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CXLIII.

Droit de confiscation à qui appartient et en quel cas écheoit.

Tout homme condamné à mort par Justice, banny du Royaume, ou condamné aux galeres à perpetuité, confisque le fief et son héritage au profit de son Seigneur, aux charges de droit, qui sont payer les rentes seigneuriales, foncieres, et hypotheques : mêmes les dettes mobiliaires, discussion faite prealable-ment des meubles.

La matière des crimes, des malefices, des peines, des accusez et de la qualité des accusateurs a été traitée si pleinement par un grand nombre de célèbres Auteurs, que je ne pourrois rien dire sur ce sujet, qui ne passât pour une repetition inutile. Sans m’engager donc dans le lieu commun, et avant que d’entreprendre l’explication de cet Article, je remarqueray seulement quelques questions singulieres dont la connoissance est necessaire, et qui ont été décidées par Arrest.

Le mary seul peut accuser sa femme d’adultere. Cette regle souffre cette exception par la disposition du droit, quand le mary se rend complice de fa débauche, si maritus lenocinii accusatur, il ne combe pas moins dans ce crime, lors qu’aprés l’avoir accusée il la reprend avant qu’il y ait eu de ondamnation.

Un mary avoit accusé un particulier d’avoir commis adultere avec sa femme : l’accusé aprés avoir été decreté, et prété l’interrogatoire, s’accorda avec le mary, qui passa cette reconnoissance qu’il n’avoit point de preuve, et en suite il reprit sa femme. Mr le Procureur General voulut l’obliger à continuer l’accusation qu’il avoit commencée ; cependant comme le mary peut reprendre sa femme en tout temps, et que l’adultere est un crime de deux, Mr le Procureur General fut déclaré non recevable en sa poursuite. Par Arrest de la Chambre des Vacations du mois d’Octobre 1629. au Rapport de Mr de Brinon, on avoit jugé quelque temps auparavant qu’un mary ayant fait condamner sa femme pour adultere, et la voulant reprendre avant l’execution, il ne luy étoit pas permis, parce que le Prince seul peut remettre les peines et’empescher l’execution. Par Arrest en la Tournelle du 21 Février1676. au Rapport de Mt Favri entre Pierre Savé, sieur de la Martinière, appelant, et Demoisell : Barbe Malet, sa femme, intimée, il a été jugé que le mary qui fait publier des Censures Ecclesiastiques pour crime d’adultere contre sa femme, doit seulement énoncer les faits necessaires à sa preuve, et que l’on ne doit pas y employer les termes d’adultère ; le mary et la femme étoient respectivement plaintifs ; la semme demandoit la separation de corps et de biens ; le mary l’accusoit d’adultère ; le Juge luy avoit permis de faire publier des Censures ; sur l’appel de la femme elle soûtenoit, suivant l’opinion deCharondas , que l’on ne pouvoit se servir de Censures Ecclesiastiques sur une plainte d’adultere, qu’elle ne s’accorde que pour avoir revelation des choses inconnuës ; le mary ne doit être reçû à cette preuve que par des témoins de certain et par des preuves assurées : le mary seul peut accuser sa femme d’adultere, et le Monitoire ne doit designer personne, cependant aussi-tost qu’il seroit obrenu par un particulier, qui ne pouvoit accufer de ce crime que sa femme, elle seroit toûjours diffamée. Le mary répondoit que les Censures ne s’accordent pas seulement pour les choses douteuses et inconnuës, mais encore pour obliger les personnes à déposer les choses dont ils avoient connoissance, et dont ils pouvoient être empeschez par des considerations de famille. et par d’autres motifs. Cette question ayant été jugée de consequence, la Cour voulut voir le Registre, que l’on appelle le Livre Rouge, dans lequel on trouva des Arrests, par lesquels il a été ordonné que dans les Censures que le mary fait publier, on n’y employe point le terme d’adultere, et notamment par celuy d’entre Marie des-Champs, femme de Jacques Baudry, sieur du Buisson, du 2 de May 1653. qui fut aussi jugé de la sorte, et ordonné que le terme d’adultere seroit rayé des Censures, et qu’elles seroient publiées seulement pour les faits particuliers necessaires pour la preuve. On trouve dans le même Livre Rouge un Arrest du 25 de uin 1652. entre Mre Thomas de Gourmont, Curé de Moul, et Jacques des Vaux, par lequel il fut permis de publier des Censures pour le crime d’adultere.

On a demandé laquelle de ces deux actions doit être terminée la premiere, où celle qui négarde la validité du mariage, ou celle de l’adultere : Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre du Parlement de Paris, entre Magdeleine Roger, ayant contracté mariage. avec. Me Estienne Cauté, Docteur en la Faculté de Medecine, appelant, et ledit Cauté intimé.

Cette femme ayant fait citer son mary devant l’Official d’Orléans en dissolution de mariage pour ause d’impuissance, il appela comme d’abus de cettecitation ; et par Arrest rendu en l’Audience de la Grand-Chambre du a8 de Mars 1639. il fut déclaré non recevable en son appel, et neanmoins renvoyé devant l’Official de Paris. Comme l’on procedoit devant cet Official, Cauté fut trrété prisonnier pour des taxes, et l’on prétendoit que c’étoit à la suscitation de sa femme du rant sa prison il apprit que sa femme avoit contracté une habitude scandaleuse avec un particulier, il en rendit sa plainte au Lieutenant Criminel d’Orléans, lequel informa et decreta sontre. ce particulier. Il y eut appel de la procedure extraordinaire par cette femme, prétendant u’y ayant instance en l’Officialité de Paris, sur la nullité de leur mariage, du jugement de laquelle il dépendoit de sçavoir si ledit Cauté se pouvoit dire et qualifier son mary, il ne pouvoit pas durant ce temps exercer les actions qui n’appartiennent qu’à un véritable mary, et par consequent intenter une accusation d’adultère que l’on sçait ne pouvoir être intentée que par le mary ; en un mot que l’action du mary êtoit préjudicante à celle d’adultere. Les questions d’Etat ôtant toûjours de tres-grande importance, elles doivent être traitées les premières ; étaht une fois jugées elles portent consequence et servent de préjugé à une infinité d’autres qui les suivent, Ce que l’on apprend de la l. l. 3. et 4. du titre de Ordine cognitionum C. si ejus à quo nune odulterii rea postularis contra juris formam, contubernio hesistis innumeris autoritatibus eo tueri potes. n. 24. Ad leg. jul. de adult. C.Balde , sur cette loy dit que, exceptio nullitatis matrimonii excludit actum ab accusatione adulterii. Ot étant question de sçavoir laquelle des deux actions est préjudicante, et qui par consequent doit être traitée la premiere, il est certain que lon doit com-mencer par celle de la validité du mariage.

a quoy Cauté répondoit, qu’étant en possession de la qualité de mary, jusqu’à ce qu’il fut jugé au contraire par le Juge d’Eglise, il en pouvoit exercer toutes les actions, et nommément celles qui vont à conserver lhonneur du mariage : que s’il étoit permis à une femme de vivre licentieusement, sous pretexte qu’il y a procez entrelle et son mary, sur la nullité de leur mariage, il n’y a point de femme qui ne se servit de ce pretexte et qui ne fit appeler son mary n dissplution de mariage pour cause d’impuissance, et qui ne tirât le procez en longueur pour pouvoir cependant continuër sa vie licentieuse, en quoy le public même êtoit interessé. Sur quoy Mr l’Avocat General Bignon ayant porté la parole, il intervint Arrest conforme à ses conclusions, par lequel la procedure criminelle fut confirmée et les parties renvoyées devant le Lieutenant Criminel d’Orléans, pour être le procez fait et parfait à ladite Roger, non pas à la requête du mary, mais du Substitut de Mr le Procureur General,

On a demandé si pour la confrontation des émoins qui sont d’un autre Royaume, on est renu de les faire venir en France : Un Françoisétant en Angleterre débaucha la fille d’un autre François, et aprés l’avoir renduë grosse, il se retira en Normandie ; ayant été arrété au Havre on bailla plainte en rapt, et aprés l’information faite on ordonna la confrontation. Sur l’appel d’une Sentence qui contenoit que le prisonnier seroit mis hors des prisons, on presenta Requête à la Cour pour faire dire que l’accusé seroit cenduit en Angleterre pour subir les confrontations. vù l’impossibilité de faire passer les témoins e France ; et pour cet effet on offroit de ibailler caution de faire conduire et reconduire l’accusé, ou en tout cas que les témoins fussent repetez devant les Juges d’Angleterre ; et aprés les noms et surnoms fournis à l’accusé pour donner ses reproches. Les Anglois prétendans par l’auorité du Chap. delicti de foro compet. n’être point obligez de passer la mer pour leurs actions ; au contraire on disoit que l’action pour le rapt interpretatif, introduite par l’Ordonnance de Blos, Article 40. conforme au Concile de Trente n’étoit point recdë en Angleterre, que des ce Royaume le demandeur n’auroit eu qu’une action civil, suivant le droit des Decretales, qui sont pour la pluspart des rescrits adressez aux Evéques d’Angleterre, et puisqu’il avoit pris à procedure criminelle, il devoit suivre la loy de trance et representer ses témoins à l’accusé pour los reconnoître, qui est le premier interrogatoire qu’on fait : L’osfre de communiquerles noms et surnoms n’étant pas pertinente, cela pourroit être pratiqué dans les causes pecunuires, imais dans les criminelles, à cause de la consequence, les témoins doivent être represente à l’accusé, in quaestionibus pecuniariis, at in crimi-nalibus, in quibus est magnum periculum, omnibis modis testes representari debent, et que sint eis cognitâ edocere, auth. de Testibus. Collat. 90. S. et qoniam. Par la loy des Hebreux les témoins êtoient presentez à l’accusé, et ils mettoient les mans sur sa teste, comme les Histoires de Susanne et de S. Estienne nous l’apprennent. Par Arrest duro de Janvier 1624. en la Chambre de l’Edit, on cassa la Sentence, et il fut dit que le plaignait feroit ses diligences de faire confronter les témoins dans deux mois. Les parties étoient Ducy e Godin : et depuis par un autre Arrest, au Rapport de Mr le Brun, du 12 de Juillet en la mêne année, la Cout jugea qu’il y avoit promesse de nariage, l’enfant declaré legitime, Godincondamné à célèbrer le mariage, à laquelle fin il seroit conduit au lieu de l’excicice de ceuxde la Religion Prerenduë Reformée, et en cas de refus qu’il demeureroit prisonnier : et par autre Arrest du 14 d’Aoust 1624. le pere de Godin. fut condamné de payer roo livres de rente pour la nourriture de l’enfant, l’Arrest fondé ce que l’enfant avoit été déclaré legitime, quo casu poterat esse hares, l. 1. ff. de carb. edi. Quoy ue le pere déclarât qu’il entendoit desheriter son fils pour s’être marié sans son consentement, mais on soûtenoit que l’exheredation ne pouvoit avoir lieu que pour les mariages volontaires.

C’est une regle en matiere criminelle, non bis in idem, iisdem criminibus quibus quis liberatus est, non debet prases pati eundem accusari, 1. 7. de Acc. Mr Cujas sur cette loy a écrit qu’il y a trois exceptions à cette regle. Si de prioris accusatori persidiâ, prevaricatione, collusione constiterit, l. 7. de Prevaric. est alius casus quo reus absolutus ab alio revocatur, et de eodem accusari potesi, si à reo constiterit judicem corruptum pecuniâ : est tertius quo reus bonâ fide absolutus incorrupto judice, incorrupto accusatore, ab alio repeti potest, si suorum injuriam suûmque dolorem persequatur comme dans l’instruction de nos procez criminels l’accusé a deux parties, le plaignant, et le Procureur du Roy, et qu’on y garde beaucoup de formalitez, aprés un jugement d’absolution ou de condamnation, on ne souffre point que l’accusation soit reitérée. On le jugea de la sorte n la Chambre de l’Edit. Jacques Aubourg, Denis d’Espagne, et Julien Roger, Marchands. greanciers de Jeremi-Moisson, étoient demandeurs pour faire dire que l’Arrest donné au profit de Susanne Hapedé, Jucques Torquet, David Marc, et Jean du Val, par lequel ledit du Val voir été condamné envers lesdits Hapedé, Torquet, et Marc, au payement des sommes à eux dûës par Jeremie Moisson, fût declaré commun avec eux, et qu’en l’expliquant ledit du Val fut condamné au payement de leurs dettes, comme il l’avoit été envers lesdits Hapedé, Torquet, et Marc, comme ayant toûjours êté les principales parties au procez formé contre luy et Jeremie Moisson, et Martin Diepedale aussi reçû partie, et ledit du Val défendeur : Maurry pour Diepedale soûtenoit que la complicité de du Val pour la banqueroute de Moisson avoit été découverte par son moyen, et que s’il ne s’étoit pas presenté lors de l’Arrest, c’étoit pour n’avoir pas encore ses comptes ppur la justification de ses créances : Cardel pour Toüard, disoit qu’il êtoit partie en l’Arrest du Conseil qui avoit renvoyé le procez en la Cour. Theroulde pour’Aubourg et d’Espagne declara qu’en consequence des pieces, dont il avoit eu communication, il n’insistoit plus à sa requête. Greard pour Hapedé et Torquet consentit les fins et conclusions des créanciers. Je répondois pour du Val que l’Arrest ne l’avoit pas condamné au payement de toutes les dettes de Moisson, mais seulement de celles de Hapedé, Torquer et Marc, qu’aprés e jugement rendu sur un procez criminel, il ne pouvoit être inquiété ni soûmis au hazard d’une seconde condamnation, suivant la regle non bis in idem, que la peine du crime ayant été une çois jugée, elle ne peut plus être augmentée par une seconde accusation, où toutes sortes de ersonnes sont non recevables ; par Arrest du 21 Juillet 1660. les demandeurs furent deboutez de leurs Requêtes.

