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CLXXVIII.

Roture retirée et reünie au fief, et les charges éteintes.

Pareillement il peut retirer la roture venduë en son fief, en payant le prix et loyaux cousts : et par ce moyen ladite terre est reünie au fief, et les rentes et charges dûës à cause d’icelle éteintes

Il faut conjoindre ces deux Articles avec l’Article 452. La Coûtume permet au Seigneur de retirer le fief, et la roture tenue de son fief. Dans la Coûtume de Paris le retrait n’est point admis pour les héritages censuels et roturiers :Brodeau , Article 20. n. 28. quoy ue le retrait soit également favorable pour les rotures comme pour les fiefs, quia connaturalis est ipsi feudo, originaliter illi existens, et tacité inest infeudationi. La Coûtume en ces leux Articles ne parle point du temps dans lequel le rettait feodal doit être fait, parce qu’elle le déclare sur l’Article 452. Ce droit de retenuë feodale est une imitation du droit de prelation, lont il est fait mention en la I. cum dubitabatur. C. de jure Emphyteut. non licebat Emphyteutico sine consensu Domini meliorationes suas aliis vendere, vel jus Emphyteuticum transferre ; et si Dominus idem pretium & tantam prastare quantitatem maluerit quantam ipfe Emphyteuta, reverâ ab alio accipere potest, ipsum Dominum hac comparare, & duorum mensium spatium habeat Dominus ; hoc autem elapso poterat Emphvtenta jus suum ad alium transferre, & Dominus pro subscriptione suâ et depositione quinquagesimam partem pretii accipièbat ; les lods et ventes sont encore une imitation. de ce dernier droit.

Comme pour le retrait lignager la qualité du retrayant est souvent contestée, il y a aussi souvent de la difficalté pour la qualité de celuy qui veut exercer le retrait feodal. Il faut donc connoître les personnes qui en sont capables.

l’usufruitier doit être reçû à cette action, parce qu’il est comme le procureur general du propriétaire, et c’est pourquoy aprés la mort de l’usufruitier le propriétaire peut retenir ce qu’il avoit retiré par puissance de fief.Molin . 5. 2. gl. 1. differt enim distractus à cateris juribus feudalibus utilibus, hac enim sunt in fructu, sed retractus non est in fructu, quia non potest peti nisi jure Domini & ad finem consolidationis, et il ne reste à l’usufruitier que le droit d’avoir le treizième de ce qu’il avoit retiré à droit frodal.

Le mary peut aussi retiter au nom de sa femme, son consentement et sa procuration même Tronçon ne sont point necessaires :Molin . ibid. n. 48. Troncon, Article 2t. verbo ( retenir.

Les Jurisconsultes François sont tous de ce sentiment, que les Engagistes du Domaine du Roy ne doivent point joüir de la retenuë fendale ; duDu Moulin , 5. 13. gl. 1. n. 45.Tronçon , Article 20. de la Coûtume de Paris ; s’il n’est compris expressément dans l’engagement, ou que l’Engagiste n’en ait obtenu des lettres dûëment vérisiées. Par l’Art. C. Tit. de Rappel ou querelle de fief vendi, il est dit que quand le fief est vendu le Seigneur de fief qui a l’hommace du vendeur pourra rappeler la vente. Or les Engagistes ne recevant point les hommages, ils ne peuvent avoir le droit de retrait ; et la Cour en a fait un Reglement, Article 76. mais elle ne s’est point expliquée sur cette question, si le Roy peut user de ce droit : Nos Jurisconsultes François ne s’accordent pas là-dessus : procurator generalis retrahere potest, dit duDu Moulin . C’est aussi le sentiment de Mrle Maître , en son Livre des Fiefs et Hommages, c. 5.Bacquet , des droits de Justice, c. 12. et de laLande , sur l’Article 49. de la Coûtume d’Orléans, assurent que l’on suit presentement cette opinion, et que tous conviennent de ce point, suivant plusieurs Arrests qui sont rapportez parLommeau , sur l Article 348. de la Coûtume d’Anjou, que supposé même qu’il ne pût user du droit de retrait Seigneurial, il le peut céder à une autre personne pour l’exercer à son profit, et pour joüir de l’héritage rétiré de la même manière que faisoit le precedent propriétaire ; et tant s’en faut que le Roy soit exclus de la prelation feodale par aucune oy, que par les Lettres Patentes de Charles VII. de l’an 1445. il est permis aux Tresoriers de France de retirer pour le Roy toutes et telles rentes, revenus et terres qui se pourroient vendre.

Masuer Au contraire Masuer,Chopin , sur la Coûtume de Paris, l. 1. t. 2. n. 22. et du Domaine, Loysel 3. t. 23. n. 5. Loysel, en ses Institutes coûtumieres, l. 3. t. 5. etBodin , en sa Republique, l. 5. c. 3. estiment que le Roy n’y est point reçû que pour les grands fiefs, ou lors qu’il est utile pour son Royanme, parce qu’autrement le Roy deviendroit bien-tost le Seigneur de toutes les erres de son Royaume, et son Domaine étant inalienable, ses Sujets demeureroient sans terres et sans fiefs.

Cette derniere opinion est fondée sur les maximes les plus sûres et les plus utiles du gouvernement Politique, car pour faire subsister un Etat il faut que les biens soient distribuez avec quelque proportion, afin que le Souverain en retenant pour luy tout ce qui appartient aux articuliers ne les reduise pas dans l’impuissance de porter les Charges de l’Etat, ce que les Loysel Politiques ont fort bien exprimé par l’exemple de la Rate : Loysel, au lieu, préalégué, Article 11. remarque cet usage, que le Roy n’a point le droit du retrait Seigneurial ausssi ne peut-on en user contre luy ; mais il a la retenue par droit de bien-seance : ampliari imperium cominum adjectione, potius quam pecuniarium copia oportet, comme disoit l’Empereur Adrien dans la l. cum ratio. S. si plures. D. de bonis damnat.

