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CXLVI.

Droit de deshérance.

Aux Seigneurs feodaux appartiennent les héritages de leurs vassaux aprés leurs decez, à droit de deshérance et ligne éteinte aux charges de droit, s’il ne s’y presente hoirs habiles à succeder dans le seprième degré inclusivement.

Ultimi heredes aliquorum sunt eorum Dominis, ergo cûm quis sine certo herede moritur, solent Domini feodorum feoda illa tanquam in manus suas capere, quicumque sunt Domini sive Rex, sive quis alius. Et quotiescumque dubitaverit aliquis Dominus de herede tenentis sui utrum sit rectus bares, vel non terram illam tenere poterit, donec legitimè constiterit.Glanville , 1. 7. c. 17.

Il paroit par cet Article, par le suivant et par le 143. qu’en cette Province les Seigneurs feodaux ont beaucoup plus de droits qu’ailleurs, puisque les confiscations, les deshérances et les biens des bâtards qui sont mouvans de leurs fiefs leur appartiennent, quoy que par toute la France ls appartiennent au Roy ou au Haut : Justicier. Nous avons eu plus de panchant à reünir la seigneurie utile à la directe, le retour et la reünion en étant plus facile et plus naturel que celuy de la Justice privée à la publique.

Nous appelons droit de deshérance ce que les Grecs appellent MOTGREC, les Latins raduca. Il y a ouverture à ce droit lors que la ligne est éteinte, et qu’il ne se presente point er d’heritiers habiles à succeder dans le seprième degré inclusivement Ce droit est plus utile aux Seigneurs en cette Province que non pas ailleurs ; car nôtre Coûtume a restreint le droit de succession au septième degré suivant la loy, non facile de grad. cogn.

Mais en France la succession a lieu in infinitum tant que la ligne se peut montrer. Nous n’avons point reçû cette difference que le droit Romain faisoit inter agnatos et cognatos : les derniers ne succedoient qu’au septième degré, les autres étoient habiles jusqu’au diaeième, étant dignes d’une plus grande grace, cûm nomen et decus familiae retineant et servent. Le Bret de la Souveraineté du Roy, l. 3. c. 14.

Nous ne comprenons aussi sous ce mot de ligne éteinte, que les parens d’un même côté, et non la ligne paternelle et maternelle, comme on fait en France, où tant qu’il y a des parens d’un côté ou d’autre, ils excluent le Fisc et les Seigneurs ; car les paternels ne succedent point aux maternels, les Seigneurs y succedent plûtost.

C’est encore un usage certain que le titre, unde vir & uxor, n’est point observé parmy nous, quoy qu’on ait taché d’introduire la jurisprudence du Parlement de Paris, où l’on observe le ître unde vir, et dont Mouthelon rapporte un Arrest, Arrest 92. et il ajoûte qu’en France on garde la loy vacantia C. de bon. vac. par laquelle quand les parens d’un côté defaillent, les parens de l’autre côté succedent ad exclusionem fisci.

Aprés la mort du Capitaine de Siane qui étoit bâtard, sa succession fut prétenduë par Mr le Duc d’Orléans, joüissant de la Vicomté d’Arques, pour Mademoiselle d’Orléans sa fille, et par le sieur du Roux, se disant parent du défunt, et par la veuve dudit sieur de Siane ; l’affaire yant été évoquée au Parlement de Paris, par Arrest du 14 de Janvier 1635. toute la successiont pien que située en Normandie, fut ajugée à la veuve, suivant le titre unde vir & uxor. Depuis Guilain, Ecuyer, sieur du Bois. Guillaume, qui avoit épousé cette veuve, ayant été troublé pour quelques effets de cette succession, la cause fut portée en la Chambre de l’Edit de ce Parlement, oû Mr le Procureur Genéral ayant obtenu des lettres de Requête civil contre l’Arrest du Parlement de Paris, aprés que la cause eût été solennellement plaidée, on mit sur les lettres de Requête civil les parties hors de Cour.

