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CCX.

Nouvelle construction de pescherie et moulin.

Nul ne peut faire construire de nouveau pescherie ou moulin, si les deux rives de la riviere ne sont assises en son fief.

L’invention des Moulins à eau est tres utile, et neanmoins les premiers Auteurs en sont inconnus, et on n’est pas certain du temps où l’usage en a commencé. Polydore Virgile qui a recher ché si curieusement les inventeurs des sciences et des arts, n’a pû découvrit qui furent ceux qui trouverent un moyen si commode et si prompt pour moudre les blés. ficutius est meminisse & multo utilius quâ ratione frumentum ad decurrentis aquae impetum molere possimus : quamvis non utique recens sit, tamen apud idoneos auctores suo nomine curet. de invent. rer. l. 3. c. 18.

Plusieurs ont crû que l’usage en êtoit inconnu dans l’ancienne Rome, et que l’on chercheroit inutilement dans le droit Romain des décisions sur cette matière. De moletrinarum jure, dit M’d’Argentré , nihil est veteri jurisprudentiâ cautum, in Praf. Ad Tit. ( des Moulins et Colomb. 3a de la Coûtume de Bretagne. En effet dans le Digeste il est seulement parlé de ces meules u’ils appeloient trusatiles et manuarias, que manibus versabantur, et à l’usage desquelles on a mployoit des esclaves ou de pauvres gens : etAulus-Gelle , l. 3. c. 3. Noctium Attic. remarque quePlaute , cet esprit si delicat, ayant perdu ce qu’il avoit gagné à faire des Comedies, fut reduit à ce facheux exercice pour gagner sa vie. On employoit neanmoins principalement à ce travail les asnes et les chevaux inutiles, et alors on les appeloit molas asinarias, et jumentarias : EtServius , surVirgile , assure que les anciens ne s’en servoient point, mais qu’ils rôtissoient leurs trains, et puis les piloient, suivant ces Vers deVirgile , dans le premier Livre de l’Eneide.

Tunc Cererem corruptam undis, Cerealiaque armâ

Expediunt fessi rerum, frugesque receptas

Et torrere parant flammis, et frangere saxo.

On prouve néanmoins par le témoignage de plusieurs Auteurs que l’usage des moulins à eau n’étoit pas inconnu aux anciens Romains, quoy qu’il ne fût pas si commun, et qu’on se servit Saumaise plus ordinairement des autres moyens, dont je viens de parler ; le sçavant Saumaise, dans ses Commentaires, sur l’Histoire Auguste, page 193. a donné au public une Epigramme Grecque d’Antipater , qui nous apprend cette vérité

Pline , lib. 168. c. 10. fait mention de certaines rouës avec lesquelles on faisoit tourner l’eau, mais plusieurs estiment que ces rouës ne servoient pas à faire moudre les blés, mais pour puiser le l’eau ; rota per quam aqua trahitur. I. qui fundum. 5. fin. de contrah. empr. Et dans la l. Improborum, au Code Theodosien, l. 14. t. 15. qui fut publiée l’an 398. par les EmpereursArcadius . & Honorius, il est défendu de demander pensiones aquae molarum, ce qui fut aussi défendu par, en lal’Empereur Zenon . Decernimus, que Justinien a inserée dans son Code, Tit. de Aquae-ductu, et par l’autorité de cette loy Godefroy prouve que l’usage des moulins à eau n’êtoit point inconnu aux anciens. Nous lisons dans Procope que Belifaire étant assiegé dans Rome par les Goths, inventa l’usage des moulins à eau ; ut molae aquâ agituta frumentum frangerent, Pancirolus, in ta tractatu Reram Memorabilium.

Il y a beaucoup d’apparence que comme les commencemens des choses, et sur tout des arts et des sciences, sont toûjours imparfaits, l’usage des moulins à eau ne fut pas trouvé fi commode que celuy des moulins à bras, de sorte que l’on ne s’en servit point ; mais comme il est fort aisé d’ajoûter aux premieres inventions et de leur donner une plus grande persection dans la suite des temps, ayant été rendus plus propres et plus faciles à moudre les blés, ils devinrent communs, et chaque particulier pouvoit avoir un moulin, pourvût qu’il ne détournât point l’eau qui servoit aux moulins publics. Ce que nous apprenons de la l. Improborum, au Code Theodosien, de Canone frumentario, où l’Empereur défend d’obtenir des permissions de prendre de l APOae eau qui servoit pour les moulins publies, Improborum petitiones qui impudentiùs ausi sunt postulare pensiones aquae molarum, que urbi venerabili annonas abundantiùs prastitissent, quinque librarum auri mulctâ insligit : car il ne faut pas entendre ce terme, pensiones, comme a fait du Pineau pineau, sur la Coûtume d’Anjou, Article 156. comme des pensions et des rentes qui fussent demandées sur les moulins publies, ce qui pourroit avoir donné lieu au droit de bannalité.

Me JacquesGodefroy , sur cette loy, l’explique en cette manière, que des particuliers obtenoient la permission de prendre de l’eau qui servoit aux moulins publies, ou pour faire des sontaines, ou pour arroser leurs jardins ; ce qui causoit que le public en recevoit du dommage. les moulins publics ne pouvans moudre tout le blé dont la ville de Rome avoit besoin, c est pourquoy l’Empereur défend si expressément que l’on ne fasse plus de pareilles requêtes : pensiones sunt moduli aquarum, quibus aqua expenditur sive erogatur ; & sic expensiones, et hanc petitio. nem maximè insectatur ImperatorHonorius , quod in usus suos privatos hujusmodi modulos aquarum con vertendo impedirent, quominus urbs Roma annona abundantiùs prastarentur Depuis l’introduction des fiefs cette liberté que chacun avoit de bâtir un moulin a été rétranchée, les plus puissans non seulement se sont attribuez ce droit ; mais ils ont encore obligé leurs vassaux à venir moudre à leurs moulins, et à leur payer une certaine somme ou redevance pour le droit de moute ; et parce que nôtre Coûtume a parlé seulement de ceux qui peuvent faire construire un moulin, et que le droit de bannalité est le sujet ordinaire de tres-grands procez ; il ne sera pas inutile de traiter de ces matieres. Si la faculté de construire un moulin est un droit feodal, et s’il n’appartient qu’aux Seigneurs feodaux, et ce que c’est que le droit de Bannalité : Comment on le doit établir et justifier, et si toutes sortes de personnes y peuvent être assujetties Il est certain qu’avant l’établissement des fiefs chacun avoit la liberté de construire un moulin pour ses usages particuliers ; feudorum usu nondum reperto, sibi quisque privatim & familiae moluit.

Argentraeus , in Praf. ad Tit. de Moletrin. Car parmy les Romains depuis que les moulins à eau furent en Usage, les Empereurs n’en firent point un droit Fiscal, et chacun eut la liberté de faire des moulins. Mais depuis que les fiefs furent devenus hereditaires et patrimoniaux, les Seigneurs feodaux s’attribuerent à eux seuls ce pouvoir de batir des moulins

En Normandie l’on ne peut douter que ce ne soit un droit feodal, puisque par cet Article nul ne peut construire de nouveau une pescherie ou moulin, si les deux bords de la rivière ne sont assien son fief. Et par l’Article 161. la Coûtume en fait un droit feodal, mais qui peut être tenu sepa-rément du fief, et c’est pourquoy plusieurs particuliers, bien qu’ils n’ayent point de fiefs, ne laissent pas d’avoir droit de moulin, en vertu de la concession qui leur en a été faite par les Scigneurs des lieux. Ainsi celuy qui ne possede que des rotures, quoy que les terres qui abourissent aux deux côtez de la riviere luy appartiennent, n’auroit pas droit de construire un moulin à eau, parce que la Coûtume ne donne cette faculté qu’à celuy dont les deux rives de l’eau sont assises n son fief, c’est à dire dans sa mouvance, et cette qualité ne peut convenir à celuy qui n’a que des rotures. Aussi par l’Article 190. les moulins sont mis entre les appartenances des fiefs, et Loysel Loysel, en ses Institutes coûtumières, l. 2. t. 2. Article 13. dit que nul ne peut asseoir monlin, ni bonde d’étang, sans le congé de son seigneur, si ce n’est pour son usage.