En cette Province nous n’avons point d’exemple que le Roy ait prétendu le droit de retrait Seigneurial. La Coûtume en cet Article ne l’accorde qu’au Seigneur feodal, et sous ces termes lle ne comprend point le Roy ; quand elle entend le comprendre dans sa disposition et parler de luy, elle s’en explique expressément, comme en l’Article 215. de la Garde-Royale, et en l’Article 216. elle a dit le Seigneur feodal, opposant les termes de Roy et de Seigneur feodal, et aux Articles 144. 146. 147. et 211. elle oppose le Domaine du Roy au Domaine de Fief.

Il est vray que dans les Coûtumes où le droit Seigneurial est cessible il n’y a pas de pretexte d’ôter au Roy un droit dont les particuliers joüissent, parce qu’en ce cas toutes les raisons que’on faisoit valoir pour l’interest public cessent entièrement par le moyen de la cession, la chose retirée demeure dans le commerce comme auparavant ; mais comme en Normandie ce droit n’est point cessible, nous gardons cette regle que le Roy ne peut user de retrait feodal, Nous mettons en cette Province les Ecclesiastiques au nombre des Seigneurs feodaux qui ne peuvent exercer la retenuë feodale : cette proposition n’est point problematique parmy nous, et on ne doute point de la negative ; mais comme cette question fit éclat il y a quelques années en une cause évoquée de cette Province, et qu’elle fut jugée au Parlement de Paris, et au Conseil Privé du Roy, contre nôtre usage, il est necessaire de traiter cette matière à fonds pour informer les Juges qui auront à prononcer sur cette question, dans les causes évoquées.

En lannée 1631. M. Othier Châtelain, possedant à cause de la fondation de sa Prevôté de Normandie, fondée en l’Eglise de Chartres, le Fief et Seigneurie de Vreville, situé en Normandie, s’étoit constitué demandeur en retrait feodal pour avoir douze mines de blé meteil de rente seigneuriale, ou foncière du fief de Martot, relevant de son fief de Vreville ; Monsieur Me Pierre Vigor, Conseiller au Parlement de Roüen, qui avoit acquis cette rente, avoit soûtenu que le sieur Châtelain êtoit non recevable à son retrait feodale : et par Sentence des Requêtes du Palais à Paris du 3 de Juiller 16é40. ledit sieur Vigor fut condamné de laisser audit sieur Châtelain par droit de retrait feodal cêtte rente foncière dûe à l’ainesse ou vavassorie roturière de Martot, elevant du fief de Vreville. Mr Vigor ayant relevé appel de cette Sentence au Parlement de Paris, elle fut confirmée par Arrest du S de Septembre 1642. Il se pourvût au Conseil Privé du Roy en cassation de l’Arrest du Parlement de Paris. Mais ledit sieur Châtelain ayant mis en cause les Agents generaux du Clergé de France, par Arrest du Conseil Privé du 23 d’Otobre 1643. on mit sur la Requête hors de Cour et de Procez. On ajoûta neanmoins que ledit Chârelain seroit tenu de vuider ses mains dudit fief dans l’an et jour, s’il n’obtenoit permission expresse de sa Majesté dans ledit temps de posseder ledit fief.

Nonobstant ces Arrests le Parlement de Roüen a maintenu son usage, et pour le rendre plus notoire et incontestable par l’Article 96. du Reglement de l’année 1666. il est porté que les gent de main : morte ne peuvent retirer à droit feodal les héritages relevans de leurs fiefs : On jugera plus assurément de la Justice de ce Reglement par la discution des raisons et des autoritez qui peuvent être proposées de part et d’autre.

Les gens de main-morte alléguent en leur faveur que c’est un profit de leurs fiefs, qu’ils ont un interest d’avoir un vassal qui leur soit agreable, ce qu’ils peuvent faire en revendant ce qu’ils auront retiré ; qu’aprés tout les Seigneurs feodaux n’en recoivent aucun préjudice, puisqu’ils peuvent les contraindre d’en vuider leurs mains ; et c’est aussi le sentiment de tous les Auteurs qui sont citez par de laLande , sur l’Article 49. de la Coûtume d’Orléans ; ce qui est conforme à l’Article 41. de la Coûtume de Normandie. Tous les Ecclesiastiques possedans fiefs-nobles par aumones ont l’exercice de la Justice, et tous autres droits appartenans à leurs fiefs par les nains de leurs Juges ; or le retrait feodal étant un droit de fief les Ecclesiastiques le peuvent exercer, puisque la Coûtume en cet Article leur conserve tous les droits appartenans à leurs fiefs : et on ne peut objecter raisonnablement que la Coûtume ne leur donne les droits de fief qu’entant qu’ils les peuvent avoir par les mains de leurs Juges, ce qui les excluroit du retrait feodal, parceE que leurs Juges n’en sont point competens : car on répond que ces paroles par les mainsde leurs Juges ont leur relation, non à toute la periode qui precede, mais à ces premiers termes, ont l’exercice de la Justice : ce qui est si véritable, que les confiscations jugées par d’autres Juges que ceux du Seigneur Ecclesiastique appartiennent au Seigneur du fief Ecclesiastique comme un droit feodal-

Aussi les Commentateurs de la Coûtume n’ont point douté que ce droit n’appartient aux gens de main-motte :Berault , sur lArticle 451. s’en explique en ces termes, puisque l’usufruitier a ce droit de retrait feodal, suivant l’Article 2o2. il semble que le Seigneur Ecclesiostique le doive avoir aussi : et il cite en suite fautorité de Masuer, deMle Maître , et duDu Moulin .Godefroy , sur l’Article 177. dit que c’est une question grandement controverséé, si les Seigneurs Ecclesiastiques sont compris sous la disposition de cet Article, et que les plus delebres Praticiens de France tiennent l’affirmative, parce que c’est une des dépendances des droits Seigneuriaux, dont la Coûtume ne les exclud point.