Cet Arrest n’étoit pas assurément conforme à l’esprit de nôtre Coûtume, par l’Article 383. le droit de viduité appartient au mary, au préjudice des Seigneurs feodaux, à qui les biens de la femme pourroient appartenir, soit à droit de confiscation, de ligne éteinte, et cet. On argumente de cet Article, que le mary au defaut de parens n’est pas heritier de sa femme, que ce sont les Seigneurs feodaux, et le mary n’y peut prétendre qu’un droit de viduité : et cette question pour des biens en Normandie ayant été évoquée au Parlement de Paris, Mr le Rapporteur voulut être pleinement informé de la maxime de Normandie, où aprés avoir examiné l’Article 245. et l’Article 383. il fut jugé que le titre, unde vir & uxor, n’avoit Loüet point lieu en Normandie. Entre le sieur de Croismare Lasson, et autres, Loüer, l. F. n. 22.

Brodeau et du Moulin n’ont pas ignoré que le titre, unde vir & uxor, ne se pratiquoit point en cette Province, non plus qu’en Anjou, Article 268. au Mayne, Article 286. en Bretagne, Article 595. En ces Provinces jus pratorium succedendi unde vir & uxor inusitatum est.Chopin , l. 3. c. 3. t. 2. n. 2. etPontanus , sur la Coûtume de Blois, Tit. 3. Article 20. licet jure communi vir & uxor, non extincto legitimo herede, excluso fisco convocarentur, tamen hodie mos apud Gallos invaluit à viro & uxore fiscum non excludi, sed his praferri.

Nous avons aussi vû juger diversoment cette question, si celuy qui n’avoit point d’enfans ou d’heritiers, ou un bâtard pouvoit donner tous ses biens au préjudice du droit des Seigneurs.

Par Arrest en l’an 1653. on confirma une donation faite par un bâtard. Marinel qui étoit issû d’uin bâtard disposa par une donation entre vifs tous ses biens au nommé le Prevost : le sieur de Fontaine-duerecut, dont ces héritages étoient tenus à cause de son fief de Brecour, contesta cette donation, entant qu’elle excedoit le tiers que la Coûtume permet de donner, et demanda le surplus à titre de deshérance. Mr le Guerchois, maintenant Avocat General, qui plaidoit pour luy, s’aidoit de l’Article 431. qui prohibe les donations au de-là du tiers. Bigot, pour le Prevost, répondoit que cette prohibition de donner plus que le tiers n’étoit introduite qu’en faveur des heritiers, de sorte que quand la raison de la loy venoit à cesser, on devoit laisser à un chacun le pouvoir de dispofer de son bien à sa volonté, uti quisque legassit, ita jus esto, qu’on pouvoit inferer des Articles 435. et 437. que c’étoit l’intention de la Coûtume, car quand elle permet de revoquer les donations excessives, elle né donne cette liberté qu’aux heritiers. En effet la défense d’aliener n’a pour but et pour cause que la conservation des biens dans les familles ; que s’il n’y en a point, la difpositien de la loy n’est point viblée par une donation generale ; un Seigneur feodal n’est pas plus favorable à contester une telle disposition, qu’il le seroit à s’opposer à la grace que l’on feroit à celuy qui auroit mérité la mort, que c’étoit la jurisprudence du Parlement de Paris : MrLoüet , l. F. n. 22. l. 3. n. 37. Par Arrest en l’Audience de la GrandChambre du 9 d’Aoust 1653. la donation fut confirmée. Comme cet Arrest ne passa que de peu de voix, la même difficulté s’étant presentée le 8 de Février 1657. devant les mêmes Juges, qui avoient donné le promier Arrest, eux qui étoient la loy vivante et seuls capables de s’interpreter, reglerent tous d’une voix la question conformément à cet Article : Lors du premier Arrest on ne fit pas assez de reflexion sur là consequence de cette question, on en chercha la décision dans des dispositions étrangeres, sans considerer serieusement la teneur de cet Article, dont la décision est fort opposée au droit civil, et c’est pourquoy la question ayant été mieux approfondie, on reconnut le préjudice que les Seigneurs de fief en pouvoient souffrir ce qui porta la Cour à revoquer son premier jugement, et aprés avoir décidé la chose entre particuliers, elle en fit une loy generale par l’Article 94. du Reglement de l’année 1666. qui porte que celuy qui n’a point d’heritiers ne peut donner par testament ni entre vifs au de-là de ce que pourroit donner celuy qui auroit des heritiers.