On peut douter si le seigneur de fief peut construire un moulin, lors que le Seigneur dont il releve a droit de bannalité, et que son fief est dans letenduë de cette bannalité. L’affirmative est sans difficulté. La faculté de bâtir un moulin est un droit feodal, que la Coûtume attribue aux Seigneurs, pourvû que les deux bords de la riviere soient dans sa mouvance ; et cette disposition étant generale elle ne peut recevoir de restriction dans un cas odieux. Il est vray que si le fief étoit sujet à la bannalité le Seigneur ne pourroit construire un moulin dans l’etenduë d’icelle, et d’ailleurs ce moulin luy seroit inutile, puisque ses propres vassaux n’y pourroient iller, et le Seigneur superieur auroit droit d’empescher les meûniers voisins d’y venir chasserMais naturellement les fiefs sont exempts de cette servitude, et il faudroit un titre exprés et valable pour les y assujettir.

La Coûtume ne s’étant expliquée que pour les moulins à eau, elle semble avoir laissé la liberté à un chacun de batir des moulins à vent, soit qu’ils possedent des fiefs ou des rotutes.

En effet puisque pour se servir de cette sorte de moulins on n’a besoin que de fair et du vent, sur quel pretexte les Seigneurs feodaux pourroient-ils en empescher l’usage contre lordre de a nature qui les a rendus communs à un chacun

Nec solem proprium natura, nec aèra fecit.

L’air et le vent ne sont ni nobles ni roturiers, ils ne sont point de la dépendance des Fiefs ni soûmis à la Jurisdiction des Seigneurs de fief. C’est assez qu’on leur ait souffert d’imposer une servitude aux eaux qui passent dans leur térritoire, à cause que les fonds qui leur servent de lit, sont dans leur mouvance ; quoy qu’à vray dire les eaux ne leur appartiennefit point, la natute ne les ayant produites que pour l’usage commun des hommes.

Quid prohibetis aquas : Usus communis aquarum.

Mais ce qui est si fort élevé au dessus de la portée des hommes, ne doit point être assujetti à leur domination, et n’en étant point les maîtres, l’usage en doit être permis à un chacun.

Il semble donc qu’il n’y a pas d’inconvenient, que même le proprietaire d’un fonds roturier, puisse construire un moulin à vent, pourvû que le Seigneur feodal n’ait point un droit de bans nalité dans le même lieu ; et c’est la disposition expresse de la Coûtume de Berry, Tit. des moulins, Art. 1. Chacun peut en son héritage édifier un moulin à vent, pouroû que ce ne soit dans Le Territoire et Justice d’aucun seigneur ayant droit de moulin bannier à blé. On convient avec Me JosiasBerault , que la Coûtume met les moulins avec les appartenances des fiefs, mais cela ne se doit entendre que des moulins à eau, parce que suivant cet Article, nul ne peut contruire un moulin de cette qualité s’il n’a un fief, et si les deux bords de la riviere ne sont dans sa mouvance. La raison est que cette Seigneurie sur les deux rives de l’eau, le rendent en quelque sorte Seigneur de la rivière ; mais pour être Seigneur du fonds sur lequel on bâtira le moulin à vent, il n’est pas le maître du vent qui sert à faire moudre. C’est aussi le sentiment deGodefroy .

Nous n’avons pas neanmoins d’exemples que des proprietaires d’une roture ayent bâti des moulins à vent sans le congé de leur Seigneur ; et en tout cas conformément à la Coûtume de Berry on ne le pourroit pas dans les lieux où le Seigneur dont releveroit cette roture auroit droit de bannalité. Et d’ailleurs la Coûtume en l’Article 160. ayant compris indistin. ctement les moulins entre les dépendances des fiefs, elle a eu apparemment cette intention Bacquet de ne donner qu’aux Seigneurs de fief le droit d’avoir toutes sortes de moulins : Et Bacquer, des Droits de Just. c. 29. n. 20. a écrit que plusieurs estiment qu’il n’est permis de batir un moulin à vent sans la permission du Haut : Justicier, et que cela est communément observé au Royaume.Brodeau , sursur Mr Loüet , L. M. n. 17. dit toutefois que si le Seigneur n’a droit de moulin bannier, chacun de ses sujets en son héritage peut édifier un moulin à vent. Quelques Coûtumes en exceptent ceux qui ont droit de Haute-Justice et de voirie ; mais regulie-rement, continuë cet Auteur, le droit de bannalité qui est une servitude contre la liberté naurelle, ne dépend point des droits de fief, ou de Haute-Justice. Quant à ceux qui possedent des fiefs, on ne peut douter que cette faculté ne leur peut être contestée, bien qu’ils soient assis dans l’etenduë de la bannalité du Seigneur, dont ils relevent ; car posant pour fondement que le droit de moulin est un droit feodal, le Seigneur d’un fief n’en peut être privé qu’en vertu d’un titre particulier, et comme il est certain que le vassal peut chasser librement sur son fief, on peut argumenter du droit de chasse à celui-cy.

L’Arrest rapporté parBerault , qui fut donné entre le Duc de Longueville et la Demoiselle.

Daré, a décidé cette question, et parce que l’espèce n’en est pas pleinement expliquée parBérault , il ne sera pas inutile de remarquer quelle êtoit la contestation d’entre les parties ; ; telle qu’elle est employée sur le Registre d’où je l’ay tirée. Le droit de Bannalité sur les habitans de la Paroisse de Sierville avoit été cédé par l’Abbé de S. Vandrille au Seigneur, moyennant une certaine redevance. En vertu de ce titre le Duc de Longueville, Seigneur de Monville, qui étoit alors un membre de la Comté de Tancarville, se pourvût par une clameur de Gageplege, pour empescher la construction d’un moulin à vent que la Dame Daré avoit entreprise : Il disoit pour-moyens d’opposition qu’étant fondé au droit de l’Abbé de S. Vandrille qui avoit la Bannalité sur tous ses vassaux, la Demoiselle Daré ne pouvoit bâtir ce moulin, parce nu’il causeroit de la diminution à son droit de Bannalité, et qu’il avoit été jugé par les Arrests dont il produisoit les Extraits, que l’on ne pouvoit édifier de moulin à vent dans les lieux oû il y avoit Bannalité ; il ajoûtoit que la Demoiselle Daré n’avoit point de fief, et que sa terre du Mont-au-Prestre n’étoit qu’une vavassorie noble, qui ne luy donnoit point la faculté de batir un moulin à vent.

La Demoiselle Daré répondoit que son fief du Mont-au-Prestre êtoit un plein fief de Haubert, relevant de l’Abbé de S. Vandrille, et non point du Duc de Longueville, que par ses titres il l’étoit chargé d’aucune sujettion à la Seigneurie de Monville, et que par consequent il n’étoit point sujet à la Bannalité, et que même elle luy étoit contestée par les habitans de Sierville, que sa poursuite êtoit odieuse et contraire à la liberté publique, et la construction du moulin à vent qu’elle avoit entreprise êtoit pour le bien et pour la commodité du public ; que les. Arrests dong il s’aidoit luy étoient desavantageux, que celuy de Herenvilliers avoit été rendu aprés des informations respectives ; et pour celuy donné entre les Religieux du Bec, et le Baron du Neubourg, il avoit été donné sur ce fondement qu’il vouloit bâtir un second moulin à vent ur un même fief, au préjudice de la Bannalité qu’il leur avoit donnée ; mais que dans le même Arrest on faisoit mention d’un preoedent rendu entre les mêmes parties, par lequel il avoit été permis au Baron du Neubourg de bâtir un moulin à vent sur son fief, quoy que les Religieux soûtinssent qu’il ne le pouvoit, parce que cela faisoit préjudice à la Bannalité qu’il leur avoit aumônée. Par la Sentence du Bailly de Roüen il fut permis à la Demoiselle Daré de continuer la construction de son moulin ; sur l’appel du Duc de Longueville par Arrest en l’Audience de la Grand : Chambre du 2é de Juin 1534. la Sentence fut confirmée.

