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CCXXXV.

Temps et acte de l’adition d’heredité.

Le mort saisit le vif sans aucun ministere de fait, et doit le plus prochain habile à succeder êtant majeur déclarer en Justice dans les quarante jours aprés la succession échûë, s’il entend y renoncer ; autrement s’il a recueilli aucune chose, ou fait acte qu’il ne puisse sans nom et qualité d’heritier, il sera tenu et obligé à toutes les dettes : et où hheritier seroit mineur, le tuteur doit renoncer ou accepter dans ledit temps en la forme que dessus par favis des parens.

Parmy les Hebreux un pere pouvoit instituer un heritier, pourvû que ce fût un de ses enfans ; Selden Seldenus de Succession, ad leges Hebraorum, c. 24

Cet Article ne décide pas expressément qu’en Normandie l’institution d’heritier n’a point lieu ; la Coûtume de Paris le déclare expressément : son intention neanmoins est assez manifeste par res paroles, le mort saisit le vif sans aucun ministere de fait, et en ce qu’elle donne de plein droit la saisine des biens du défunt à son heritier le plus proche et le plus habile à succeder.

La Coûtume de Bretagne, pour bannir l’institution d’heritier, a usé des mêmes termes de nôtre Coûtume ; et il est si certain que l’institution d’heritier est défenduë, que les mourans ne peuvent en aucune manière empescher que leurs biens ne passent immediatement à leurs heritiers, tant pour la proprieté que pour l’usufruit

La prohibition même de les aliener n’auroit point d’effet, quelque legitime et favorable que la cause en pût être. Le sieur de Fondimare, Maître des Comptes, par son testament holographe, donna tous ses meubles à Marie de Fondimare sa nièce, et la joüissance du tiers de ses immeubles plurant sa vie, et pour la proprieté de ce même tiers, il la donna à Mre Guillaume Auvray, second fils de Marie de Fondimare, son arrière-neveu, et il laissa à Mre Guillaume de Fondimare, son neveu et son feul et presomptif heritier, la joüissance des deux tiers de ses acquests, à condition de ne vendre ni d’engager la proprieté de ces deux tiers-là : Il ajoûta par son testament les causes qui l’avoient porté à faire ces dispositions, l’une que son neveu étant Prestre il ne pouvoit en conscience priver ses parens de la succession du testateur ; il fondoit l’autre sur la mauvaise conduite de ce neveu qui avoit dissipé tout ce qu’il luy avoit donné pour sa subsistance, et il l’exhortoit de se contenter de cet usufruit des deux tiers de son bien, afin qu’il ne retombât pas en nécessgé. Pour son Office de Maître des Comptes, qu’il difoit avoir acquis de ses meubles, il donnoit la moitié du prix à sa nièce, et de l’autre moitié il en laissoit le tiers à Guillaume Auvray, son arriere, neveu, l’autre tiers aux enfans du sieur Petit ayant épousé son arrierenièce ; pour l’autre tiers il ordonna que les deniers en seroient constituez en rente au nom dudit Guillaume de Fondimare, son neveu, pour joüir des arrerages sa vie durant, à la charge. de n’en pouvoir aliener la proprieté et de la conserver à ses heritiers legitimes : par Sentence du Bailly de Roüen du 30 de Mars 1834. le testament fut déclaré valable, à la réserve de la prohibition d’aliener tant les deux tiers des immeubles que la sixième partie des deniers de l’Office, laquelle fut levée sans avoir égard aux lettres de curatelle obtenuës par la nièce.

Guillaume de Fondimare appela de cette Sentence, entant que l’on jugeoit valable la disposition de l’Office, et la Demoiselle Auvray entant que l’interdiction étoit levée Dans la plaidoirie on traita ces deux questions ; la première, si l’Office étoit un immeuble. ie la remets sur l’Article 514. La deuxiéme, si le défunt sieur de Fondimare avoit pû limiter les droits fuccessifs de son neveu à l’usufruit des deux tiers des immeubles, et l’interdire par son testament d’en disposer.

Sur cette deuxième question l’appelant representoit que dans les païs Coûtumiers l’institution d’heritier n’est pomt reçûë : La nature, le sang, et la parenté donnent le droit de succeder.

La Coûtume rend les plus proches et les plus habiles à succeder heritiers universels, à la reserve des biens dont elle permet la disposition par testament ou par donation entre vifs ; l’heritier aprés la mort de son parent est saisi de la succession universelle. Par cette regle, le mort saisit le vif, le défunt ne peut charger de fideicommis, qui ne seroient point obligatoires parmy nous, et qui n’auroient d’execution qu’autant qu’il plairoit à celuy qui en seroit chargét non tam obligatione aliquâ juris, quam eorum qui sunt rogati pudore continentur.

La Coûtume ne souffre point qu’on donne aucune arteinte à la liberté de Theritier, tout l droit que le défunt avoit sur ses biens finit avec luy, nous n’avons point l’usage des substitutions, et même par le droit civil post aditam hereditatem directe substitutiones non impuberibus filin facta expirare solent. l. post aditam hered. C. de impub. et aliis subst. La substitution du pere à son fils, auquel il donnoit un heritier, s’il mouroit avant sa puberté, cessoit aprés que le pupille étoit parvenu à sa puberté ; la substitution pupillaire que la loy permeaetoit au pere qui avoit des enfant majeurs, mais qui n’avoient pas l’esprit sain, non sanae mentis ad exemplum substitutionis pupillara expiroit aussi-tost que filius, vel filia, vel nepos mente capti resipuerint. l. humanitatis. C. de impub. et aliis subst. Ces dispositions de droit prouvent que le testateur ne peut défendre à son heritier la disposition de son bien, quand il est majeur et capable de se gouverner, ni luy imposer la necessité de garder ses biens à un autre ; autrement un heritier institué d’un seul usufruit, et de certaines choses, his rebus jussus esse contentus, n’est pas heritier, sed legatarii loco habetur.

I. quotiens de hered. inst. G. C’est une espèce d’exheredation que de ne laisser à son heritier legitime que l’usufruit des deux tiers de son bien ; ce seroit changer l’ordre établi par la Coûtume que de forcer l’heritier legitime à se contenter d’un usufruit, pour laisser aprés sa mort la proprieté à une personne qui n’est point heritier par la loy post mortem heredis aut legatarii legatun relictum non valer. 5. post mortem institut. de inutil. stipul. quoy que suivant le droit civil l’heritier ût chargé d’un fideicommis, il pouvoit s’éjoüir du bien de la succession en sa necessité, quod ex hereditate supersuerat, et quod medio tempore alienatum vel diminutum fuerat peti non poterat i non intervertendi fideicommissi gratiâ tale aliquid factum probetur, si ce testament êtoit valable il faudroit effacer de la Coûtume les Articles qui prohibent de donner par testament des immeubles au de-là du tiers des acquests. Mais comme Papinien disoit d’un pere qui avoit donné à sa fille certaine somme en dot, et ordonné qu’elle renonceroit à sa succession, eam scripturam us successionis non mutasse, privatorum enim cautionem legum autoritate non censeri. l. pater de sui et leg. Il faut dire aussi, touchant ce testament, que le testateur jus publicum remittere non potuit hujusmodi cautionibus, nec mutare formam antiquitus constitutam. l. 5. S. Julianus. D. de administr. tut.