Dans les Capitulaires de Charlemagne et de Loüis le Debonnaire on trouve un titre de non refricandis criminibus.

Brodeau sur sur Mr Loüet Loüer traite cette question, si le Jugement d’absolution donné dans une autre Souveraineté exclid le pere ou les heritiers de faire des poursuites pour l’interest civil, et il rapporte deux Arrests, lun du Parlement de Paris, et fautre du Parlement de Mers, qui ont décidé que le Jugement rendu en une autrt Souveraineté n’excluoit point laction pour les interests et la reparation civil. L’action poui la vengeance et pour les interests est souvent prétenduë par diverses personnes. La vengeance de l’homicide commis en la personne du Prieur de S. Gabiiel avoit été poursuivie par le sieur de Creuler et par un autre qui étoit son coheritier : aprés la mort de ce coheritier le sieur de Meautis, son frere uterin, luy succeda aux meubles et acquests, et comme si les interefs que l’on esperoit de la poursuite criminelle eussent fait partie de la succession mobiliaire, le seur de Meautis par Sentence fut reçû partie au procez qui avoit été commencé contre le sieur de Cantebrun ; sur l’appel il fut jugé non recevable, à la charge qu’il seroit remboursé des frais avancez par celuy dont il étoit heritier, par Arrest donné en la Chambre de la Tournelle du 24 de May 1631. plaidans Coquerel et le Telier.

Par autre Arrest en la Tournelle du 14 de Janvier 1631. un pere ayant abandonné la poursuite du rapt de sa fille, dont il accusoit le Curé de sa Paroisse, et de l’avoir mariée à son frère, l’oncle fut reçû à prendre la suite du procez, comme d’un crime contre la famille et la parenté, contra gentem & familiam.

Par autre Arrest en la Tournelle du 10 de Jauvier 1651. il fut dit que les interests jugez à uue femme pour l’assassinat commis à son mary ne pouvoient être saisis par ses creanciers, rcomme étant le prix du sang de son mary, sauf jux creanciers à saisir ses autres biens ; plaidans de Cahagnes pour les creanciers, et Castel pour la veuve. Autre Arrest pareil du même mois et an, pour la veuve Cossard contre Bavent

La question si on peut obtenir Requête civil l’in penali judicio, fut traitée en l’Audjence de la Tournelle le 2. de Novembre 1652. De la Motte avoit été condamné aux Galeres à perpétuité par un Arrest pour l’homicide du nommé Genetey, son complice avoit été condam-né à mort par contumace, mais il obtint sa grace à l’entrée du Roy, et déclara qu’il croyoit avoir commis l’homicide. Cela donna lieu à de la Motte de se pourvoir contre l’Arrest par Lettres de Requêre civil : Heroüet son Avocat prétendoit qu’elle devoit être reçûë en crime comme en civil, que s’agissant de la vie et de l’honneur d’un accusé il n’étoit pas juste d’étouffer ses défenses, sur tout quand son innocence commençoit à paroître. Mr Hué Avocat General remontra la consequence de recevoir des Requêtes civil in pnalibus judiciis, qu’il n’y en avoit point d’exemple, que ce seroit un moyen pour aneantir les condamnations de mort et les rendre inutiles. La Cour apointa la cause au Conseil. Depuis la Requête civil fut entérinée par Arrest. Il étoit constant que celuy qui avoit commis le crime l’avoit confessé, et il en avoit obtenu la remission ; de sorte qu’il n’eût pas été juste de faire prévaloir la fin de non recevoir contre l’innocence connuë du condamné. Plusieurs celebres Docteurs ont tenu qu’en matieres criminelles les Requêtes civil ne doivent point être recûés contre les Arrests definitifs, quand toutes les formes et les solemnitez prescrites par les Ordonnances et par les Reglemens ont été gardées, soit qu’il y ait eu condamnation ou absolution ; Mr le Bret en ses De cisions, l. 6. Decis. 1. en rapporte un Arrest célèbre pour une femme, laquelle ayant été condamnée pour avoir empoisonné son mary, sur son appel par Arrest du Parlement de Paris, i la peine de mort avoit été commüée en son bannissement de trois ans : depuis le pere du mary ayant obtenu Requête civil fondée sur de nouvelles preuves, il en fut debouté. L’Arrest donné pour de la Motte ne doit point être tiré à consequence, ayant été donné sur des taisons et : sur des circonstances particulieres

Deux enfans de la ville de Dieppe âgez de huit et de neuf ans joüoient ensemble, et l’un ayant poussé l’autre il luy rompit le bras. Le pere du blessé poursuivit le pere de celuy qui avoit poussé son enfant, lequel nia que son fils eût poussé l’autre : On permit au demandeur d’en faire la preuve, dont le défendeur ayant appelé il soûtenoit que des enfans de huit et de neuf ans ne pouvoient être reçûs en témoignage, l. 3. 5. 5. D. de test. et aprés tout quand l’action seroit constante, cet enfant ne pouvoit en être puni, étant incapable de commettre un crime : a quoy le Sauvage répondoit pour l’intimé, qu’il n’étoit pas extraordinaire que à cimpuberes portassent témoignage des choses qu’ils avoient pû comprendre et qu’ils avoient vûës, et quand un impubere ne pourroit être puni comme criminel, ses parens êtoient responsables des interests envors celuy qui étoit offensé : Par Arrest du 27 de Novembre 1652. en la Chambre de l’Edit, le pere de l’enfant qui avoit blessé fut condamné à payer les Chirurgiens : Laurens le Févre plaidoit pour l’appelant. Si un enfant âgé de dix ans six mois est ca pable de delict, et si son pere est tenu cvilement des dommages et interests. Voyez le Journal des Audiences, 1. part. l. 6. c. 15.

Un homme condamné à la mort en avoit appelé, et par l’Arrest la peine avoit été commüée aux Galeres à perpétuité : Avant été renvoyé dans les prisons de la Haute-Justice de Harcour, il les avoit rompués et brisé ses fers. Depuis ayant été repris on l’avoit derechef condamné à mort ; sur son appel, quelques-uns des Juges disoient qu’étant necessaire d’augmenter sa peine, elle ne pouvoit être moindre que la mort, l. 1. de effractor. et exp. les au-tres estimoient que le bris de prison aidoit à convaincre l’accusé de son crime, mais qu’ayant êté condamné il falloir excuser celuy qui n’avoit point fait d’autre mal que de chercher sa libetté, et que c’étoit assez de le restituer à la peine ; il passa à dire que l’Arrest de condamna-tion aux Galeres à perpétuité seroit executé. Par Arrest du 8 de Juillet 1633. au Rapport de Mr Bouchard.

Puis que cet Article autorise le droit de confiscation, il seroit superslu d’examiner s’il est fondé sur la Justice, et si on le peut soûtenir par la raison de l’utilité publique, ou s’il y a de l’inhumanité d’enveloper dans un même malheur, et de comprendre dans les mêmes peines, les enfans avec leurs peres.

Les anciens Germains, et tous les peuples qui en sont décendus, avoient une extrême inJulgence pour les criminels. Ils ne punissoient aucun crime du dernier supplice, à la reserve d celuy de leze-Majesté : c’étoit une des franchises de la nation Françoise, les coupables pouvoient racheter leurs peines et s’acquerir simpunité des crimes les plus atroces, en payant la somme à laquelle chaque delict êtoit taxé, de laquelle une moitié appartenoit au Fisc, et cela s’appelloit fredum : l’autre moitié êtoit payée à l’offensé, ou à ses heritiers et parens, quand il s’agissoit d’homicide, suivant la remarque de Mr Bignon sur Mareulphe, l. 1. c. 18. et on appelloit cela virgildus. Dans les loix des Bajoares, t. 3. c. 1. nulla sit culpa tam gravis, ut vita non concedatur ; et en un autre endroit, c. 11. nullus Bajuarus alodem, aut vitam sine capitali crimine perdat, si in necem ducis consiliarius fuerit, dut inimicos in provinciam invitaverit. Cetera vero quecumque commiserit peccata quo usque habuerit substantiam componat secundum legem. Ils ne reputoient aucun crime capital que celuy de leze-Majesté ; les loix Saliques Ripuaires et autres et les Capitulaires contiennent la taxe de chaque crime, et celuy qui n’avoit point de biens devoit servir comme un esclave le reste de ses jours, mais cette servitude ne passoit point à sa postérité. Par cette voye les personnes puissantes et riches avoient beaucoup de facilité de se défaire de leurs ennemis, et de commettre impunément de grands crimes ; et ce qui est encore plus barbare, on permettoit aux heritiers et aux parens de celuy qui avoit été tué, de vanger sa mort par le meurtre de oeluy qui en étoit l’auteur sans en pouvoir être inquietez, et même celuy qui manquoit à faire ou poursuivre cette vengeance, étoit privé de la succession et déclaré infame : cette action étoit appelée faida.Hottoman . disput. feu. 1. c. 1. le Eévre l. 3. c. 3. et ceux contre qui elle s’exerçoit, faidosi.

Ces châtimens si legers et si peu proportionnez à la faute, rendoient infailliblement les crimes plus frequens ; l’humeur féroce de ces peuples ne pouvoit être domtée ni retenue par à frayeur de la peine, puis qu’on pouvoit obtenir par de l’argent l’impunité des plus mauvaises actions ; celuy qui tuoit un Sousdiacre en étoit quitte pour trois cens sols, un Diacre pour gatre cens, un Prestre pour six cens, et un Evéque pour neuf cens Cependant si-d’un côté c’est un moyen puissant et necessaire pour reprimer l’audace des hommes, d’étendre la peine des coupables jusqu’à leurs enfans, afin de les retenir dans leur devoir par l’amour de leur sang, d’autre côté il est juste de faire quelque différence entre les crimes. Toutes sortes de crimes ne doivent pas être expiez par la confiscation, sur tout pour reux où l’on ne prononce contre les accusez qu’une mort civil ; il y auroit même de l’équité à ne confisquer pas toûjours les propres.

Justinien En effet Justinien trouva cette distinction raisonnable, il garda ce temperament, que la confiscation n’auroit lieu que pour les crimes de leze-Majesté, Bona damnationem neque secundum leges veteres fisco applicantur. Sed ascendentibus & descendentibus & ex latere asque ad tertium gradum si supersunt. In crimine verb lesa-Majestatis leges veteres servari jubemus. Auth. bona dumnatorum. C. de bonis proscript. et in Authent. ut nulli judicum. 5. fin. Et à l’égard des biens par les Capitulaires de Charlemagne, il n’y avoit que les acquests qui fussent sujets à confiscation.

Nôtre Coûtume est fort rigoureuse, elle confisque tous les biens du condamné à mort, et de celuy qui est banny du Royaume et condamné aux Galeres à perpetuité, ainfi la confiscation a lieu aussi-bien pour la mort civil, que pour la naturelle. Mais l’ancien droit Romain Justinien r’étoit pas plus favorable aux criminels ; avant la Constitution de Justinien. L’ancienne Coûtume êtoit encore plus severe, qui declaroit incapables de succeder à leurs parens les enfans des condamnez : Elle fut abrogée par un Arrest de la Cour, et depuis on en a fait un Artidle qui est le 277. au titre des propres. Cette maxime, qui confisque le corps, confisque aussi les tiens, n’étoit pas generale dans toût le Royaume. Le Roy Jean donna ce privilege à toute l’Aquitaine, que les biens des condamnez ne seroient point confisquez : on prétend même que le crime de leze-Majesté n’étoit pas excepté, comme le remarque Ferronius sur la Coûume de Bordeaux, t. 12. 8. 3. qui confesse néanmoins que la confiscation pour crime de leze-Majesté a été jugée plusieurs fois

Dans cet Article la Coûtume déclare les cas où la confiscation peut écheoir, sçavoir lors qu’un homme est condamné à mort par Justice, banni du Royaume à perpetuité, ou condamné aux Galeres à perpétuité. En suite elle nous marque l’effet de la confiscation, la perte du fief et de son héritage, et enfin elle marque quelles sont les personnes à qui retournent les biens confisquez, à sçavoir aux Seigneurs dont les héritages relevent, avec cette condition néanmoins que les reigneurs sont tenus de payer les rentes seigneuriales, foncieres et constituées, même les dettes mobiliaires, discution faite prealablement des meubles. J’expliqueray separément les trois parties de cet Article, mais auparavant il faut sçavoir quels Juges ont pouvoir d’ordonner ces peines et de prononcer ces condamnations.