On agita dans ce procez la question que j’ay proposée si le possesseur d’un fief peut batir un moulin à vent, lors que son seigneur superieur a droit de Bannalité. : Il est vray que le fief du Mont : au Prestre n’étoit pas mouvant de la Seigneurie de Monville,, ainsi il semble que le Seigneur n’avoit aucune qualité, pour contester ce moulin ; mais il faut remarquer que l’Abbé de S. Vandrille luy avoit cedé la Bannalité qu’il avoit sur les habitans de Sierville, ce qui luy don noit droit d’empescher qu’il n’y eût d’autre moulin. dans cette Paroisse, parce que l’on auroit aisément détourné les hommes sujets. à sa Bannalité. Nicolas Castel étoit Seigneur et Patron de S. Pierre-Eglise, Jean le Marchand, sieur de Rafauville, possedoit, une roture dans la même Paroisse, tenuë du sieur de S. Pierré, et en outre un moulin qu’il prétendoit avoir été baillé à fieffe par des Seigneurs de S. Pierre, avec retention de la moitié des amendes, d’où il concluoit que c’étoit le moulin bannal de la Seigneurie. Le Marchand voulut faire construire un autre moulin sous un même toit, le sieur de S. Pièrre l’empescha par une clameur de Gage-pleges Le sieur de S. Pierre ayant fait bâtir un moulin à vent dans la même Paroisse, le Marchand s’y opposa aussi par une clameur de Gage-plege, disant que les Seigneurs de S. Pierre luy ayant fieffé le moulin Seigneurial et Bannal ; ils s’étoient privez du droit d’en batir. Le procez porté en la Chambre des Enquêtes, par Arrest du 27 de Juin 1612. il fut dit à bonne cause les défenses faites par le sieur Gastel au Marchand, de bâtir un moulin ; et sur la question, si le Marchand pouvoit empescher le sieur Castel, son seigneur, de bâtir un moulin à vent, les Juges furent partagez : Mr le Roux, Rapporteur, étant d’avis que le Marchand ayant le moulin Bannal, il devoit être dit à bonne cause ses défenses : Mr Labbé, Compartiteur, soûtenoit le contraires le partage vuidé en la Grand : Chambre le même jour ; la Cour tenant pour constant que le Marchand avoit le moulin Bannal et Seigneurial, jugea à bonne cause les défenses faites audit sieur Castel de batir un moulin à vent. Par Arrest en la Grand-Chambre du ro de May 1632. 8 au Rapport de Mr de Brevedent, entre les Prieurs et Religieux du Ménil-Garnier, et le sieur de S. Denis-le-Gast, il fut jugé que les Religieux ayant le moulin Bannal de la Seigneurie, ne pouvoient batir un autre moulin sous le même toit : Cet Arrest paroit contraire à celuy donné au profit du Baron du Neubourg, dont il est fait mention cy-dessus ; car on luy permit de bâtir un moulin, nonobstant la donation par luy faite aux Religieux du Bec, de son droit de Bannalités mais il y avoit cette difference que ces Religieux avoient eu ce droit par la seule liberalité du la Baron du Neubourg, et dans l’espèce du dernier Arrest le Marchand possedoit ce droit de à titre onereux.

Il arrive encore souvent des contestations entre ceux qui ont droit de batir des moulins à eau, soit lors que celuy qui est au dessus en veut construire un nouveau, ou lors qu’il retient ou détourne leau pour incommoder son voisin qui est au dessous, ou bien lors que celuy qui est au dessous en batissant un moulin fait remonter et regorger l’eau, de telle maniere que celuy qui est au dessus en reçoit du dommage.

Quelque droit qu’un Seigneur feodal puisse avoir de construire un moulin, il le doit placer en sorte qu’il n’apporte aucun dommage à ses voisins. Nous avons des exemples dans le droit Romain, si celuy qui avoit une fosse ou un étang au dessous de son voisin, le laissoit tellement remplir de fange ou d’ordures, que le regorgement de l’eau incommodât celuy qui étoit au dessus, on lobligeoit à vuider son étang et à remettre la chose en son premier état : si fossam inferior vicinus non repurgabat, et siae fiebat ut ex restagnatione ejus aqua fundo nostro noceret, cum inferiore agi potest ; aqua pluviae arcende, ut aut ipse purgaret, aut te pateretur in pristinum ctatum eam redigere, l. 2. 8. 1. D. de aqua, et aquae pluv. arc. Et dans le S. 6. de la même loy si aqua fluens iter suum obstruxerit et ex restagnatione superiori agro noceat, posse cum inferiore agi, ut sinat purgari

On donnoit une pareille action au voisin lors que celuy qui étoit au dessous retenoit l’eau ou la détournoit, cogendus est vicinus eam fossam ex quâ ad inferiorem fundum aqua descendit, purgare Cette poliee est si équitable que Platon en avoit fait une de ses Loix Georgiques ; il donnoit action au proprietaire du fonds superieur contre le proprietaire du fonds qui étoit au dessous, lors qu’il empeschoit le cours ordinaire de leau, MOTGREC MOTGREC MOTGREC ; si au contraire celuy qui étoit au dessous empeschoit que l’eau ne décendit sur le fonds d’embas, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, en changeant son cours naturel, on le condamnoit à remettre les choses en leur ancien état :Cujac . l. 24. observ. c. 24

C’est l’opinion commune des Docteurs ; etBartole , sur la I. quominus. D. de fluminib. a traité plusieurs questions sur cette matière, mais qui ne sont. pas d’usage parmy nous, parce que nos fiefs ont introduit plusieurs droits qui sont contraires aux principes de la jurisprudence Romaine, et suivant la jurisprudence du Parlement de Paris il n’est pas au pouvoir du particulier, sur le fonds duquel la riviere passe, de faire construire un moulin au dessus, par le moyen duquel il incommode son voisin qui a un moulin au dessous, et luy ôte ou détourne le cours de l’eau ; il faut aussi qu’il soit dans une distance legitime.1

Bien que la Coûtume permette au Seigneur de batir un moulin, lors que les deux rives de l’eau sont assises en son fief, il en peut neanmoins être empesché, lors que la riviere entière ppartient à un autre Seigneur, et qu’il le prouve par des titres valables et autentiques.

Cette premiere entreprise des Seigneurs feodaux qui prive les particuliers, qui n’ont point de fiefs, de la liberté d’avoir des moulins, fut bien-tost suivie d’une autre usurpation plus dure et plus rigoureuse : Les plus puissans et les plus violens contraignirent leurs vassaux à faire moudre à leurs moulins les blés destinez pour leur nourtiture, quoy que leurs moulins fussent ouvent fort éloignez des lieux où ces pauvres gens faisoient leur demeure.Fulbert , Evéque de Chartres, qui vivoit en l’onzième siecle, s’en plaignit aigrement à Richard, Duc de Normadies Nuper ad vos infperata venit legatio, quod ipsam terram quam nobis dedistis. Baldricus Magister revocaverit nostro ministro, quem ibi prafecimus aliquid disponendi potestatem interdixerit, banni endo ccilicer, ut irent ad molendinum Sancti Audoeni quinque leucis, nt fertur, ab eorum hospitiis remotum.

Julbert. Ep. 14

Aprés la Bannalité du moulin les Seigneurs voulurent avoir celle du four, du pressoir, de taureau, de vest, et autres semblables. Tous ces droits ont parû fort odieux. Inaudita barbarie prohibemus aliquid sibi molere vel coquere infelici rustico,Bald . sur le titre de Servit. Urban. pradaux Institutes, ce qui fait dire à ce même Auteur, superiorum temporum barbaries novam quam dam servitutis molendi speciem, quà villa, pagi, municipia coguntur unâ molâ quam Bannalem vocamus, uti arbitrio ejus loci, eique hoc nomine certum nummum pendere tam arctâ servitute, ut si domi modicum farris molat miser rusticus, gravissimâ etiam mulctâ tantùm scelus expiat. Ad leg. rust. just.. de Novis Gper. S. 6

Mais puisque le temps a approuvé ces droits, il faut prouver en quoy consiste ce droit de Bannalité ; c’est une espèce de servitude en vertu de laquelle les vassaux qui y sont sujets, et qui sont demeurans dans l’etenduë de la Bannalité, sont tenus d’aller moudre leurs grains au moulin de leur Seigneur. L’Article 3. Tit. des Fours et Moulins, de la Coûtume de Nivernois, le définit à peu prés de la sorte, sujets à bannie de four sont sujets de venir cuire tout leur pain, et sujets à bannie de moulin sont tenus d’y venir moudre tout leur blé destiné à manger.

La Bannalité produit au Seigneur un profit que l’on appelle droit de moute, qui est plus ou moins grand, selon les differens usages. En quelques lieux on baille le blé au poids, et on reçoit la farine au poids, et le meûnier est payé en argent. Nous apprenons deCoquille , sur l’Article 6. tît. des Moulins, de la Coûtume de Nivernois, qu’aux Etats d’Orléans, qui furent tenus en l’année 1560. le tiers Etat insista soit à ce qu’il fût ordonné que les meüniers prissent et rendissent le blé et la farine au poids, et qu’ils fussent payez en argent ; mais que pour éluder cette demande celuy qui dressa les cahiers du tiers Etat n’employoit cette requisition qu’en trois paroles, à la fin d’un Article, au lieu d’en faire un Article separé et raisonnable : mais ce Reglement seroit sujet à beaucoup de fraudes que les meüniers commettroient pour rendre la farine plus pesante.

Plusieurs Coûtumes reglent differemment ce droit de moute, par l’Article S. de la Coûtume de Nivernois, Tit. des Moulins, droit de moulage est tel que quand on baille au meünier un boisseau rés de blé, il en doit rendre un comble de farine, bien valablement mouluë outre le droit de mouture.