Il fut répondu par l’intimé que les heritiers collateraux n’ont point l’action d’inofficiosité, qu’elle n’appartient qu’aux décendans et ascendans, et pour les collateraux elle n’est donnée qu’aux freres et aux seurs : nemo eorum qui ex transversâ lineâ veniunt ad inofficiosi querelam admittuntur, l. fratris et l. fratres. C. de inofficios. testam. Et comme cette action étoit injurieuse à la me-moire du défunt, celuy qui l’avoit entreprise temerairement et qui en êtoit debouté perdoit tout ce qu’il pouvoit prétendre en vertu du testament ; l.Papinianus . S. meminisse. ff. de inoff. testam.

Cette complainte de l’appelant n’étoit point favorable ; il est Prestre, et il ne veut devenir le maître et le proprietaire de ces biens que pour les dissiper, comme il a fait tous les autres que on oncle luy avoit laissez. On doit favoriser et faire valoir une si prudente disposition, qui ne tend qu’à conserver aux parens du testateur le bien qu’il avoit acquis par son industrie. Le mauvais ménage de l’appelant est si connu et si odieux qu’il y a lieu de ne s’attacher pas à la rigueur de la loy, et de faire un exemple dans une oecasion si favorable, que si elle avoir été prévûé par le Legislateur il n’auroit pas manqué d’apporter cette exception à son Ordonnance Cette cause ayant été plaidée en la presence de Mr le Prince de Condé et apointée au Conseil, elle fut depuis jugée, au Rapport de Mr le Brun, le 27 de Juin 1635. et par l’Arrest, les donations. et les legs furent reduits au tiers des immeubles, et du prix de l’Office qui fut déclaré immeuble, et ledit Fondimare maintenu en la possession et proprieté de l’autre tiers.

La disposition testamentaire du sieur de Fondimare êtoit prudente et favorable, néanmoins on ne trouva pas à propos de donner atteinte à cet Article, en faveur de collateraux à qui la legitime n’est point dûë.

Il faut neanmoins avoüer que la substitution d’une proprieté faite par un ayeul en faveur de ses petits enfans, lorsqu’il prévoit la ruine inévitable de sa maison par le mauvais ménage de on fils, ne dévroit pas être condamnée : Il seroit juste en ce cas d’expliquer favorablement, de fléchir et de moderer cette disposition generale, lorsque la mauvaise conduite du fils est notoire et publique, et qu’elle mérite justement cette peine ; car si l’on fait refsexion sur cette inclination que la Coûtume fait paroître dans toutes ses dispositions, de conserver les propres dans les familles, et de les accroître autant qu’elle peut, n’ayant point reconnu de propres de différente nature, ni sans faire distinction de propres naissans et anciens, ayant également ordonné qu’ils appartiendroient tous aux heritiers aux propres, et qu’ils ne pourroient être alienez sans être remployez quand il se trouvoit des acquests et des meubles ; on doit assurément faire valoir toutes les dispositions qui se proposent et qui tendent à cette fin-là.

Sur tout elles sont si favorables et si legitimes en ligne directe, que rien n’est plus conforne à la véritable intention de la Coûtume. C’est une vérité certaine qu’elle n’a reprouvé l’in-titution d’heritier qu’en faveur de l’heritier du sang, et ab intestat, afin qu’il ne fût pas permis de le priver des biens de ses ayeuls pour les faire passer à des étrangers : La Loy ne s’est pas contentée de forcer l’homme à recevoir pour heritier celuy que la nature luy presentoit ; elle ne l’a pas rendu si absolument le maître de son bien, qu’il ne soit obligé d’en conserver au moins une portion à ses enfans.

Sur ce principe l’on peut dire que ce ne seroit pas s’écarter du sens de la Loy, en permertant aux peres qui ont le malheur d’avoir des enfans débauchez, de leur laisser seulement l’u-sufruit de leurs portions hereditaires, pour en conserver la proprieté à leurs petits enfans.

Tous les hommes sages s’imposent volontairement le joug d’une substitution tacite en faveur de leurs enfans. Seroit-il donc pas injuste que ceux qui manquent à leur devoir y pussent être obligez par une judicieuse disposition de leur propre pere

