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Acquisitions dans le fief quand sont censées reünies.

Les acquisitions que fait le Seigneur en son fief-noble de terres tenuës de sondit fief, sont toûjours reputées acquests de son vivant, s’il ne les a retirées à droit de sa Seigneurie ; mais si son suécesseur les a possedées comme Domaine non fieffé par quarante ans, elles sent censees reünies au corps du fief, encore qu’il n’y ait point de reünion expresse.

Les distinctions portées par cet Article ne sont point raisonnables, et nous voyons par experience qu’elles font naître beaucoup de troubles et de procez dans les familles : en effet cet Article est contraire aux regles ordinaires, parce que chaque chose retourne aisément en son premier état : ainsi quand l’arriere, fief qui composoit autrefois un même coips avec le fier rincipal, retombe dans sa première nature, il se confond naturellement avec le fief primitif, et c’est pourquoy suivant plusieurs Coûtumes quand le Seigneur acquiert des héritages relevans de songef, la reünion se fait de plein droit, et ipfo jure per resumptionem prioris natura, & originalis. conditionis, & per continuationem veteris posse ssionis civilis, cui subservit possessio naturalis, tanquam psius pedissequa ; et Tenianus, sut la Coûtume de Blois, Tit. 5. Aiticle 67. soûtient qu’il n’est pas possible que ce que le Seigneur acquiert relevant de son fief ne soit reüni naturellement, ver rerum naturam fieri rin potest ut duo correlativa sin ul concurrant in eodem subjecto, scilicet ui quidam sit Patronus feudi et vassallus ; ut nec creditor esse possit ac idem debitor, & quod actio & passio cum maximè sint contrariae in eodem subjecto concurrere non possunt. Ainsi quand le creanoier achère la chose qui luy a été hypothequée, son hypoiheque cesse entièrement et est confonduë avec la Seigneurie, l. neque pignus. De Reg. jur. Voyez Mr d’Argentré , Article 340. n. 2.

Par ll’Article 53. de la Coûtume de Paris, les héritages acquis par un Seigneur en sa censive sont eun is à son fief, et sont faits feodaux, si par exprés le Seigneur ne declare qu’il veut que lesdits héritages demeurent en roturé.Ricard , sur cet Article, temarque que si le Seigneur prétend empescher la reünion par une déclaration contraire, il est necessaire qu elle soit faite incontinent, et lors de l’acquisitien, autrement elle n’a point d’effet, suivant les Arrests du Parlement de Paris.

Par la Coûtume d’Oileans, Article 18. la reünion ne se fait point de plein droit, et sans le ministere de l’homme, ni même par la seule déclaration que l’acquereur fait de sa volonté ; i faut en avoir porté la fuy et hommage au Seigneur, autrement il n’est point censé reûni ; cet acquereur neanmoins peut le tenir separément sans le reünir ; mais son heritier est tenu d’en faire les devoirs ou de s’en dessaisir entre les mains d’un tiers ; de la Lande sur ledit Article 18.

Les Coûtumes dont je viens de parler font différence entre les fiefs et les rotures ; la reünion de celle-cy se fait ipfo jure, et ne peut être empeschée que par une volonté contraire, et pour les fiefs ils ne sont censez reünis que par la déclaration de l’acquereur Nous favorisons si peu les reünions, que par un Ariest en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr Deshommets, en l’anrée 1669. entre les nommez de Bardou, il fut jugé qu’un Seigneur ayant acheté des héritages relevans de son fief, et donné faculté. de remere, cette condition ayant été venduë et rétirée par le Seigneur il ne s’étoit point fait de reünion, et que cet éritage ne seroit comptis dons le preciput de fief pris par l’ainé.

Mais Jusage de Paris me semble étrange en ce point, que cette reünion feodale ne donne aux héritages tenus en censive acquis par le Seigneur du fief, auquel il étoit propre, que la ualité feodale et non celle de propre, de sorte qu’aprés le décez du Seigneur ils appartiennent aux heritiers des acquests et non des propres.Ricard , Art. 53. de la Goûtume de Paris.

Car puisque la reünion se fait naturellement et de plein droit, suivant l’Art. 53. si le Seigneur ne passe une déclaration contraire, il semble, juste que quand le fief est un bien propre, ce qui est reüni ipfo jure soit de la même nature, puisqu’il ne fait que reprendre sa première condition, et que ce n’est qu’une continuation de l’ancienne possession civil, cui subservit possessio naturalis, tanquam pedissequa, autrement il y a reünion en partie, et en partie il n’y en a point ; aussi par nôtre usage lors que le fief est propre au Seigneur, ce qu’il retire à droit feodal pour l’y reünir devient de la même qualité. Comme au contraire si le fief est un acquest, ce qui est reüni appartient aussi à l’heritier aux acquests, et par cette même raison nous tenons que la femme n’a point droit de conquest sur les héritages retirez par puissance de fief, elle y a doüaire seulement, comme sur le propre du mary, dont il étoit saisi lors de son mariage ; nôtre Coûtume ordonnant que ce qui est retiré à droit feodal est consolidé au sief, si la femme y prenoit part en proprieté, il arriveroit que ce qui auroit été une fois reüni pourroit en être separé en faveur de la femme, quod natura feudi non patitur : et neanmoins a tenu qu’aprés la dissolution mariage, il faut rendre la moitié du Moulin prix aux heritiers de la femme, et c’est aussi l’opinion de Chopin ; mais la femme a droit d’usufruit sur les acquisitions que le Seigneur fait de terres tenuës de son fief.

