne peuvent les retenir ni les conserver que par la permission du Roy, et en payant l’indemnité aux Seigneurs, et baillant homme vivant, mourant et confisquant ; autrement ils sont forcez de les mettre hors de leurs mains, à quoy le Roy et le Public ont interest, parce que les terres possedées par les particuliers portent leurs charges, mais quand elles entrent en la main des Ecclesiastiques elles en sont exemptes. Or étant une fois retombées en la possession des Laiques le retrait que les Ecclesiastiques en feroient leur seroit inutile, puis qu’aussi-tost on les forceroit à s’en défaire, et comme les choses naturelles retournées à leur centre n’en peuvent ressortir sans force ; ainsi la possession reprise par les Laiques des terres sorties de leurs mains, ne leur peut être derechef ôtée par les Ecclesiastiques, qu’en faisant préjudice à l’Etat : Que si en cette Province les Ecclesiastiques ne peuvent user de retrait feodal, quoy qu’il soit réel par cette raison qu’ils pourroient retirer tout ce qui releve de leurs fiefs, par la même raison ils ne peuvent forcer les Laiques à leur remettre les terres qu’ils avoient achetées d’eux auparavant, Ce privilege est restraint à leur ancien domaine amorti, et encore que l’Eglise ait possedé par quarante ans en exemption de bailler homme vivant, mourant et confisquant, et qu’elle ne doive plus qu’une simple déclaration, cette prescription peut bien valoir à l’effet d’empescher le Seigneur de demander ses droits, mais apparoissant de l’acquisition, cela ne change point de qualité ni de condition. Cette question fut agitée entre le Doyen et Chanoines de Roüen, et Claude Bertout, pour le retrait d’un héritage aliené par le Chapitre, qui l’avoit acquis par decret long-temps auparavant ; le possesseur avoit consenti de le remettre en le remboursant, sur quoy on avoit donné un Arrest, mais aprés avoir long-temps procedé sur la liquidation des augmentations, les heritiers du possesseur se pourvûrent par lettres de Requête civil, et par Arrest les parties furent remises en tel état qu’elles étoient auparavant, et le Chapitre fut debouté de son action.

Quoy que régulierement les droits d’amortissement et d’indemnité doivent être acquittez par les gens de main-morte, on a fait neanmoins une grande question pour les donations faites à PEglise, à charge de services. Les uns tenans que l’heritier du donateur en demeuroit chargé, les autres estimans que quand le donateur n’avoit point imposé cette charge à son heritier, il n’étoit pas juste de la luy faire porter.

Le Parlement de Paris a fait différence entre les donations entre vifs, et les donations testamentaires ; pour les donations entre vifs les heritiers du donateur ont été déchargez de payer les droits d’amortissement et d’indemnité, parce que quand il s’agit de contrats il n’y a rien à suppléer ; on n’admet point de conjectures, ni de consequences. Guidquid adstringendae obligationis causa dictum est, id nisi palam verbis exprimatur omissum intelligendum est. l. quidquid. D. de verbor. oblig. Les contractans ont exprimé avec loisir et premeditation leurs volontez, et ainsi l’on ne doit rien ajoûter ni recevoir au de-là de ce qui est écrit.

Il n’en est pas de même des legs testamentaires, on présume qu’un testateur ayant légué à des gens de main, morte, il avoit l’intention de leur donner tout ce qui étoit necessaire pour le posseder et sans aucune diminution d’iceluy, voluit omnia prestari, sine quibus res possideri nequit. v. l. his solis verbis 1oz de leg. 3. 5. idem testata Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand, Chambre le 9 de Decembre 1655. entre la Dame Marquise de Bourry et les Religieuses de S. Jacques d’Andely, et les filles heritieres d’un nommé le Flamand et de l’Esperon, leur mere. Le Flamand avoit donné aux Religieuses de S. Jacques sept acres de terre pour l’entrée d’une seur dans leur Monastere. La Dame de Bourry demanda l’indemnité aux Religieuses qui appellerent en garantie les heritiers du Flamandi. par Arrest elles en furent déchargées, quoy que la donation ne fût pas gratuite, mais pour nourtir une autre Religieuse. Autre Arrest en la Chambre de l’Edit du 7 de Juin 1660. le Curé de S. Denis donna par testament à son Eglise quelque héritage à charge de dire des Services : il mourut avant le temps necessaire pour rendre la donation valable ; mais l’heritier confirma volontairement la donation ; sur la demande de l’indemnité par le Seigneur, le Curé fit venir lheritier nommé le Vilain pour l’acquitter de ce droit, il y fut condamné par Sentence du Juge de Montivillier ; sur l’appel Greard son Avocat soûtenoit qu’il n’étoit point obligé d’acquirter ce droit, que les Arrests des autres Parlements que l’intimé citoit à son avantage ne pouvoient faire de décision en cette Province dont la Coûtume avoit extrémement restreint la liberté de tester, que du Du Moulin avoit été de ce sentiment en ses Notes sur la quest. 9. de Roan. Joan. Galli ; qu’aprés tout quand on voudroit imiter la jurisprudence du Parlement de Paris, on pourroit reputer cette donation entre vifs, puisque celle du testament êtoit nulle, et qu’elle ne subsistoit qu’en vertu de la ratification, de sorte qu’à proprement parler il étoit le véritable donateur ; et afin que la volonté du défunt fût executée, il offroit de faire dire les Services en luy quittant le fonds, ou de payer annuellement cent livres. Il alléguoit aussi en sa faveur l’Arrest du Flamand. Cahaignes pour l’intimé concluoit par les raisons et les autoritez apportées par MrLoüet , l. a. n. 12. Mi l’Avocat General, le Guerchois, luy donna ajonction, néanmoins on cassa la Sentence et l’heritier fut déchargé, la déclaration de l’heritier et la ratification qu’il avoit faite du testament rendoient sa cause tres-favorable.