La Coûtume de Paris, non plus que celle de Normandie, ne souffre point l’institution d’hecitier ; et toutefois le Parlement de Paris a suivi cette équité, et il n’a point fait de diffi-culté d’autoriser ces sortes de substitutions : J’en rapporteray deux Arrests, le premier fut rendu en l’Audience de la Grand-Chambre le 9 d’Avril 1647. dont voicy le fait. Martin Anseau-me et Anne de la Brosse sa femme, Bourgeois de Paris, voyant le mauvais ménage de Me François de la Morliere, leur gendre, Grenetier au Grenier à Sel de Lysieux, ils firent leur testament mutuel, par lequel entr’autres choses ils dirent que connoissans le peu de conduite dudit de la Morliere leur gendre, et d’Anne Anseaume leur fille, et craignant qu’ils ne vinssent à dissiper la part qui leur appartiendroit en leur succession, au préjudice de leurs enfans issus de leur mariage, ils voulurent qu’aprés leur decez ils se contentassent de joüir par usufruit de ladite part et portion, et que la proprieté en demeurât à leurs enfans aprés le decez de Martin Anseauie ; la Morlière et sa femme soûtinrent que ce testament ne pouvoit subsister : Premierement, parce que c’étoit un testament suggéré par Me Jean Anseaume, Notaire au Châtelet, fils du testateur, lequel même l’avoit reçû : En seeond lieu, que les termes du testament portoient une exheredation tacite, sans avoir jamais donné aucun sujet à leur pere de les traiter de la sorte, joint que cette exheredation ayant été faite cum elogio, c’est à dire avec injures, elle ne pouvoit subsister aux termes des Arrests qui avoient perpetuellement cassé les exheredations de cette qualité : Et en dernier lieu, qu’il n’avoit pas été au pou-voir de leur pere de les priver de leur legitime, à laquelle se restreignans ils concluoient qu’elle devoit leur être baillée pour leur appartenir en proprieté, sans aucune charge de substitution. l. omnimodo et l. quoniam. C. de inoff. testam. consentant que pour le surplus il leur fût fait défenses de l’aliener ni de le vendre, sinon pour le mariage de leurs enfans : Au contraire le tuteur de leurs enfans soûtenoit que ces moyens n’étoient point considérables pour donner atteinte à un rectament fait par un pere capable, et qui avoit usé d’une prévoyance tres-singuliere pour le bien et l’utilité de ses petirs enfans : car de dire que le testament avoit été suggeré par l’un des enfans qui avoit reçû le testament, c’étoit une presomption tres-foible, puisque ce fils n’y êtoit point avantagé plus que les autres enfans : de dire aussi que cette disposition étoit une exheredation, il n’y avoit point d’apparence, puisqu’on ne leur ôtoit que la proprieté de leur portion, pour la laisser à leurs enfans ; que cette façon de disposer par un pere lorsqu’il voyoit le mauvais ménage de son fils, et qu’il vouloit pourvoir à la fortune de ses petits enfans, êtoit autorisée par la loy l. 16. 5. 2. de curat. furios. ff. et par les Arrests, et particulière-Loüet ment par celuy vulgairement appelé l’Arrest de Loüer. Leur plainte n’étoit point considerable, que cette disposition étoit faite cum elogio. Outre que ce n’étoit pas une exheredation, il falloit distinguer entre l’exheredation faite en collaterale ou en directe : Il est vray qu’en collaterale les exheredations n’avoient point été réçûës par les Arrests, mais en directe l’on sçan que le pere peut dire contre son fils tout ce qui luy plaist sans qu’il s’en puisse plaindre, et même il est obligé, suivant la Nov. 115. d’exprimer nommément les causes de l’exheredation. et dans l’espèce particuliere dont il s’agit, il étoit tenu d’ajoûter la cause de fa disposition, adiectâ causâ necessitateque judicii sui, l. 16. de curat. furios. D. Quant au dernier. moyen que fon pere ne l’avoit pû priver de sa legitime, on disoit que par la même raison qu’un pere peut pourvoir à ses petits enfans, il peut aussi substituer à la legitime de leur pere qui pouvoit même être laissée par usufeuit, suivant la loyPapinianus . S. unde siquis de inoff. testam. en tout cas la fille se reftreignant à la legitime, elle devoit abandonner le surplus, soit pour l’usufruit, oit pour la proprieté : sur quoy la Cour ordonna que le testament seroit executé. l est considérable que le gendre et la fille contestoient seuls le testament : sur quoy du Fresne Fresne qui a pareillement remarqué cet Arrest dans son fournal, l. 5. c. 15. de l’impression de 1652. ajoûte que s’il y eût eu des creanciers du gendre et de la fille joints avec eux pour demander que la legitime leur fût ajugée, in corporibus hereditariis, & sine ullo onere vel gravamine. pour être payez sur iceux de leurs dettes, la Cour l’eût jugé autrement. Neanmoins dans l’Arrest qui suit, l’intervention des creanciers ne fut point considerée, et il est d’autant plus remarquable que dans la substitution dont il s’agissoit, il y avoit des terres situées en Normandie.

Messire Loüis de Rohan, Prince de Guimené, Duc de Monbason, Pair et grand Veneur de France, fit son testament à Paris le 29 de Decembre 1664. qui contenoit ces paroles. Et parce qu’un des principaux soins ausquels la bonté Divine a attaché son falut, est celuy de l’education de Messieurs ses enfans, et qu’il n’est pas moins obligé à faire en sorte qu’aprés son decez les biens qu’il t plû à Dieu de donner au Seigneur testateur, soient conservez par eux et par leurs successeurs, comme il est tenu pendant sa viè d’en faire un fidéle usage, desirant satufaire à cette obligation et maintenir d’ailleurs la grandeur de sa Maison par la conservation des biens qu’elle a reçûs de la liberalité du Ciel, presté de ces mouvemens et d’autres, à cause de l’experience qu’il a de ce qui s’est pasé jusqu’à present dans sa famille par la mauvaise conduite et le mauvais ménage des personnes qui le touchent de plus prés, il ordonne et dispose : C’est à sçavoir qu’il instituë Monsieur Charles de Rohan, Comte de Monbason, son fils ainé, et Monsieur Loüis de Rohan son second fils, ses hevitiers en tous ses biens-meubles, propres et acquests et conquests immeubles, tels qu’ils pourront être au jour de son decez, pour être partagez entr’eux suivant les dispositions des Coûtumes dans l’etenduë desquelles ils se trouveront assis : Et à l’égard dudit seigneur son fils ainé, ledit Seigneur te-stateur luy substitué par ces presentes ses enfans nés et à naître en loyal mariage, aux parts et portions qui luy pourront appartenir en sa succession, voulant que son fils se contente de l’usufruit et joüissance d’iceux, sans qu’il en puisse rien vendre, disposer, engager, aliener, ni lypothequer en quel que façon que ce soit, reservant par cette presente disposition le fonds et proprieté de tous les susdits biens à ses petits enfans nes et à naître dudit seigneur son fils, qu’il substitue les uns aux autres, en cas de predecez de l’un ou de plusieurs d’eux sans enfans legitimes : ausquels petits enfans ledit Seigneur testateur a substitué et substituè leurs enfans à naître en loyal mariage, et au cas que sesdits petits enfans viennent à mourir avant ledit Seigneur son fils ainé, ou aprés luy sans enfans d’eux, ledit Seigneur testateur veut que le fonds et proprieté de sesdits biens appartiennent au Seigneur Loüis de Rohan son second fils, et audit seigneur Loüis de Rohan il substitue les enfans qui naitront de luy en loyal mariage, que ledit Seigneur testateur substitue les uns aux autres en cas de predecez.

Et quant audit Seigneur Loüis de Rohan son second fils, ledit Seigneur de Rohan luy substitue les enfans qui naitront de luy en loyal mariage, en la part et portion des biens qui luy écherront en sa succession : voulant qu’il se contente pareillement de l’usufruit et joüissance desdits biens, sans qu’il en puisse rien vendre, disposer, ni hpothequer en quelque façon que ce soit, reseroant la proprieté. aux enfans qui naitront de luy en loyal mariage, ausquels enfans ledit Seigneur testateur substitué bareillement leurs enfans legitimes ; et arrivant le decez dudit Seigneur son second fils, avant que d’être marié, il luy substituè comme dessus ledit Seigneur Charles de Rohan son ainé, nommant pour axecutrice de son testament Madame Anne de Rohan sa tres-chere épouse Aprés la mort de Monsieur le Prince de Guimené, Messieurs ses enfans et leurs creanciers ayant contesté cette substitution, elle fut confirmée par Sentence du Prevost de Paris. Cette tause ayant été portée en l’Audience de la Grand-Chambre du Parlement de Paris, elle y fut plaidée solennellement, et si elle eût été jugée, il eût passé tout d’une voix en faveur de testament ; et ce qui fit appointer l’affaire, ce fut le détail de quelques faits qu’apporta l’Avocat des creanciers du Duc de Monbason, qui ne se pût assez déméler à l’Audience, et parce qu’il est difficile de pousser plus avant les raisonnemens de part et d’autre qu’ils : le furent en cette rencontre par les Juges qui opinerent, comme je l’ay appris des Memoires de M du Laurens qui assista au jugement du procez. Je ne croy pas ennuyer le lecteur en les rapportant. La cause consistoit en deux questions : La premiere pour la substitution faite à Messire Charles de Rohan, Duc de Monbason, qui se divise en trois questions : La seconde pour la substitution de Messire Loüis de Rohan, qui se divise en deux questions ; l’une de droit, et l’autre de fait.