On peut douter si par ces mots, condamné par Justice, on doit entendre la Justice Royale seulement, ou aussi celle des Hauts-Justiciers, et la Justice militaire. Il semble qu’elle n’ait toulu parler que de la Justice Royale, les Officiers Royaux étans les véritables Juges, et les Juges MOTGREC. Ce qui est d’autant plus vray-semblable que la raison d’état et la souveraine autorité veulent qu’il n’y ait que les Rois qui puissent dans leurs Etats confisquer les biens des condamnez : Mrle Bret , de la Souverain. l. 3. c. 15. et autrefois à Rome c’étoit un droit tout à fait imperial, dont l’usage étoit interdit à toutes les villes de l’Empire. Il n’y avoit que ceux qui ageoient vice sacrâ, qui eussent le pouvoir de confisquer : Nulli judicum liceat exceptis iis qui n summa administrationis sunt positi, potestate, proscriptionis tempestate totius substantiae aliquem vercellere, nisi ad nostras aures hoc ipsum referatur. l. unicâ C. ne sint justit. princip. Et du Moulin l’Article 43. de la Coûtume de Paris n. 169. soûtient que jus illud est meri imperii, et le droit de confisquer un des plus beaux fleurons de la Couronne : aussi il n’appartient qu’au Prince d’avoir un Fise. Boêtius dans sa Décision 264. assure que les Hauts : Justiciers n’ont point le. droit de confisquer, adverte quod de consuetudine et stylo Curiarum Franciae Domini temporales etiam dti Justiciarii merum imperium habentes non confiscant, sed solum Dominus noster supremus et judices et Officiarii sui. On prétend que les Rois de la premiere et de la seconde Race n’ignoroient pas ce secret d’Etat ; mais que du temps de Hugues Capet ce droit fut permis à ceux qui avoient a Haute-Justice dans leurs terres. Ce Prince ayant voulu gagner la bienveillance des, grandi Seigneurs du Royaume par une fine politique, pour assurer sa nouvelle conquête, il rendit les Fiefs et les Justices hereditaires et patrimoniales, et leur accorda le droit de confisquer les biens des condamnez : mais j’ay remarqué cy devant que sous les Rois de la premiere et de la seconde Race la confiscation n’étoit point en usage.

Le pouvoir de nos Hauts-Justiciers ne peut proceder de ce principe, puisque la Normandie. n’étoit point alors sous la domination des Rois de France, et nos Ducs qui en étoient Souverains en ordonnoient à leur volonté, sans demander l’agréement des Rois de France en au-cune chose. Ainsi nos Hauts-Justiciers joüissent de ce droit, ou par la concession qui leur en a été faite par nos Ducs ou par nos Rois, depuis la reünion de cette Province à la Couronne.

Dans plusieurs Provinces de la France les Officiers Royaux persuadez que les HautsJusticiers n’avoient ce droit que par usurpation, ont ordonné qu’ils ne prendroient aucune part aux confiscations qui étoient jugées par les Juges Royaux et pour des cas Royaux guanmoins les Hauts-Justiciers se sont maintenus en leur possession. En effet le Prince leur ayant communiqué la puissance du Glaive et pouvant condamner à mort, on ne leur peut contredire le droit de confisquer qui en est une suite et une dépendance : Aussi en quelques Coû-tumes les Hauts-Justiciers prennent pour eux les biens, tant meubles qu’immeubles, qui se trouvent dans l’etenduë de leurs Hautes-Justices au temps du jugement de confiscation, nonobstant qu’il ait été donné par un Juge Royal, et pour des cas Royaux. Le seul crime de leze-Majesté fait cesser le droit des Hauts-Justiciers, étant si privilegié qu’il aneantit même tous les droits successifs et les substitutions, suivant l’Ordonnance de l’année 1539. Mr le Bret de la Souverain. du Roy, l. 3. c. 15. Nôtre usage est conforme en ce point, que les Hauts Justiciers ont le pouvoir de confisquer les biens des condamnez, mais ces biens confisquez ne leur retournent pas en cette qualité de Hauts-Justiciers, comme il sera expliqué dans la suite de cet Article.

On peut encore douter si par ces mots, condamné par Justice, on doit entendre les jugemens sendus hors le Royaume.Chopin , l. 3. c. 1. t. 10. n. 17. sur la Coûtume d’Anjou, établit cette maxime, que la confiscation des biens ordonnée par un Monarque s’étend aux biens d’une autre Monarchie. VoyezRicard , des Donations, part. 2. c. 354. n. 262. et ce que j’ay dit sur lArticle 235.

Brodeau a dit au contraire que Mes les Gens du Roy ont toûjours tenu que les jugemens de condamnation de mort rendus contre un François, Sujet du Roy, par les Juges d’un Prince étranger pour un crime commis dans son Etat, n’emportent point confiscation des biens situez en France, qui appartiennent à ses heritiers Regnicoles, soit qu’ils soient situez dans la Justice Roy ou dans celle d’un Haut : Justicier. Voyez du Fresne Fresne, l. 1. c. 75. de Iimpression de l’année 1652. Le Bret, l. 3. c. 15. de la Souverain. touchant les biens du Maréchal d’Ancre.

Enfin on peut former cette difficulté, si la condamnation de mort jugée dans un Conseil de tuerre et par les formes militaires emporte la confiscation ; car on peut dire que la condamnation étant legitime et donnée par des Juges qui en ont le pouvoir, elle ne doit pas avoir moins d’effet que celle qui est prononcée par la Justice civil et ordinaire, cette maxime qui confisque Quest le corps confisque les biens étant generale. Et c’est aussi le sentiment deCoquille , Quest. 16. et sur la Coûtume de Nivernois, t. des Confiscations, Article 1. où il en rend cette raison qu’autrefois en France l’exercice des Armes et de la Justice étoit commis conjointement à de mé-mes Officiers, dont il nous en reste encore l’exemple en nos Baillifs Royaux, ausquels on n’a ôté les fonctions de la Justice civil que depuis Loüis XII

Voila à peu prés les Juges qui peuvent ordonner des condamnations penales, et ces peines sont de trois espèces. La condamnation de mort, et cela n’a point besoin d’explication La seconde espèce est le bannissement à perpetuité, il n’est pas nécessaire parmy nous, non plus que par le droit Romain, pour exclure une personne des effets civils, ou pour donner lieu à la confiscation, qu’il intervienne un jugement de mort : Les Romains avoient établi d’autres peines qui avoient le même effet, comme d’être reclus en des Isles, de travailler aux mines, de combatre contre les bestes : Nous avons d’autres peines, comme le bannissement et la condamnation aux Galeres à temps ou à perpetuité ; la Coûtume n’a point parlé du bannissement à perpétuité hors du Royaume. Ricard à écrit qu’il est necessaire pour faire que le bannissement à perpétuité produise effet, qu’il soit aggravé de ces deux circonstances, à perpétuité et hors le Royaume ; car si le bannissement n’est que d’une Province et à temps, comme ce n’est qu’une separation pour un temps et un éloignement, et non un rétranchement perpétuel et ibsolu de la Republique, la personne qui est ainsi condamnée n’est point privée des effets civils, et qu’on l’a jugé de la sorté, tant au Parlement de Paris qu’en celuy de Tolose ; il faut voir ce que j’ay remarqué sur l’Article 235.

Berault sur cet Article a été d’avis que si le bannissement est à perpetuité, hors la Province, Il emporte la confiscation de biens : cela seroit contraire à la raison et à la Coûtume en cet Article.

Celuy qui n’est banni que d’une Province non amittit jura civitatis, il peut être encore citoyen dans le Royaume, et dans cet Article la confiscation n’échet point, si le bannissement n’est à perpétuité, hors du Royaume. Je conviens néanmoins avec luy que si la Cour ajoûte la peine de la confiscation au bannissement à perpétuité, hors de la Province, elle y échet : Il faut encore remarquer que bien que la Coûtume n’ordonne la confiscation que quand le bannissement est à perpetuité, le bannissement au dessus de neuf ans emporte la confiscation.

Ce que nous pratiquons que par le bannissement à temps, les biens des condamnez ne sont point confilquez, est tiré de la l. 309. de jure fisci. Bona fisci citra ponam exilii perpetuam adjudicare sententiâ non oportet, et en effet ce n’est pas un retranchement absolu du coips de la Republique, mais une simple relegation, et par le droit la relegation est ce que nous appelons un exil Accurse En quoy Accurse a été repris par MrCujas , ayant entendu cette loy 39. de penis, de deportatione quoy qu’il faille l’entendre de relegatione,Cujac . Ad l. 39. de jur. fisc. in comment. Ad lib. 16 Resp.Papiniani . Et par la disposition du droit l. sine prefinito de penis, lors que le temps n’est point limité par le jugement il n’excede point dix ans, sine prafinito tempore in metallum dats emperitia damnantis decennionque tempora prafinita videntur

Les Hauts-Justiciers peuvent bannir hors du Royaume ; on doutoit autrefois s’ils avoient ce pouvoir. Cette question fut mûë en la Chambre de la Tournelle le 22 de Decembre 1é12 : en procedant au jugement du procez de Charles et François Guilbert, appelans de condamnations par contumace, jugées tant par le Bailly de la Haute-Justice d’Estrepagni, que par le Bailly de Gisors, par l’une desquelles le Bailly Haut-Justicier d’Estrepagni avoit banni hors du Royaume.

Sur la difficulté qui fut formée si le Haut : Justicier peut bannir du Royaume, on trouva propos de consulter la Grand. Chambre, et il fut arrété qu’il seroit mis au Registre, qu’à l’avenit Il seroit permis aux Juges des Hautes-Justices de cette Province de bannir hors d’icelle ou du Royaume les accusez des crimes, selon que le cas le requerroit, afin qu’à l’avenir Messieurs n’y apportassent de difficulté

Ce Juge d’une Haute : Justice ne peut appliquer l’amende. Il y en a Arrest dans le Livre Rouge de la Tournelle donné le 16 de Janvier 1630. en procedant au jugement du procez de Laurence Graindorge, appelante de la Haute-Justice de Thorigni, de condamnation de mort pour avoir celé sa grossesse, et parce que le Juge avoit appliqué l’amende et ne l’avoit ajugée au Haut-Justicier, qui êtoit faire un acte de Souverain, il fut arrété que l’on consulteroit la GrandChambre là-dessus ; et Mr le President Poirier, aprés avoir consulté la Grand. Chambre, rapporta-qu’il avoit été resolu que bien que le Roy n’eût point d’interest aux amendes jugées par les Hauts. Justiciers, néanmoins que défenses seroient faites aux Hauts. Justiciers d’appliquer les amendes, et que la défense en seroit employée dans l’Arrest et dans le Livre Rouge. Mais l a été jugé par Arrest du 25 de Mars 1630. qu’un Haut Justicier qui avoit condamné un accusé à un bannissement hors de sa Justice seulement, n’avoit pû declarer la confiscation de ses biens. Elle ne peut être jugée que conformément à la Coûtume, qui ne l’ordonne que quand il y a on bannissement perpétuel et hors du Royaumes

pour la condamnation aux Galeres elle peut être à temps ou à perpetuité, et pour la confiscation nous y gardons les mêmes regles que pour le bannissement La confiscation étant os donnée par la Coûtume dans les cas exprimez par cet Article, elle vient de plein droit, nonobstant qu’elle eût été ômise dans l’Arrest ou dans la Sentence, la roûtume de Nivernois le porte expressément en l’Art. 1. du titre des Confiscations. De la naissent ces deux questions, si par la condamnation de mort jugée dans un païs, où la confiscation n’est point connuë, les biens situez dans une Coûtume qui autorise la confiscation sont confisquez : et si au contraire la confiscation de biens jugée dans une Province, où elle est en usage, peut s’étendre sur les biens situez en une Coûtume où elle n’a point lieu En l’année 1597. un soldat Normand d’origine, mais domicilié en Bretagne, avoit été con damné à mort par un Prevost de Dinan, et executé, avec confiscation seulement de ses meubles ; parce que suivant l’Article 658. de la nouvelle Coûtume de Bretagne, la confiscation d’héritages n’a lieu. Ce Soldat pussedoit des immeubles en Normandie, dont le Seigneur feodal vingr et un an aprés la Sentence entreprit de se mettre en possession, et de chasser les enfans du condamné, se fondant sur la maxime que qui confisque le corps confisque aussi les biens ar Sentence des Requêtes du Palais le Seigneur du fief avoit été envoyé en possession des mmeubles. Sur l’appel elle fut cassée, et en reformant les enfans du condamné furont maintenus en la proprieté et possession des biens immesbles. L’Arrest donné entre un nommé Verin et la Demoiselle Martel veuve du sieur de l’Aigle.

On pouvoit dire pour les enfans du condamné, que la Sentence n’avoit point jugé la coniscation des immeubles, et partant qu’elle ne se pouvoit entendre par interpretation, que la maxime qui confisque le corps confisque aussi les biens, n’avoit lieu que quand les biens étoient situez sous une Coûtume qui contenoit une pareille disposition. Mais quand un Magistrat a sa uissance limitée, et que selon les loix de son térritoire il ne peut confisquer les immeubles, il peut beaucoup moins confisquer ce qui est dans une autre Province, bien que la confiscation y ait lieu.

