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CLXI.

Moulin tenu sans fief doit relief.

Neanmoins s’il y a moulin tenu à part et sans fief, il est relevé par un écu.

Je ne sçay sur quel fondement on peut établir cette exception que la Coûtume apporte en cet Article, à ce qu’elle avoit dit en l’Article precedent, ni par quelle raison elle a voulu que le relief fût du d’un moulin, lors qu’il étoit tenu à part et sans fief : car étant vray que les moulins sont des appartenances des fiefs, il semble que leur qualité feodale n’est pas détruite lors qu’ils viennent à en être separez par la cession que le Seigneur en a faite à un tiers, parce qu’autrement ils perdroient la cause de leur existence, laquelle ils ne peuvent retenir qu’en conservant quelque qualité feodale ; et en le présupposant de la sorte, on n’a pas dû les assujetir au droit de relief ni en former une exception à l’Article precedent, suivant lequel avec les corps des fiefs-nobles sont relevez par même moyen toutes les dépendances d’iceux : comme les Moulins, Colombiers, et Garennes.

Si le moulin tenu à part et sans fief, est sujet à un écu de relief, comme il est décidé par cet Article, il semble que les colombiers et les garennes, lors qu’ils sont tenus separément du fiefs loivent aussi payer un relief, n’y ayant point de raison particuliere pour le moulin.

En effet cet Article a servi de pretexte à de grandes vexations ; car en nos jours les Traitans des droits de Relief et de Francs-fiefs ont prétendu qu’à l’exemple des moulins ; les colombiers devoient aussi le droit de relief, et dautant que par l’Article precedent les moulins et les colombiers sont mis entre les appartenances des fiefs, ils ont encore soûtenu qu’ils conservoient une qualité seodale, quoy qu’ils soient separez des fiefs, et que par consequent lors qu’ils étoient possedez par des roturiers, le droit de Francs fiefs en pouvoit être demandé.

Pour déaider par nos usages et par l’esprit de nôtre Coûtume, si les garennes et les colombiers sont sujets aux droits de Relief et de Francs-fiefs, il faut examiner ces trois points : Le premier, si lors qu’ils sont tenus à part et separément du fief, ils doivent neanmoins être reputez en faire encore partie, à l’effet d’être relevez, comme parle nôtre Coûtume, avec le corps du fief, comme en étant encore une dépendance et une appartenance : Le second, si par la sepatarion ils demeurent un Corps-Noble, qui subsiste de soy-même avec une qualité feodale : Et le troisième si par la separation d’avec le corps du fief, ils perdent leur qualité feodale, n’étant plus que de simples rotures.

Quoy que ces droits soient cessibles et qu’ils puissent être desunis d’avec le corps du fief, il est vray neanmoins qu’ils ne peuvent subsister qu’en consequence de la cession que le Seigneur a faite de son droit ; le colombier est véritablement un droit feodal, mais par sa separation d’avec le fief, il ne devient pas un fief : or ne subsistant qu’à cause du fief, il en fait toûjours partie quant au droit, et à proprement parler il n’y a que les droits utiles qui en sont separez.

Il s’ensuit de-là que le relief n’en est point dû separément, mais qu’il s’acquite avec le corps du fief ; et pour le droit de Francs-fiefs, si le proprietaire du corps du fief étoit roturier, le droit de Francs-fiefs seroit dû pour tout le fief : en quoy faisant le colombier seroit compris dans l’estimation d’iceluy, bien que le possesseur d’iceluy fût de condition noble ; car le colombier étant reputé faire une dépendance du fief, la seule qualité du possesseur du fief seroit considérable. bi le colombier separé du fief conserve sa première nature, et demeure un Corps-Noble, qui subsiste de soy, distinct et separé, on ne peut douter qu’il n’en soit dû un relief, et qu’il ne soit sujet au droit de Francs-fiefs si le proprietaire n’est pas de condition noble.

Au contraire si par la separation et la desunion d’avec le fief, le colombier perd toute sa qualité feodale, et qu’il ne soit plus qu’une simple roture, il n’y aura pas lieu au droit de Francs-fiefs, et pour le relief il ne sera point dû, puisque la Coûtume n’assujetit à ce droit que le moulin quand il est tenu à part et separément du fief. D’où il s’enfuit qu’elle n’a pas eu intention d’y comprendre les garennes et les colombiers, puisqu’elle n’en a point parlé, et que son exception ne doit point être étenduë au de-là de ses termes. Et en tout cas si le colombier n’est plus qu’une roture, il n’en seroit dû d’autre relief que celuy des terres roturieres : Et c’est l’avis de M Jacques Godefroy sur cet Article.