I fut dit pour Monsieur le Duc de Monbason et pour ses creanciers, que tout le moyen de Madame la Princesse de Guimené êtoit fondé sur le testament de Monsieur son mary, par lequel elle prétendoit que la portion hereditaire de son fils ainé, même sa legitime étant substituée, ses créanciers ne se pouvoient pourvoir que sur les revenus : Les creanciers soûtenoienturer, contraire ; Premierement, qu’il n’y a aucun terme dans le testament par lequel on puisse inferen que Monsieur le Prince de Duimené ait voulu substituer la legitime. Secondement, qu’il n’pû substituer la legitime. Trosiémement, que les creanciers sont bien fondez à demander la distraction de la legitime. Quatriémement, par les circonstances particulieres du fait qui resultent de la qualité des creanciers.

Pour le premier moyen les creanciers soûtenoient que ce testament contenoit un fideicommis de tous les biens qui naturellement sont susceptibles de fideicommis, à l’égard desquels Monsieur le Duc de Monbason ne pouvoit disposer que de l’usufruit, et il étoit obligé de reserver la proprieté à ses enfans ; mais à l’égard du droit d’ainesse, qui est sa véritable legitime, on ne peut pas dire que Monsieur son pere l’ait chargé d’aucun fideicommis.

Il est dit par ce testament que les deux enfans sont instituez heritiers ; il est dit que les biens seront partagez entr’eux suivant les Coûtumes ; voila donc la proprieté des biens en leur personne pour être partagez entr’eux suivant les Coûtumes.. Ils partagent des proprietez. Monsieur le Prince de Guimené ne légue pas un simple usufruit à Monsieur son fils ainé, et la proprieté à ses petits enfans, le testament n’est point conçû en cette manière ; mais il luy legue la proprieté de sa portion hereditaire, parce que l’institution d’heritier en païs coûtumier ne dit rien autre chose, et il luy substituë ses enfans : Et de fait il dit, qu’il substitue à son fils ainé, les enfans de luy r qui sont les petits enfans du testateur ) nés et à naître, aux parts et portions qui luy pourront ppartenir en sa succession, tant en argent, meubles, &c. C’est donc une proprieté qui luy est léguée et qui est substituée à ses enfans ; ce n’est point le legs d’un simple usufruit, puisqu’il ne peut rien venir aux enfans par substitution, aux termes que le testament est conçû, que ce qui appartient à leur pere à titre d’institution ; et quand dans une clause qui est comprise au milieu de toutes les autres, il veut que son fils ainé se contente de l’usufruit et joüissance de ses biens sans qu’il en puisse rien vendre, disposer ou échanger, réservant le fonds et la proprieté à se petits enfans, luy ôte-t’il la proprieté qu’il luy a laissée par les articles precedens : cela ne se peut pas dire, il y auroit contradiction dans la même disposition. Cette clause donc ne veut rien dire autre chose, sinon qu’il ne pourra disposer de la proprieté laquelle sera reservée ux enfans, mais qu’il pourra seulement disposer des fruits ; il est donc legataire de la proprieté, mais de la proprieté chargée de fideicommis et reservée à ses enfans, et on ne peut pas dire, sans faire violence à toutes les autres clauses du restament, qu’il soit legataire d’un simple usufruit, et que la proprieté ait été léguée à ses enfans. Premièrement, c’est luy qui est institué. heritier et non pas ses enfans. Secondement, il est institué heritier pour partager suivant les Coûtumes, ce sont les termes du testament, c’est luy qui doit partager, et non ses enfans. Troissémement, les enfans luy sont substituez en la part et portion qui luy appartient ; puis donc que les enfans sont substituez à une proprieté qui leur est reservée, la part et portion luy appartient en proprieté, bien que la proprieté soit chargée d’une substitution. Quatrièmement, cela est si véritable que si tous ceux qui sont appelez à la substitution venoient à déceder devant luy, personne ne doute que tous les biens ne luy appartinssent librement, en vertu du testament en pleine proprieté Or quand on légue l’usufruit à l’un, et la proprieté à un autre, si le legataire de la proprieté vient à déceder, la proprieté n’appartient pas en vertu du testament au legataire de l’usufruit, mais alors la proprieté léguée aprés la mort du legataire de la proprieté, qui a eu delivrance de son legs, passe à ses heritiers legitimes : Il doit donc demeurer pour constant que ce n’est pas un simple legs d’usufruit, mais un legs de proprieté. chargé de fideicommis.

Cela supposé il faut examiner quelles sont les regles les plus certaines en matière de Fideicommis, quand on instituë un heritier à la charge de restituer l’heredité, l’heritier n’est reputé chargé par le testateur de restituer que ce qui est ordinairement sujet à restitution, detractis derrahendis, comme disent les. Docteurs. Un étranger est institué heritier, et par le testament il est chargé d’un grand nombre de legs qui épuisent l’heredité, il est tenu de payer les legs ; mais il peut distraire à, son profit la falcidie, s’il n’y a une prohibition expresse. Des enfans au premier degré sont instituez heritiers par leur pere, à la charge de restituer. l’heredité, ils sont renus de la restituer, mais ils peuvent distraire la trebellianique, s’il n’y a prohibition expresse I y a en droit trois legitimes, la falcidie, la trebellianique, et la legitime naturelle des enfans Il est certain que la plus favorable de toutes est la legitime naturelle des enfans ; c’est une dette de la succession des peres qui n’est point écrite, mais qui est née avec les enfans, qui n’est pas reçûë par des Notaires ou des témoins, mais qui est marquée et gravée par la nature même en des caracteres de sang que rien ne peut effacer, ne filius defraudetur debito naturali, disent les Loix, Les enfans au premier dégré chargez de restituer l’heredité peuvent retenir la trebellianique, s’il n’y a prohibition expresse. Un heritier institué chargé de legs peut se reserver la falcidie, s’il n’y a prohibition expresse, et on dita que pour exclure les enfans de la distraction de leur legitime naturelle de cette portion privilegiée et consacrée par la nature, il n’est pas necessairé qu’il y ait une prohibition expresse, et on dira que la legitime, dont il ne sera fait aucune mention, demeurera chargée du fideicommis, comme étant confonduë dans la masse des biens dont le testament a ordonné la restitution ; c’est ce qui n’a jamais été dit ; elle mérite bien d’être marquée expressément, afin qu’elle soit comprise dans la restitution, elle ne doit pas être plus mal traitée que la falcidie et la trebellianique. Dans la Novelle première de Justmien, si vero expressim designavenit non velle heredem retinere falcidiam, necessarium est testatoris valere sententiam, mais il faut aeue cela soit dit expressément.Ferrerius , sur la Question 51. de GuyPapé , sanè quoad prohibitionem Trebellianae, perpetub in hoc parlamento Tholosano judicatur ut in liberis orimi gradùs prohiberi possit modo prohibitio fiat expressis verbis, non tacitè per hac verba, pleni ure reddant hereditates fine diminutione, que verba licet sufficiant ad excludendos extraneos, ne letrahant trebellianam, non tamen excludunt liberos primi gradâs, in quorum personâ prohibitiâ expressis verbis fieri debet. Il y a bien plus ; car de la maniere que le testament de Monsieur le Prince de Guimené est conçù, si les parties étoient en païs de droit écrit Monsieur de Monbason auroit la distraction des deux quarts, et de la trebellianique, et de la legitime naturelle, parce que dans le testament il n’y a pas même de termes suffisans pour exclurela trebellianique.