Les Statuts pour les confiscations sont réels, et il ne seroit pas raisonnable que les biens mmeubles situez en Normandie fussent confisquez en consequence d’un Jugement donné en Bretagne, où les immeubles ne peuvent être confisquez pour quelque cause que ce soit. Les ugemens doivent être conformes aux loix sous lesquelles vivent les Magistrats ; ils sont étadis pour juger selon que l’ordonne la Coûtume, et leur pouvoir ne s’étendant point hors leur térritoire, et ne pouvant juger de confiscation par les loix de leur Province, il n’y a pas d’apparence de vouloir par une interpretation odieuse confisquer ce qui est en Normandie.

Aussi le Seigneur confiscataire n’avoit point executé la Sefitence pour la confiscation que vingr et un an aprés, et toute action criminelle est prescrite par vingt ans Chassaneaus Chassanaus, in consuetudinem Burgundiae, Tit. de confiscatione in verbis, appartient la confiscation, num. 17. La confiscation des biens ne s’étend point sur ceux qui sont situez ailleurs, parce que les Jurisdictions fiscales sont distinctes. Confiscatio bonorum non extenditur ad bona alibi sita, quia Jurisdictiones fiscales sunt distinctae. Cet Auteur fait diverses distinctions sur cette matiere Pour la seconde question, si la confiscation jugée dans un païs où elle est en usage, peut s’étendre sur les biens situez en un autre lieu où elle n’est point admise, bien que la resolution en paroisse aisée, néanmoins les sentimens des Interpretes du Droit ne sont pas confor-nes : quelques-uns ont tenu que quand la confiscation est établie par la éoûtume du lieu, où la condamnation a été prononcée, elle s’étend aux autres lieux qui sont sous la puissance du même Prince, par cette raison que le fisc ne se divise point ; fiscus non se dividit, sed est ubiques et in omni territorio ejus, cujus sit ;Boer . Tit. des Juges et de leurs Jurisdictions, 5. 10. idem. vtiamBarthol . Ad l. 1. C. de summa Trin.

L’opinion contraire est la plus véritable, car il ne se fait point d’extension de Coûtume à Coûtume. Chaque Coûtume est renfermée dans son térritoire, clauditur territorio ; et d’ailleurs, Justinien comme a fort bien dit l’Empereur Justinien, non bona, sed bonorum possessores delinquunt, Novel. 7. S. 12. Le Parlement de Paris l’a jugé de la sorte, suivant l’Arrest remarqué par Charondas en ses Resp. l. 9. Resp. 51. Il fut dit que la confiscation jugée ne passe point au de-là du territoire du Juge qui avoit condamné, et qu’elle ne s’étend point aux Provinces où elle n’a point lieu. Ainsi la confiscation jugée suivant la Coûtume de Paris n’eut point d’effet pour ses immeubles situez en Anjou, où les biens ne sont consisquez qu’en deux cas, pour crime de leze-Majesté, et pour heresie.

La confiscation en cette Province est une suite et un effet necessaire de la condamnation.

Il arrive souvent toutesfois qu’en plusieurs rencontres elle demeure sans effet, quoy que la condamnation penale subsiste, et j’en rapporteray plusieurs exemples.

Les Seigneurs confiscataires ne sont pas recevables à demander la confiscation des biens de l’accusé, décedé, durant l’instruction du procez, et même aprés la condamnation de mort, jugée par Sentence, si l’accusé en est appelant, pendente appellatione moritur integri status l. 2. et 3. Si pend. Appell. C. provocationis remedio extinguitur condemnationis pronunciatio. La condamination, et par consequent la confiscation est éteinte et aneantie par la mort du coupable, encore bien qu’elle arrive aprés l’Arrest qui a confirmé la Sentence de mort, comme il fut jugé solennellement en la Grand-Chambre le 1o de Février 1632. sur ce fait notable. Une femme, appellée Auvray, fut condamnée à mort pour avoir pery son enfant, par Sentence confirmée par Arrest qui ordonna qu’elle seroit renvoyée sur les lieux : aprés avoir été remise entre les mains de ceux qui étoient chargez de sa conduite, elle mourut subitement en l’hôtellerie ; son corps fut visité. et par le rapport des Medecins et des Chirurgiens il fut connu que sa mort êtoit naturelles la chose ayant été rapportée en la Chambre de la Tournelle il se mût question, si le corps devoir être enterré, ou si l’execution devoit être parfaite, ce qui alloit à la confiscation des biens.

Mr. de Soquence, Rapporteur, êtoit d’avis que l’execution fût parfaite, et le corps porté au lieu patibulaire : Mr du Moucel au contraire, que le corps devoit être enterré. Pour avoir le sentiment de Messieurs de la Grand. Chambre, on passa sous silence qu’il ne pouvoit y avoir de gartage, parce qu’il passoit in mitiorem, bien que Mr le Rapporteur et ceux qui étoient de son opinion, soûtinssent qu’il ne s’y agissoit que de l’execution de leur Jugement.

Le Rapporteur disoit que cette question n’étoit pas expressément décidée par le Droit, les Jurisconsultes et les Empereurs ont seulement décidé, que le crime êtoit éteint par la mort qui arrive avant l’accusation, et avant le Jugement, et pendant l’appel, l. un. et toto. t. ff. si pend. Appell. et ne de statu def. Mais aprés un Arrest et un Jugement souverain, que tout êtoit parfait et la confiscation acquise, puis qu’elle étoit portée par l’Arrest. Par la Coûtume, tout hom-me condamnè à mort covfisque, et il n’y est point parlé de l’execution du Jugement, l’execution même êtoit commencée dés lors qu’on avoit mis le criminel entre les mains du Sergent.

Un banny confisqué, venant à mourir avant son depart, ses biens ne laisseroient pas d’appartenir aux Seigneurs dont ils seroient tenus. V. l’Arrest rapporté parPap . l. 24. t. 14. il se commettroit beaucoup d’abus, et il arriveroit bien des inconveniens, si par le decez des condamnez l’on les dispensoit de l’infamie du supplice et de la confiscation : ce seroit donner lieu aux empoisonnemens, et il seroit aisé d’avoir un certificat de Medecins et de Chirurgiens la confiscation étoit particulierement ordonnée par la Coûtume de Normandie, les peines sont ordonnées pour l’exemple et la terreur des méchans

Ce Compartiteur, pour soûtenit son opinion, alléguoit qu’en France dans les crimes on consideroit deux choses, l’interest particulier, et la satisfaction publique, qui consiste en la puni-tion des crimes. Il ne s’agissoit point de l’interest part culier : pour la peine on fuit la disposition des Loix civil, que morte rei crimen extinguitur, l. 6. de publ. Jud. l. 26. ff. de penis.

Pena in hominum emendationem statuta, desinit mortuo eo, in quem est constituta. Le jugement n’est point parfait que par la prononciation qui n’avoit point encore été faite, et quand elle l’eût été, execution ne le peut plus être en la maniere qu’elle a été ordonnée. C’est un cadavre auquel pour donner un nouveau jugement il faudroit donner un curateur, que jusqu’à l’execution le criminel peut esperer et recevoir sa grace. Autrefois la rencontre d’une Vestale sauvoit la vie, et à la venuë et à l’entrée d’un Roy, ou pour quelqu’autre sujet de réjoüissance publique, on accorde la grace et l’impunité des crimes ; puis donc qu’un condamné êtoit capable de la recovoir, il ne pouvoit en être privé que jusqu’au dernier soûpir de sa vie, judicio divino sublata lla penae substrahi censeri videtur. La condamnée et ses heritiers peuvent profiter de cet heureux évenement, gaudeant eventu. La consideration de l’exemple ne doit point s’étendre jusque-là que d’ôter le droit des particiiliers : quant à la confiscation c’est l’execution qui la produit, nôtre Coûtume étant fondée sur cette maxime generale de France, que qui confisque le corps confisque aussi les biens. La Coûtume de Nivernois en l’Article 1. du titre des Confiscations, s’en est expliquée nettement, qui confisque le corps il confisque les biens, c’est à dire que celuy qui est executé à mort par Justice, confisque ses biens. Ce qui montre que pour confisquer le corps et les biens, Chassanée ce n’est pas assez que d’être jugé, il faut être executé à mort par Justice. Chassanée, sur la Coûtume de Bourgogne ; Tit. des Confiscations s. 1. in verbo, qui confisque le corps, l’explique ainsi, ne aliter et cum effectu. Cujacius in Paratitlis, si pend. Appell. pose cet axiome que perempto expresso crimitur etiam quod & naturaliter infuit. Il passa à cet avis.

En rapportant le fait de cet Arrest j’ay remarqué que quelques uns des Juges soûtenoient qu’il n’y avoit point de partage, parce qu’il devoit passer in mitiorem, et que le Rapporteur et ceux qui étoient de son avis prétendoient au contraire, qu’il ne s’agissoit que de l’execution de l’Arrest, et que par consequent il ne falloit point alleguer cette regle, que in criminalibus, ubi pares sunt sontentiae numero, mitior sententia praponderat. Cela me donne lieu d’examiner, quid sit mitior sententia suivant quelques exemples que j’en proposeray. Dans un procez jugé en la Chambre de la Tournelle le 27 de Mars 1634. on demanda s’il passoit in mitiorem, sur un partage. où les uns êtoient d’avis qu’un prisonnier seroit mis hors des prisons, sans absoudre ni condamner ; les autres qu’il seroit publié des Censures Ecclesiastiques. Il passa à dire en la Grand. Chambre qu’il n’y avoit point de partage, et que mitior erat sententia, de tirer un homme hors des prisons, que de publier des Censures.

Un heritier étoit accusé par son coheritier d’avoir soustrait des lettres de fargent et des meubles ; la Cour déliberant linformation on jugca un comparence personnel : Le decreté appela d’une information qui avoit été faite par un Juge des lieux, et disoit pour moyens d’appe que laction d’un heritier contre son coheritier ne pouvoit être traitée criminellement. Ladessus les opinions des Juges en la Chambre de la Tournelle furent partagées, les uns vou-sant casser ce qui avoit été fait, les autres allant à confirmer. Les premiers soûtenoient que leur vis êtoit mitior sententia, et que par consequent il y avoit Arrest sur la contestation ; il se fit un Consulatur en la Grand. Chambre, où il fut resolu unanimément, que mitior sententia ne se pouvoir entendre que quand in penalibus humanitatis ratione, on inclinoit à une moindre punition, et non point lors qu’il ne s’agit que de sçavoir si c’est une action civil ou criminelle, de rejetter une plainte ou de la recevoir : cette regle que mitior sententia sequenda est est fondée sur la l. 5. de reg. jur. et sur la l. 32. de pen. Au principal on agita fort cette question, si l’action pour sarcin ou pour substraction des biens hereditaires peut être formée contre un coheritier, suivant la l. c. de crimine expul. hered. actio criminalis non datur coheredi in heredem l. 3. fam. erc. l. pro marito, pro socio D.Cujac . in parat. de crim. exp. hered. par la loy dernière de ce Tit. crimen expilata hereditatis loco deficientis actionis intendi consuevisse non est ambigui juris. On peut agir actione ad exhibendum vel petitione hereditatis, l’action fameuse ne doit être permise contre le coheritier non plus que contre la femme. Au contraire on representoit qu’il s’agissoit de larcin de sommes incertaines, qu’on ne pouvoit demander de sommes certaines, qu’il y avoit plusieurs complices, que pour décider si l’on doit agir criminellement contre un coheritier, il falloit considerer quo animo il s’est emparé des biens de la succession ; s’il s’en est mis en possession, l’action civil suffit, si verâ dolo malo, aut per fallaciam subripuerit, ce seroit faire un trop grand préjudice à l’heritier que de luy dénier l’action criminelle, il passa presque tout d’une voix à ce dernier avis le 18 d’Aoust 1631

Reprenant la suire de mon discours où j’ay montré que la mort de l’accusé aneantit la conamnation, et en consequence la confiscation, j’ajoûteray qu’il y a des crimes qui ne sont point teints par la mort, comme celuy de leze-Majesté divine et humaine, sur quoy on peut voit Brodeau sur Mi sur Mr Loüet, l. a. n. 18