La Coûtume du Mayne, Article 16. dit que le meünier doit rendre quatorze boisseaux comblez de farine, pour douze boisseaux rés de blé ; par celles de Tours, Article 14. et de Blois, Article 240. le meûnier doit rendre treize combles pour douze rés La Coûtume de Bretagne, Article 366. donne la seixième partie au meûnier, et c’est aussi nôtre usage ; et pour prévenir les abus et les larcins ordinaires des meûniers, la Cour par Arrest du 2r de Mars en l’année 1650. enjoignit à tous meüniers de cette Province, de se fournir de banquarts, bien ajustez, et de poids jaugez et marquez de la marque du Jaugeur ordinaire, et suffisans pour peser le blé et les farines des personnes qui iront moudre à leurs moulins ; ensemble d’un seizième de cuivre pour émouter un boisseau, quarte et demie quarte, le tout bien et dûëment jaugé. La Cour en l’année 1662. a renouvelé ce Reglement.

Ce n’est pas assez de sçavoir ce que les Seigneurs peuvent prendre pour leur droit de moutes Il n’y a pas moins de contestation touchant les blés et le pain que le vassal doit faire moudre et manger dans l’etenduë de la bannalité, pour sçavoir s’il est tenu d’y apporter seulement les blés qui ont crû sur le fief, ou s’il est encore obligé d’y apporter ceux qu’il achete ailleurs pour les consumer en sa maison. L’Article 5. de la Coûtume de Nivernois, Tit. des moulins, dit que le droit de bannalité s’entend quant au pain et au blé, que le sujet à la bannie mange on veur manger, és fins de ladite bannie. Ainsi suivant cette Coûtume et le sentiment deCoquille , sur cet Article, le pain qui est cuit pour être vendu ailleurs, et le pain qui est destiné pour être mangé ailleurs, n’est point compris sous la loy de la bannalité.

Le même Auteur estime qu’il n’y a que les grains destinez pour la nourriture de l’homme qui soient sujets au droit de bannalité, et que l’orge et les autres grains que l’on fait moudre pour engraisser des pourceaux peuvent être moulus ailleurs.

Par l’Article 19. de la Coûtume d’Anjou, le sujet qui achete blé en autruy pouvoir hors le fief de son seigneur, en l’amenant à son étage, le peut faire moudre au moulin d’autruy sans méprendre.

EtChopin , sur cet Article, dit que les blés qui ont été semez et recueillis au dedans de la Seigneurie, sont seuls sujets à être portez au moulin Seigneurial La Coûtume de Tours, Article 8. Tit. des droits de Basse-Justice, dit que le suchet qui acheté ble hors le. baneage de son seigneur, en l’amenant à son étaige le peut faire moudre à autre moulin Sainson sans offense. : Mais Samson expliquant cet Article, dit que si le sujet apporte en sa maison le blé qu’il avoit acheté. sans le faire moudre, il ne peut plus le porter ailleurs.Bacquet , ch. 29. n. 34. des droits de Justice, apporte une limitation notable pour le Reglement du droit de Sannalité, et il dit que le vassal bannier n’est obligé d’aller moudre au moulin bannal de son seigneur, sinon le grain qui est necessaire pour la nourriture de luy, sa femme, et sa famille, ou duquel il veut vendre le pain dans l’etenduë du fief de son seigneur, ou lequel il achete dedans laMeigneurie, mais qu’il ne peut être obligé d’aller moudre au moulin bannal le grain qu’il a achété hors la terre et bannalité de son seigneur, pour faire du pain qu’il veut vendre hors la Seigneurie, suivant les Arrests du Parlement de Paris pour les Boulangers de Gonnesse, ce qui est aussi confirmé parBrodeau , sur l’Article 71. de la Coûtume de Paris, qui cite un autre Arrest donné en execution du premier, qui declare les Boulangers de Gonnesse xempts de faire moudre les blés et les grains qu’ils achetoient hors le térritoire et la bannalité de Gonnesse, pour faire du pain afin de le vendre ou faire vendre en la ville de Paris, et autres sieux hors les enclaves de Gonnesse ; ensemble du droit de bannalité pour lesdits blés et grains, ainsi achetez par tout et en tels moulins que bon leur semblera, sans être tenus de payer aucune chose pour le droit de bannalité.

Que si les blés sont achetez dans le marché du Seigneur bannier, pour en faire du pain et pour l’user et consumer dans sa famille, ou pour le vendre et debiter dans l’etenduë de la pannalité, bien que ces blés soient crûs hors le térritoire, ils sont sujets au droit, parce que tout ce qui est apporté et vendu dans le territoire de la bannalité, est rendu de pareille nature que s’il etoit crû et avoit été recueilli sur le lieu-

Nous favorisons beaucoup plus le droit de bannalité, et il y a long-temps que le contraire s’observe en Normandie, par Arrest du 17 de Janvier 1541. entre Loüis d’Orbec, Seigneur d’Orbec et de Bien-Faite, et Thomas le Sec, sieur de la Cressonnière ; le sieur d’Orbec fut maintenu en la possession de pouvoir contraindre ses vassaux resseans, d’aller moudre à ses moulins, non seulement les grains qu’ils achetoient dans l’etenduë de sa Seigneurie, mais aussi ceux qu’ils achetoient au marché, et que les autres qui n’étoient resseans payeroient verte-moute, bien que les hommes eussent soûtenu qu’ils étoient étrangers et qu’ils n’avoient aucuns grains croissans sur la Seigneurie, et que pour les grains par eux achetez, ils ne tomboient point en forfaiture, quoy qu’ils n’eussent point suivi le ban du moulin-

Autre Arrest conforme à celuy du sieur d’Otbec. Jean Merlet, Ecuyer, sieur de Milc dé, fit assigner devant le Juge Royal de Torigny Jean de Manvieux, pour voir juger la confiscation d’un boisseau de sarrazin, qu’il avoit fait moudre ailleurs qu’au moulin bannal, où il étoit sujet ; de Manvieux opposa que le sarrazin n’ayant point crû sur le fonds du sieur de Maloüé, il n’étoit point obligé de le porter au moulin bannal, et que d’ailleurs ayant payé le droit de verte-moute au Seigneur du fief, sur lequel le sarrazin avoit crû, il seroit extrémement dur de lobliger à la bannalité du moulin du Seigneur du fief, sur lequel il étoit domicilié. Le sieur de Maloüé répondoit que la verte-moute et la bannalité étoient deux droits differens, qu’il ne falloit point considerer le lieu où le bé avoit crû, ni où il avoit été acheté, mais seulement où il avoit été consumé, que de Manvieux ayant son domicile sur un fonds sujet au ban du moulin, il étoit sujet d’y faire moudre tout ce qui se consumeroit en sa maison. Manvieux ut condamné de porter au moulin bannal les blés seulement qui avoient crû sur la Seigneurie ; par Arrest du 26 d’Avril 1663. la Sentence fut cassée, et il fut jugé que le vassal bannier êtoit tenu de porter au moulin tous les blés qu’il dépensoit en sa maison ; plaidans Lyout et Durand,

Autre Arrest du 17 de Juillet 1665. entre Robert Quesney, fermier des moulins de Condé sur-Rille, appartenans à M le President de Bonneval, et Martin Vassal, resseant sur le fief dudit Condé, qui recueilloit des blés à Corneville, Paroisse voisiné où Il y a aussi un moulin bannal, lesquels il prétendoit ne devoir point de bannalité à Condé, encor qu’il y fit sa demeure, à cause qu’il devoit même droit à Corneville, comme il avoit été jugé par Sentencé du Ponteaudemer, qui ordonnoit que ledit Martin suivroit la bannalité des deux Seigneurs, à proportion de ce qu’il auroit perçû de grain sur chacune d’icelles. Par Arrest par expedient Martin fut condamné à payer le droit de bannalité de tous les grains qu’il consumoit au lieu de sa demeure.