Les créanciers sçavent bien qu’ils dégradent en quelque manière la legitime des enfans, quand ils en parlent ainsi, quand ils la reduisent aux termes de la falcidie et de la trebelliani, que ; mais par une abondance de moyens ils consentent presentement qu’il y ait des cas ausquels la legitime naturelle des enfans puisse être chargée de fideicommis, il faut au moins qui le testateur le dise expressément. Je venx qu’il restitue toute sa portion hereditaire, même sa legisime, où bien il faut qu’il légue un simple usufruit au pere, et la proprieté aux enfans qui est, l’espèce dé la l. si furioso S. potuit. ff. de curator. Juriofor. potuit tamen pater. et aliâs prouidere nepotibus suis, si eos jussisset heredes esse, et exheredasset filium, eique quod sufficeret, alimentorum nomine ab eis certum legasset, additâ causâ, necessitateque judicii sui. En vérité cela se peut-il appliquer à l’espèce particulière ; Monsieur le Prince de Guimené a-t’il déshérité son fils ainé quand il l’institue son heritiers L’a-t’il deshérité, quand il ordonne qu’il partagera, avec son frère suivant les Coûtumes : L’a-t’il deshérité, quand il l’a substitué luy-même au Chevalier de Rohan son frere, dont il recueilleroit les biens en pleine proprieté s’il décedoit sans enfans avant luy

Non seulement il n’y a point de volonté expresse qui charge de fideicommis la legitime des enfans, mais il y a une volonté expresse qui excepre la legitime du même fideicommis.

Ainsi pour reduire ce premier moyen, l’on voit qu’il falloir des termes exprés pour charger la legitime naturelle des enfans de fideicommis, que ces termes exprés ne se rencontrant point dans le testament de Monsieur le Prince de Guimené, on ne peut pas dire raisonnablement que telle ait été sa volonté, et au contraire qu’il y a des clauses expresses pour par-tager suivant les Coûtumes, de reserver le droit d’ainesse dans les degrez inferieurs de la ubstitution, qui marquent qu’il n’a pas voulu charger de fideicommis le droit d’ainesse de Monsieur son fils, qui est en effet sa véritable legitime

Le second moyen des creanciers défendeurs, est de dire que non seulement Monsieur le Prince de Guimené n’a point voulu charger la legitime de Monsieur son fils ainé d’aucur fideicommis, mais qu’il ne l’a pû vouloir, ce qui resulte de la nature et de l’essence de la degitime.

La Cour trouvera bon qu’aprés avoir deshonoré la legitime naturelle des enfans, en la rabaissant aux termes de la falcidie et de la trebellianique, on luy rende presentement le rang qui luy appartient, et qu’on l’a rétablisse dans les droits qui luy sont essentiels. L’un des plus peaux avantages de la legitime naturelle des enfans, est qu’elle ne peut être chargée de fideicommis ; cela dépend de deux principes qui sont certains en droit, et l’on sçait que même dans le païs Coûtumier, c’est ce droit qui nous fournit les principes et les maximes pour décider les questions de legitime, c’est une matière du droit écrit, qui a reçû tres-peu de changement par nos Coûtumes.