Ce dernier Arrest du 8 d’Aoust 1657. a été rendu entre Me Nicolas Martin, Bourgeois de Roüen, demandeur en ajournement contre Mre François Martel, Chevalier, Seigneur de Fontaine, et Mre Philippes de Foüilleuse, Marquis de Flavacour, défendeur. Il s’agissoit de sçavoir si une personnne qui n’a point d’heritiers, peut disposer de tous ses biens au préjudice des Seigneurs, sans que le Seigneur s’en puisse plaindre ni revoquer en aucune manière la disposition qui a été faire pour le priver des droits de reversion, qui luy appartiennent à cause de son fief.

Greard, pour. Martin, soûtenoit que la Cour avoit déja jugé la question pour la donation entre vifs, et comme la même raison se rencontroit en sa cause, qu’il esperoit de sa Justice une pareille décision en sa faveur, que défunt Nicolas Martin, fils legitime de Claude Martin, qui étoit un batard de la maison du demandeur voyant qu’il n’avoit aucun heritier, avoit crû qu’il étoi obligé de remettre les biens qu’il possedoit dans la maison d’où ils étoient venus, ayant été donnez à son pere par l’ayeul du demandeur, que pour cet effet par son testament holographe, aprés avoir fait quelques dispositions particulieres, il laissa tout le reste de ses biens au demandeur, à la charge de payer ses dettes : que naturellement nous naissons libres pour disposer comme il nous plaist de ce qui nous appartient, qaee telle étoit la jurisprudence Romaine.

UInusquisque rei suae aquus est moderator & arbiter. Les loix des douze Tables portoient, uti quisque suae rei legassit, ita jus esto. Que depuis comme on avoit vû que cette liberté apportoit de grands. desordres dans les familles, et que des captateurs d’heredité y entroient au préjudice du sang et des heritiers legitimes, on avoit par des loix nouvelles restreint cette liberté generale, quand eII alloit à frustrer les enfans ou les autres heritiers, à quoy la loy Falcidie avoit pourvû, à l’imi tation de laquelle nos Coûtumes avoient limité les donations universelles, en faveur des heritiers, comme la pluspart le portent en termes exprés. Que par l’Article 435. de la Coûtume, les heritiers peuvent revoquer les donations faites contre la Coûtume, dans les dix ans plu jour du decez du donateur, autrement ils n’y sont plus recevables ; qu’il n’y avoit donc que es heritiers legirimes qui pouvoient revoquer les dispositions faites par le défunt, dans les dix ins, et non pas les Seigneurs ; que ce que la Cour avoit jugé de la donation entre vifs, se devoit aussi dire de la donation à cause de mort, laquelle ne peut être contestée que par de véritables herit iers, puisque ce n’est qu’en leur faveur que la loy a défendu de donner plus que le tiers des acquests par testament, que plusieurs Arrests rapportez par Mr Loüet et Brodeau avoient agé la question contre les Seigneurs, même pour une donation testamentaire, sur ce fondement que les Seigneurs n’ont aucun droit aux biens d’une succession, que lors qu’il n’y a per onne qui se presente. Ils sont heritiers des biens vacans, mais celuy qui y peut prétendre que’que chose, quelque mauvais que soit son droit, doit être préféré aux Seigneurs dont la cause est toûjours la moins favorable, causa fisci semper deterior.

