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CCXV.

Garde Royale, La Garde Royale est quand elle échet pour raison du fiéf-noble tenu nuëment et immediatement de luy, et a le Roy par privilege fpecial, que non seu-sement il fait les fruits siens des fiefs-nobles immediatement tenus de luy, et pour raison desquels on tombe en sa garde : mais aussi il a la garde et fait les fruits siens de tous les autres fiefs-nobles, rotures, rentes et revenus tenus d’autres Seigneurs que luy, mediatement ou immediatement : à la charge toutefois de tenir en état les édifices, manoirs, bois, prez, jardins, étangs, et pescheries, payer les arrerages des rentes seigneuriales, foncieres et hypotheques qui échéent pendant la garde, et de nourrir et entretenir bien et dûement les enfans selon leur qualite, âge, facultez et famille, et sont ceux ausquels le Roy fait don desdites gardes sujets ausdites charges, et d’en rendre compte au profit des mineurs.

Les prerogatives de la Garde-Noble Royale sont incomparablement plus grandes que celles et de la Garde Seigneuriale. Elles sont exprimées par cet Article, et les conditions sous lesquel les le Roy, ou ceux ausquels il en a fait don, doivent joüir du bien des mineurs Par le Reglement de la Cour de l’année 1666. les moulins, colombiers et autres droits feodaux separez du fief ne tombent point en la garde Royale ni Seigneuriale, Article 31. Les meubles du mineur n’y tombent point, Article 33

Il eût été fort necessaire de faire encore un Reglement pour les rentes constituées. Il est sans doute qu’elles n’appartiennent point à ceux qui ont la Garde-Noble Seigneuriale, la dificulté n’est que pour la Garde-Noble Royale.

Il semble que la Coûtume s’en est expliquée fort nettement, en donnant au Roy non seulement les fiefs-nobles, mais aussi les rotures, rentes et revenus tenus d’autres Seigneurs, les rentes y étant comprises sans distinction ; dans cette disposition on ne peut pas en rétrancher les rentes constituées, ce qui est d’autant plus juste que le Roy ou le donataire est tenu de payer toutes les rentes qui sont dûës par le mineur.

D’autre part on raisonne de cette sorte, que la Garde-Noble ne s’étend proprement que sur les choses réelles qui ont une assiete : qu’on ne peut tirer avantage de ces mots rentes et revenus ; car il est manifeste que le mot de rentes ne peut être entendu que des rentes foncie res, la suite des paroles le fait connoître évidemment. La Coûtume dans la premiere partie de cet Article dispose, que le Roy fait les fruits siens des fiefs-nobles immediatement tenus de luyi mais elle ne fait aucune mention des rentes, et elle ne les donne point au Roy : Elle ajoûte en suite que par un privilege special, il a la garde et fait les fruits siens de tous les autres fiefs. nobles, rotures, rentes et revenus tenus d’autres Seigneurs que de luy : D’où il resulte que cet Article ne donne pas generalement toutes les rentes au Roy ; au contraire dans l’énumeration des choses où la Garde Royale s’étend, il n’est parlé que des fiefs, et on ne luy donne que les rentes qui sont tenuës d’autres Seigneurs : ce qui ne peut être appliqué aux rentes constituées qui n’ont point de corps solide ni de situation, et qui ne sont tenuës d’aucun Seigneur. Par un ancien’Arrest du 29 de Novembre 1520. rapporté parTerrien Terrien , il fut jugé pour les enfans mineurs du sieur de Gaillard. Bois, que les meubles et les rentes constituées ne tombent oint en garde. Et le 17 de Decembre 1660. en une cause où je plaidois pour le fils de Mr d’Anviray Conseiller en la Cour, qui avoit obtenu du Roy le don de la Garde-Noble Royale des enfans mineurs du feu sieur le Miere contre le tuteur des mineurs, il fut dit que Mr d’Anviray joüiroit des rentes constituées. Maurry plaidoit pour le tuteur ; mais cet Arrest ne peut faire de décision, car le tuteur se rapporta à la Cour d’ordonner ce qu’elle trouveroit à propos, et les parties étoient d’accord. L’opinion la plus commune, est que les rentes constituées tombent en la Garde Royale.