Le premier principe est qu’aujourd’huy par le droit du Code, la legitime ne peut plus être laissée en usufruit : Il est vray que par le droit du Digeste, la quarte pouvoit être laissée aux enfans en un simple usufruit, comme il paroit par la l.Papinianus , 8. 6. ande si quis. ff. de inoff. testam, unde si quis fuit institutus fortè ex semisse, cum et sextans ex substantiâ testatoris deberetur, & rogatus effet post certum tempus restituere hereditatem mérito dicendum est nullum judicium movere, cum debitam portionem & eius fructus habere possit. Fructus autem solere imoutari in falcidiam non incognitum est : Ergo etsi ab initio ex semisse heres institutus cogatur post decennium restituere hereditatem, nihil habet quod conqueratur ; quoniam facile potest debitam portionem ejusque fructus medio tempore colligere. Mr Cujas au lieu de sextante lit sesquiuncia, 1qui est une once et demie. ) Le testateur avoit deux enfans, s’il n’eut point fait de testament, ils auroient succedé chacun in semissem ( pour six onces, ) y ayant un testament, leur legitime qui étoit alors la quarte de leurs portions hereditaires, est la quatrième partie de six onces, qui est une once et demie, sesquiuncia. L’un des enfans est institué heritier pour six onces, mais il est obligé de les restituer aprés un certain temps, post certum tempus, aprés dix ans, post decennium, comme il est dit à la fin du même Paragraphe, et ainsi il demeurera sans legitime ; car les enfans ne pouvoient alors retenir qu’une feule quarte, de sorte que la falcidie ou la trebellianique dont ils faisoient la distraction à leur profit leur tenoit lieu de legitime naturelle ; on demande pourra-t’il en ce cas-là se servir de la querelle inofficieuse : ; Le Jurisconsulte dit que non parce que les fruits qu’il recevra depuis l’adition d’heredité, jusques au jour qui est marqué et fixé pour la restitution du fideicommis, et lesquels il recevra, judicio testatoris, qui l’a ainsi ordonné, serviront à remplir sa legitime. Donc sa legitime pouvoit être laissée en usufruit ; mais il faut remarquer deux choses ; la premiere qu’il falloit absolument pour cela que le temps de la restitution fût certain, pour connoître d’abord si les fruits seroient suffisans pour remplir la egitime, afin que la legitime des enfans ne dépendit point d’un évenement incertain, post Accurse vertum tempus, post decennium. C’est ce qui a été remarqué par Accurse, sur cette loy. Tu dicis. quod hie filius rogatus erat post certum tempus restituere, & cum certum tempus efset venturum, per consequentiam erat certûm quod quartam & ejus fructus posset medio tempore percipere. Unde via conquerendi sibi denegatur. Ibi vero rogatus erat non ad certum tempus, ut hic, sed sub conditione. quam non erat certum extituram vel non extituram, scilicet si decesserit sine liberis ; nec certum erat an posset pendente conditione, quartam & eius fructus consequi, & cum suo debito bonorum subfidio statim debeat esse securus, statuitur ut ex principalibus rebus defuncti, quartam derrahat, non enim sine ratione hic posuit certum tempus, idest decennium, & hoc in filiis primi gradùs, in ceteris spectatur conditionis enentus, ut si interim, quantum sufficit ad quartam, & ejus fructus percipiatur, excludantur à querela, aliâs non. Ainsi suivant cette remarqué, l’ancien droit pour l’imputation des fruits en la legitime ne peut être appliqué à l’elpece particulière dans laquelle Monsieur le Duc de Monbason est obligé de restituer aprés sa mort, dont le jour est incertain, et rend par consequent la durée de la joüissance incertaine. La seconde remarque est que l’ancien droit en ce point à été corrigé par le droit du Code. Voila pourquoy Mr Cujas a dit sur cette loy, hoc non potest hodie ita poni in filiis, nam ex constitutione zenonis, filit rogati restituere hereditatem, & onerati legatis falcidiam detrahunt ex corporibus, hoc est ex rebus ipfis, et fructus non imputantur in falcidiam, sed lucrantur et sibi habent, neque in trebellianicam. ex constitutione à Jubemus C. ad Trebellianum : Jat reliqui liberi fructum imputant in falcidiam, ho tantum datum est filiis ; itaque hic S. unde siquis, hodie de reliquis liberis accipiendus erit, non de filiis, quoniam dicit fructus imputari in falcidiam. Godefroy sur le même Paragraphe dit que cette imputation a lieu à l’égard des autres legitimes, non autem in legitimam debitam jure naturae, quod ex substantiâ hereditatis non ex fructibus percipitur, adeb ut filiis quarta trebellianica non competat per imputationem redituum, licet hoc testator jusserit, aut rogaverit, sed de ipsis rebus hereditatis. l. 6. C. si C. trebell. Son raisonnement est indubitable, si cela a été ainsi ordonné pour la falcidie et la trebellianique en faveur des enfans qui sont au premier degré, à plus forte raison pour leur legitime naturelle. Il y a plus, car la distraction des deux quartes étant nconnuë dans le véritable principe du droit, la trebellianique tenoit lieu de legitime naturelle, Justinien ce qui a été ordonné alors pour la trebellianique, étoit ordonné en effet pour la legitime naturelle. Enfin comment entendre la Constitution de Justinien, quoniam in prioribus C. de inoff. restam. qui veut que toute la legitime soit baillée aux enfans sine morâ, sine dilatione. Et ainsi s’ils peuvent être obligez d’attendre dix ans pour se payer de cette même legitime en joüissance, la proposition contraire ne peut passer que pour un paradoxe. Le second principe est que la legitime qui doit être laissée aux enfans en pleine proprieté, doit être franche et quitte de toutes charges, c’est une portion affranchie par la loy, un reste triste et miserable d’une succession épuisée par des dispositions irregulières ; de sorte que toutes les charges ausquelles on prétend l’assujettir s’évanoüissent d’elles-mêmes ; elles sont considérées comme si elles Justinien n’étoient point écrites. Hoc in prasenti addendum esse censemus, dit l’Empereur Justinien en la I. quoniam in prioribus C. de inoff. testam. ut si conditionibus quibusdam vel dilationibus, aut aliqua lispositione moram vel modum, vel aliud gravamen inducente, eorum jura, qui ad memoratam actionem vocabantur, immutata esse videantur, ipsa conditio, vel dilatio, vel alia dispositio moram vel quodcunque onus introducens tollatur & ita res procedat quasi nihil eorum testamento additum esser. Il y a icy dequoy s’étonner, si Monsieur le Prince de Guimené avoit chargé de fideicommis la legitime de ses enfans, la loy veut que la charge de fideicommis soit considerée comme si elle n’avoit point été écrite dans le testament ; et aujourd’huy par un sentiment out contraire à la loy, on veut que Monsieur le Prince de Guimené qui n’a point parlé de degitime dans son testament, qui n’a rien dit pour conclure qu’elle soit chargée de fideicomnis, qui en a assez dit pour marquer que son intention étoit qu’elle fût exceptée du fideicommis, on veut, dis-je, contre la disposition de la loy, contre l’intention du : testateur, contre les termes du testament, que cette même legitime soit reputée chargée de fideicommis, en la confondant avec le reste des biens ; voila un étrange renversement.

Les créanciers ajoûteront en cet endroit une observation qui se tire de l’adoption ; on sçait que l’adoption n’ost qu’une imitation de la nature, celuy qui étoit adopté per arrogationem, avoit une legitime sur les biens de celuy qui l’avoit adopté, qui étoit le quart de ses biens. On a demandé isi ce quart pouvoit être chargé de fideicommis : l. si arrogator, ff. de adoptionibus.

Ceterum si fidei ejus commisit ut quandoque restituat non oportet admitti fideicomissum, quia hos non judicio ejus ad eum pervenit, sed principali providentiâ. Nous ne pouvons charger de fideicommis que ceux que nous honorons de nôtre liberaliré, quem honore gravare possum. La legi-time des enfans n’est point laissée par le pere, mais par la loy ; ce n’est point un present du ère, c’est une dette naturelle dont sa succession est chargée ; amsi le pere qui n’en est point le maître n’y peut apposer aucune condition ; la loy s’y oppose, la loy la protege, elle er retranche toutes les charges, afin qu’elle demeure aux enfans toute entière et sans aucune alteration. Me Charles du Moulin a établi ces mêmes principes sur l’Article S. glose 3. nombre 11. 24. et 25. de l’ancienne Coûtume de Paris, qui est le 13. de la nouvelle : Il parle en même temps. de la legitime et du droit d’ainesse, et des quatre quints des propres qui est une portion réservée par la Coûtume, parce que toute la faveur du droit d’ainesse vient de ce qu’il parricipe de la legitime ; la legitime est dûe par un droit naturel, quid, aut quantum, c’est le droi positif qui le termine, et le droit positif l’a rerminé plus grande dans les ainez, et moindre dans les puisnez ; ainsi le droit d’ainesse n aePOS est qu’un accroissement et une augmentation de legitime ; quando pater disponeret per viam uttimae voluntatis, de rebus vel bonis in quibus cadit jus primogeniturae, sit conclusio negativa quod non potest, imâ ipfo jure non valet, quia talis dispositio nullum omnino sortiri potest effectum nisi post mortem, sed statim in tempore mortis proprietas & possessio rerum que cadunt in ejus praemogeniturâ, transit ipfo jure in primogenitum, eique incommurabiliter acquiritur, non obstante quabis contrariâ dispositione ultimae voluntatis.Molinaeus , ibid. Et il ajoûte Istud jus primogeniturae, quamvis non sit legitima jure naturae debita, quatenus trientem vel semissem virilis ab intestato portionis excedit, est tamen beneficium legis, quod non potest auferri nec aliquod onus imponi per patrem testantem ; et quantum ad hoc aequiparatur legitimae jure naturae debite, cui nullum gravamen potest imponi. Et sic concludo testatorem nullum onus posse imponere sive puré, sive in diem, sive sub conditione in quatuor partibus praediorum, que propria vocant, nec in his que spectant ad jus primogeniturae, que debent remanère libera ab omnibus legatis, oneribus et dispofitionibus ultimarum voluntatum. Voila les principes certains en matière de legitime, les grandes regles qui ont perpétuellement été suivies, et dans le Païs de droit écrit, et dans le Païs Coûtumier.