La Sentence donnée par contumace, bien qu’il n’y en ait point d’appel, n’a point d’effet, et n’acquiert point de droit aux Seigneurs confiscataires, si elle n’a été executée par effigie, lors qu’il arrive que l’accusé prescrit son crime par le temps de vingt ans, comme il a été jugé sur ce fait. En l’année 832. Matthieu Verson fut accusé de vol et decreté en prise de corps, depuis il fit un bail à rente à çoüis le Comte son beau-frere ; en l’année 1633. il fut condamné à mort par contumace, le sieur d’Olbec voulut prendre possession de son bien en qualité de Seigneur confiscataire, ce qui fut contredit par le Comte en vertu de son contrat. Le Seigneur neanmoins fut maintenu à son préjudice par une Sentence dont le Comte appela. Cependant on ne poursuivit point Versons au contraire il demeura en possession de son bien, et le vendit en l’année 1641. au sieur de Fontenay, qui paya une partie du treizième au sieur d’Olbec Trungi, fils de celuy qui avoit prétendu la confiscation. Verson mourut en l’année 1644. le sieur de Trungi en l’an 1656. reprit la suite de l’appel relevé par le Comte, et incidemment il obtint des lettres de récision ontre la quittance qu’il avoit baillée du payement du treizième. De Freville pour le sieur de Fontenay, qui avoit pris la suite de l’appel, difoit que la confiscation ne pouvoit avoir lieu pour trois raisons. La premiere, que Verson êtoit mort integri status, la Sentence de contumace n’avoit point été executée par effigie, et qu’elle ne le pouvoit plus être, le crime étant prescrit par vingt ans. La seconde, qu’il avoit vendu son bien avant la Sentence de condamnation. et que la confiscation n’étoit acquise que du jour de la Sentence. Et la troisiéme, qu’il n’étoit plus admissible à demander la confiscation. aprés avoir reçû le treizième par les mains de celuy à qui Verson avoit vendu son bien, depuis la Sentence dont êtoit appel. Everard, Avocat, pour le sieur de Trungi, disoit que suivant l’Ordonnance de Moulins, l’accusé ne s’étant point presenté dans les cinq ans pour purger la contumace, la Sentence devoit être executée, et en ce faisant tous ses biens étoient acquis au Seigneur dont ils étoient mouvans : que le contrat de bail à rente étoit aul, ayant été fait depuis l’accusation formée, et le decret de prise de corps jugé : que la fraude en étoit apparente par la vilité du prix et par la qualité des parties : que nonobstant ce contrat, l’accusé gavoit vendu à usi autre : pour la fin de non recevoir fondée sur la quittance qu’il avoit paillée d’une partie du treiziéme, qu’il avoit été surpris ne sçachant pas l’état des choses étant mineur au temps de la mort de son pere. Par Arrest du 12 de Fevrier 1660. en l’Audience de a Grand-Chambre la Sentence fut cassée, et sur l’action du Seigneur hors de Cour : l’Arrest sondé sur ce que la Sentence n’avoit point été execissée par effigie, et que le Seigneur avoit reçû le treigième des mains de l’acquereur.

Autre Arrest sur ce fait : un Gentilhomme de Normandie condamné à mort par le Prevost de Chartres, en avoit appelé dans les cinq ans, et donné assignation au Parlement de Paris, où routefois il ne s’étoit point presenté, et n’y avoit fait aucunes suites : Depuis aprés avoir porté les armes six ou sept ans il se retira chez luy, aprés sa mort ses soeurs voulant se mettre en possession de son bien, elles en furent empeschées par les Seigneurs confiscataires, alléguans que leur frere ne s’étant point presenté dans les cinq ans, la confiscation leur êtoit acquise, suivant l’Ordonnance de Moulins, son appel n’ayant point empesché l’execution de l’Ordonnance, puisqu’il ne s’étoit point presenté, et qu’un frivole appel ne suffit pas : Les seurs se défendoient par l’incompetence du Prévost, que suivant l’Ordonnance il suffit de se pourvoir dans les cinq ans ce que leur frere avoit fait, et par le moyen de cet appel la condamnation avoit été éteinte L’accusé pendente appellatione moritur integri status, aussi le Seigneur confiscataire avoit si bien reconnu qu’il n’y pouvoit rien prétendre, qu’il l’avoit poursuvi pour luy donner Aveu. Cette cause fut plaidée en la presence de Mr le Prince de Condé le 6 de May 1635. plaidant Mi Salet, naintenant Conseiller en la Cour, et Pilastre, et il fut jugé que la confiscation auroit lieu ; l’Arrest ondé sur ce qu’il n’y a point de confiscation qu’on ne pût éluder, en supposant un appel dans les cinq ans, sans le poursuivre, et que ce n’étoit pas assez d’appeler, et qu’il falloir se presenter et se mettre en état ; d’ailleurs que cet appel qu’il avoit formé au Parlement de Paris, n’étoit pas une bonne voye, parce que. le Vicebailly ayant jugé prevôtalement, son jugement n’étoit point sujet à l’appel, il falloit se pourvoir au Presidial pour faire juger l’incompétence suivant l’Ordonnance. Ce fut l’avis de Mr le Prince, multis tamen contradicentibus Il n’en est pas de même quand l’accusé décede dans les cinq ans de la contumace, Ricard a agité cette question duns son Traité des Donations, p. 1. c. 3. Sect. 4. n. 255. et il rapporte les Arrests du Parlement de Paris, qui ont jugé que le condamné venant à mourir dans les cind ans de la condamnation, est capable de tous les effets civils, parce que durant les cinq ans la condamnation n’a point d’effet present. Elle n’est que comminatoire, j’en ay dit les raisons sur l’Article 235. en traitant cette question s’il est capable de succeder, et des autres effets civils.

Si le condamné à mort par contumace se constitué prisonnier, la contumace est éteinte ipso facto, quoy qu’il n’y ait point eu de jugement par lequel elle ait été mise au neant. Du Fresne Fresné en a remarqué un Arrest, l. 2. c. 112.

On a jugé qu’un condamné à mort par Sentence, dont il étoit appelant, pouvoit renoncer à la sûccession qui luy étoit échûé pendente appellatione. Barantin fut accusé de vol avec son pere, et le pere en ayant été convaincu et condamné à mort, il appela de ce jugement. Avant la décision le l’appel il s’échappa des prisons, et s’étant rétiré dans un moulin avec son fils, il s’y défendit de telle sorte qu’il y fut brûlé, et son fils arrété prisonnier. Durant sa prison il renonca à la succession de son pere, qui fut acceprée par ses filles. Elle leur fut contestée par Mr le Duc de Lon gueville. Mir le President de S. Aubin. et les autres Seigneurs confiscataires qui soûtenoient qu’elle êtoit faite en fraude, ex conscientiâ sceleris, les filles prétendoient cette renonciation valable. seur ayeul étant mort pendente appellatione, et par consequent integri statùs : leur pere n’étoit point tenu d’accepter une succession au préjudice de ses enfans, pour la faire passer à des confiscataires.

Il est vray que par l’Article 278. le debiteur ne peut renoncer en fraude de ses créanciers, comme je l’ay remarqué sur cet Article-là où j’ay aussi rapporté cet Arrest ; par Arrest en la Chambre de la Tournelle du 2r de Juillet 1é35. la renonciation fut jugée valable, et la succession ajugée aux filles

L’execution du jugement de mort est quelquefois retardée à cause de la grossesse de la femme condamnée, pourvu qu’elle soit certaine. Par un Arrest donné en la Chambre de la Tournelle le 19 de Juin 1635. au Rapport de Mr de civil, Nodine Durand ayant été condamnée à mort, il fut dit que l’execution ne seroit pas differée sur le pretexte d’une grossesse qui n’étoit crûë que de quinze jours, licet fructus sit in semine, toutefois le part n’étant point animé, il y avoit trop de peril à differer une execution, et nul inconvenient à executer la condamnée à mort.

Mais une femme nommée Tristane Prenant, ayant été condamnée à être penduë par Arrest en la Chambre de la Tournelle, au Rapport de Mr Baudry, du i8 de Decembre 1635. à cause de sa grossesse notoire et apparente de sept mois ; il fut dit que son execution seroit différée aprés son accouchement. Aprés l’Arrest conclu Mr le Rapporteur proposa cette difficulté, si vû sa grossesse on prononceroit presentement l’Arrest, ou si on differeroit la prononciation, comme on differoit l’execution. Sa raison étoit qu’il étoit juste de remettre la prononciation en faveur de l’enfant dont la femme étoit enceinte, ne partus pereat, par la crainte de la mort, étant la vie de l’enfant plus favorable que la confiscation qui ne s’acquiert que par la prononciation de l’Arrest.

Mr de Brinon combatoit cet avis par la consequence, qu’il étoit sans exemple qu’on eût différé la prononciation d’un Arrest, que le Roy et le Public y avoient interest, l’affaire étant importante on resolut d’en consulter la Grand-Chambre, il y fut arrété que la prononciation seroit differée comme l’execution, quand on prononce un Arrest aussi-tost qu’il est donné, c’est quand on ne connoit point la grossesse de la femme.

Sien que la condamnation soit executéé, la confiscation ne l’est pas toûjours. Les biens donfiez par un pere à son fils par avancement de succession ne tombent point dans la confiscation la par le crime du fils. Par les raisons que j’ay remarquées sur l’Article 244. et dans la Bibliotheque du Droit François in verbo, confiscation, on trouve un Arrest sur ce qu’un pere qui avoit donné s. à un de ses fils la moitié de son bien, ayant tué depuis ce sien fils, et pour cet effet ses biens ayant été confisquez, sur la question entre les frères de l’homicidé et Mr le Procureur General, à sçavoir si les biens donnez pouvoient être compris dans la confiscation, comme acquis au pere à droit de reversion ; il fut jugé que ses biens ne luy avoient jamais été arquis, non omnia quae indigno auferuntur, fisco acquiruntur. l. unicâ. S. qui autem C. de caducis tollendis. Cela a lieu pareillement en pour les biens sujets à substitution ou restitution fideicommissaire, l. imperator de fideicom. D. l. pero s featre legat.Coquille , sur la Coûtume de Nivernois, titre des Confiscations, Article 1.

On a jugé pareillement par Arrest du 8 de Mars 1608. pour le tuteur de Guillaume Cotelle contre le Receveur du Domaine de Coûtance, qu’un pere ou une autre personne voyant son fils ou son presomptif heritier prévenu de crimes qui emporteroient la confiscation de ses biens, pouvoit en disposer en faveur d’un autre, et que cette disposition ne pouvoit être considerée comme une fraude, mais comme un acte de prudence, ut suos potius quam fiscum heredes haberet.

Cet Arrest merite qu’on y fasse de la reffexion.

L’effet de la confiscation peut aussi étre empesché par les lettres du Prince :Brodeau , Article 183.

On ne doute point que si la grace est obtenuë avant le jugement, les Seigneurs confiscataires ne sont point recevables à lempescher ; parce qu’ils n’ont encore aucun droit acquis, et leur rétention ne peut être fondée que sur la condamnation ; or le Roy pouvant remettre la peine vant le jugement il use de son droit, et en ce faisant il ne fait tort à personne : de même dit Ar, du droit de Souv. l. 3. c. 15. comme si quelqu’un vouloit empescher que le Bret Roy ne legitimât un batard, parce que cela luy ôteroit l’esperance d’une succession. Mais la difficulté consiste à sçavoir si aprés le jugement de condamnation et la confiscation acquise au Seigneur, e Roy peut rétablir l’accusé en tous ses biens. En Angleterre le Roy peut bien remettre le crime et la peine aux condamnez, mais le condamné ne peut reprendre la possession de ses biens que par la grace et par la misericorde de son Seigneur feodal, au droit duquel le Roy n’a point de pouvoir de donner atteinte.Glanville , 1. 7. c. 17.

Cette question se décide par cette distinction, que si les lettres obtenuës aprés le jugement ne sont que de simple grace, elles ne portent aucun préjudice aux Seigneurs et ne leur ôtent point e droit qui leur est acquis. Que si le Roy remettant la peine et le crime use de ces termes, de a pleine puissance et autorité Royale, la confiscation devient sans effet, et le condamné rentre en la pleine possession de tous ses biens. In Gallia certum est Regem posse restituere damnatum & facta abolere, & Dominus fiscalis non est admittendus ad impediendam gratiam Spe confiscationis, quod Judicatum refertJoannes Galli , Quast. 184.Molin . 8. 83. gl. 1. n. 37. et 38. Chopin s’en est expliqué assez obseurement,. l. l. 1. 8. n. 12. Mais c’est le sentiment presque universel de Doman nos Auteurs, que le Roy par sa pleine puissance et autorité Royale peut remettre la peine et la confiscation au préjudice des Seigneurs de fief.

I seroit juste neanmoins de restreindre cette restitution pour les biens qui seroient encore en la possession des confiscataires ; car si le confisqué n’obtient sa grace que long-temps aprés sa condamnation, et que cependant le Seigneur confiscataire dispose des biens qui luy étoient échùs, seroit-il raisonnable qu’un acquereur de bonne foy fût troublé dans son acquisition, et que le Seigneur feodal fût condamné aux interests d’éviction ;. La clemence du Prince ne doit servir au confisqué, que quand les choses sont encore entières, et que le Seigneur confiscataire peut restituer sans dommage ce qui luy êtoit échû ; mais quand il n’est plus en sa main, le confisqué doit se contenter de reprendre son bien en l’état qu’il se trouve lors qu’il obtient sa grace.