Nous en avons en cette Province une espèce de Principauté, à sçavoir celle d’Vvetot dont autrefois le Roy a prétendu avoir la Garde-Noble ; et par un ancien Arrest du 23 de Novembre 1503. il fut jugé par provision que la Principauté ou Royaume d’Vvetot tomboit en garde entre Mr le Procureur General du Roy et Mre René de Clermont, ayant le droit du Roy, et Guy Chenu, tuteur des enfans de Penot Chenu, Seigneur d’Vvetot.

Nos Rois en usent si liberalement qu’ils ne profirent point des Gardes-Nobles, ils la remettent le plus souvent aux mineurs, et dans la concurrence de plusieurs donataires, les plus proches parens sont toûjours preferez par la Chambre des Comptes.

On doutoit autrefois si lors qu’il n’étoit point declaré par les lettres que le don êtoit fait aux mineurs, et qu’au contraire elles contenoient expressément que la grace êtoit faite au tuteur, et pour recompense de ses services, ce tuteur pouvoit profiter de la Garde-Noble au préjudice ni de ses mineurs ; Cette question fut discutée au procez mû pour la reddition du compte du sieur de Franqueville. Le sieur de Bosrosey, tuteur donataire de la Garde-Noble, prétendoit ne devoir aucuns interests des deniers restans en ses mains ; la Demoiselle de Gangeville, tutrice de ses enfans, heritiers en partie du sieur de Franqueville, soûtenoit que vû sa qualité de tuteur, il ne pouvoit s’en exempter. Les raisons du sieur de Bosrosey étoient que le don de cette GardeNoble avoit été fait pour recompense de services, et non point en consideration des mineurs, qu’il avoit appelé les parens à la vérification qui ne s’y étoient point opposez, que ce droit appartenant au Roy, il pouvoit en disposer à qui il luy plaist, et qu’un parent n’étoit pas moins favorable qu’un étranger, et s’il ne profitoit point de cette Garde-Noble, il seroit frustré de li recompense de ses services contre lintention du Roy ; un tuteur depuis sa nomination ne peut rofiter sur ses mineurs, mais on ne pouvoit pas luy faire ce reproche, puisque leur bien appartenoit au Roy. La Demoiselle de Ganzeville luy opposoit que depuis son institution il avoit dû obrenir le don au profit de ses mineurs, qu’il avoit supprimé sa qualité de tuteur, tant dans le prevet que dans la verification en la Chambre des Comptes, qu’elle ne l’auroit pas verisiée de la sorte si elle favoit connuë ; c’est l’opinion deBacquet , Tit. des Francs-Fiefs, c. 10. que celuy qui accepte la tutelle ne peut accepter la Garde-Noble. Cette question fe trouvant partagée en la Chambre de EEdit le 22 de Mars 1635. on resolut de la consulter en la Grand-Chambre, où la pluspart des Messieurs furent d’avis que le tuteur devoit payer l’interest, nonobstant le don de la Garde-Noble ; mais que cet interest devoit être modéré au denier vingt, ce qui fut fait ans interest de l’interest ; l’Arrest est aux Régistres des derniers jours du mois de Mars 1635.

Pour la méré, comme son devoir l’oblige plus étroitement à conserver le bien de ses mineurs, on présume que le don de la Garde-Noble a été fait au profit de ses mineurs, par la raison de la l. verum ex familiâ. ff. de leg. 2. Et par Arrest du i8 de Juin 1638. un beau-frere, à qui la Garde-Noble avoit été donnée en consideration qu’il étoit parent des mineurs, fut condamné leur en faire la remise, bien qu’il ne fût pas tuteur.

En consequence de cet Article, qui oblige les donataires de la Garde-Royale à rendre compte, on a demandé si la mere pouvoit être exempte en payant seulement le reliqua du compte : Cette question s’offrit entre Daniel, sieur de Boisdalmenesc, et la Dame sa mere, femme en seconde nopces du sieur de Poitrincourt ; et par Arrest du mois de Mars 1655. en la Chambre des Enquêtes, I fut jugé qu’elle ne pouvoit s’éjoüir du don : on présuma qu’il luy avoit été fait en faveur de ses enfans, et que d’ailleurs sa qualité de mere l’obligeoit à la demander pour eux, Mais afin que toutes ces questions ne fussent plus douteuses, par l’Article 36. du Reglement, l est porté que le don ou remise de la Garde-Noble Royale, quoy qu’elle ne soit point faite à la tutrice ou au tuteur depuis son institution, est reputée faite au mineur, au profit duquel ils sont obligez de tenir compte des interests pupillaires ; ce qui a lieu pareillement si lors de l’institution le tuteur ne s’est point reservé à joüir de la garde qui luy êtoit acquise avant la tutelle.