Comme il n’y a point de regle generale qui n’ait ses exceptions, on a demandé si le pere pour conserver ses biens dans sa famille a fait une substitution reciproque entre ses enfans, la legitime en ce cas peut être chargée de substitutions fideicommissaires : La l. si pater, au Code de inoff. testam. le dit ainsi ; mais cette loy ayant été corrigée par la loy quoniam in prioribus au même titre, il a été jugé par deux Arrests rapportez par Mr Bouguier en la lettre H, nombre S. que la substitution reciproque entre enfans n’empeschoit point l’effet de la legitime. Dans la substitution pupillaire, la legitime en Païs de droit écrit est comprise, parce que tous les biens du pupille y sont compris, le pupille ne pouvant point faire de testament, le pere fait un testament pour luy ; on ne court risque de rien, il n’y a point de creancier qui y puisse être interessé, parce que le pupille ne peut pas s’obliger ; on a dit, le fils insensé qui mente captus perpetub sit, ne peut aussi faire de testament, le pere en pourra-t’il faire un pour luy : On a épondu qu’il le pouvoit ; voila lorigine de la substitution exemplaire, dont au commencement on ne pouvoit se servir sans la permission expresse du Prince, qu’il falloit obtenir. l. ex facte 43. ff. de vulg. et pupill. substit. beneficia quidem principalia ipsi principes solent interpretari verûn poluntatem principis inspicientibus potest dici, eatenus id eum tribuere voluisse, quatenus filius is eadem valetudine perseverat, ut quemadmodum jure civili finiatur pupillare testamentum, ita Princepi mitatus sit jus in eo, qui propter infirmitatem non potest testari. Nam etsi furioso filio substituisset, dicemus desinere valere testamentum, cum resipuisset, quia jam posset sibi testamentum facere ; étenim iniquum incipit fieri Principis beneficium, si adhac id valere dicamas, auferet enim restamenti Justinien factionem homini sanae mentis. L’Empereur Justinien en a fait un droit commun ; de sorte que depuis sa Constitution pour faire une substitution exemplaire, on n’a plus eu besoin d’avoit recours au benefice du Prince. l. humanitatis C. de impub. et aliis substitutionibus. Humanitatis intuitu parentibus indulgemus, ut si filium, &c. Si mente captus perpetub sit, & nullus descendentium sapiat, liceat iisdem parentibus, legitimâ portione et vel eis relictâ, quos voluerunt his substituere, ut occasione hujusmodi substitutionis, ad exemplum pupillaris, querela nulla contra testamentum eorum oriatur ; ita tamen ut si postea resipuerit, vel resipuerint, talis substitutio cesset : vel si filia aut alii descendentes ex hujusmodi mente captâ personâ, sapientes sint, non liceat parenti qui vel que testatur, alios quâm ex eo descendentes unum vel certos, vel omnes substituere ; sin verâ etiam liberi testatoris, vel testatricis sint sapientes, ex his vero personis que mente capte sunt, nullus descendat, ad fratres eorum, unum, vel certos vel omnes, eandem fieri substitutionem posse.

Voila ce qu’on appelle substitution exemplaire. On a remarqué plusieurs differences entre la substitution pupillaire et exemplaire, que la substitution pupillaire est de droit, étant fondée sur la puissance singuliere que les Romains avoient sur leurs enfans, nititur potestate, et leur pouvoir en cela n’est point renfermé dans leur famille, mais ils peuvent indifferemment subtituer pupillairement qui bon leur semble, même les étrangers, ce qui n’est pas dans les subi stitutions exemplaires ; mais elles ont cela de commun, que ni les unes ni les autres n’ont point de lieu qu’à légard de ceux qui ne peuvent pas eux : mêmes disposer de leurs biens, comme les pupilles et les insensez, qui perpetuo mente capti sunt, ce sont les termes de la loyIl est certain pareillement que ces deux substitutions, en comprenant la legitime, ne peuvent faire toit à personne, parce que ni les pupilles ni les insensez ne peuvent pas s’obliger ; de sorte que l’on peut inferer comme une conclusion certaine en termes de droit, que si le fils peut disposer en quelque manièré que ce soit jusques à la concurrence de quelque somme, la ubstitution exemplaire, qui n’est fondée aussi-bien que la pupillaire que sur Iincapacité de disoser, et qui pour cela comprend la legitime, cesse à cet égard, parce qu’autrement elle seroit une contradiction, et il arriveroit qu’une même personne pourroit et ne pourroit pas disposer de son bien, iniquum incipit fieri beneficium, si adhuc valere dicamus. Ainsi puisque Monsieur le Duc de Monbason avoit le pouvoir de disposer jusques à la concurrence d’une comme de cent mille livres, il est certain que jusques à la concurrence de cette somme, la ubstitution dont il s’agit, quand elle seroit du nombre des substitutions exemplaires, ne pourroit pas produire son effet, parce que comme elle n’est fondée que sur l’incapacité de dispo-ser, elle ne peut pas aller plus loin que cette même incapacité de disposer, qui en est le principe, la base et le fondement.