Les Ecclesiastiques prétendent aussi que l’usage est pour eux. Le sieur Châtelain dans son procez s’aidoit d’une Sentence du Bailly de Roüen de l’année 1583. qui étoit d’autant plus considérable, qu’elle avoit êté donnée peu de temps aprés la reformation le la Coûtume, par un Juge qui avoit assisté à la reformation de la nouvelle Coûtume, et d’un Arrest du Parlement de Paris de l’année 1630. de douze retraits faits en divers temps par des Ecclesiastiques, et de quatre prises de Garde-Nobles exercées par Mr l’Evéque de Lisieux, enfin les gens de main, morte concluent qu’étant en possession des droits de confiscation, de ligne éteinte et de bâtardise, ausquels le même empeschement se rencontre, il s’ensuit qu’étant capables de l’un ils sont aussi capables de l’autre.

Au contraire pour exclure les gens de main-morte du retrait feodal on se fonde sur l’usage. ui est la véritable loy du païs, sur la nature du retrait feodal fort different de la retenuë feodale établie par la Coûtume de Paris, par les Articles de la Coûtume, et par les Arrests du Parlement, qui seul peut et sçait l’interpreter.

On ne peut reprocher aux Normans que leur usage soit singulier et contraire au droit commun, il est conforme à onze autres Coûtumes de France, qui ôtent expressément ce droit aux gens de main-morte, à sçavoir Bordeaux, Berry, de retenuë, Art. 24. Bourgogne, Bourbonnois, Art. 479. Nivernois, Loris, xaintonge, Art. 31. Vatan, Rué d’Indre, et Vitri, et dans ces Coûtumes l’acquereur peut opposer aux gens de main-morte leur incapacité par ne exception exclusive de Haction ipfo jure. Etampes, Art. 27. c. 1. qui contient ces termes, la charge que le Seigneur de main-morte est tenu de choisir un vassal et de vuider ses mains dans Salvaing l’an et jour de la retenue par luy faite, et à faute de ce il retourne au premier acquereur. Salvaint assure que c’est lusage du Languedoc, suivant un Arrest qu’il remarque : voyezCambolas , c. 2. c. 39. et il estime aussi que lEglise ne doit pas être reçûë au droit de Prelation. En Dauphini ce droit est incessible, et une cause du Dauphiné ayant été évoquée au Parlement de Tolose, il fut dit que l’Evéque de Valence justifieroit la Coûtume par luy alléguée, que l’Eglise pouroit retenir par droit de Prelation les terres dépendantes de son Diocese ; mais que l’Evéqui ne s’étant pas voulu charger de cette preuve, convertit sa demande en celle de lods.Salvaing , part. 1. c. 24. et son avis est que l’Eglise ne peut exercer le droit de Prelation en Dauphiné pour s’approprier le fief, non plus que pour en vuider ses mains dans l’an et jour.Ranchin , ur la decis. 49. Guy Papé est aussi de ce sentiment, que cessat jus Praelationis in Ecclesia habente dominium directum. Dans un Régistre d’Audience du 21 d’Aoust 1565. entre le Chapitre de Roüen et Richard du Buse, Curateur de Richard de l’Estre ; Mi Bigot, Avocat General, conclud que le Chapitre êtoit non recevable à clamer par puissance de leur fief de la Neuville. et dans ce plaidoyé on cita deux Arrests qui avoient debouté l’Abbé de Fécamp du retrait feodal, sur quoy on ordonna que les parties écriroient pour être fait droit sur les Conclusions lu Procureur General.

Pour la preuve de cet usage, on fait remarquer que depuis la conquête de cette Province par les Normans, jusqu’en l’année 1610. nul Ecclesiastique n’avoit prétendu ce droit en vertu de fiefs possedez par l’Eglise. On n’en trouve aucun exemple dans les Livres, et les Commentateurs de la Coûtume de Paris ont remarqué plusieurs Arrests de leur Parlement, mais ils n’en citent aucun de celuy de Normandie. On trouve toutefois dans les Eglises de Roüen cette Sentence de l’an 1583. dont j’ay déja parlé, mais on prétend que le retrait feodal étoit formé pour des terres situées à Roumare, qui est une Paroisse dépendante du Comté d’Eu, dont les appellations ressortissent au Parlement de Paris, et que par cette raison le Bailly de Roüen fut obligé de se conformer à l’usage de Paris. L’Auteur de la Conference des Coûtumes a cité des Arrests des années 1335. et 1337. mais ces Arrests ayant été donnez au Parle-ment de Paris ne sont point considérables.

En l’année 1610. l’Abbé du Valasse fut le premier qui fit naître cette question, mais il fut debouté du retrait feodal par le Juge des lieux. Il est vray que sur son appel la Cour ne décide point la question, elle appointa la cause au Conseil, ce qui fait présumer que l’usage que l’on prétend si contraire aux gens de main, morte n’étoit pas si notoire et si public, autrement la Cour n’eûr pas balancé à prononcer, et toutes les preuves que l’on alléguoit alors de cet usage. étoient negatives.