Autre Arrest sur ce fait, le sieur de Four à cause de son moulin bannal avoit droit de mouteeche, à peine de forfaiture sur les hommes tenans, non resseans, qui emportoient les blés nors de la Seigneurie ; ayant artété les chevaux et chariots de du Pont qui emportoit les blés de sa ferme, du Pont soûtenoit qu’il étoit exempt de payer cette moute-seche, ayant un fermier resseant sur la Seigneurie, qui alloit au moulin, ce qui étoit autant comme si du Pont eût été resseant sur la ferme ; mais ayant été condamné, sur son appel il en fut déchargé par Arrest du 13 de Juillet 1509. parce qu’il avoit son fermier sur le lieuEn plusieurs lieux le Seigneur ne peut exercer le droit de bannalité que sur ceux qui demeurent dans letenduë de sa Bannalité ; la Coûtume d’Anjou le décide expressément dans l’Article 14. en ces termes, le Bas-Justicier peut contraindre des sujets étagers, coûtumiers, demeurans dans la banlieuë dudit moulin, d’aller moudre à iceluy moulin : De sorte que s’ils ne sont pas resseans sur le fief ou qu’ils ne soient point dans la banlieuë, le Seigneur ne les peut contraindre à suivré le ban du moulin

En Normandie les Seigneurs demandent à leurs vassaux banniers un certain droit qu’ils appellent de verte-moute, et ils prétendent qu’il leur est dû, lors que le vassal bannier laboure des terres dans le territoire de laBannalité, et qu’il enleve les grains ailleurs, sans les engranger sur le fief, et ce droit consiste ordinairement en la seizième gerbe, ou au seiziénn boisseau, s’il n’y a titre ou possession au contraire.

Ce droit de verte-moute étant fort rigoureux, il est défavorable, car s’il est dû par celuy qui n’est point resseant dans l’etenduë de la bannalité, il sera souvent engagé à payer deux droits de verte-moute et de bannalité ; car en payant la verte-moute pour l’enlevement de ses grains, et les portant au lieu de sa demeure pour les consumer, s’il y a bannalité, il payera encore le droit de moute.

D’ailleurs s’il faut payer la verte-moute à la seizième gerbe ou au seizième boisseau, le misérable vassal peut en recevoit un dommage notable ; car il pourroit arriver que ce vassal resseant sur le lieu ne consumeroit que fort peu de blé, et par consequent il ne payeroit que fort peu de moute, mais en payant le seizième boisseau sa condition seroit beaucoup plus dure.

Il faut donc discuter si ce droit peut être exigé, et en cas qu’il soit dû, quel titre est necessaire pour en établir la demande

On ne peut douter que ces droits de bannalité, de moulin, de four, et de corvées, ne soient plus personnels que réels ; s’ils n’étoient dûs aux Seigneurs de fief qu’à cause des héritages que l’on possederoit en leurs Seigneuries, il ne pourroit être exigé que des proprietaires, et même il ne pourroit être demandé que pour les grains qui seroient crûs dans leurs Seigneuries, et non de ceux que l’on auroit achetez ailleurs : cependant tous les resseans et domiciliez dans le territoire du Seigneur qui a le droit de moulin bannal sont tenus d’y moudre les grains qu’ils consument en leur maison, et qu’ils achetent pour leur nourriture, quand même ils ne possederoient aucuns héritages dans l’etenduë du même fief, ce qui prouve que la servitude est purement personnelle, et que par consequent n’obligeant que la personne, et n’affectant point les héritages, ceux qui ne sont point resseans dans le fief ne doivent aucun droit de moute, bien qu’ils possedent des héritages dans les bornes de sa Bannalité.

Mais les Seigneurs ne se sont pas beaucoup mis en peine de ces raisonnemens, et pour autoriser eurs prétentions on a considéré la sujettion à la bannaliré, comme une servitude mixte dûë par la personne et par l’héritage, et d’ailleurs il peut bien être que par les infeodations les Seigneurs le s’étoient reservez ces droits-là ; ainsi quand la demande du Seigneur est fondée sur un titre, le vassal ne s’en peut défendre

Mais cela ne refoud pas la difficulté la plus importante, sçavoir si le droit de bannalité renferme eluy de verte-moute, et si la preuve de l’un fait la justification de l’autre ; mais il me semble que les droits de bannalité et de verte-moute sont deux droits differens, et pour l’un comme our l’autre le titre et la possession sont necesçaires

I y a long-temps que ces contestations ont été agitées en Normandie, entre les Seigneurs et leurs vassaux, comme on l’apprend par deux anciens Arrests où les raisons des parties et le sujet de leur different ont été déduits fort amplement. Jeanne de Croisi, veuve de Nicolas de Cong-champ, avoit fait saisir six muids de blé, chargez sur les Quais d’Andely, faute d’avoir payé les vertes-moutes dudit blé qu’elle prétendoit luy être dûës à cause des héritages situedans les Paroisses de Gutry et Forests ; et elle prétendoit prouver, tant par titres que par témoins, que si les grains ayant crû dans les enclaves de la hanfalité, et qu’ils fussent portez aux marchez de la Seigneurie pour le payement des fermages, elle devoit avoir la moute desdits grains d’où elle concluoit que le blé faisi ayant été batu sur le fief, et chargé dans un bâteau pour porter à Roüen, et pour être livré au proprietaire en déduction de ses fermages, il y avoit lieu la forfaiture, pout avoir dessaiss le ban du moulin sans avoir payé la verte, moute Hugues et Colin de Fontenay, et Estienne Mabire se défendoient par plusieurs moyens Premierement, que la verte. moute n’est due et ne peut être exigée que quand les grains troissent sur le territoire du ban du moulin, et sont portez et engrangez hors d’iceluy : Or les blés que lon avoit saisis avoient été engrangez sur le fief, c’est pourquoy ils étoient exempts de droit de verte-moute, quand même elle seroit dûë, comme non. En second lieu, que quand les resseans font moudre au moulin tout ce qui est requis pour leur usage, il est permis au sujet de porter le reste de son blé hors la Seigneurie, soit pour payer son fermage, ou pour en faire son profit ; autrement il seroit injuste de vouloir astraindre le vassal à moudre tout son blé, ou d’en payer la verte moute, et le Seigneur doit être content lors qu’il fait moudre à son moulin tout le blé necessaire pour son usage. La Demoiselle de Long-champ repliquoit qu’elle êtoit en possession et saisine d’avoir et percevoir le droit de verte-moute des blés qui avoient été ennrangez sur le ban du moulin, et depuis portez hors dudit ban pour le payemen les fermages. Le Juge de Gisors ayant condamné lesdits de Fontenay et Mabire au payemen de la verte-moute, sur leur appel la Sentence fut confirmée par Arrest du 9 de Novembre 1510.

En l’espèce de cet Arrest, on étendoit le droit de verte-moute beaucoup au-de-là des termes ordinalres car on le demandoit sur le surplus des blés que le fermier n’avoit point con-sumez, et qu’il envoyoit à son maître en déduction de ses fermages ; mais cet Arrest eut pour sondement un titre et une possession, autrement ce seroit un étrange abus si les fermiers qui avoient engrangé sur le lieu, ne pouvoient pas faire porter ailleurs leurs blés pour le payement de leurs fermages.

Par l’autre Arrest rendu le is d’Aoust 1629. on prétendoit la verte-moute non seulement des blés, mais aussi des avoines ; sur quoy aprés des preuves respectives il fut dit qu’il n’y avoit cause d’empescher la droiture et possession de la verte-moute, tant pour les avoines que pour le blé, à la raison de la seizième gerbe.

Il paroit par ces Arrests que ce droit de verte-moute n’est pas une dépendance et une suite du droit de bannalité, et qu’il ne peut être demandé qu’en vertu d’un titre et d’une possession legitime. On disputa cette question en la cause de Mr le Comte d’Armagnac, Seigneur de Brione, et plusieurs de ses vassaux qui étoient resseants dans la Comté de Harcour, ce qui obligea Mr le Comte de Harcour d’intervenit en la cause ; elle fut apointée au Consell de 30 de Juin 1671. et la question est encore indécise.

Par un Arrest donné lors que le Parlement êtoit feant à Caen, au Rapport de Mi Bouthard, entre la Dame de Pierrecourt et un autre partiéulier, il fut dit que le droit de banna-lité de fout n’emportoit avec foy le droit de verte-moute, et qu’il falloir un droit special outre celuy de la bannalité

Il arrive souvent que l’on stipule un droit de franche-monte, on de cuire franc pour toute sa famille : On demande si cette famille augmentant et se multipliant, le meünier et le boudanger sont obligez de moudre et de cuire pour tous : Pour la negative on dit que ex quo obli-atio fuit simplex conceptâ nomine collectivo, non variatur ipsa obligatio, licet crescat vel minuatur Samson numerus comprehensorum sub nomine collectivo : in contrarium facit quod érescente semper tali familiâ, sic videretur furnarius, vel molendinarius obligari usque in infinitum. Samson, Coûtume de Tours, Tit. des Justices, Art. 13. distingue, où ce droit a été donné par une pure liberalité, et tunc si familia tantùm excreverit subveniendum judicis officio, ut non teneatur ad totam familiam, presertim ubi non potuit cogitare de tantâ excrescentiâ. Par exemple, si cela avoit été donné ûà quelque petit Gentilhomme à qui depuis il seroit venu de grandes successions, et qui autoit extrémement augmenté son train et sa dépense, Aut propter hoc capit lucrum quando pater famil. git pretio appretiato pro se et familiâ suâ, et familia est citra solitum aucta, tunc dicendum est furnarium vel molendinarium teneri ad totam familiam, nam ex quo recipiens se potest habere ad lucrum parvificatâ familiâ, ita se debet habere ad damnum auctâ familiâ, cum contrariorum eadem sit disciplina. Cet Auteur traite en suite la question pour un droit de chaufage dans la forest, quem vide. Et Berault a traité quelque part la question pour le pressoirComme ce droit de bannalité deviendroit trop onereux, si les vassaux d’une grande Seigneurie étoient indispensablement obligez de suivre le ban du moulin, quelque éloigné que fût leur domicile, on a jugé qu’il étoit raisonnable de borner létenduë de la bannalité ; plusieurs Coûtumes lont terminée et reglée à la banlieue, et pour éviter toute ambiguité, elles ont même déclaré le nombre des pas que devoit contenir la banlieuë.