On a formé cette question, si le Seigneur donnant en échange une portion de son Domaine, et recevant en contr’échange un héritage relevant de son fief, cet héritage baillé en con-tr’échange tiendra la même nature : Par la Coûtume de Paris, Art. 143. quand aucun échange. son propre héritage à l’encontre d’un autre héritage, l’héritâge est propre de celuy qu’il à eu pour échange. MLoüet , let. 5. n. 10. dit que cette regle, subrogatum sapit naturam subrogatii obrinet in subrogatione pradiorum ; de sorte que les propres paternels baillez en partage à un des enfans pour la part qu’il pouvoit pretendre aux paternels, sont reputez paternels : il ajoûte que l’action subrogée en la place d’un autre a le même pouvoir que celle à laquelle elle est subrogée, ejus naturam eosdemque causas assumit. l. 1. 8. si quis sub conditione ff. ut legat. seu fideicom ser. causa car. qu’il falloit neanmoins observer, que l’action subrogée à la place d’une autres assumit naturam tantum & qualitatem intrinsecam, primariam et primordialem, sed non extrinsecam sive accidentalem, sive eam quam habitura est ex post facto. Pout exemple, si un majeur échange son fief contre une roture, l’héritage échangé retient bien la qualité d’immeuble, d’acquest ou de propre paternel ou maternel, vice dominii permutati, hec enim qualitas est intrinses ca et primordialis ; mais sans examiner si cette distinction est véritable, nous dirons pour la resolution de aette question, qu’en cet Article la Coûtume exprime tous les moyens par lesquels la reünion fe peut faire ; or la permutation n’est point un moyen de reünion, assi par Arrest du 14 d’Aoust 1668. au Rapport de Mr du Houllé, il fut jugé qu’une piece de terre acquise par échange, contre une autre terre relevante du même fief, n’étoit censée reünie, et qu’elle appartiendroit aux puisnez en cas de préciput choisi par l’ainé, et c’est une maxime certaine au Palais.

Les premieres paroles de cet Artiele ont fait douter, si un Seigneur acquerant un fief mous vant de son fief, la reünion s’en peut faire de la même sorte que de la roture ; Les raisons qu’on allégue pour la negative, sont que la Coûtume en cet Article ne parle que des rotures, les termes en sont exprés, les acquisitions que fait le Seigneur en son fief-noble de terres tenues de son fief sont toûjours reputées acquests, &c. Il n’est fait mention que de terres tenuës du fief, c’est à dire de rotures, et par consequent on ne doit pas étendre aux fiefs cette disposition Le Roy auroit interest de l’empescher, parce que ces sortes de reünions luy seroient préjudiciables, il auroit moins de fiefs, et par consequent moins de vassaux pour le servir, et moins de Garde-Nobles, de reliefs, et d’autres droits Seigneuriaux : ce qui n’arrive point par la reunion des rotures, et c’est apparemment par cette raison que cet Article ne parle que de terres, et non point de fiefs.

ette question fut disputée en jugeant le procez d’entre François de Villiers, sieur de Bertouville, appelant de Sentence renduë par le Bailly d’Alençon à Argentan, et Gilles de Vil-liers, sieur de Beclos, intimé. En ce procez jugé au Rapport de Mr du Plessis-Puchot, le 29 le Jan vier 1674. il étoit question de sçavoir si deux fiefs étoient reünis par une possession de quarante ans, depuis la mort de l’acquereur : On soûtenoit qu’il ne s’étoit pû faire de reution, par plusieurs raisons particulieres ; et notamment parce que c’étoient deux fiefs qui re-sevoient du Roy, et qui empeschoit absolument la reünion, et c’est pourquoy par l’Arrest on tassa la Sentence qui avoit jugé que les deux fiefs étoient reünis, et en reformant on déclara sesdits fiefs de Helou et de la Joustière non reünis : cependant on traita la question generale, et un de Messieurs les Conseillers m’assura qu’on avoit tenu pour maxime, que cet Article ne pouvoit être entendu des fiefs

Mais cette jurisprudence seroit directement contraire à l’Article 30. du Reglement ; car il décide que l’héritage noble ou roturier acquis par le Seigneur n’est pas reüni au fief, duquel il releve, s’il n’est retiré ou échû à droit feodal, ou aprés le temps porté par l’Article 200. Les raisons tirées de l’interest du Roy ne sont point considérables, autrement il faudroit défendre toutes sortes de areunions, puisque le Roy en souffre le même préjudice, et toutesfois elles ont approuvées par cet Article. Arssi on ne peut rapporter aucune raison folide de difference, la reünion ne se faisant pas moins naturellement pour les fiefs que pour les rotures, et l’Arrest que j’ay remarqué ne faisant point de consequence, parce que c’étoient deux fiefs rele-vans du Roy.

Il faut remarquer qu’il ne se peut faire aucune reünion des héritages procedants de diverses souches, et que la possession que les enfans ont euë de biens maternels relevans d’un fief, qui leur appartenoit du côté paternel, ne produit aucune reünion par quelque laps de temps que ce soit, suivant l’exemple et l’Arrest rapporté parBerault , sur cet Article.

Comme cet Article ne parle que des acquisitions faites par le Seigneur, il semble qu’il ne doit point être étendu au-de-là de ces termes, parce qu’il est contraire à la disposition du troit conmiun. Cela fait naître cette difficulté, si quand une rotute échet à droit successif à celuy qui possede le fief, dont elle est mouvante, il faut quarante ans de possession depuis le decez de celuy à qui elle étoit échûë, à l’effet que cette roture soit reünie au fief ; Si l’on s’attache aux paroles, le terme d’acquisition ne comprend point ce qui échet à droit sucressif ; et d’ailleurs ce que l’on possede par succession n’étant point un acquest, la consolida-tion s’en fait plus naturellement ; neanmoins la Coûtume n’ayant point compris les successions entre les moyens de reünir, la plus commune opinion est que pour en operer la rei-nion, il est necessaire que le successeur ait possedé par quarante ans