La conclusion toutefois de Mr du Viquet, celebre Avocat General, fut contraire à l’Abbé du Valasse : Il soûtint qu’en Normandie l’Eglise n’a point le droit de retrait feodal, ni de GardeNoble, qu’elle ne peut posseder des héritages en France que par privilege, et en vertu d’un amortissement ; à plus forte raison elle ne peut pas retirer feodalement, et qu’on n’avoit jamais entendu dire qu’aucun Ecclesiastique ait prétendu ce droit. Le Roy n’en use point en Normandie aux fiefs de son Domaine, et il seroit perilleux en cette Province, où l’Eglise a plus de biens que dans les autres Provinces, et les principales Seigneuries dont la pluspart des fiefs Etant mouvans dans la suite des temps elle pourroit tout reünir. Un Avocat General n’auroit pas conclud si positivement, si l’usage n’eût pas été public et certain.

Il est fondé sur une ancienne loy du Royaume, qui rend l’Eglise et les autres corps de main-morte incapables d’acquerir des héritages, que par la permission du Roy, à qui seul appartient le pouvoir de les amortir, parce qu’autrement il arriveroit que par succession de temps l’Eglise acquerroit la plus grande partie des biens du Royaume, promiscuis commerciis tuturum erat, ut quam attenta ad rem gens illa esse solet, hereditatibus, emptionibus, releviis, brevi gotius orbis Domini fierent, si eb fluerent omnia, reflueret nihil, interdictâ alienatione semel adquiétorum,Argent . Ad art. 3a6. En effet les gens d’Eglise n’ont pas manqué de profiter de toutes occasions pour s’entichir, ce qui se fit particulièrement en France, du temps des Croisades ; volens transfretare, disent les Titres,Salvaing , ibid.

si l’on fait reflexion sur la nature, les conditions et la fin principale du retrait feodal en Normandie, on sera pleinement convaincu que les gens de main morte ne peuvent point s’exercer.

La Coûtume permet le retrait feodal au Seigneur Laique à leffet seulement de reünir, et c’est pourquoy le même Article qui autorise le retrait feodal, dispose aussi que Fhéritage fe retiré à droit feodal est reüni de plein droit au fief, et il est si véritable que la reünion au fief est lunique objet et la fin principale du retrait seodal, que ce droit est incessible, et que e Seigneur n’en peut tirer aucun profit qu’en retirant pour reünir.

Les gens de main, morte ne peuvent reünir, parce qu’ils ne peuvent acquerir ni posseder aucun héritage en France, que par privilege, ce qui leur ôte absolument le droit du retrait seodal, car on leur accorderoit inutilement lusage et l’exercice d’un droit qui demeureroit sans effet ; pour être capable de retirer et de reünit, il faut être capable de retenir et de conserver ; les gens de main-morte ne peuvent acquerir ni posseder des terres que par privilege.

Il s’ensuit donc qu’on ne les peut mettre au nombre de ceux qui peuvent retenir et conserver, et par consequent reünir, puisqu’ils n’ont point cette capacité, et que la Coûtume n’ac corde le retrait feodal qu’à ceux qui ont pouvoir de retenir.

C’est une regle si véritable par tout le Royaume que les gens de main, morte ne peuvent reünir, que par la jurisprudence des Arrests du Parlement de Paris, ils sont tenus de vuider eurs mains des héritages qu’ils ont retirez à droit feodal.

Mais il est important de faire connoître la différence de nôtre Coûtume et de celle de Paris, parce qu’elle nous apprendra la cause pour laquelle le Parlement de Paris permet le rétrait feodal aux gens de main-morte, et nous sçaurons aussi le motif pour lequel ils en sont exclus en cette Province.

Par l’usage de Paris la retenuë feodale est de sa nature cessible et profitable, en ce que le Seigneur peut profiter d’un bon marché sans être obligé de reünir et de consolider, et c’est pourquoy comme les Docteurs François conviennent que l’Eglise ne peut reünir, et que d’ailleurs la retenuë feodale est cessible, il ne seroit pas raisonnable de les priver d’un droit dont ls peuvent profiter, puisque la cession qu’ils en peuvent faire n’est point contraire à la Coûtume qui n’autorise pas le retrait feodal dans cette seule vûë de reünir, mais de permettre au Seigneur feodal d’en titer un profit.

Nos maximes sont tout à fait opposées, le retrait n’est permis que pour reünir ; la reünion s’en fait de plein droit, et le rettait feodal est tellement réel et attaché au fief, qu’il est incessible ; le Seigneur donc n’en pouvant tirer de profit, et ne pouvant être exercé que pour reünir, il est d’une consequence infaillible que les gens de main : morte ne pouvans reünir, Ils ne peuvent avoir l’usage du retrait feodal.

ela se peut encore confirmer par l’autorité de la Coûtume, quoy qu’il n’y en ait pas de disposition expresse ; son intention paroit assez en plusieurs Articles, et particulièrement en l’Article 100. où elle donne la définition du fief ; l’heritage noble est celuy à cause duquel le vassal rombe en garde, et fait la foy et hommage. L’Eglise à cause des fiefs qu’elle possede ne tombe point en garde, et ne doit point la foy et hommage. Il est donc vray de dire qu’elle ne possede point de fiefs qui soient véritablement nobles et toutefois le retrait feodal ne peut être exercé que par ceux qui possedent de véritables fiefs-nobles.