Bacquet du droit d’amort. c. 619. a traité cette question, et rapporté les raisons et les Arrests pour et contre, et dit que la question n’a point encore êté décidée ; mais dans le Jour-nal des Audiences il y a un Arrest par lequel on a jugé que pour les donations entre vifs le troit d’indemnité étoit à la charge du donataire, secus pour les legs testamentaires, l. 3. c. 67.

Aprés avoir parlé de la qualité des personnes qui peuvent être poursuivies pour les droits d’amortissement et d’indemnité, il faut aussi connoître les choses pour lesquelles ils peuvent tre demandez. Ce sont les fiefs et les rotures ; l’indemnité néanmoins n’est pas également duë des uns et des autres : Elle se paye pour le fief au tiers denier, et au quart pour la roture.

Pour les rentes constituées, nonobstant qu’elles soient reputées immeubles, elles en sont exemptes, parce qu’elles n’ont point d’assiete et ne sont immeubles que par fiction ; et les possesseurs d’icelles, quand même elles seroient particulièrement assignées sur quelque fonds, n’en doivent et n’en font aucuns droits ni devoirs aux Seigneurs ; ce qui a lieu pareillement pour le droit d’amortissement.

Cependant puisque tous les gens de main-morte sont indispensablement assujettis à ces droits d’amortissement, et d’indemnité, il faut maintenant sçavoir quel avantage il leur en revient, et de quelle nature et qualité sont ces droits, dont ils demeurent affranchis à l’avenir. Nos Coûtumes ne se sont point expliquées sur ce sujet, et elles ne nous ont point appris queiles sortes de charges s’acquitent par le payement de l’indemnité, ni pour quels autres droits i est necessaire de bailler l’homme vivant, mourant et confisquant Pour l’éclaircissement de cette matière, il faut remarquer que les droits Seigneuriaux sont de diférente condition. Il y en a qui ne se payent qu’à cause de certaines mutations qui arrivent, tantost les Seigneurs, et tantost des vassaux ; comme sont les reliefs, les treizièmes, les confiscations, a Commise, le droit de desherance, d’aubeine, de bâtardise, les aides-chevels, de mariage, de rancon, et autres, et ces droits sont appelez casuels, parce qu’ils n’ont aucun temps préfix et certain dans lequel ils doivent être acquitez ; mais ils se payent seulement en certains. cas et en certaines rencontres. Tous les droits de cette nature s’éteignent par l’indemnité que e Seigneur reçoit, à la réserve de la Commise et de la confiscation.

Il y a d’autres droits qui se payent, bien qu’il n’arrive aucune mutation soit de la part du Seigneur, soit de la part des vassaux, et leur terme est préfix, certain et ordinaire, comme E sont toutes les redevances et rentes Seigneuriales et foncieres, les corvées, les services de E Prevôté, la bannalité de four et de moulin, et autres charges réelles. Les droits qui sont réels Ene cessent point et ne sont point éteints par le payement de l’indemnité sans une convention u expresse.

Cela fut jugé de la sorte en l’Audience de la Grand. Chambre le 14 d’Aoust 1659. entre r le Duc d’Elbeuf et les Religieuses de Briosne. Les Religieuses avoient acquis dans la mouvance de Mr le Duc d’Elbeuf quelques héritages sujets au service de Prevôté, les autres vassaux voulans les assujettir à faire ce service, elles appelerent en garantie Mr le Duc d’Elbeuf pour eur faire cesser cette demande, il soûtint que n’ayant point stipulé expressément l’exemption de ce service, elles n’en étoient point liberées par le payement de l’indemnité, le Juge de Quatre. mares ayant debouté les Religieuses de leur garantie, sur leur appel intervint Arrest confirmaif de la Sentence, plaidaus pour elles Heroüer, Maunourry pour les vassaux, et Castel pour Mr le Duc d’Elbeuf.