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CLX.

CLX. dvec les corps des fiefs se relevent les dépendances.

Avec les corps des fiefs-nobles sont relevez par même moyen toutes les dépendances d’iceux : comme sont garennes, moulins, colombiers, et autres ap-partenances de fief.

Bien que la Coûtume en cet Article mette entre les dépendances et les appartenances des fiefs, les garennes, les moulins, et les colombiers, il ne faut pas se persuader qu’ils en soient des L roits inleparables, et que celuy qui a fief ait toûjours necessairement un droit de garenne, iide moulin, et de colombier ; ce sont véritablement des droits feodaux, parce qu’ils n’appartiennenti-qu’à ceux qui ont des fiefs, et neanmoins tous ceux qui ont des fiefs n’ont pas ces droits-l Cela est manifeste pour les colombiers et pour les moulins ; car pour les colombiers, il pa-da roit par l’Article 137. qu’en cas de division de fief, le droit doit demeurer à lun des heritiers, ans que les autres le puissent avoir ; d’où il resulte qu’il n’y a que le pléin fief de Haubert à qui le droit de colombier appartienne naturellement, excepté dans le cas porté par le même bi Article, et par cette raison il est vray de dire que pour les fiefs de Haubert le droit de colombier en est une appartenance naturelle, mais pour les autres fiefs, que ce droit n’y est point attaché, parce qu’il ne se multiplie point par la division.

Pour les moulins, tous les fiefs n’ont pas droit d’en avoir ; il faut, suivant l’Article 210. pour en faire constraire un de nouveau, que les deux rives de la riviere soient assises dans le fief ainsi celuy qui n’est Seigneur que de l’une des rives n’en peut pas faire construire. Il est évi-de dent qu’il ne suffit pas d’avoir un fief pour avoir droit de moulin, mais il est vray de dire qu’aucun ne peut prétendre de garenne, colombier, et de moulin s’il n’a un fief.

Aprés cette explication le sens de cet Article est tres-facile à comprendre ; la Coûtume veut dire que les droits de garenne, de colombier et de moulin sont des appartenances et des dépendances des fiefs, parce qu’ils ne peuvent être possedez sans fiefs.

Aussi par la verification des Aveux qui sont presentez en la Chambre des Comptes, ces droits ne sont point approuvez s’il n’apparoit de titre valable

Et ce qui me fait présumer que le droit de garenne n’est pas une appartenance inseparable du fief, c’est qu’autresfois il n’étoit permis à aucun de tenir garenne, s’il n’en avoit obtenu la permission du Roy, et qu’il ne l’eûr fait enregistrer en la Chambre des Comptes, comme or l’apprend d’un Arrest rapporté parChopin , l. 3. du Dom. t. 22. n. 4. Le Roy Jean par un Edit de l’année 1355. Article. 4. défendit de faire de nouvelles garennes et d’accroître les antiennes : ce qui fut renouvelé par Henry Il. qui conserva néanmoins celles qui avoient été faites avant quarante ans,

Puis donc que les droits de garenne, de colombier, et de moulin ne sont pas des dépendances prdinaires et naturelles des fiefs, il eût été fort necessaire de déclarer en quel cas et quelles per sonnes peuvent joüir du droit de garenne. Il y a des Coûtumes qui ne permettent d’avoir des garennes qu’à ceux qui ont des fiefs. Par l’Article 370. de Iancienne Coûtume de Bretagne, noble homme peut faire en sa terre ou fief-noble, faux à conils, du cas où il n’y auroit garenne à auti Seigneur és lieux prochains. Il sembleroit par les termes de cet Article que deux conditions. seroient requises pour avoir garenne, qu’il faudroit être Noble, et posseder un fief. Mais 5 Mr d’Argentré dit en expliquant cet Article que la qualité de Noble n’est point necessaire, et qu’il suffit d’avoir un fief, imo et plebeius, si modo feudum & solum est nobile : Non enim qualitas persona, sed conditio rei spectanda est, cui jus tribuitur, non persona.

Au contraire d’autres Coûtumes en font un droit personnel, et ne l’accordent qu’aux nobles, comme celle d’Anjou, Article 32. et 35

Enfin il y a des Coûtumes qui ne permettent qu’aux Hauts-Justiciers d’avoir des garennes Jurées, et encore à cette condition que ce soit par permission du Roy, titre particulier, et exprés tou de telle et si longue joliissance qu’il ne soit mémoire du contraire ; Meaux, Article 1i1. C’est aussi nôtre usage, et l’on ne peut avoir de garenne sans titre.

Garenne est un ancien mot, qui signifie un héritage défensable en tout temps, de quelque natuire qu’il soit : ce qui est fort bien exprimé par la Coûtume de Nivernois, titre des Faux et Rivieres, Article 1. qui porte ces termes : On ne peut tenirriviere en garenne ou défense, s’il n’y a titre ou prescription suffisante ; et par l’Article 112. de la Coûtume de Meaux, par une garenne jurée, l’on entend une garenne défenduë, et là où l’on ne peut aller chasser sans danger de Justice : Vossius et c’est pourquoy Vossius, de vitiis sermonis, l. il. c. 26. fait venir ce mot de l’Allemand Waren on Bevaren, qui signifie garder. Il faut remarquer que ce mot de garenne s’entend aussi bien d’un étang ou d’une rivière comme d’une terre, ou d’un buisson destiné pour la noutriture et pour la conservation de lievres, de lapins, ou d’autres bestes, comme autrefois le mot de forest dans le langage de nos ancêtres convenoit aussi-bien aux rivieres qu’aux bois,Salvaing , c. 62.