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CXLIX.

Meubles de ceux qui se sont occis à qui appartiennent Les meubles de ceux qui se sont occis ou faits mourir d’eux-mêmes, appartiennent au Roy privativement aux Seigneurs, s’ils n’ont titre ou possession va-lable au contraire : neanmoins si par force de maladie, frenesie, ou autre accident ils étoient cause de leur mort, leurs meubles demeurent aux heritiers aussi-bien que les immeubles.

Cet Article devoit être placé aprés le 145. Le 143. parle de ceux dont les biens sont confisquez au profit des Seigneurs : Le 144. de ceux dont la confiscation appartient au Roy, et le 145. sonne au Roy pour la première année les fruits des immeubles, qui sont confisquez au profit des Seigneurs. Aprés ces Articles, le present Article devoit suivre : Il donne au Roy les meubles de ceux qui se sont faits mourir eux-mêmes.

La Coûtume qui punit indistinctement ceux qui se sont défaits eux-mêmes, quand ils ne se sont point portez à cet attentat par la force d’une maladie ou d’une frenesie, ou par quelqu’autre accident, n’auroit pas été approuvée par les Philosophes Stoiques, Si necessitates ulti-mae inciderint, jamdudum exiliet e vita et molestuis sibi esse destinet.Seneca , Ep. 11. Le sentiment Aristote d’Aristote étoit plus conforme au Christianisme : Il estimoit qu’il étoit plus genereux de soûtenir les coups de la mauvaise fortune, que d’abandonner la vie par desespoir et par la crainte du mal : Fortium virorum est magis mortem contemnere quam odisse vitam. Quint. Curtius 1. etTacit . l. 3. Hist. majore animo tolerari adversa quâm relinqui, fortes et strenuos etiam contra fortunam insistere spei, timidos. & ignavos ad desperationem formidine properare La Loy civil n’ordonnoit aucune punition que contre ceux qui se défaisoient eux, mêmes, étant prévenus de crime, siquis non metu criminis imminentis, sed tadio vitae vel impatientiâ doloris violentas manus sibi intulit, ejus testamentum aperiri & recitari mortis casus non impedit, l. 1. 8. iquis non metu. D. de Senat. Syllan. La pauvreté est la cause la plus ordinaire qui porte les hommes à racourcir leurs jours : Martial dans une Epigramme raille agreablement un Stoique, n luy reprochant que sa misere, plûtost que sa generosité, luy faisoit mépriser la mort.

Quod nimium Laudas Charbnon stoice mortem,

Vis animum mirer susbiciâmque tuum.

Hanc tibi virtutem fractâ facit urselis ansâ,

Et tristis nullo qui tepet igne focus

Et teges et cimez et nudi Sponda grabati

Et brevis atque eadem nocte dieque toga.

Cet Article en donnant au Roy les meubles de ceux qui se sont tuez eux-mêmes ne parle point de leurs immeubles, ce qui peut faire douter si ce crime emporte la confiscation des immeubles. On peut dire qu’en donnant au Roy les meubles, la confiscation des immeubles n’est pas excluse ; que si l’on objecte que suivant l’Article 143. la confiscation ne procede que de la condamnation prononcée par la Justice. On répond que cela est vray pour les autres crimes, ou lors que le criminel meurt avant la condamnation, en ce cas il décede integri Statûs, la presomption allant toûjours pour l’innocence : mais il n’en doit pas être de même à l’égard de l’homicide de soy-même, par cette raison que l’accusation n’a pû être commencée avant sa mort, car sa mort est son crime ; et c’est pourquoy bien que les autres crimes soient éteints par le decez, celuy-cy ne l’est point ; on fait le procez au cadavre, on prononce une eine contre luy : puis donc qu’il y a une condamnation infamante et autant rigoureuse qu’elle Je peut être contre un cadavre, on peut conclure que la confiscation y échet : On peut alléguer au contraire, que cet Article n’ayant parlé que des meubles on ne peut l’etendre plus loin, les Loix penales ne recevant point d’extension. C’est assez user de rigueur contre un malheureux qui n’a peché que contre soy-même, que de punir son cadavre, et que d’ôter ses meubles à ses heritiers : et la Coûtume semble s’être assez expliquée, quand elle a dit que si la frenesie ou la violence de leur maladie les a portez à se faire mourir les meubles demeurent aux heritiers aussi-bien que les immeubles ; voulant dire qu’en ce cas les meubles leur appartiennent, comme leurs immeubles leur êtoient laissez, encore qu’ils se fussent tuez volontairement : que si l’on seplique que la Coûtume a voulu dire seulement qu’en ce cas les meubles, comme les immeubles, sont conservez aux heritiers. On répond que puisque la Coûtume n’avoit point ôté les immeubles aux homicides volontaires, il étoit superslu de dire qu’au dernier cas on laissoit aux heritiers les immeubles comme les meubles, c’étoit assez de dire que tous les biens demeuroient aux heritiers ; mais la question est décidée par l’Arrest rapporté par Berault sur cet Article, par lequel les héritages d’une femme qui s’étoit étranglée furent confisquez Il est juste de faire le procez aux meurtriers d’eux-mêmes, bien qu’ordinairement les crimes soient éteints par le decez ; mais si cela se pratiquoit pour les homicides volontaires, leur crime demeureroit impuni, parce que leur mort suit immediatement leur crime. Les loix Stanfort d’Angleterre appellent l’homicide de foy même Felon de se. Stansort, des Pleds de la Cour, l. 1. c. 10. siquis sine causâ manus sibi tulerit irâ et mala voluntate, puniendus est et successorem habebit,Bracthon .