Hufard pour le sieur de Fontaine-Martel disoit au contraire, qu’encore que les Seigneurs de fief ne portent point la qualité d’heritiers, ils en ont pourtant par le moyen du droit de deshérance les mêmes droits et prerogatives, en sorte que le statut general du païs coûtumier, que la possession du mourant est transmise et continuée à l’heritier sans ministere de fait, s’entend et a lieu en sa personne du Seigneur du fief, lequel par le décez de son vassal mort sanshoirs est saisi et Tiraquel devient possesseur des choses qui sont dans letenduë de son fief. Voyez Tiraqueau, tract. Chassanée Masuer mort saisit le vif ; et Chassanée, sur la Coûtume de Bourgogne ; et Masuer, Tit. des Successions, d’où il s’enfuit que les Seigneurs ont un droit et une qualité suffisante pour contester le testament, oit en sa matière, soit en sa forme, et que l’une ou l’autre nullité suffit pour le faire casser, qu’encor que la même raison eût lieu au regard des dispositions entre vifs, cette cause étoit neanmoins differente de celle qui avoit été jugée et que les Juges se pouvoient sourenir des considerations, sur lesquelles on s’étoit fondé, que la donation entre vifs dont il agissoit alors êtoit une disposition reductible, laquelle neanmoins subsistoit d’ailleurs ; mais qu’il étoit question d’une donation entièrement nulle qui ne peut subsister en aucune partie, et qui est entierement inutile et illegitime, les dispositions de propre par testament sont absolument défenduës par nôtre Coûtume, qui est conçûë en des termes negatifs et prohibitifs. Il y tout lieu de présumer de la fraude à l’égard de ces donations, parce qu’il ne se trouveroit personne ui ne rendit inutile le droit de bâtardise et de deshérance par une disposition entre vifs, ou par testament : or comme le testament dont il s’agissoit n’avoit pû avoir effet qu’aprés le décez du testateur, il est vray de dire que le Seigneur a déja son droit acquis, duquel il ne pouvoit plus être frustré par une fraude affectée à son préjudices Qu’en droit laffranchi ne pouvoit disposer de son bien par testament au préjudice de son Seigneur, lequel pouvoit revoquer la donation querelâ inofficiosi. Et en cas d’alienation la loy donne au Seigneur l’action qui est appelée actii Calvisiana, Vide l. si in fraudem Patroni à libertis alienatio facta sit. Le vassal doit les mêmes honneurs au Seigneur que l’affranchi à son Patron