Chassanée Bacquet C’est le sentiment deBarthole , de Chassanée et de Bacquer. Mr Cujas me paroit être d’un avis contraire en sa Consultation 38. où parlant d’un Officier d’armée, à qui le Gouverneur de la Province avoit ôté sa Charge, dont celuy qui en avoit été pourvû, avoit traité avec un particulier, et reçû une partie du prix. Il demande si aprés que celuy que l’on avoit destitué, avoit été rétabli dans sa Charge par la grace du Prince, celuy qui favoit achetée pouvoit être contraint de payer ce qu’il devoit de reste de son marché : Il répond que l’acheteur est tenu de payer, ESPERLaeETTE qu’il n’a point de garantie contre son vendeur, quia restitutio Principis, quae fit sponte et non sine injuria Principis, planè nova et inopinata res est. l. Lucius, l. si per imprudentiam, de evict. D. Le dommage et la perte qui arrive à l’acquereur par une cause étranaeere, ne doit, point tomber sur le vendeur ; injuria quae per injuriam emptori fit, non debet venditorem contingere. l. except. de fidejuss. D. Ce que Mr Gujas confirme par la loy 1. C. De peric. et Com. rer. vend. et l. 1. 8. si Magistratus, de Magistrat. Commun. Mais ces raisons ne conviennent. pas aux graces accordées par le Souverain ; car comme il peut remettre, la peine, soit : auparavant ou depuis la condamnation, il peut aussi remettre l’effet et l’execution de cette condamnation, an restitutus à Principe recuperet omnia bona : VideBartholum , in l. 1. C. de sentent. passis. et l. de deportandis. C. Cod. et l. quamois de rescript.

Cette question s’offrit en la Chambre de l’Edit le 2é de Mars 1626. sçavoir si un homme ayant été condamné aux Galeres à perpetuité, aprés y avoir servi vingt ans, et depuis ayant obtenu des Lettres de rappel, pouvoit rentrer en la possession de ses biens confisquez : Loüis Marie. ayant été condamné aux Galeres à perpétuité, par Arrest de l an 1602. il obtint des Lettres de rappel en l an 1625. qui furent entérinées, en consequence de quoy il prétendoit rentrer en la possession de son bien. On luy opposoit que ces Lettres étoient de pure grace et non de Justice, que par icelles le Roy n’avoit point revoqué la confiscation, en consequence de laquelle ses biens avoient été acquis aux Seigneurs. L’Article 200. de l’Ordonnance de Blois défend d’obtenir des Lettres de rappel des Galeres, et le Roy veur que l’on n’ait point d’égard à celles qu’on auroit surprises, quand la condamnation est jugée. Par l’Article 18. de l’Ordonnance de Moulins, le condamné par contumace aprés cinq’ans ne peut plus rentrer en ses biens, à plus forte raison celuy qui a été condamné aprés s’être défendu : Aussi les Lettres contiennent cette clause, que le Roy le remet en sa bonne renommée et biens non confisquez, c’est à dire aux biens situéz dans les Provinces oùt la confiscation n’a point lieus mais ces Lettres ne revoquent point les biens acquis aux Seigneurs, et dont ils peuvent avoir disposé. Voyez d’Argentré touchant l’explication de cette clause, restituè en sa bonne fame et biens non confisquez. Par Arrest l’impetrant fut debouté de sa demande ; les parties étoient Marie Frotey, le sieur du Ménil, et Goutier.

Celuy qui est restitué par le Prince en sa bonne renommée, ne laisse. pas d’être incapable, d’exercer un office de Judicature. Un particulier avoit été condamné pour usure en de grandes amendes qu’il avoit payées. Depuis il obtint des Lettres pour être restitué en sa bonne renommée, et bien que les Gens du Roy en consentissent l’enterinement, il en fut refusé, parce qu’il prétendoit par ce moyen se donner entrée en un Office. Le Prince restituë contrE la

Ee Pieda VrE PPA Re nran et raduraeitegiset : E N’lgs.

aux Charges, l’infamie de droit est suffisante pour cela.

Pona potest tolli, culpa perennis erit.

Indulgentia Principis quos liberat notat. Par Arrest du 9 de Juillet 2636. au Rapport de Mr de Mat han-

Les Lettres de rappel de bannissement pour cinq ans ne sont point reçûës en cette Province. Potier avoit été condamné par Arrest du mois de Février 1635. à reconnoître Filsac et Marthe Berthe, sa femme, pour gens d’honneur, et qu’il leur avoit temerairement et indiscrerement proferé les injures mentionnées au procez, et banni pour cinq ans de la Ville et Prevôté de Paris ; il avoit obtenu des Lettres de rappel, disant que la peine appartenoit au Roy et qu’il pouvoit la remettre, et il s’aidoit de deux Arrests du Parlement de Paris, donnez en cas pareil. Par Arrest da 1o de Janvier 1636. il fut debouté de ses Lettres Par autre Arrest du 1o de Juillet 1636. un nommé de la Riviere ayant obtenu Lettres de d rappel, pour un bannissement de cinq ans, il en fut refusé, suivant l’Ordonnance de Blois, E qui défend le rappel à ban des condamnez pour un certain temps. Cette peine tient lieu en quelque facon de satiefaction aux offensez, afin que leur partie ne soit point viè dans le païs, et que de leur part ils n’ayent pas cette douleur.

La prescription empesche aussi l’effer de la confiscation, la condamnation qui n’est point executée contre les presens et par effigie contre les absens, se prescrit par vingt ans, et la onfiscation demeure sans effet, suivant l’Arrest de Verson. Il faut neanmoins observer, à Négard de la prescription, que si le procez a reçû toute linstruction qu’il pouvoit avoir, et que la Sentence ou l’Arrest ayant été executez par essigie contre les absens, les interests et la confiscation ne se prescrivent que par trente ans. Cavey avoit fait condamner à mort par contumace Julien Bruley, pour l’homicide par luy commis du pere de Cavey, avec quatre mille livres d’interests ; Cavey negligea durant vingt-quatre ans l’execution de ce Jugement. Sur la poursuite qu’il fit aprés la mort de Bruley, contre ses heritiers, ils luy opposerent que action principale, à sçavoir le crime, étant éteint et effacé par les vingt ans ; les interests ui n’en étoient qu’un accessoire étoient aussi prescrits. Nonobstant ces raisons il fut jugé en ela Tournelle le 27 de Janvier 1645. au profit de la mere et heritière aux meubles et acquests e Bruley, que l’execution des Arrests et Sentences ne se prescrivoit que par trente ans. J’avois écrit pour la mère. Cette maxime que l’execution des Arrests ne se prescrit point par vingt ans n’est pas véritable en matiere criminelle, à l’égard des interests, que lors que les jugemens n’ont point été executez par esfigie que la demandé des interests est véritablement une action civil mobiliarre, et que les actions de cette qualité ne se prescrivent que par trente ans : mais il n’en est pas de même quand ces interests tirent leur principe et leur cause d’un crime, en ce cas ils ne sont considerez que comme des accessoires qui ne peuvent avoir plus de durée que leur principal, qui se prescrit par vingt ans, quand le Jugement n’a point recû toute sa pleine et parfaite execution. La raison de douter pouvoit être, que par la disposition. de droit l’interest civil est distinct et separé du crime, l. 6. de publ. jud. defuncto eo, qui reus uit criminis, et pona extincta in quacunque causa criminis extincti, debet is cognoscere cujus de pecuniaria re cognitio est. D’où il s’ensuit que crimine extincto etiam adversus heredem vel herebtatem pecuniariter agi potest. Ce qui se voit encore en la l. 5. de calumn. par laquelle consti-tutum est turpia lucra heredibus quoque extorqueri, licet crimina extinguantur. Neanmoins on a aussi jugé au Parlement de Paris par plusieurs Arrests, et notamment par un Arrest donné en l’Audience de la Tournelle le 21 de Mars 1653. que le crime se trouvant étefnt et prescrit par les vingt ans, la reparation civil étoit pareillement prescrite Non seulement les interests sont prescrits par vingt ans, mais aussi une provision jugée par Arrest fut déclarée prescrite par le même temps, par Arrest en la Chambre de la Tournelle du i8 de Novembre 1639. au Rapport de Mr de Toufreville le Roux : Jean Roussel avoit rendu plainte en l’an 1615. contre Suhard pour excez qu’il luy avoit commis : Roussel ayant appelé de ce qu’on ne luy avoit donné que 3o livres de provision, et que l’on n’avoit jugé qu’un comfarence personnel contre Suhard, par Arrest de l’ir de Février 1616. l’accusé fut decreté en prise de corps et condamné en 50o livres de provision. En l’an 1639. Roussel somma de Melun, premier Quissier au Bureau des Finances à Caen, fils et heritier de Marin Hebert, qui l’étoit aussi devenu de Suhard, de luy payer les 30o livres, on luy opposa la prescription de vingt ans, laquelle fut jugée encouruë : Roussel produisit un Arrest du 18 d’Aoust 1626. entre Estienne Marin et uutres, qui sembloit contraire. La condamnation de mort par contumace avoit été jugée en l’an 1595. avec 8oo livres d’interests aux heritiers de l’homicidé qui n’avoient pû être payez au decret des biens du condamné fait en l’an 16c8. Ce condamné ayant été arrêté en l’an 1626. il soûtint que le crime et les interests étoient prescrits. L’opposition au decret en 1600. étant la derniere procedure, par l’Arrest le crime avoit été déclaré prescrit, mais l’accusé fut condamné au payement des 800 livres ; la difference de ces deux Arrests, est que l’opposition au decret avoit empesché la prescription de la dette, et qu’il n’étoit point besoin d’autres diligences, et d’ailleurs c’étoient des interests jugez par un Arrest définitif ; mais l’autre Arrest n’étoit que provisoire, qui se pouvoit retracter, et pour cet effet il auroit falu voir le procez qui étoit prescrit Autre Arrest en la Chambre de l’Edit du 26 de Juin 1662. Piart étoit appelant du Bailly. de Caen, qui avoit annullé l’execution qu’il avoit requise pour cent livres d’interests, et les dépens resultans de crime jugez dés l’année 1637. mais qui n’avoient êté demandez qu’en l’an 662. on s’aidoit de la prescription des vingt ans. On alléguoit pour exception que la prescription de vingt ans n’avoit lieu que pour le crime ou pour les interests civils, avant la condamnation, mais la condamnation étant jugée elle pouvoit être executée jusqu’à trente ans ; par l’Arrest en insirmant la Senténce, l’intimé fut condamné à payer, plaidans de l’Epiney et Theroulde. 1l faut remarquer qu’en tous ces Arrests la condamnation êtoit définitive, tant pour le principal que pour les interests, et il ne restoit plus rien à executer.

Autre Arrest du 22 d’Avril 1671. Julien Desmont fut condamné au foüet pour vol de chevaux, et à la restitution de leur vraye valeur, par Sentence du Bailly de Mortain du 26 de Janvier 1649. comme on le conduisoit à la Cour pour y être jugé sur son appel, il s’échappa : aprés les vingt ans, François de S. Gilles prétendoit faire juger l’appel et mettre à execution la Sentence pour les condamnations civil ; il fut jugé qu’aprés les vingt ans la peine et la restitution des choses volées étoit prescrite

Guillaume Marchand, dit la Fleur, avoit été condamné à mort par contumace, par Arrest du Parlement de Paris de l’an 1597. l’Arrest fut executé par effigie. Etant arrété prisonnien en l’année 1624. il presenta sa Requête pour être absous, vû qu’il y avoit prés de trente ant que le crime avoit été commis. Ce qui luy fut contesté, le crime ne pouvant être prescrit que par trente ans, parce que l’Arrest avoit été executé par effigie, et que c’étoit la distinction que la Cour y avoit toûjours faite : Par Arrest de la Chambre des Vacations du Parlement de Paris, du 21 de Septembre 1624. il en fut debouté. Il obtint Requête civil, et la femme qu’il avoit épousée intervint en la cause ; mais par Arrest du même Parlement du et d’Avril 1625. sans s’arrêter à la Requête d’intervention de la femme, on mit sur la Requête civil les parties hors de Cour.

Deux Gentilshommes nommez de Droulin, sieurs de Chantelou, et du Boisdavoine, avoient été condamnez à mort par Sentence renduë par contumace au Châtelet en l’année 1633. et en rooo livres d’interests envers les heritiers de l’homicidé. Quelques années aprés le sieur de Chantelou épousa la Demoiselle de Bernieres qui luy donna le tiers de ses biens ; étant mort rente ans aprés la Sentence de condamnation, sur la demande de ce tiers faite aux heritiers de sa femme, on prétendit que la donation êtoit nulle, ayant été faite dans un temps où le sieur de Chantelou êtoit incapable de tous effets civils, par la condamnation. de mort jugée contre luy ; et les heritiers de l’homicidé demandoient aussi les 4o0o livres d’interests, disant que la prescription avoit été interrompué par une perquisition qui avoit été faite en la maison de la mère d’Alexandre de Droulin, et par une opposition à un decret en l’an 1666. Les heritiers d’Alexandre de Droulin, et les acquereurs de ce tiers qui luy avoit été donné, rémontroient qu’il n’étoit pas certain qu’il eûit été condamné à mort, que c’étoit un sien frere qui portoit alors la Seigneurie de Chantelou : mais aprés tout que le crime êtoit prefcrit par les vingt ans, et qu’aprés cela l’incapacité étant effacée la donation êtoit devenuë valable, et pour les interests bien que l’execution d’une Sontence executée par effigie se perpetué jusques à trente ans, on ne pouvoit se prévaloir de cette maxime, puisqu’on ne venoit qu’aprés les trente ans : la perquisition faite en la maison de la mere ne pouvant valoir d’interruptions non plus que l’opposition au decret pour avoir été faite aprés les trente ans. Par Arrest du ré de Juin les heritiers du sieur de Droulin furent déchargez de la demande des interests, et les acquereurs maintenus en leur possession : voyezLoüet , 1. C. n. 47. Journal des Audiences ; l. 2. c. 38. 1. 7. c. 18.