Il est plus difficile de refoudre laquelle de ces trois opinions est la plus raisonnable, que de faire connoître celle qui a prévalu dans les maximes du siecle.

La piemière paroit la plus conforme à l’esprit de la Coûtume ; son intention a été sans doute de ne point multiplier les droits de relief, et il y a beaucoup d’apparenc : que lors que dans l’Article precedent elle a dit qu’avec le corps des fiefs-nobles se relevent par même moyen toutes les sependances d’iceux : comme sont garennes, moulins, et colombiers, elle n’a entendu parler que les garennes, moulins, et colombiers qui étoient separez du fief : car autrement cet Article eûr été entièrement superslu, car tous droits feodaux tant qu’ils sont unis avec le fief, étant le fies même, on auroit mal pairlé en disant qu’avec le corps de fief sont relevez par le même moyen toutes les autres dépendancés. Ce terme avec marque nettement que ces dépendances devoient être quelques droits separez du fief, parce qu’autrement cette disposition n’eût point été nécessaire, I n’eût pas été befoin de declarer que les colombiers qui composoient le corps du fief même seroient relevez avec le corps du fief.

Aussi la Coûtume s’en est expliquée clairement par cet Article ; car aprés avoir dit dans le precedent que les moulins, les garennes, et les colombiers sont relevez avec le corps du fief, elle apporte une exception à cette disposition generale à légard du moulin seulement, neanmoins III y a moulin tenu separément il est relevé separément par un écu. Si dans l’Article precedent on n’avoit compris que les moulins et les colombiers reünis au fief, et qu’en explication d’iceluy on eût voulu faire comprendre que cette disposition ne pouvoit s’entendre des moulins et des colombiers separez du fief, comme elle avoit compris les uns et les autres dans la disposition generale, elle n’auroit pas manqué de les comprendre dans son explication et dans son exceptions r n’ayant excepté que les moulins, il est vray de dire que la Coûtume a parlé de garennes et de colombiers tenus separément du fief, puis qu’autrement il n’eût pas été nécessaire de les relever avec le corps du fief

On ne doit pas expliquer ces paroles, quand il est tenu à part et separément du fief, comme à la Coûtume avoit voulu dire que quand les colombiers sont desunis du fief, ils ne sont plus des dépendances du fief, et qu’ils ne sont de cette qualité que lors qu’ils y sont reünis, car a Coûtume s’en fût exprimée, comme elle a fait pour les moulins, et on ne peut alléguer que cela ait été omis par inadvertance ; on ne le peut présumer, puisqu’il s’agissoit de l’un et de l’autre droit. Ainsi le sens de cet Article sera, que quoy que régulierement les moulins, les garennes et les colombiers soient des dépendances des fiefs, néanmoins le moulin ne conserve plus cette prerogative, lors qu’il est tenu à part et separément. On ne peut jamais appli-quer plus justement qu’à nôtre sujet cette regle, que exceptio firmat regulam in casibus non excepris. Le Syndic des Etats de la Province expliqua cet Article de la sorte, dans la remontrance qu’il fit, contre les lettres obrenuës par le sieur de Monglats, dont je parleray dans la suite : car il soûtint qu’il n’y avoit que le moulin seul qui par cet Article, quand il étoit tenu à part et separément, étoit relevé par un écu ; mais que cela n’étoit pas dit des colombiers et autres appartenances de fief. En ce cas si le colombier tenu separément du fief n’est point du corps. du fief, et qu’il ne soit point relevé par même moyen, il ne peut retenir aucune qualité feodale, et il ne doit plus être considéré que comme une roture.

Le fief est composé de trois sortes de droits ; il y en a qui luy sont essentiels, et sans lesque ls il ne peut conserver son être feodal. D’autres luy sont comme naturels, parce qu’ils en sont comme des appartenances naturelles et ordinaires ; et il y en a d’autres qui luy sont comme accidentels, parce qu’ils n’y sont joints qu’en certains cas, et sous certaines conditions.

