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CCXVII.

Ce qui ne tombe en garde est regy par le tuteur.

Les biens appartenans à sous-âges, soit en fief ou roture, lesquels ne tombent en garde, sont regis et gouvernez par leurs tuteurs, à la charge de leur en rendre compte quand ils seront en âge.

Il est mal-aisé de comprendre ce que la Coûtume a voulu dire en cet Article, et ce qu’elle entend par les biens appartenans à sous-âges, soit en fief ou roture, lesquels ne tombent point en garde ; car tous les fiefs regulierement tombent en la garde du Seigneur dont ils sont tenus par foy et par hommage, suivant l’Article 213. Or en cette Province nous ne connoissons aucuns fiefs qui ne soient tenus par foy et par hommage, finon les fiefs d’aumône possedez par les gens de main-morte.

Il faut donc dire, pour donner im sens raisonnable à cet Article, que par ces fiefs appartenans à sous-âges qui ne tombent point en garde, hous entendions les fiefs d’aumone. D’où il rensuivra nécessairement que les gens de main-morte ne pourront joüir du droit de GardeNoble : car puisqu’il n’y a point de fiefs qui ne soient nobles, et qui ne soient tenus par foy et par hommage, et que les fiefs qui sont de cette qualité tombent en garde, et que d’ailleurs suivant cet Article, il y a des fiefs qui n’y tombent point, il est d’une consequence infaillible que les fiefs d’aumone sont les fiefs dont il est parlé en cet Article, parce qu’ils ne sont point renus par foy et par hommage.

Aussi Mr Vigor manqua de se prévaloir de cet Article et d’en tirer un puissant argument, pour prouver que les Ecclesiastiques n’étoient pas recevables au retrait feodal, et le sieur Châtelain n’y répondit que par une raison tres-foible : Il allégua que ce nom de fief s’attribuoit aussi-bien à quelque espèce d’héritages roturiers comme à des héritages nobles, ce qui est veritable ; mais on n’en peut faire d’application en cet endroit où la Coûtume a parlé de rotu-res, aussi-bien que de fiefs ; quand même la Coûtume auroit dit simplement qu’il y a des biens ou des fiefs qui ne tombent point en garde, on admettroit difficilement cette explication en traitant des Gardes dont les fiefs sont le véritable sujet, mais les paroles de cet Article levent toute lambiguité ; il n’est pas dit seulement qu’il y a des fiefs qui ne tombent point en garde, on y ajoûte qu’il y a aussi des rotures : Or si le mot de fief êtoit employé pour signifier une roture, il s’y rencontreroit une repetition de mots ridicule et supersluë, et cet Article repeteroit deux fois qu’il y auroit des rotutes qui ne tombent point en garde ; ainsi ces mots ssoit en fief, soit en roture ) ne signifieroient qu’une seule chose.

Bérault n’a point compris cet Article ; voicy comme il lexplique. La Coûtume disant que les enfans mineurs tombent en garde elle parle improprement, car c’est le fief qui tombe en garde ; c’est à dire gardé et conservé par le Seigneur. Il étoit dans cette pensée que ces paroles, lesquels ne tombent en garde, ont leur liaison avec le mot de sous-âges et non point avec ceux de fief, ou de roture : Mais quels pourroient être ces sous-âges qui ne tombent point en garde, puisque tous mineurs sans exception qui possedent des fiefs tombent en garde ? Au conrraire tous fiefs, excepté ceux d’aumone, tombent en garde, et les rotures quand la garde est Royale ; mais quand elle ne l’est pas, les rotures ne tombent point en la garde des Seianeurs que quand le tuteur fait l’abandonnement de tous les biens des mineurs Si la Coûtume avoit parlé seulement des rotures, on n’auroit pas de peine à comprendre son sens, parce que n’étant point abandonnez à celuy qui a la garde Seigneuriale, ils doivent être administrez par le tuteur, qu’il est toûjours necessaire d’instituer : et Godefroy a crû que cet Article ne vouloit rien dire davantage ; mais étant fait mention de fiefs, cela rend l’explication de cet Article fort difficile.