L’execution du prise de corps n’intertompt point la prescription. En 1636. un homme ayant été tué, on decreta prise de corps contre l’accusé : En 1655. il fut mis prisonnier Falaise, mais il obtint provision de sa personne, à la charge de se rendre prisonnier à Caen.

Depuis les vingt ans s’étant écoulez sans aucunes poursuites, par Arrest du 8 de Juin 1660. le crime fut déclaré prescrit, et sur l’action et demande, hors de Cour et de Procez, la veuve du Tuit et Maheut parties plaidantes, Greard et Maunourry Avocats Par Arrest du 30 de Mars 1662. en la cause des heritiers du Curé de Cropus, demandeurs en arrest de prison, contre le sieur du Perré, défendeur, et demandeur pour faire déclarer de crime prescrit ; comme aussi les condamnations jugées par Arrest, sur la demande desdits heritiers d’être reçûs à faire preuve que l’Arrest avoit été executé par effigie, huit de Messieurs les Juges furent d’avis de recevoit cette preuve ; sepr autres au contraire furent d’o-pinion qu’il y avoit prescription. Là-dessus il fut question de sçavoir s’il y avoit partage, la Grand. Chambre ayant été consultée, il fut resolu qu’il n’y avoit partage, et qu’il devoit passer in mitiorem, suivant l’avis de ceux qui tenoient l’action prescrite.

Aprés avoir expliqué les moyens qui empeschent la confiscation, cette matière mérite d’être discutée, si depuis un crime commis le coupable peut disposer de ses biens au préjudice des seigneurs confiscataires, et si les donations ou alienations qu’il en fait sont valables ; je ne parle point des interests et des hypotheques d’iceux, me réservant à la traiter separément, parce que cette question fe décide par des raisons particulières de nôtre Coûtume Cette question si aprés un delict commis le coupable peut vendre ou engager son bien, est fort célèbre entre les Auteurs, tant anciens que modernes, comme elle n’étoit point décidée par aucune loy du droit Romain, chaque Auteur pour soûtenir son opinion explique les loix à on avantage. Ceux qui estiment qu’aussi-tost que le crime est oommis le droit est acquis au Fisc et aux Seigneurs confiscataires, se fondent principalement sur deux loix. La premiere est dans le titre de Penis l. 1. quoties de delicto queritur, placuit eum penam subire non debere, quam conditio ejus admittit, sed eam quam sustineret, si eo tempore sententiam effet passus, quo deliquisset : D’oû ls inferent que si un criminel doit souffrir la peine imposée par la loy suivant sa condition, au temps du delict, et non au temps de la Sentence, la confiscation doit être acquise de ce même temps-là. Ils alléguent aussi la loy Quasitum, qui et à quibus manumitt. Quesitum est an is qui reus Majestatis crimine factus sit, manumittere possit, quia ante damnationem Dominus est : Imperator rescripsit ex eo tempore, quo quis propter scelerum suorum cogitationem jam de penâ certus esse poterat, multb plus cogitatione et conscientiâ fcelerum, quam damnatione jus dandae libertatis amississe.

Et ils ajoûtent que, à tempore delicti orta est obligatio ad ponam, unde sententia quae postea sequitur porius declarat quam aliquid novi inducit, quia eo ipfo quod judex pronuntiat maleficium commissum, tatim ipfo jure succedit pena juris, & ideo sententia retrahitur ad tempus delicti. M d’Argentré , sur a Coûtume de Bretagne, Article 188. gl. 2. décide cette question par les termes de sa Coûtume.

Magna dubitatio Scholasticis authoritatibus, an ex delicto mpotheca nascatur fisco, plures à sententià contrahi putant.

Les autoritez qu’on apporte pour soûtenir lopinion contraire sont plus expresses, in reatu constitutus bona sua administrare potest, eique debitor bonâ fide solvit. l. offertur. S. in reatu de jure fisci Si donc celuy qui est même accusé ne pord point ladministration de son bien, fargument que l’on tire de la l. ex judiciorum. ff. de accus. n’est pas moins décisif, ex publicorum judiciorum admissis non aliâs transeunt pena bonorum ademptionis quâm si lis contestata, & condemnatio secuta, excepto repetundarum & Majestatis judicio ; ex cateris vero delictis pena incipere ita demum potest, si vivo reo accusatio mota est, licet condemnatio fecuta non sit. Il n’est donc pas vray que ex solo delicto obligatio mota sit ad penam, puisque pour acquerir la confiscation il est necessaire que vivo reo accusatio mota sit, et tant s’en faut que par la seule action le crime ou la peine, ou l’infamie soit encouruë, que si le condamné appelle, l’infamie ne commence que du jour que la Sentence est confirmée, si injusta appellatio visa sit, hodie notari puto non retro. l. furti. 6. 1. ff. de his qui not. inf.

Et pour réponse aux loix qui semblent contraires, outre que la loy 5. si ex noxali causa y est expresse, il y a bien de la difference, comme dit Aleiat au commencement de son Commentaire, sur la loy post contractum ff. de Donationibus, entre la personne du delinquant et un étranger qui traite avec luy de bonne foy, quamois delinquentis respectu ad tempus delicti respiciamus, quod tamen ad id quod pecunialiter tertii attinet, tempus sententiae solûm respicimus.

La loy Quasitum ne déclare la donation nulle que pour le crime de leze-Majesté, propter facinoris ttrocitatem, hors ce cas donc la donation doit subsister, et quoy qu’il soit dit en la loy aufertur.

S. fiscus : que fiscus semper jus pignoris habet, tamen cùm pignus obligationis sit accessorium, non prius nascitur quam ipsa obligatio. La peine n’est point dûe qu’aprés la Sentence, et comme dit un de nos Auteurs est tanquam fructus nondum persectus, sed seminatus, et ideo ficut fructus pendentes non pertinent ad fructuarium, ita nec ad fiscum. Et c’est aussi le fentiment le plus commun que les emendes, les confiscations et les interefts n’ont hypotheque que à die sententia, et non à tempore delicti, et quand du Moulin traite la question entre les deux fermiers, à sçavoir à qui les fruits appartiennent, ou à celuy qui est fermier au temps du delict, ou à celuy qui l’est au temps de la Sentence : Il répond en ses Notes, sur les Conseils d’Alexandre, Cons. 7. 3. vol. qu’ils sont dûs au fermier qui étoit au temps de la Sentence, quia penâ prius non debetur.

Ce qui a partagé les esprits sur cette matière a été la loy post contractum de Donationibus ; avant que de parler dés differentes lectures et explications de cette loy, je remarqueray qu’elle ne défend la disposition du bien qu’à celuy qui a commis un crime capital. Il est vray qu’on dispute, Modestin quid sit crimen capitale ; Modestin, en la l. 103. dit que, licet capitale Latinè loquentibus omnis causa existimationis videatur, tamen appellatio capitalis mortis vel amissionis civitatis intelligenda est l. capitalis, a8. de penis. Suivant cette distinction les alienations faites par l’accusé ne seroient pas nulles à l’égard des amendes, et neanmoins l’hypotheque en doit commencer du jour que l’accusation a été notoire. La Glose et tous les anciens Interpretes, à la réserve d’un seul qui est Odufredus, l’ont expliquée de cette sorte, que post contractum capitale crimen valent nisi condemnatio secuta sit, c’est à dire que la donation faite aprés le crime commis est valable, pourvu qu’elle ne soit faite aprés la condamnation.Alciat , en son Commentaire sur cette loy, approuve ette explication, post contractum capitale crimen donatio facta valet, nisi facta sit post condemnationem. car, dit-il, le mot secuta étant un participe tempori praterito non conveniret, si donationes non valerent, sed in suspenso essent. La Sentence de condamnation ne peut avoir un effet ntroactit au préjudice du donataire, à qui le droit est acquis, parce que c’est seulement du temps de la gentence que la peine est duë.

Mr Connan l’entend de la même sorte, l. 5. c. 11. Comment. Ce qu’il confirme arg. l. ci aliquis de don. cau. mort. ubi in fine dicitur quamvis caterae donationes ( scilicet inter vivos ) sine susbicione pena factae valeant : ergo si fiant ab eo qui pona erat obnoxius, revocantur secutâ condemnatione, vix enim potest à suspicione pona abesse, qui crimen admisit, in eo tamen diligenter inquirendum arbitramur si que susbicio pracesserit, sine qua fraus nulla esse potest revocari autem donationem bona fide factum perquam durum est.

Les autres ont soûtenu que cette loy ne devoit pas s’entendre de cette maniere, que son ray sens et sa véritable lecture êtoit que post contractum capitale crimen donationes facta non valent, si condemnatio secuta sit, c’est à dire que la validité de ces donations est suspenduë jusqu’au jugement, que si la condamnation s’en ensuit, elles sont nulles. Certissimum est, dit MrCujas , in Comment. Ad lib. 1. Vesp.Pap . l. 31. 5. ult. male legi in pandectis Florentinis post contractum capitale crimen donationes non valere, nisi condemnatio secuta sit, cum sit legendum si condemnatio fecuta sit. Certissi-ma est illa definitio donationes inter vivos factas non valere post contractum capitale crimen, sed revocari à fisco si condemnatio secuta sit, et si etiam cum nondum reus postulatus sitis qui crimen admisit dona-tionem fecerit, donatio non valet si postea reus postulatus, reus factus et reus condemnatus sit, quia prasumitur donasse suspicione criminis futuri.

Pour soûtenir cette opinion de MrCujas , il faut remarquer que les Docteurs qui tiennent de contraire, ne veulent pas que les dispositions faites par le coupable depuis l’accusation jusques à la condamnation soient annullées, mais seulement celles qui sont faites depuis la condamnation et l’execution de la Sentence. On répond à cela que cette loy êtoit un droit nouveau, et qu’elle a voulu introduire quelque chose qui n’étoit pas permis auparavant. Or par le droit ancien les actes passez entre la condamnation et l’execution étoient nuls ; ce que cette loy a ajoûté est pour ce qui s’est fait avant la Sentence de condamnation, que cette loy déclare nul, en cas que la condamnation s’en ensuive, autrement elle n’auroit rien ordonné de nouveau.

Mais pour lors il y a deux temps à distinguer ; le premier, depuis le crime commis jusques à ce que l’on foit deféré à Justice, c’est à dire jusques à la plainte, information et decret ; et le second, depuis ces actes-là jusques à la Sentence ; et cette distinction de temps est fort necesfaire, comme on le verra sur l’Article 593

Pour accorder cette contrarieté de loix et d’opinions de nos plus judicieux Auteurs, on fait deux distinctions ; la première sur la qualité des crimes, et la seconde sur la nature des contrats faits depuis le crime commis. Pour les crimes on fait différence entre les grands crimes, comme celuy de leze-Majesté, le sacrilege, le parricide, le peculat ; et pour ceux-là l’interdiction commence dés le temps du crime commis, et pour les autres crimes, l’interdiction. dépend de l’évenement de la Sentence

Pour les contrats, la distinction la plus commune et la plus approuvée est celle qui met de la différence entre les contrats à titre lucratif, et les contrats à titre onereux Pour les contrats à titre lucratif, tels que sont les donations, n’étant pas possible qu’elles se fassent sine suspicione ponae par celuy qui a commis un crime, elles ne peuvent valoir, bien qu’il n’intervienne aucun dol de la part du donataire, non est quarendum an sciente eo cui dona. tum est gestum sit, sed hoc tantùm an fraudentur creditores, nec videtur injuriâ affici is, qui ignoravit, cum lucrum extorqueatur, non damnum inferatur. I. qui autem 3. 11. que ln fraud. cred. Il n’est pas necessaire pour les donations faites par un criminel qu’il y ait du dol du côté du donataire, ou qu’il ait sçû le crime ou le dessein que le criminel a eu d’éluder la condamnation qui devoit être renduë contre luy.

Par les loix d’Angleterre aprés le crime commis, l’accusé ne peut donner ni aliener son bien. Stanfort l. 3. c. 31. et Bracton l. 2. Si post feloniam perpetratam donationem fecerit, et rondarnnatio secuta fuerit, non valet donatio, sed revocabitur, et retrotrahitur tempus ad perpetrationem feloniae : secus est si ante feloniam commissam donatio facta fuerit, superveniente delicto cor-rumpi nec mutari quod ante ritè transactum fuerit.