En effet les fiefs possedez par l’Eglise sont fiefs irreguliers, ou pour mieux dire ce ne sont que de véritables aleuds qu’on leur permet de posseder, non pour s’accroître, mais pour se conserver, puisqu’ils sont dépouillez des qualitez essentielles aux fiefs, et sans lesquels ls ne peuvent conserver leur plus noble et plus considérable qualité feodale. C AaeOS est la pensée de MrCujas , ad Tit. 1. l. 3. de feud. Beneficia quae Clericis dantur, non sunt propriè feuda, sed comparantur feudis habitationum feudis annonariis, aut cerariis functionum privatarum Ils peuvent objecter qu’on ne doit pas faire valoir à leur préjudice, ce qui leur tient lieu de privilege et de prerogative ; c’est une exemption avantageuse pour eux de ne tomber point en garde, et de n’être point assujetis à faire la foy et hommage, et tant s’en faut que cela diminue les la noblesse de leurs fiefs, leur dignité en est augmentée, et leur condition en est renduë beaucoup meilleure, et il n’y a point de Laique qui ne voulut posseder ses fiefs avec ce même avantage Mais on répond que la Coûtume en leur donnant cette prerogative les a distinguez en même temps des véritables fiefs-nobles, lors qu’elle a fait quatre sottes de tenûres, par hommage, par parage, par aumone ; et par bourgage, Article 103. et puisqu’elle ne repute fief-noble que ce qui tombe en garde ou qui doit la foy et hommage, et que les fiefs tenus par aumone ne sont point de cette qualité ; il est manifeste que c’est non seulement une tenûre, mais encore une espèce de biens toute particuliere, qui ne doit point jouir des prerogatives qui n’appartiennent u’aux véritables fiefs-nobles. On tire encore un fort argument de l’Article 217. j’en parleray. sur cet Article

Les gens d’Eglise opposent à ces raisons l’Article 41. tous Ecclesiastiques possedans fiefs-nobles par aumone, ont l’exercice de la Justice, et tous autres droits à leurs fiefs appartenans par les mains de leurs Senéchaux : Cet Article semble les maintenir en tous les droits qui appartiennent aux fiefs.

Eh examinant separément les paroles de cet Article, on n’y trouvera rien d’avantageux pour les Ecclesiastiques

Il n’est parlé que de fiefs d’Aumône, ce qui montre que la Coûtume a voulu faire de la difference entre les fiefs d’aumone et les fiefs des Laiques

Il n’est point aussi dit qu’ils ont tous auties droits appartenans aux fiefs, mais à leurs fiefs : ainsi cet Article ne leur donne pois t d’autres droits que ceux qui appartiennent aux fiefs d’aumone, or on a prouvé que cette sorte de fiefs ne peut exercer la retenuë feodale, mais en considérant exactement cet Article on remarquera qu’il ne concerne que l’exercice de la Justice qui est conservée à leurs Senéchaux pour les droits appartenans à leurs fiefs, et parce qu’on leur pouvoir ontester ce droit de Justice, on trouva à propos de le leur conserver par cet Article 4i. qui est fous le titre de Jurisdiction.

Et pour cette autre objection que les gens de main-morte jouissent des droits de confiscation, de deshérance et de batardise, on répond que ce sont des profits de fief qui appartiennent à leurs personnes pour en disposer, et non point pour reünir à leurs fiefs.

Le sentiment des Commentateurs, Bérault etGodefroy , n’est d’aucune consequence ; ils ont parlé de cette question fort douteusement, et Godefroy conclud enfin pour la negative : car, dit-il ; puisque l’Ecclesiastique est contraint de vuider ses mains des choses retirées, ce seroit un abus de luy permettre le retrait de ce qu’il ne pouvoit conserver.

Mais le droit est nertement établi par les Arrests du Parlement ; le premier fut donné suivant les conclusions de Mr le Procureur General contre la Dame Abbesse d’Evreux, le 29 de Decembre 1642. qui fut drelarée non récevable au retrait feodal dont étoit question ; et les Sentences du Vicomte et du Bailly d’Evreux furent cassées.

Mr Vigor ayant produit cet Arrest au Conseil Privé du Roy, Châtelain le combatit et le t passer pour un Arrest de collusion ; ayant été donné depuis l’Arrest du Parlement de Paris. qui avoit recû Châtelain au retrait feodal. De sorte que cet Arrest ne fit pas grande impression dans l’esprit de Messieurs du Privé Conseil ; mais depuis les Arrests du Parlement et du Privé Conseil, le Parlement a donné un second Arrest conforme à celuy rendu contre la Dame Abbesse d’Evreux le ; de Mars 1651. au profit de Nicolas Lucas, et les Doyen et Chanoines du Chapître de Roüen : et afin que cette jurisprudence ne fût plus incertaine, on a fait le Reglement dont j’ay parlé, qui pourroit être soûtenu par la seule raison de Iinterest publics quand on ne pourroit pas d’ailleurs fonder ce droit sur l’autorité de la Coûtume.

Car si le Roy trouve bon de n’user pas de la retenuë feodale, pour éviter que tous les biens ne retournent pas en sa main, d’où ils ne pourroient plus sortir, cette consideration ne doit pas avoir moins de poids contre les gens de main-morte, leurs biens étant inalienables ils devientroient enfin propriétaires de tous les biens du Royaume par le moyen du retrait feodal Les contrats d’achapr et de vente étant si frequens dans la société civil, et les plus beaux et les plus grands fiefs du Royaume étant possedez par les gens de main-morte, on verroit en peude temps toutes les terres reünies à leurs fiefs

C’est sans doute pour cette consideration et pour la consequence, que l’on n’a point permis aux gens d’Eglise d’user du retrait feodal, nonobstant qu’ils jouissent de ces droits feodaux de confiscation, de deshérance et de bâtardise ; mais ils ne peuvent pas causer un si grand préjudice, et d’ailleurs pouvant disposer de ce qui leur échet par cette voye, le préjudice que e public en peut recevoir est beaucoup moindre, parce qu’il n’y a point d’obligation ni de nécessité de les conserver, et qu’ils ne sont pas inalienables : mais la fin du retrait feodal étant de reünit. les héritages retirez, ils demeurent consolidez aux fiefs

Le Parlement de Roüen n’est pas le seul qui ait declaré les gens de main, morte incapables l’exercer le retrait feodal : Tel est aussi l’usage de Languedoc, comme il fut jugé par un Arrest du Parlement de Tolose, contre l’Abbaye de Doc, qui fut déclarée non recevable en la demande qu’elle avoit faite du droit de Prelation sur le Domaine de Montagnac, mouvant de sa directe.