Le droit de colombier n’est pas sans doute de l’essence des fiefs, autrement il ne pourroit en être desuni ni possedé separément ; cependant il est certain que ce droit est divisible et ces sible, mais aprés sa separation il ne conserve aucune qualité feodale en soy. Il ne peut avoir plus de prerogative qu’une rente Seigneuriale, laquelle cesse d’être de cette nature lors qu’elle s est alienée par le Seigneur, et possedée separément du fief, et l’execution pour le payement des arrerages ne pourroit plus être faite par le Prevost du fief. Aussi Messieurs de la Chambre. des Comptes ne reçoivent point en particulier les déclarations du droit de colombier, parce qu’ils ne sont competens que de recevoir les Aveux des fiefs, et ces déclarations appartiennent au Vicomte

Godefroy sur cet Article est de ce sentiment, que les colombiers, volieres, garennes, fours bannaux, et autres droits de cette condition, ne doivent d’autre relief que celuy des terres oturieres, sur lesquelles ils sont assis, et que tout est compris sous le nom de Dignitez, dont il est parlé en l’Article 157. Mais il y a de la contradiction en ce discours ; car si les colombiers et les garennes sont compris sous le nom de Dignitez, ils ne doivent aucuns reliefs, se-lon cet Article 157. Et d’ailleurs il n’y a pas d’apparence de reputer les colombiers comme des Dignitez et des Offices tenus en fief, puisque la Coûtume n’en fait que des dépendances et des appartenances feodales.

Aussi par l’Article 31. du Reglement de l’année 1666. les mineurs possedans colombiers, moulins, ou autres droitures feodales, separées de fief-noble, ne tombent point à raison d’iselles en Garde-Noble, Royale, ou Seigneuriale. Il faut induire necessairement de ce Regle-nent que les colombiers cessent d’être nobles, quand ils sont desunis du fief, puis qu’à cause d’iceux on ne tombe point en Garde ; car s’ils retenoient encore quelque qualité feodale, on ne les auroit pas exemptez du droit de Garde-Noble.

La Cour s’en êtoit déja nettement expliquée par l’Arrest d’enregistrement des Lettres du sieur de Monglats, que je rapporteray plus amplement sur l’Article 164. car elle ordonns gue les Lettres seroient enrégistrées pour joüir par les impetrans des droits de relief échûs et dûs à sa Majesté, par mutations avenuës des Duchez, Marquisats, Comtez, Baronnies et Fiefs, sans comprendre en iceux aucuns droits de demy-relief, de garennes, moulin et colombier unis aux corps des fiefs ; et on enioint aux propriétaires des fiefs et moulins tenus à part et separez, de bailler déclaration des mutations et successions de proprietaire arrivée, aux fins de faciliter la levée dudit droit. On apprend par cet Arrest que le demy-relief, ou l’aide-de-relief, cemme nôtre Coûtume l’appelle, n’est point dû pour les colombiers, garennes et moulins reunis au fief ; et par le second chef de l’Arrest il est dit que le relief n’est dû que par les proprietaires des fiefs et moulins tenus à part et separez.

Ce qui confirme entièrement ce que j’ay dit, que les garennes et les colombiers, soit qu’ils soient unis avec le fief, ou tenus separément, ne doivent aucun relief, et que le moulin seul y est sujet.

Ce qui sert de décision pour les Franes-fiefs ; car la Coûtume ne les ayant point assujetis au droit de relief comme elle a fait les moulins, lors qu’ils sont separez du fief, on ne peut les considerer qu’en ces deux qualitez, ou comme nobles, ou comme rotutiers ; s’ils continuent d’être nobles ils sont relevez avec le corps du fief, et en ce cas la qualité du propriétaire du colombier n’est point considérable : que s’ils deviennent roturiers par la separation, ils sont s exempts des droits des Francs-fiefs.

Nonobstant ces raisonnemens, depuis quelques années les Commissaires députez pour le droit des Franes fiefs ont condamné les proprietaires des colombiers, et même des volieres, à payer le droit des Francs. fiefs, quoy que ces colombiers ne fussent bâtis que sur des rotures : et on l’a exigé avec tant de rigueur que l’on en a fait monter la taxe jusqu’à cent livres, qui n’étoit au commencement que de quinze livres.