Il n’en est pas de même pour les contrats à titre onereux. Les dispositions faites par un criminel, soit en vendant, permutant ou autrement, sont valables, pourvû que l’acquereur ne soit point d’intelligence avec le vendeur, et qu’il n’ait point eu de part à sa mauvaise foys car n’y ayant que la condamnation qui retranche les effets civils au criminel, il ne devient absolument inhabile de contracter qu’aprés le decret. Ainsi bien qu’il contracte dans la seuls vûë de détourner son bien pour éluder la rigueur de la Justice, il n’est pas juste neanmoins qu’un acquereur de bonne foy perde son argent, pourvû, comme j’ay dit, qu’il ne soit point participant de la fraude. Je n’estime pas neanmoins que pour l’en convaincre ce soit assez que alienation ait été faite sans necessité et sans employ du prix qui en est procedé ; car fondant la validité de ces contrats sur la seule bonne foy de l’acquereur, lors qu’elle s’y rencontre ona ne doit point y rechercher d’autres conditions, post scelus admissum antequam reus sit constitutus, venditiones, permétationes, et catera id genus nonagratuita alienationes valent, si modo fraude caret is qui-cum est contractum.Connan . l. 5. Comm. Cap. 1. Bartole pour prouver que l’acquereur soit d’intelligence avec le criminel, et qu’il participe à la fraude, rapporte ces conjectu-res ; s’il fait une donation universelle de ses biens, si elle est faite à son proche parent ; si aprés l’alienation il demeure en possession, si l’on a pratiqué des moyens pour rendre l’alienation secrete et tachée.

MonsieurCujas , ad l. post contractum, n. 8. a tenu la même doctrine sur cette matière. Il faut voit Bartole et Alciat sur la même loy : D’Argentré , sur l’Article 188. de la Coûtume de Bretagne : Mr le Bret de la Souverain. du Roy, l. 3. c. 15.Mornac . in Praf. ad Tit. de pign.

Ricard . des Donat. part. 1. c. 3. sect. 4. n. 244. Mr le Prestre Prestre, Cent. 1. 4. 85.Henris , t. 2. l. 4. quest. 6. Pap : en ses Not. t. 1. l. 5. des Donat.

Cette liberté que le criminel a de contracter, ne doit pas s’étendre jusqu’au temps de la Sentence ; car si le crime a été connu à l’acquereur, ou qu’il ait été rendu notoire par l’annotation des biens du coupable, en consequence d’un decret du prise de corps, ou par les apeaux Ban, les alienations ne peuvent subsister, le fondement qu’on posoit pour les soûtenir venant à manquer.

Les maximes que je viens d’établir ont été autorisées par Arrests.

Du Fayel, Prestre, débaucha une de ses Paroissiennes ; ayant connu qu’elle étoit grosse de cinq mois, il fit une donation de tout son bien à son frère ; elle ne fut insinüée que six jour avant l’accouchement. Sur l’execution faite aux biens de du Fayel pour les : interests que cette fille avoit obtenus contre luy, le frère en demanda la distraction, en vertu de sa donations sur l’appel de la Sentence qui la declaroit nulle, on disoit que la loy post contractum n’annulloit que les donations faites aprés le crime commis, et que la faute de du Fayel n’étoit pas de cette qualité. On répondoit que dés le moment qu’il avoit débauché cette ffille, il avoit hypothequé tous ses-biens et ses interests, de forte que c’étoit une dette anterieure à cette do-nation. La raison de la loy post contractum avoit lieu pour routes sortes de crimes, cette loy ndamnant tout ce qui est fait en fraude, pour éluder la rigueur de la Justice. Il falloit faire différence entre les donations et les ventes : les donations étant toûjours presumées faites en rraude, cogitatione sceleris, ex penâ. Par Arrest de la Tournelle du 18 de Février 1645. la Sentence fut confirmée, plaidans le Févre et Lesdos.

Pour les contrats de vente par un’ancien Arrest du premier de Janvier 1543. Dannebaut ayant acquis un fief de Queteville depuis le crime commis ; mais avant la condamnation, sur l’opposition du Seigneur, prétendant la confiscation, il fut jugé qu’elle n’avoit lieu que du jous de la Sentence. Autre Arrest du 27 de Février 1598. pour Me François Daniel. La confiscation n’est pleinement acquise que par la condamnation. Il ne s’enfuit pas toutesfois que le coupable ait une pleine liberté de disposer de ses biens jusqu’à ce temps-là, il ne le peut que dans les casque j’ay remarquez.

Helie Laurens fut condamné aux Galeres à perpetuité, par un Arrest de l’an 1580. qui commuoit la mort naturelle en mort civil. Le Cardinal de Lorraine, Abbé de Fécamp, remit le droit de confiscation aux enfans. En l’an 1585. Helie Laurens étant sorti de prison par le commandement du sieur de Carouges, il contracta des dettes et véeut comme une personne libre, demandant et défendant en Justice à toutes actions. Etant mort en l’an 1610. le Broment fit saisir réellement et ajuger ses héritages pour cent livres de rente, que Laurens luy avoit ronstituées depuis sa condamnation. En l’an 1614. du Jardin obtint du Cardinal de Joyeuse le don des héritages de Laurens, consisqué par la Sentence du Senéchal de Fonteines leBourg, et s’en fit envoyer en possession, au préjudice de Brument. Sur l’appel de Brument la fille de Laurens se presenta en la cause, et demanda la proprieté des biens de son pere, en vertu de la romise à elle faite de la confiscation par le Cardinal de Lorraine, et entant que besoin elle obtint des Lettres de loy apparente, et appela incidemment du decret. Le Brument representoit que Laurens avoit vécu plus de vingt ans depuis sa condamnation, comme personne libre, ayant toûjours paru en cette qualité, sic agebar, sic contrahebat. On ne pouvoit blamer les contrats faits avec luy dans cette bonne foy, error communis facit jus. l. Barbarus ff. de offic. Pret. Il étoit vray-semblable qu’il avoit obtenu du Roy un rappel, autrement la Cour n’auroit pas permis qu’il fût sorti des prisons, et aussi il n’en avoit été mis hors que par l’ordre du sieur de Carouges, Gouverneur de la Province, que depuis Laurens êtant au ser-vice du Roy, il avoit fait des prisonniers qu’il fit juger de bonne prise par Messieurs les Maréchaux de France ; que toutes ces : circonstances faisoient penser qu’il étoit libre, qu’il êtoit rentré en la pussession de son bien, et qu’en effet il en avoit joûi jusqu’à sa mort. Du gardin, donataire de la confiscation, alléguoit qu’un condamné aux Galeres à perpetuité étoit servus pona, incapable de contracter, que le decret étant fait en vertu d’un contrat nul, il ne pouvoit valoir, ne paroissant d’aucune grace du Roy ni de rappel de Ban, et à l’égard de la fille que le don n’avoit été insinüé ni executé.

La fille reprochoit à ses deux parties qu’elles détruisoient le droit l’une de l’autre, que le Cardinal de Lorraine ayant eu qualité pour remettre la confiscation, la proprieté en avoit été acquise aux enfans, et leur pere confisqué, n’avoit pû les obliger à ses dettes, n’ayant point été établi contre la condamnation, et bien que le condamné eût vécu comme personne libre, et qu’on eût dissimulé sa condamnation, elle ne laissoit pas d’avoir effet pour l’incapacité de contracter, et pour le priver des biens confisquez. On trouve un exemple presque semblable dans une Ep. dePline , l. 10. Epist. à l’Empereur Trajan. Plusieurs personnes avoient été condamnées in opus, in ludum, et en d’autres peines semblables. Depuis on les avoit employées à Pline quelques offices et services publies. Plinae consulta l’Empereur sur ce qu’il en falloir faire, nam eddere penae plerosque jum senes nimis severum, & in publicis officiis retinere damatos non satis bonestum, et ut decreta quibus damnati érant proferebantur, ita nulla monumenta érant, quibus liberati probarentur ; quidam dicebant jussu proconsulum legatorumvé dimifsos : L’Empereur répondit, qui intra decem annos damnati, nec ullo idoneo authore liberati hos oportebat pona suae reddi, siqui vetustiores inveniantur, distribuantur in éa ministeria que non longé à penâ sint : Ainsi celuy qu est condamné, quoy que sa peine soit dissimulée par un long temps, et que la condamnation ne soit point executée, il n’acquiert pas neanmoins la liberté. Ceux qui demandent les biens sont favorables étant enfans du confisqué, ausquels les loix Romames laissoient une partie des biens des condamrez, l. cum ratio. ff. de bon. damnat. Pour la remise de la confiscation ce n’est point une donation, c’est une restitution qui se rapporte à la disposition du droit de sententiam passin 7 restitutis, non une simple donation, et par consequent l’insinuation n’en est point necessaire : Par Arrest du 1s de Decembre 1616. les Sentences du Senéchal de Fonteines-le-Bourg furent gassées, et les biens de Laurens ajugez à ses enfans avec restitution de fruits.

Il ne sera pas superslu de proposer cette question, si les biens substituez ou dont falienation est prohibée tombent dans la confiscation : car quoy que les substitutions pour succeder ne soient point reçûës en cette Province, toutefois dans les choses que la Coûtume permet de donner on peut apposer une substitution, ou une prohibition d’aliener, ou hypothequer la chose donnée.

Or bien que la défense d’aliener aille au profit d’un tiers, et non du criminel, la confiscation ne peut s’étendre sur cette sorte de biens, hormis aux crimes de leze Majesté : voyezBrodeau , sur’sur M. Loüet, l. C. n. 52.Molin . de feud. 5. 3. gl. 4. n. 21. C’est aussi la theorie deBarthole .

Quand la confiscation a son effet, la Coûtume veut que les biens confisquez appartiennent aux Seigneurs dont ils sont tenus, hormis dans les cas de lArticle suivant.

C’est le droit coûtumier de toute la France que les biens confisquez appartiennent aux HautsJusticiers, au préjudice des moyens et Bas-Justiciers, parce qu’ils prétendent que la confiscation est une dépendance et un fruit de la Jurisdiction : car le jugement de confiscation est necessaire pour faire perdre le fief au vassal ; la confiscation n’étant pas tant acquise par le crime commis que par le jugement de condamnation, et c’est pourquoy la Coûtume de Troyes, Article 170. titre des Just. dit que le Haut-Justicier a les biens qui sont en sa Haute-Justice, au temps et heure de la déclaration de la confiscation ; et c’est une recompenfe qui appartient justrmecturer Haut-Justicier à cause des frais qu’il est tenu de faire. Mais en cette Province les Seigneurs feodaux l’ont gagné sur les Hauts-Justiciers, et on a trouvé qu’il étoit plus naturel de reünit la Seigneurie utile à la directe, comme lusufruit à la proprieté La confiscation enveloppe generalement tous les biens, tant propres qu’acquests, meubles et rentes, et autrefois il n’en demeuroit aucune portion aux enfans : voyezBrodeau , sur l’Article 183. n. 11. pour les rentes constituées, comme il ne nomme point de situation, elles Loyseau appartiennent au Roy au préjudice des Seigneurs feodeaux, comme il a été jugé pour la succestion des bâtards. Loyseau des Seigneuries, c. 12. n. 92. les attribué aux Seigneurs dans la Justice desquels le criminel avoit son domicile, suivant l’usage de Paris, où les rentes constituées se partagent selon la Coûtume du domicile du creancier, et non de l’obligé, comme en cette Province.

Les biens confisquez appartiennent aux Seigneurs, à condition de payer les rentes Seigneuriales, foncieres et constituées, même les dettes mobiliaires, discution prealablement faite des meubles. L’ancienne Coûtume êtoit contraire, C. de tenûre par hommage. Le Roy ni les Seigneurs ne sont obligez de payer les dettes du condamné et les amendes que jusqu’à la concur-rence de la valeur des biens, et à raison de ce qu’ils en amendent, comme les Jurisconsultes l’ont resolu. l. 1. 8. an bona. l. non intelligitur. S. cum ex causâ de jure fisci Chopin Il est encore certain que les Seigneurs ne peuvent être poursuivis solidairement. Chopini du Dom. l. 1. t. 8. n. 19. et t. 12. n. 13. et qu’ils ne contribuent que pro modo emolumenti : ce qui est vray entre les Seigneurs, mais. à l’égard des créanciers ils peuvent s’adresser pour le tout Loyseau sur chaque piece du bien de leur obligé, comme Loyseau l’a fort bien prouvé ; autrement leur condition deviendroit fort incommode s’ils étoient contraints de liquider avec chaque Seigneur ce qu’il en devroit pour sa part. C’étoit autrefois une question célèbre entre les Auteurs, si les dettes passoient sur les biens confisquez. Les anciens Docteurs ont fait différence entre la Commise et la Confiscation, et ils étoient d’avis que quand le fief retourne au Seigneur par Commise c’étoit en exemption de toutes les dettes et charges imposées par le vassal, parce et que le retour se faisoit ex naturâ feudi, que si c’étoit par confiscation, alors le fief revenant au Seigneur par une cause étrangere, les charges n’étoient point éteintes, res transit et cum onere.

Mais aujourd’huy en toutes manieres le Seigneur est tenu d’acquitter les dettes.