Maurry pour le sieur de Flavacour concluoit à ce que le testament fût cassé, comme fait contre la Coûtume, qui annulle la donation d’immeubles, et suivant laquelle un bâtard ne peut par testament donner plus qu’un legitime. Mr le Guerchois Avocat General qui avoit plaidé en l’an 1653. comme Avocat, pour demander que la donation fût cassée, laquelle neanmoins avoit été confirmée, aprés avoir representé les raisons de part et d’autre ne voulut pas conclure, afin qu’on ne luy imputât pas de vouloir se vanger d’une victoire perduë, et dit qu’il attendroit seulement avec l’Audience le jugement qu’il plairoit à la Cour de donner, afin qu’on sçût à l’a-venir, si c’étoit son intention dé juger qu’un bâtard, ou une personne qui n’avoit point d’heritiers, peut donner universellement tous ses biens entre vifs, ou par testament, en fraude et au préjudice de son seigneur, et afin qu’aprés ce second Arrest il ne restât plus aucun sujet. de douter sur cette matière ; la Cour déclara la donation nulle, et en consequence ajugea les héritages en question aux parties de Hurard, et de Maurry, parce que les legs pieux seroient payez sur les meubles, et en cas qu’ils ne fussent suffisants, sur la première année du revenu des immeubles. Et il fut dit alors par tous Messieurs qu’on eût jugé la même chose pour une donation entre vifs. En effet on peut dire qu’à l’égard du Seigneur les mêmes raisons de fraude se rencontrent en l’une et en l’autre espèce de donation, et quoy qu’il semble qu’on donne plus aisément par un testament, qui n’a son effet qu’aprés le decez du donateur, que par une donation entre vifs, par laquelle on se dépoüille de son vivant, il est certain que lors qu’on donne entre vifs, le Seigneur ne laisse pas d’être également frustré de ses droits, et le donateur peut avoir des contrelettres en son pouvoir, dont il sera difficile ou presque impossible au Seigneur d’avoir les preuves ; que s’il étoit permis de faire une donation qui fût nulle en la matière, sans que le Seigneur s’en pût plaindre, il y auroit plus de raison de dire qu’il ne pourroit non plus s’en plaindre ni la faire revoquer, quand elle seroit nulle en la forme, si la Coûtume n’a parlé que des heritiers lors qu’elle a donné la faculté de revoquer les donations excessives, elle a exprimé le cas ordinaire, et n’a pas exclus les autres, ayant usé de les mots, les heritiers peuvent àdemonstrative et par forme d’exemple, per verba enuntiativa, que dispositionem non inducunt ) et la donation testamentaire, quoy que la Coûtume ne porte pas u’elle doive être revoquée, ne laisse pas de subsister, si elle n’est point revoquée, aussi bien que les donations entre vifs ; au surplus il faut faire différence entre les matieres fiscales et les seodales. Pour les causes ausquelles il n’y a que le Fisc interessé, on demeure d’accord de la maxime, deterior causa fisci ; fiscus post omnes, nec succedit nisi novissimo loco : Mais à l’égard des causes feodales il n’en est pas de même, elles interessent toutes également les Seigneurs de fief, dont les droits ont toûjours été aussi favorables dans nôtre Coûtume, que les droits successifs ; en effet on voit que pour la moindre fraude, elle donné une action durant trente ans pour la découvrir. Or en ces sortes de donations il n’est pas moins juste de donner une action au Seigneur, pour se plaindre d’une action tout à fait incivile et contraire. à nôtre Coûtume, lors que son vassal fait passer son bien en d’autres mains, pour luy faire perdre un droit de deshérance qui luy appartient avec autant de justice que les autres droits de fief Lors que le donateur qui n’a point d’heritiers dispose de tous ses biens entre vifs, il est ertain que dés ce temps il y avoit ouverture au droit de deshérance, quoy qu’il ne soit encore échâ, celuy qui dispose étant sans hoirs, puisque la ligne est éteinte, nullis de numero propinquorum existentibus. Les Arrests rapportez par Loüet et parBrodeau , 1. D. n. 37. ont été rendus pour des Coûtumes bien différentes de la nôtre, qui donne au Seigneur, à droit de deshérance, les héritages de son vassal qui décede sans hoirs, lors qu’il ne s’en presente aucuns dans le septième degré habiles à succeder, comme porte cet Article, et afin qu’on ne pût inferer de ces paroles que l’intention de la Coûtume avoit été d’ôter au vassal qui n’a point d’heritiers la liberté de disposer de son bien en quelque façon que ce fût, à ause qu’elle semble l’ajuger tout entier au Seigneur, il est dit en suite dans le titre des Successions en propre, pourra neanmoins le bâtard disposer de son héritage comme personne libre ; et dans le titre des Testaments, qu’il pourra disposer de ses meubles comme le legitime, ce que nôtre Coûtume semble avoir marqué expressément pour lever la difficulté que les Articles precedens eussent pû former comme si elle disoit qu’encore qu’il semble que tous les héritages du vassal qui n’a point d’heritiers soient ajugez au Seigneur, neanmoins il en pourra disposer comme personne libre ; d’où il s’enfuit qu’il n’en peut disposer autrement que les personnes libres qui ont des heritiers. AussiBrodeau , au lieu susdit, demeure d’accord qu’il y a quelques Coûtumes qui disposent au contraire dont quelques-unes dénient entierement la faculté de tester, au nombre desquelles il met la Coûtume de Normandie, Article 2yc. et I6. D’ailleurs les fiefs étans Patrimoniaux, les droits d’iceux font partie du bien de ceux qui es possedent. Or on doit presumer que lors que les Seigneurs ont baillé les terres et les fiefs à leurs vassaux, ce n’a été qu’à condition qu’ils n’en pourroient disposer qu’aux termes et aux cas qui sont permis par la Coûtume. Il n’y a pas aussi plus de raison de favoriser un donataire qu’un Seigneur. Le donataire cherche à gagner et à profiter du bien d’autruy : le Seigneur au contraire ne de-mande que le sien, en vertu d’un droit de reversion qui n’a rien de forcé, et qui remet la chose en sa oremière nature, Res de facili ad suam naturam revertitur. Que si le Seigneur n’est pas heritier, il n’en est pas pour cela moins favorable, non plus que le Patron, qui pouvoit revoquer les alienations faites à son préjudice par son affranchi, quia runc dicebatur debitum accipère. Ainsi on peut dire que chéritage du vassal en cette occasion appartient au Seigneur comme à un creancier legitime.