On demande au contraire si la mere qui avoit obtenu la Garde-Noble du Roy, pourroit remettre e profit d’une autre Garde-Noble qui écherroit à son mineur : Une mere avoit obtenu du Roy. la Garde-Noble de son fils, âgé seulement de dix-sept ans ; la Garde-Noble d’un mineur, qui possedoit un arriere, fief, dépendant de la terre de son fils, étant échûë elle en fit remise pour quatre cens livres, son fils étant majeur prétendit qu’elle n’avoit pû disposer de cette Garde-Noble que pour le temps de sa minorité, que le fief dont elle avoit fait remise pour quatre cens livres valoit plus de trois mille livres de rente, et appartenoit à un mineur qui n’avoit que trois ans, ce qui luy apportoit un notable préjudice ; mais elle n’avoit pû exceder le temps, durant lequel par la grace du Roy elle devoit joüir de son bien, et neanmoins par Arrest du t de May 1643. le fils fut debouté de sa demande en l’Audience de la Grand : Chambre.

La qualité de mere peut avoir été le motif de l’Arrest, car présupposant que la remise faite par Je Roy est en faveur des mineurs, le tuteur n’en peut traiter qu’à leur avantage Tay remarqué sur l’Article 213. que la minorité donne ouverture à la Garde-Noble, et neanmoins la joüissance de la Garde-Noble Royale ou Seigneuriale ne commence que du jour de la demande en Justice, comme il fut jugé entre le fieur Baron de la Lutumière, Seigneur du fiefde S. Germain, et Guillaume Mersan, par Arrest du 27 de Juillet 1623. conformément à cet Arrest. Par l’Article 32. du Reglement, il est porté que la joüissance de la Garde-Noble Royale ou Seigneuriale ne commence que du jour que celuy qui la prétend, en a fait la demande en Justice, ou que le donataire a presenté ses lettres enrégistrées, lesquelles lettres seront sans effet si l’impetrant n’obtient sur icelles un Arrest d’enregistrement.

Le Seigneur qui n’a pas demandé la Garde-Noble perd les fruits, quia videtur aut remisisse, aut noluisse, si toutefois il venoit à vaquer quelque benefice il pourroit y presenter ; cela sur ugé pour le Curé d’Hermainville dont la presentation fut déclarée valable, bien que le Seigneur n eût fait aucune demande de la Garde-Noble : j’estime néanmoins que si le tuteur des mineurs avoit presenté, que sa presentation prévaudroit sur celle que le Seigneur auroit faite, avant qui l’avoir fait la demande de la Garde Noble, puisque cessant cette demande en Justice, la poüissance de la Garde-Noble ne luy appartient point.

Suivant l’Article 34. du même Reglement, le donataire de la Garde-Noble Royale est comptable des immeubles du mineur, au profit duquel il doit payer ce qui en restera aprés les charges acquitées, ausquelles charges il n’est obligé que jusques à la valeur du revenu du mineurs la Garde-Noble étant donnée au Roy pour en tirer quelque benefice, il n’étoit pas raisonnable de charger le donataire au-de-là de ce qu’il en reçoit ; cet Arrest ne se trouve point sur le Registre.

Le donataire de la Garde-Noble Royale est exempt des interests pupillaires, mais aussi il ne peut demander aucune chose pour ses vacations ; il peut seulement avoir ses voyages et son sejour hors sa maison, Article 35. du Reglement. C’est une espèce de Garde-Noble Royale que le droit de Regale, qui appartient au Roy lors qu’un Eveché ou Archeveché vient à vaquer ayant droit de pourvoir aux Benefices, faisant les fruits siens de tout le Temporel, et étant administrée par ses Officiers.