Par l’Article 359. de la Coûtume de Bretagne, les hommes sont tenus d’aller au moulin de leur Seigneur, qui est dans la banlieue ; et ne sont lesdits hommes sujets d’aller audit moulin s’il n’est dedans la banlieuë, si ce n’est de leur bonne volonté : Et par l’Article 360. cette même Coûtume définit la continence de la banlieuë en ces termes, la banlieuë contient six-vingts cordes, hacune corde de six : vingts pieds, assise par six : vingts fois ; et doit être mésurée des lieux où la somme de blé est levée jusqu’au lieu où elle doit cheoir par les voyes que le Seigneur pourra garantir à ses hommes sans empeschement.

Par l’Article 14. de la Coûtume d’Anjou, les sujets ne sont pas tenus d’aller au moulin bannal, s’ils ne sont demeurans dans la banlieuë. Nôtre Coûtume n’a rien défini sur ce sujet, mais quoy que le fief du Seigneur de fief s’étende bien loin, il faut neanmoins interpreter cette servipude civilement, afin de soulager les habitans, et de ne les reduire pas à une condition trop facheuse : et lors que l’on accorde simplement et en termes generaux un passage sur héritage d’autruy, pour passer par tel endroit que l’on voudra, cela s’entend toutefois avec bien-seance, et de la maniere qu’un homme équitable l’ordonnera, pour rendre la servitude moins incommode ; si cui simpliciter via per fundum cujuspiam concedatur in infinito videlicet per quamlibet ejus partem ire, agere licebit civili modo, nam quedam in sermone tacite excipiuntur. l. si cui. D. de Servitut. Sur ce principe d’équité la servitude de la bannalité doit être favorablement expliquée, en luy fixant un terme au-de-là duquel on ne puisse l’etendre. Au procez de Mr de Motteville, Premier President en la Chambre des Comptes de Normandie, et les habitans. de Motteville, joints avec luy contre le sieur Vidame d’Enneval ; sur ce que ses habitans soûrenoient qu’ils étoient fort éloignez du moulin Bannal du Seigneur d’Enneval, et qu’il leur seroit tres-incommode, et particulierement en Hyver d’y porter moudre leurs grains, le Seigneur d’Enneval déclara qu’il n’entendoit point étendre son droit de bannalité au-de-là de deux lieuës. Il seroit fort utile que la Cour fit un Reglement sur ce sujet. Il seroit encore fort nécessaire, comme quelques Coûtumes ont fait de regler un temps dans lequel le meûnier feroit tenu de moudre le blé qui luy seroit apporté, ou qu’autrement le sujet pourroit reprendre son blé et le porter ailleurs, sans peril d’amende. C’est la disposition de la Coûtume de Nivernois, Tit. des Moulins, Article 8.

Pour achever en quoy consiste la bannalité et comment elle doit être executée, il faut encore examiner cette question, si la bannalité peut être annexée au moulin à vent ; Cette difficulté peut être plus grande dans les Coûtumes où le droit de bannalité est une dépendance ordinaire de la feodalité et de la Seigneurie directe ; mais dans les Coûtumes où l’on ne peut prétendre de bannalité sans titre, la chose ne peut être douteuse que sur ce point, si la sujettion au ban du moulin à eau peut être étenduë au moulin à vent : Or c’est une maxime que le moulin à vent ne peut être bannal, même à l’égard du Seigneur fondé en titre et en reconnoissance par écrit du droit de bannalité de moulin à cau, si le titre ne fait mention expresse de la qualité du mou lin, et ne déclare et détermine précisément que c’est un moulin à vent : L’expression generale. et indéfinie du moulin bannal ne s’entend que du moulin à eau, et le Seigneur n’en ayant point de cette qualité dans sa Seigneurie, mais seulement un moulin à vent, il ne peut prétendre de bannalité, ni contraindre ses vassaux d’y venir moudre, ce queBrodeau , sur l’Article 72 confirme par ces deux raisons ; la premiere resulte de ce que le moulin à eau étant permanent, et pour être bati sur une riviere dont le cours est continuel et perdurable, son usage est certain, reglé et ordinaire. Ce qui ne se peut pas dire d’un moulin à vent dont la fonction dépend de la cause la plus incertaine, la plus inconstante et la plus casuelle du monde, et comme il arriveroit souvent que le moulin ne tourneroit point faute de vent, il ne pourroit servir, et les banniers en souffriroient une incommodité tres-facheuse.

L’autre consideration est fondée sur ce que le vent et l’air qui font tourner, le moulin ne tombent pas si facilement que l’eau dans le Domaine des Seigneurs feodaux ; en effet les Coûumes parlent bien d’eaux et de rivieres bannales, mais non point d’air, et de vent bannal : Aussi la Coûtume de Paris décide expressément en l’Article 72. que le moulin à vent ne peut être bannal, ni sous pretexte de ce les meûniers voisins sont empeschez de chasser, s’il n’y a titre ou reconnoissance par écrit ; à quoy la Coûtume d’Orléans est conforme.

La Coûtume en l’Article 160. met les moulins entre les dépendances des fiefs, et par plusieurs

Coûtumes le droit de bannalité est ordinaire et inherent au fief et à la Jurisdiction ; de sorte ue le Seigneur peut contraindre ceux qui demeurent dans son térritoire de suivre le ban du moulin de sa Seigneurie. Touraine, Article 7. et 8. Anjou, Article 14. Poitou, Article 34. et 89. et la pluspart de nos anciens Docteurs et Praticiens François ont été de cette opinion eputans la bannalité du moulin, du four et du pressoir pour un droit Seigneurial ordinaire et qui est dû en consequence et par la seule raison de la feodalité, sans qu’il soit besoin de titre li ou de reconnoissance, comme il est porté dans une addition que Charondas a faite à la Somme Rurale deBouteiller , Tit. du Droit aux Banniers

Au contraire plusieurs autres Coûtumes ne permettent point aux Seigneurs d’exercer ce droit, s’il n’est fondé sur un titre valable soûtenu par la possession. Il n’est point seigneurial, et feodal, c’est à dire qu’il n’est point de la nature des fiefs, ni attaché naturellement à la seodalité, comme un droit commun et ordinaire : et c’est pourquoy par la Coûtume de Paris, Article 71. Orléans, 101. nul Seigneur ne peut contraindre ses sujets d’aller au moulin qu’il prétend bannal s’il n’en a titre valable, aveu bu dénombrement ancien.

La possession sans titre doit être considérée comme un effet de la puissance du Seigneur, ou l’on présume que les vassaux y ont été volontairement pour leur propre commodité, ou même par une simple complaisance, per modum facultatis, potius quam necessitatis. Ces maximes sont tres-équitables : Il seroit fort aisé à un seigneur redoutable et violent, sur tout dans les temps calamiteux, de contraindre de misérables vassaux à s’obliger à cette servitude. Ce fut pour cette raison que lors de la Reformation de la Coûtume de Paris, on ajoûta qu’un titre n’étoit point reputé valable, s’il n’étoit fait avant vingt-cind ans Le titre est donc nécessaire pour établir cette servitude ; il est vray qu’elle se peut acquerir par une longue possession, mais pour cet effet, suivant l’opinion la plus commune, il faut que de Seigneur ait fait défenses à ses vassaux de moudre ailleurs, et qu’en suite les vassaux ayent obei, et qu’ils ayent suivi le ban du moulin : en ce cas la prohibition du Seigneur et l’obeissance des vassaux passe pour un titre. La Coûtume de Nevers l’ordonne de la sorte, Tit. des Moulins, Art. 1. Pour acquerir bannie de four ou moulin est besoin d’avoir titre, où aprés prohibition ou contradiction, paisible possession. Que s’il n’y a point eu d’empeschement ou de prohibi-tion, la possession même centenaire est inutile : Etiam si mille annos non subjectus alienam moletrinam frrquentaverit molendo, non per hoc queritur subjectio, aut cogendi jus, nec quis constitui-tur in possessione, sine quâ nulla prascriptio currit, et quia id fit commoditatis causâ & mero facultatis arbitrio,Boer . Decis. 125. Cette possession pour être valable doit commencer par la con-rainte des sujets à la bannalité, possessio in talibus incipienda est à coactione, si scilicet Dominus moletrine quosdam invitos coëgit molere, et illi cogenti paruerint totos quadraginta annos ; M’d’Arrengé, Article 335.