Autre Arrest du 8 de Février 1658. par lequel il fut jugé que les décendins d’un bâtarct n’avoient pû disposer de ses héritages en faveur des décendans de son pere naturel, au préjudice du Seigneur.

Dolieu étant mort, ses héritages furent demandez par le sieur de S. Denis à droit de deshesance : Martin qui avoi épousé la mère du défunt les vouloit retenir, à faute par le Signeur de de rembourser des dettes qu’il avoit acquitées ; comme elles excedoient la valeur du fonds, le Se : geneur n’insista plus à sa demande. Martin vendit ces héritages à Duval, qui paya le treigième au Seigneur. Le sieur Pequeut, Tresorier de France à Alencon, ayant eu par échange le fief de S. Denis, troubla Duval en sa possession, demandant ce qu’il avoit acquis, comme uy apparténant à droit de deshérance. Duval soûtint que son contrat d’échange ne luy donnoit aucun droit pour cette deshérance, n’avant eu par échange que le fief simplement, que a reversion ou consolidation ne se faisoit ipfo jure, et le seigneur êtoit tenu de faire juger que les choses étoient tombées en deshérance, ou en tout cas qu’il falloit en former la demande. Il est vray que d’abord son auteur en avoit intenté l’action, mais que depuis il l’avoit abandonnée, par-la disposition du droit in bonis vacantibus fiscus silentio quadriennii excluditur. Que le Seigneur avoir connu son droit, et l’avoit abandonné pendant six années, mais aprés tout il y avoit expressément renoncé, lors qu’il avoit reçû le treizième par les mains de Duval acquereur. Theroude plaidant pour le sieur Pequeut, et moy pour Duval, la cause fut appointée, mais le sieur Pequeut ayant sçû le sentiment des Juges il s’accommoda Pour pouvoir succeder, il faut, suivant cet Article, être parent au septième degré, ainsi celuy qui veut succeder est tenu de prouver le dégré dans lequel il est parent ; neanmoins on donpa un Arrest sir un tel fait. Il s’agissoit de la succession de Marie Cardoüet, fille de Pierre Cardoüet, et de Jeanne le Bas. Cette succession consistoit en prevre paternel, à cause de a succession de Pièrre Cardoüet son ipere, et en propre maternel, entant que ledit Pierré, et ladite le Bas sa femie, avoient fait des acquisitions dont la moitié avoit appartenu à cette femme, et qui étoient échûës à leur fille commune, ce qui faisoit en sa personne un propre paternel et maternel, pour retourner, en cas qu’elle n’eûr point d’enfans, aux parens paterels et maternels, chacun à proportion. Cette succession fut disputée par Pierre Maufils, se disant le plus proche collateral, par le Procureur du Roy pour le regard du propre maternel à droit de d liérance, et pour le regard des conquests que l’on prétendoit être propre maternel par Maufils, qui soûtenoit que les héritages que l’on disoit être conquests avoient été acquis endant le mariage, et partant qu’ils étoient biens paternels, par Marie Clerout se disant être décenduë de la suur de ladite Jeanne le Bis, à qui apparrenoit la moitié des conquests comme biens ma-ernels de Marie Cardoüer, de la succession de laquelle il s’agissoit ; et par Cresan, se disant décendu du frère de Jeanne le Bas. En ces deux successions il y avoit trois points à juger, le premier pour la succession paternelle contre Maufils et le Procureur du Roy. Maufils justifioit sa parenté par un contrat de mariage entre son ayeul et une femme du nom et de la amille de Cardoüet, et au contrat de mariage de ladite Cardoüet il est appelé et nommé comme parent, et par ce contrat elle donnoit de son bien pour don mobil à son futur mary.