Et cette question s’étant presentée en Dauphiné entre l’Evéque de Valence et le Marquis de Monbrun, pour la Baronnie de Meüillois, il y eut Arrest au Parlement de Tolose, où la cause avoit été évoquée de celuy de Grenoble du rs de Mars 1640. par lequel il fut ordonné que l’Evéque justifieroit la Coûtume par luy alléguée, que l’Eglise pouvoit retenir par droit de Prelation les-terres dépendantes de sa directe ; et MrSalvaing , c. 24. de l’usage des Fiefs et Droits Seigneuriaux, qui rapporte cet Arrest, ajoûte que l’Evéque ne s’étant pas voulu charger de la preuve, convertit sa demande en celle des lods.

Si plusieurs fiefs relevans d’un même Seigneur avoient été vendus par un même contrat le Seigneur ne seroit pas obligé de les retirer tous, suivant le sentiment de duDu Moulin , de feud. S. 20. gl. 1. n. 54. quia ex quo sunt diversa feuda, necessario sunt diversae fidelitates ; et diverse et separatae actiones ; unde deterior non debet fieri conditiosua, ex eo quod ista feuda pervenerunt ad eundem Patronum. L’opinion contraire me paroit meilleure par le raisonnement même de cet Auteur, quia omnia feuda vendita moventur ab eodem Patrono, & sunt vendita unico pretiâ re mon distributo, sed simul et collectim, ainsi c’est une feule vente qui ne peut être divisée contre la volonté de l’acheteur qui n’auroit pas acheté l’un sans l’autre, et qui par consequent ne doit point être contraint de recevoir le retrait de l’un sans l’autre, 1. quod si uno d. de in diem adiect. Il n’en seroit pas de même si les fiefs vendus êtoient mouvans de divers fiefs, encore bien qu’ils appartinssent à un même Seigneur, en ce cas il seroit en sa liberté de retirer ce qu’il voudroit.

si de plusieurs Seigneurs d’un même fief l’un vouloit rêtirer à droit feodal, à proportion de la part qu’il auroit au fief, et que les autres ne voulussent point exercer leur droit, ce rétrayant n’y seroit point recevable, parce que l’acquereur ne seroit point obligé de diviser son acquisition, cum non effet pro parte empturus, & ex quo est unicum feudum & titulus unicus feudi, sequitur quod ejusdem feudi non est, nisi unicum jus Patronatùs.Molin . 16. n. 49. par Arrest du 13 de Juillet 1628. il fut jugé qu’un Seigneur qui avoit rétiré par puissance de fief un héritage, et en ce faisant iceluy reüni au fief, étoit recevable à racheter les rentes foncieres dûës par cet héritage en payant le denier vingt ; le proprietaire de la rente disoit que la rente êtoit fonciere, perpetuelle, et que le preneur n’avoit pû luy préjudicier en vendant le fonds : le Seigneur répondoit que le retrait feodal étoit une espèce de retour qui reünit l’héritage au fief, et que le Seigneur peut le décharger de la rente fonciere, autrement il de viendroit debiteur de son vassal : les parties étoient le Vaillant, Ecuyer, sieur de Barneville, et Lochart.

En consequence des paroles de l’Article 178. que la roture retirée à droit feodal. demeure rennie au fief, on a demandé si ce qui est retiré à droit feodal est propre ou acquest : Ce terme reüni semble induire que la chose reünie prend la nature du fief ; ainsi si le fief étoit propre, la chose reünie deviendroit de la même qualité et par une raison contraire si le fief étoit un acquest la chose reünie passeroit pour acquest.Chopin , de feud.. und. t. 4. fait difference entre les biens Tiraquel qui accroissent ou retournent au fief par confiscation, ou deshérance, lesquels il repute patrimoniaux, le seigneur n’ayant rien déboursé pour iceux ; c’est aussi le sentiment de Tiraqueau, du Retrait Lignager, 8. 32. 4. 1. n. 72. et 73. et la Cour a décidé par l’Article 108. du Reglement, que l’héritage reüni par retrait feodal au fief, et qui tenoit nature de propre, est censé propreSi une dixme infeodée avoit été venduë à l’Eglise, le lignager ne seroit pas admis à la retirer, parce qu’étant retournée à l’Eglise d’où elle étoit partie, elle ne peut plus en être separée Si le Seigneur avoit acquis simplement la terre tenuë de son fief ce seroit un acquest, suivant l’Article 200. Or l’ayant retirée à droit feodal, cet accessoire et cet augment prend toutes les Tiraquel qualitez et les conditions de son principal. Voyez Tiraqueau, du Retrait Lignager, 8. 32. d. 1 4. 72. et 73.Chopin , de feudiAndegav . Tit. 4. Conference des Ordonnances, l. 1. 1. 4.