Le droit de bannalité est un droit negatif et prohibitif ; il faut donc qu’il y ait eu défense, et que le Seigneur ait empesché par son Prevost les vassaux d’aller moudre ailleurs qu’à son moulin, et qu’en suite de ses daefenses il ait obtenu des Sentences, qui ayent été executées par les vassaux ; In his quae in prohibendo consistunt, ut qui quis possideat et prascribere possit, necesse est ut prohibitio interveniat illius qui jus sibi competere contendit, & sequatur patientia ejus cui vohi bitio facta est, gl. et Doctores in l. qui luminibus, ff. de servitut. Urban. pred. Et ainsi suivant le droit commun la possession n’est acquise, et la prescription ne commence à courir que Bacquet du jour de la prohibition ; Bacquer, des Droits de Justice, c. 29. n. 29.

Cette possession ne doit servir au Seigneur que sur ceux qui se sont soûmis à cette servitude.

Mais il semble fort rude d’avoir jugé qu’en matière de bannalité, le plus grand nombre blige le moindre, puis qu’aucun ne doit être assujetti à quelque servitude sans son fait, et sans son consentement, et que les servitudes doivent plûtost être restreintes qu’étenduës ; la possession du Seigneur ne luy doit servir que contre ceux qui l’ont soufferte, tantùm praseriprum, quantùm possessum.Bacquet , des Droits de Justice, c. 29. n. 23. tient que le tiers ou la moitié des habitans ne peut obliger tout le corps, et qu’il en faut les deux tiers, ou plus grand nombre, suivant la l. nominationem : in verbo, duae partes ordinis, de Decurionib. MaisBrodeau , ur la Coûtume de Paris eArticlet2 1. tient qu’un titre n’est point valable, s’il n’a été passé avec tous les habitans, sans que les deux tiers qui auroient prété leur consentement puissent obliger l’autre qui n’y aproit pas consenti, sur tout quand le Seigneur n’a d’autres titres que des Aveux et des dénombremens ; car, comme ditBacquet , c. 29. n. 31. des Droits de Justice, les Aveux et les dénombremens ne sont pas des titres, ce ne sont que des déclarations des droits qu’il prétend être dûs à son fief, et ils ne peuvent faire de preuves, ni induire aucune obligation qu’entre le Seigneur et le vassal ; mais ils n’attribuent aucun droit de proprieté ni de possession au préjudice d’un tiers qui n’y a point êté appelé ni qui n’y a point donné son consentement ; l. que quisque de acquir. rer. dom. Neanmoins par Arrest du 22. Février 1600. donné au profit du sieur Baron du Pont S. Pierre, les héritages tenus de ladite Baronnie sont declarez fujets au ban des moulins d’icelle, et au payement de la verte, moute le cas écheant, en cas que les grains fussent transportez hors le fief.

Il n’en est pas de même pour la possession sur les tenans noblement, où le plus grand nombre n’oblige point le moindre, suivant la distinction deBacquet , c. 29. n. 24. des Droits E de Justice : Car il faut faire différence entre un droit qui concerne un corps ou université d’habitans et des associez, des copropriétaires, des coheritiers ou collegataires, quando aliquid ammune est pluribus ut singulis putâ heredibus, vel sociis, vel quando aliqua res pertinet ad plures t singulos, tunc consensus omnium necessarius est, et contradicente uno nilnl agitur, chacun a son interest particulier, dont il peut disposer sans le consentement des autres : quando verâ aliquid commune est pluribus ut universis, putâ civibus, collegiis, canonicis, religiosis, vel quando res aliqua pertinet ad plures ut universos, tunc standum est voluntati majoris partis : Il en faut dire de même pour la bannalité entre les tenans noblement, le plus grand nombre n’engage point les autres en ce cas, quod à pluribus fit non obligat singulos. La Coûtume de Poitou, où il suffit d’avoir un fief pour avoir un moulin, use de ces mots, Ban-de-Moulin sur les roturiers et tenans, et couchans roturierement, et non pas sur les Nobles. Le droit de Bannalité n’est pas neanmoins une servitude roturière, les Cleres aussi-bien que les Nobles possedans fief y. peuvent être rassujettis en vertu d’un titre ;Ricard , Article 7i. etBrodeau , hic Cette question s’offrit aux Enquêtes le 19 de Mars 1635. au Rapport de Mr de Grouchet, entre de Sabrevois, Seigneur de Fourmainville en partie, et Mr le Duc de Vendôme, Baron d’Ivrys le sieur de Sabrovois fut déchargé de la bannalité du moulin du sieur Baron d’Ivry, situé au village de Fourmainville, parce que la possession que Mr de Vendôme avoit sur les autres tenans noblement n’obligeoit point le sieur de Sabrevois, dont les anciens Aveux ne prouvoient point qu’il fut sujet à la bannalité du moulin, quoy qu’on y eut employé d’autres droits qui n’étoient pas moins considérables, le droit de bannalité n’étant point de essentialibus feudi, sed de nccidentalibus, indiget speciali nota, et il n’est point compris dans ces termes de devoirs Seigneuriaux, comme la foy et hommage, que non possunt abesse fine subjecti interitu C’est aussi une jurisprudence établie au Parlement de Paris que le Seigneur qui n’a point de moulin bannal, ne peut empescher les meûniers de chasser dans l’etenduë de son fief ;Loüet , M. n. 17.Brodeau , ibid. Il y eut Arrest en l’année 1628. au Parlement de Dijon sur une cause évoquée de ce Parlement entre Mr d’Amiens Conseiller en la Cour, et Mr du Til Maître des Comptes à Paris, par lequel il fut dit que les meüniers de Mr d’Amiens pourroient chasser dans les terres mouvantes du fief du Til, et aux maisons des vassaux dudit sieur du Til, parce que le sieur du Til ne justifioit point qu’il eut droit de bannalité. quivant nôtre usage le droit de bannalité ne peut être demandé que sur les hommes tenans héritages du fief, à cause duquel on prétend ce droit ; et par un ancien Arrest du 30 de uillet 1549. un seigneur en fut debouté sur des personnes qui n’étoient point ses vassaux, pien qu’il fournit un titre et qu’il prouvàt une possession immemoriale, Nous tenons neanmoins que le droit de Bannalité peut être cedé par un Seigneur à un autre Seigneur au préjudice de ses vassaux banniers, comme il fut jugé par Arrest du 2i de Juillet 1547 ntre le Duc de Longuevillé, Baron de Monville, et le sieur de Cherville. Autre Arrest du 18 d’Avril 1545. aux Enquêtes, entre les sieurs de Franc et le Comte, touchant une transaction. pour la construction d’un moulin à vent, par laquelle le sieur le Comte pouvoit faire un moulin à vent en sa Sieurie de Sancourt, et où il ne feroit pas construire de moulin, ses vassaux seroient tenus de venir moudre au moulin du sieur de Franc, bien qu’ils n’y fussent pas sujets, et par l’Arrest la transaction fut declarée valable.Bartole , in l. stipulatio ista, et I. quoties de verborum obligationibus, et Fab. Inst. 8. siquis aliam de inutil. stipul. Mais M d’Argentré , en sa Preface. sur l’Article 17. demande si le moulin étant vendu sans expression du droit de Bannalité, l’acheteur pourra contraindre les hommes sujets à la bannalité d’aller moudre à son moulin : et il répond que ce droit passe à l’acheteur avec le moulin ; simplez rei appellatio, nullo alio expresso pertinentes, vei accessorias, et dependentes continet, l. fistulas in princ. De contrah. empt.

La bannalité peut aussi être cédée, comme il paroit par l’Arrest donné entre le Duc de Longueville, Seigneur de Monville, et la Demoiselle Daré, où l’on ne disputa pas que le droit de bannalité n’eût été cédé valablement par l’Abbé de S. Vandrille, pour la terre du Montau-Prestre. Un moulin même peut être bannal, quoy qu’il fût d’un autre fief, et qu’il ne relevant ni mediatement, ni immediatement du fief, à cause duquel R prétendroit la bannalité, mais d’un autre fief, suivant les Coûtumes d’Anjou, Article 17. Du Mayne, Article 14. et 17.