En cette qualité il avoit été appelé pour consentir la vente des héritages de cette femme ; que cela uffisoit pour la preuve de sa parenté. Le Procureur du Roy disoit que ces preuves n’étoient pas assez suffisantes ; qu’il montroit bien être décendu d’une femme du nom de Cardoüet, mais non en quel degré, et il est vray que dans ces coutrats il est appelé comme parent du mary ou de la femme, qu’il pouvoit même encore en être décendu par bâtardise. Le second êtoi entre ledit Maufils et les heritiers maternels, qui prétendoient la moitié des conquests de ladite le Bas échûs à ladite Cardoüer. Il demeuroit d’accord que s’il se trouvoit quelques biens maternels, ils appartenoient aux heritiers maternels, mais il ne convenoit pas que les biens eussent Eté acquis constant le mariage.

Le troisième point êtoit entre les heritiers maternels. Clerout qui demandoit la moitié desdits conquests, et Cresan qui prétendoit tout, comme décendu du frère de ladite le Bas, ces conquests étant devenus propres pour avoir été possedez à droit successif par Marie.

Cardoüet : par Sentence les biens paternels furent ajugez au Procureur du Roy ; les maternels ajugez aux heritiers maternels, chacun par moitié. Pour le premier point ce droit de desdérance par le droit civil appartenoit au Prince : en France aux Hauts-Justiciers : en Normandie. à tous Seigneurs, et pour ceux de Franc-Aleu et de Bourgeoisie, ils sont au Roy. Dans les lieux où les degrez d’agnation s’étendent à l’infini, la preuve de Maufils eût été bonne ; mais en Normandie, où par cet Article le droit de succession est limité au septième degré, il faudroit le prou ver précisément. L’opiniondu Moulin , sur l’Article 32. la Coûtume de Tours, rapportée Loüet par M Loüer, 1. F. n. 21. qu’il suffit d’être en possession de la parenté, fuisse in possessione Masuer parentelae, pouvoit bien avoir lieu par le droit commun, mais non en Normandie, où il faut articuler sa genealogie dans le septième degré. V. Masuer, Tit. des Preuves, n. 45. et par-tant ce n’étoit pas assez à Maufils de prouver la parenté, il falloit articuler le degré. Pour le second point que les paternels et maternels ne se peuvent confondre qu’en cas de conquest : que la femme y ayant part, elle les fait tellement maternels, qu’ils ne se peuvent confondre vec les paternels, et qu’au cas present il falloit les tenir biens maternels.

Pour le troisième point que par l’Article 247. les biens sont faits propres à celuy qui pouvoit les posseder à droit successif, et partant que les conquests de ladite Jeanne le Bas avoient té faits propres, maternels, en la personne de sa fille. Il n’y avoit point de difficulté pour les deux derniers points. Pour le premier il passa à dire que Maufils étant en possession de la parenté, et ayant été appelé heritier presomptif dans les affaires onereuses de la parenté, comme de nourriture et de tutelle, cela suffisoit. Par Arrest du 12 de Janvier 1617. au Rapport de Mr de crondebosc, la Sentence fut cassée, la succession paternelle ajugée audit Maufils, et la materelle audit Cresan, comme décendant du srere.

Les biens ne, retournent aux Seigneurs à droit de deshérance qu’aux charges de droit, et de payer toutes les dettes de quelque nature qu’elles soient. Ce n’est pas une question douteuse pour les biens alodiaux et ceux qui sont en bourgage ; ils n’appartiennent point aux Seigneurs feodaux, car cet Article ne leur donne que les biens de leurs vassaux, ils appartiennent au Roy : ce qui est gardé dans le Royaume de Naples : les Barons et Seigneurs feodaux succedent à leurs vassaux qui meurent sans enfans ; sed in bonis burgensatibus succedit fiscus,Matth. de Afflict . l. 3. n. 10.