Suivant l’Article 178. quand le Seigneur retire à droit feodal la roture tenuë de son fief elle est reünie à son fief, et les rentes et charges dûës à cause d’icelle sont éteintes ; de-là nait cette question, si quand le Seigneur acquiert des rotures tenuës de son fief, et sujettes à des rentes, en consequence de ce retour en une même main de la rente avec le fief, l’extinction se fait si absolument que les enfans ausquels les rotures écherront en partage, ne seront plus tenus à ces mêmes rentes : Pour prouver l’extinction, on allégue l’autorité des Jurisconsultes en la l 1. quibus mod. sorvitus amitt. servitutes confunduntur, si utriusque predii Dominus esse coeperit. La l. tiquis Edes de servit. urban. prad. siquis Edes, que suis adibus servirent, cum emifset ; traditas sibi accepit, con fusa sublatâque seruitus est, et si rursus vendere vult, nominatim imponenda sercitus est, nlioquin libere veneunt. Ce qui est conforme à ces regles de droit. La premigre, que res sua remini servit. Et la deuxiéme, unaquaeque res facile redit ad suam naturam. Or comme toutes choses sont libres naturellement, il n’y a rien de plus naturel et de plus aisé que cette extinction. par la confusion qui fe fait du fonds servant avec le fonds Dominant, quia actio & passio non Molinaeus possunt concurrere Molinauis de feudis. 5. 1. gl. 1. n. 56. n. 59. si vendidi & tradidi meum praedium cui tuum serviebat extinctâ est servitus, & dato quod mihi revendas non reviviscit, nec tenéris de novo imponere, nisi in revenditione expressè cautum fuerit, quod procedit quando rem meam simpliciter vendidi, secus si sub pacto de retrovendendo. Mi d’Argentré , Article 3 40. gl. 2. n. 2. et 3.

soûtient que quand le seigneur acquiert, la reünion se fait naturellement, et la confusion de tous troits jure et naturâ, quia nemo sibi fidelitatem prestare, nemo à se exigere non debita obsequia Tiraquel nec cuiquam predium servire, nec suares cuiquam hypothecari potest. Tiraqueau, du Retrait Lignager. traitant la question si l’usufruitier achetant la proprieté il y a lieu au retrait, et si le retrait admis Il perd son usufruit, dit n. 71. cum quis acquirit dominium feudi servientis, irrevocabiliter confunditur servitus, nec amplius reviviscit. Mr deCambolas , l. 1. c. 38. rapporte un Arrest du Parlement de Tolose, par lequel il a été jugé que quand le Seigneur achete une directe, la servitude s’éteint, et s’il la revend aprés sans imposer de nouvelle charge, il la vend noble et alodiale.

I. quidquid. C. communia praedior. la consolidation est présumée par l’argument de l’usufruit. ). item finitur : de usufructu, aux Institutes. VoyezLoüet , l. F. n. 5.Fabri , Codice Fabriano, l. 4. t. 43. definitione 61.Matth. de Affl . Decision. 360. n. 2. Cap. Tolos. 4. 461.

Cette question reçoit plus de doute en cette Province que dans les Coûtumes où les acqui sitions, que le Seigneur fait en son fief, sont reünies de plein droit, aussi-bien que ce qui es rétiré à droit feodal : il n’en est pas de même en nôtre Coûtume, suivant l’Art. 200. et par cet Art. 178. ce qui est retiré à droit feodal est reiini au fief, et les rentes éteintes ; d’où lon in duit que la Coûtume ne parlant de lextinction des rentes que dans le cas de la reünion en vertu du retrait feodal, il ne se fait point d’extinction quand il n’y a point de reünion, et par l’Art. 180. si le Seigneur achette terre tenuë de son fief, il est tenu faire le service de Prevôté ; et u contraire quand il les retire par puissance de fief, il n’est plus obligé à ce service, mais seulement aux autres charges communes, entre les tenants, qui en sont déchargez à proportion de ce qui en étoit dû pour les terres reünies

Mais on répond qu’encore que dans cet Article il ne soit fait mention de l’extinction des rentes que dans le cas de la reünion par retrait feodal, il ne s’en enfuit pas qu’elle ne se puisse faire par toutes les autres voyes qui se peuvent faire naturellement. Cette confusion est fort naturelle quand le fonds servant et le fonds Dominant sont possedez par une même personne, autrement que deviendroient ces rentes durant cette confusion de domaine : car de feindre qu’elles demeurent en suspens pour reprendre leur être en cas de separation, c’est une fiction qu’il n’est point necessaire d’admettre contre les regles, et pour un sujet qui n’est point favotable. Il est vray que par les deux Articles suivans on a fait différence entre ce qui est retiré à droit feodal, et ce qui est acquis par le Seigneur : au premier cas le service de Prevôté est éteint ; au dernier le seigneur y demeure sujet : mais on conclad de-là que la Coûtume n’ayant reservé que le service de Prevôté, toutés les autres rentes demeurent éteintes. Mais il faut dire que ces Articles ne regardent que les vassaux, et reglent seulement ce que le Seigneur doit diminuer à proportion de ce que le fonds qu’il retire ou qu’il acquiert en êtoit chargé. Cette question fut décidée en la Grand. Chambre le 18 de Juin 1631. sur un partage des Enquêtes, Mr de Bonneval Rapporteur, Mr Auber Compartiteur. Un pere avoit baillé à fieffe un moulin à condition de franche-moute pour sa maison, et Sieurie dont ce moulin relevoit. Depuis il avoit acheté ce même moulin ; aprés sa mort l’ainé ayant pris le fief par préciput il laissa à ses puisnez ce moulin et les autres rotures ; l’ainé voulant jouir du droit de franche, moute mposé par le contrat de la fieffe, il luy fut contredit par ses puisnez, comme ce droit ayant été éteint et confus par l’achapt que leur pere avoit fait du moulin, et par l’Arrest il fut dit que le moulin ne devoit plus de franche-moute. Les parties étoient Charles de Villereau, Ecuyer, sieur de S. Hilaire, demandeur pour être maintenu dans la franche-moute au moulin du Boschet, dépendant de son fief de S. Hilaire, appelant du Bailly d’Alencon, et Thomas et Saspar de Villereau, proprietaires du moulin, et demandeurs pour être maintenus en l’exemption de la franche-moute ; par la Sentence Charles, l’ainé, avoit été debouté de son action. Le procez avoit été partagé aux Enquêtes, et le partage vuidé en la Grand : Chambre ; il passi comme il vient d’être dit. La même chose a été jugée au Parlement de Paris le 1o de De cembre 1648. au profit des Carmes d’Angers, et qu’un seigneur de fief ayant acquis un heritage mouvant de son fief, et chargé d’une rente fonciere envers ledit fief, la rente êtoi éteinte par le moyen de la reünion qui s’étoit faite dudit héritage audit fief, en telle sorte que le même Seigneur ou ceux qui étoient à son droit ayant revendu cet héritage sans le charger de nouveau, l’acquereur de la même rente ne pouvoit pas être poursuivi pour raison d’icelle par le Seigneur du fief, suivant la l. siquis ades de servit. urban. prad. D.