De Poitou, Article 34. Bretag. 382. Ainsi jugé, au Rapport de Mr Fermanel, par Arrest du 5 de May 1657. entre Lécrivain et le sieur de Chantoré-

Il reste à parler de l’action que le Seigneur peut avoir quand il est troublé en son droit de Bacquet Bannalité, Bacquer, des Droits de Justice, c. 29. n. 10. croit que le Seigneur peut agir par la voye possessoire ou petitoire. Et par Arrest du ro de Juin 1665. en la Chambre de l’Edit, il fut jugé que l’instance de bannalité de moulin étoit réelle, et ne pouvoit être évoquée aux Requêtes du Palais par un privilege, entre le sieur du Hamel et Farin ; plaidans Heroüet et de l’Epiney


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ARTICLE CCX. Page 348. ligne 31.

D AME Matie Paule d’Abbret, Abbesse de Pacy, ayant acquis un Moulin à Foulon situé sur la Riviere qui passe à Pacy, obtint des Lettres du Roy pour le changer en Moulin à Blé, à condition qu’il n’y eût point de Moulins bannaux audit lieu de Pacy, et que ce fût pour l’utllité publique : Dame Anne Marie le Letier, Prieure du Royal Monastere de lHôtelDieu de Vernon, s’opposa à l’enterinement de ces Lettres, mais par Sentence du Juge de Pacy elle fut deboutée de son opposition ; elle concluoit sur son appel que sans avoir égard aux Lettres d’une pretenduë peremption, la Dame Abbesse de Pacy devoit être deboutée de l’enterinement des Lettres par elle obtenues pour changer l’état de son Moulin à Foulon, et le convertir en usage de Moulin à Blé, et qu’elle seroit maintenué au droit d’user du canal de la Riviere comme elle avoit fait par le passé, pour cet effer elle representoit que ladite Dame intimée avoit bien reconnu qu’elle ne pouvoit changer l’usage de son Moulin à Foulon, puisqu’elle a eu recours à l’autorité du Roy, la construction nouvelle d’un Moulin on d’un Colombier ne se peut faire sans la permission du Roy ou des Seigneurs dont releve le fonds, et l’on ne peut s’en servir qu’à l’usage auquel il est destiné ; car la Conoession du droit de Moulin est un droit feodal, suivant l’Article 160. et par l’Article 210. on ne peut construire de Moulin si l’on n’a les deux rives de la Riviere assises en fon fief : ainsi la Dame de Pacy n’ayant aucun fief au dlieu où elle veut faire établir un Moulin à Blé, elle ne le peut faire au prejudice de ladite Dame Abbesse de Vernon, qui possede deux Moulins au droit du Roy sur la même Riviere ce qui la rend bien fondée à empescher cette innovation, suivant la l. r. et 2. de fuminibus, et la loy unique ne quid in fluminib. publ. ladite Dame de Pacy n’ayant aucun droit, puisqu’elle ne possede aucun fief, et que les deux rives de la Riviere ne luy appartiennent point, cela ne le pouvant faire sans un grand dommage pour l’Hôtel-Dieu de Vernon : les Arrests rapportez par les Commentateurs l’ont ainsi décidé ; ladire Dame de Pacy n’a eu garde d’énon-er qu’il y avoit deux autres Moulins proche de son Moulin à Foulon, que l’Hôteli Dieu possede en vertu de la donation qui luy en a été faite par S. Louis, parce que le Roy ne luy auroit pas accordé ses Lettres, aussi le Roy en a excepté le droit d’autruy : or celuy dudit Hôpital étant blessé par cette innovation, elle ne peut demander l’enterinement des Lettres quielle obtenuës : On objecte que lesdits Moulins ne sont point bannaux, et qu’ainsi pour la commodité publique on en peut augmenter le nombre : à quoy l’appelante répond que si le droit de bannalité empesche la construction ou l’augmentation des Moulins sur la même Riviere, et dans le voisinage, le defaut de bannalité le doit encore plus étroitement empescher, vû qu’il est indifferent à ceux qui ont des Moulins bannaux, que l’on en construise de nouveaux qui ne dispensent point leurs vassaux de leur sujetion de suivre le ban de leurs Moulins, ausquels s’ils vouloient faire fraude ils ont la voye de les arrêter et de leur en faire payer l’amende et le droit de moute, et même de faire confisquer leurs grains et leurs chevaux, ce qui fait que la construction de nouveaux Moulins n’interesse point les Seigneurs bannaux ; mais ceux qui ne le sont point ont un iterest bien plus notable d’empescher laugmentation des Moulins proche des leurs, ne pouvans user d’arrest ni de saisie, et neanmoins ils auroient le déplaisir de voir emporter le revenu de leurs Moulins par ceux qui s’établiroient de nouveau. On ne doit pas dire qu’il en soit comme d’un Artisan qui vient se placer auprés d’un autre, parce ue leur profession est libre à tous pour se placer en tel quartier qu’ils veulent ; mais le droit de Moulin n’appartient qu’aux Seigneurs de fief ou à ceux ausquels ils en ont cédé le droit : Si les Moulins appartenoient encore au Roy, ladite Dame Abbesse de Pacy auroit eu raison de s’y adresser, mais appartenans à l’Hopital de Vernon en vertu de la donation que S. Louis leur en a faite, le Roy n’a pas eu dessein de diminuer le revenu dudit Hopital. a quoy il fut épondu par la Dame Abbesse de Pacy, que la Dame Abbesse de Vernon s’efforçoit inutilement de rendre ses Moulins bannaux contre son titre et la liberté publique, que ladire Dame ntimée tachoit de conserver pour le bien des pauvres gens qui manquoient souvent de farine aute de Moulins. Les Lettres qu’elle avoit obtenuës étoient par abondance de droit, la necessité de l’augmentation desdits Moulins êtant attestée et demandée par tout le peuple ; la comparaison que l’on a voulu faire des Moulins et des Colombiers n’est pas bonne : On convient que les Colombiers dépendent des Fiefs, mais la multiplication des Colombiers est à charge au public, et celle des Moulins favorable et utile : L’appelante n’a aucun droit de fief non plus que l’intimée, elle a un simple droit du Roy pour posseder lesdits Moulins, et l’intimée ayant un ancien droit de Moulin à Fraps, et le Roy luy ayant permis de le changer tant pour le bien de sa Communauté que du public, il est certain que comme sa puissance de faire telles loix qu’il luy plaist n’a pû luy être ôtée, l’appelante n’a pas lieu de s’y opposer.

Berault sur l’Article 210. rapporte un Arrest donné entre les sieurs de la Londe et de la vilete, par lequel il fut permis au sieur de la Vilete de changer un Moulin à Tan en Moulin à Blé, encore qu’il fût tout proche du Moulin bannal du sieur de la Londe, et que le sieur de la Vilete n’eût obtenu aucunes Lettres du. Roy ; ce qui montre que ce qui est de droit public et commun ne peut être empesché par linterest des particuliers ; et suivant le sentiment de Godefroy l’on ne peut empescher la construction d’un Moulin, sous pretexte que ceux qui en ont d’ancienneté en souffront de la diminution, pourvû que les Moulins qui sont au desfous et au dessus n’en souffrent aucun inconvenient, et ne soient empeschez de moudre, cé qui ne se rencontre pas au Moulin dont il s’agit ; l’appelante allégue inutilement qu’elle a plus de sujet de s’opposer à ce nouveau Moulin à cause que les siens ne sont point bannaux, parce gue les Seigneurs des Moulins bannaux peuvent contraindre leurs vassaux à suivre le ban de leur Moulin ; car on luy répond que les Moulins sont des droits de Fief, ou si l’on n’a point de fiet que l’on peut posseder par la Concession du Roy ou des Seigneurs, qui en ce cas peuvent empescher ceux qui ne l’ont point d’avoir des Moulins ; demeurant d’accord de n’avoir point de fief, elle convient qu’elle ne peut empescher l’intimée de batir un Moulin proche les siens : Quant à la Concession du Roy, si l’appelante en a une fintimée l’a aussi ; l’appelante demeure d’accord que le Roy peut donner le droit de Moulin à qui bon luy semble, et neanmoins il a permis seulement de changer l’usage d’un Moulin à Foulon en Moulin à Blé : Par Arrest donné u Rapport de Mr de Touvens, le 7 de Mars 1674. la Sentence fut confirmée.