Guerard possedoit quelques fiefs relevans de Preaux et sujets à quelques rentes : étant mort sans heritiers, ces biens furent donnez par Mr le Duc de Monmorancy à Blondeau, qui ceda son droit au nommé le Bailly, Procureur Fiscal à Preaux, et le Bailly en fit puis aprés cession à un autre. Depuis la mort de Guerard, et durant plus de quarante ans, le seigneur de Preaux ne demanda aucunes rentes sur ces biens ; mais lors que le Seigneur en fit la demande, on fi naître ces deux questions : La première, si le Seigneur cedant l’héritage qui luy étoit retourné par deshérance, étoit présumé avoir donné ses rentes s Et la deuxiéme, si la prescription avoit eu cours durant que le possesseur avoit exercé la charge de Procureur Fiscal ; Mr le Duc d’Angoulême, Seigneur de Preaux, étoit demandeur en lettres de Pequête civil, contre un Arrest qui favoit debouté de sa demande : Le Canu, Avocat pour le vassal, soûtenoit que le fief étant retourné en la main du Seigneur par deshérance, la reünion et la consolidation en avoient été faites ipfo jure, et que l’on n’étoit pas dans les termes de l’Art. 200. suivant lequel es acquisitions faites par le Seigneur en son fief sont toûjours reputées acquests de son vivant, s’il ne les a rétirées à droit de sa Seigneurie, et en vertu de cette reünion toutes les rentes avoient été éteintes, le Seigneur ne pouvant plus être debiteur et creancier, et ayant donné depuis ces mêmes fiefs sans aucune retention ni reservation de ces rentes, on ne pouvoit les faire renaître, qu’en tout cas elles seroient maintenant prescrites, n’ayant point été demandées depuis quatre-vingt ans. La qualité de Procureur Fiscal n’avoit pû rendre la possession vicieuse, ni interrompre le cours de la prescription, cette qualité donc n’avoit point empesché de Seigneur ou ses Receveurs de demander ces rentes si elles eussent été dûës Au contraire la Broise, pour Mr d’Angoulême, prétendoit que par le retour du fief servant au sief Dominant, les rentes étoient comme endormies, cessabat actio, sed non erat extincta, et qu’elles avoient commencé à revivre aussi-tost que le fief étoit passé en une autre main ; que par les termes du don, le Seigneur avoit assez témoigné que son intention n’étoit pas de remettre ces rentes, parce qu’il avoit dit qu’il cedoit tout ce qui luy êtoit acquis par la succession de Guerard, ce qui emportoit une reservation des rentes, parce qu’elles n’avoient pas appartenu à Guerard, et à légard de la prescription elle avoir êté interrompué en la personne du Procureur Fiscal qui avoit dû exiger ces rentes de luy : même : la cause fut appointée au Conseil en la Chambre de IEdit le 23 de Février 1650. Les termes de la donation faisoient toute la difficulté de la cause. Il paroissoit que le Seigneur n’avoit eu la volonté que de donner hhéritage en létat qu’il étoit avant la deshérance : Aussi par Arrest du 8 d’Aoust 1651. en la Chambre de IEdit. au Rapport de Mr de Sainte-Heleine, il fut dit que le vassal seroit tenu d’employer les rentes en son Aveu, entre Mre Loüis de Valois, Comte de Dalets, demandeur en lettres de Requête civil, et intimé, et Demoiselle Marie Minfant, veuve d’Horace Bouchart, défenderesse et appelante. Dans la question generale il n’y avoit pas lieu de douter que les rentes ne fussent éteintes, parce que l’héritage étant retourné au fief à droit de deshérance, la reünion s’étoit faite de plein droit ; mais la difficulté est grande pour les acquisitions, car la reünion ne s’en pouvant faire durant la vie de l’acquereur, et l’héritage demeurant toûjours tellement separé du fief, qu’il n’entre point dans le préciput de l’ainé, il semble juste que puisqu’il ne s’en fait aucune reünion, il ne se fait aussi aucune extinction des rentes, autrement l’ainé souffriroit un double préjudice, et deux causes lucratives concurreroient en faveur des puisnez, car l’ainé n’auroit point l’héritage, parce qu’il n’auroit pû être reüni, et cependant les rentes dûés à son fief demeureroient éteintes ; les sentiments sont partagez sur. ce sujet.