Les défendeurs croyoient avoir montré que feu Monsieur le Prince de Guimené, de la nanière qu’il avoit disposé, n’avoit point en effet substitué la legitime ; mais ils ajoûrent icy, qu’il est difficile de concevoir qu’il ait voulu faire une substitution exemplaire : La raison en est évidente, elle dépend de la lecture du testament ; l’Article de la substitution dont il s’agit, qui décend dans plusieurs degrez, fait voir qu’elle est uniforme et de même espèce dans tous les degrez ausquels elle se communique, il n’y a point de difference ni dans les termes, ni dans l’intention du testateur, qui ne se peut découvrit que dans les termes. Il substitua au fils ainé les enfans du fils ainé : Il substitua aux enfans du fils ainé leurs décendans : Il substitua aux décendans du fils ainé, décedant sans enfans, son fils puisné : Il substitua à fon fils puisné, décedant sans enfans, le même fils ainé ; sur quoy il y a plusieurs reflexions à faire, qui sont incompatibles avec la substitution exemplaire. La première, est que dans la substitution exemplaire mente capto substituitur, sed substituuntur ii qui sapiunt. Et cependant on ne substituë pas seulement à Monsieur le Duc de Monbason, mais il fut luy-même substitué au sieur Chevavier de Rohan son frère, s’il décedoit sans enfans ; ce ne sont pas les enfans de Monsieur le Duc de Monbason qui sont substituez au premier degré au sieur Chevalier de Rohan, mais c’est Monsieur le Duc de Monbason qui est substitué ; ce n’est donc pas une substitution exemplaire, ni du côté du sieur Chevalier de Rohan, auquel, on demeure d’accord qu’il n’y avoit point lieu de substituer exemplairement ; ni du côté de Monsieur le Duc de Monbason, puis qu’il est luy-même substitué, autrement contre l’intention du testateur, ce ne seroit pas une ubstitution reciproque entre les deux freres, puisqu’elle seroit exemplaire d’un côté et ne le seroit pas de l’autre, encore que de côté et d’autre ce soient les mêmes termes, la même expression de volonté, et tout le monde est persuadé que le Chevalier de Rohan n’a point mérité une disposition si injurieuse, si contre les sentimens de feu Monsieur son pere et de Madame sa mere, on la vouloit expliquer de cette manière ; et cependant on est reduit dans la nécessité d’une explication uniforme, à cause de l’uniformité des termes : ii à l’égard de Monsieur le Duc de Monbason on l’entend des termes d’une substitution exemplaire, ce qui fait la seconde refsexion. La troisième reflexion est que les petits enfans de Monsieur le Duc de Monbason, sont substituez aux enfans de la même maniere que les enfans le sont à leur pere, il n’y a point de difference ; il faut donc conclure, ou que ce n’est point une substitution exemplaire, ou que le testateur l’a étenduë à des cas qui n’en étoient point susceptibles.

On peut donc demeurer d’accord, que la substitution exemplaire, ainsi que la pupillaire, comprend la legitime, ce qui est une exception à la regle generale, qui veut qu’une legitime ne uisse être chargée d’aucune substitution ; mais au même temps il faut reconnoître de bonne foy, qu’il est impossible que le testament de Monsieur le Prince de Guimené soit dans l’espece d’une substitution exemplaire, joint que les Arrests ont jugé que ces sortes de dispositions pouvoient bien être executées dans la famille entre les décendans des testateurs, mais qu’elle ne pouvoit point faire de préjudice à des creanciers legitimes ; et c’est la troisième question traitée par les créanciers.

Le troisième moyen des créanciers défendeurs consiste à dire qu’en qualité de creanciers legitimes de Monsieur le Duc de Monbason, ils sont bien fondez à demander la distraction de la legitime qui luy appartient dans les biens de feu Monsieur le Prince de Guimené son peres quand bien même ce seroit substitution exemplaire, quand même il auroit dit expressément qu’il substituë la legitime de son fils ainé, ce qu’il n’apoint fait. Cetromsième moyen renferme deux propositions ; la premiere, que les enfans ne demandant point leur legitime, les creanciers la peuvent demander pour eux : La seconde, qu’ils la peuvent demander nonobssant la substitution portée par le testament du pere et de la mêre

Ce n est point la premiere fois que la premiere question a été traitée, on disoit que le fils ne demandant point sa legitmme, les creanciers ne pouvoient la demander pour luy, parce qu’en droit un creancier ne peut contraindre fon debiteur, qui est institué heritier avec charge de fideicommis, de joüir de la distraction de la quarte trebellianique. En second heu, le pere, au nom de son fils, ne peut intenter laction d’inofficiosité sans fon consentement, étant l’injure faite fils et non à autre ; moins devoit-il être permis à des créanciers d’exercer telles actions contre e gré de ceux à qui elles appartiennent. En second lieu, qu’on ne pouvoit pas dire que cela se fit en Fraude des creanciers, parce que si les biens de son pere luy étoient deferez ab intestat, il y pouvoit renoncer, n’étant heritier qui ne veut ; et s’ils luy étoient acquis par le testament du pere il ne pouvoit pas en diviser la difposition, que cela n’emportoit aucune perte ni diminution des biens du debiteur, ce qui êtoit necessaire pour dire que ce fût une fraude faite aux creancier On soûtenoit au contraire par les Loix et par les Coûtumes, qu’il n’étoit point permis aux peres et aux mêrës de disposer de leurs biens, en forte que la legitime dûë à leurs enfans demeurant saine et entière ; que les enfans en étoient saisis dés le premier instant du décez de leur pere par la Coûtume generale du Royaume, tellement que les creanciers la pouvoient saisir et faire vendre comme les autres biens qu’ils avoient acquis ; que si en terme de droit lheritier institué et chargé de restitution, refusoit de se porter heritier et d’accepter la succession, il y pouvoit être contraint par le fideicommissaire ; combien à plus forte raison le doit être le debiteur, afin qu’il décharge sa conscience en acquitant ses dettes, principalement quand on voit manifestement qu’il n’a point d’autre bien pour payer ses créanciers. Cette question s’est presentée au Châtelet, entre Hacquelin Foucau, creancier, et Jean Fredet tuteur et curateur de ses enfans.

Catherine Joly, mère de Jean Fredet, étoit décedée et par son testament avoit légué tout son bien à ses petits enfans, qui étoient les enfans de Jean Fredet, lequel avoit dissipé tout son bien.

Le creancier demandoit à ce que du legs universel fait aux perits enfans, la legitime appartenante au pere de son chefsur les biens de la défunte, fût distraite pour le pavement de ce qui luy êroit dûII representoit lés mêmes moyens qui viennent d’être proposez. Le fils se servoit des mêmes. défenses, et bien loin de se joindre aux creanciers, il feignoit par une fausse pieté de ne voulois point combatre la derniere volonté de sa mere comme on a vâ en pleine Audience dans le procez à juger. Charmelu, Procureur Curateur à linterdiction de Monsieur le Duc de Monbason déclara contre le véritable interest de sa partie, qu’il n’avoit rien à dire, et qu’il s’en rapportoit à la Cour. Le Prevost de Paris rendit sa Sentence l’11. de Juillet 1587. bien contraire à celle dont est appel, par laquelle il fut dit que le creancier seroit reçû à ses perils et fortunes à demander la legitime qui pouvoit appartenir à Jean Fredet en la succession de Catherine Joly sa meres de laquelle Sentence y ayant eu appel, elle fut confirmée par Arrest solennel, prononcé en Robes rouges par Monsieur le President Pottier-de-Blanménil, le 28 de Mars 1589.

Ce qui a donné lieu à cette prononciation solennelle étoit pour fixer la jurisprudence, parce qu’on disoit que le contraire avoit été jugé par l’Arrest de Theligny du mois de Decembre 1561. et par quelques Arrests subsequens : Par lequel Arrest de Theligny, qui est rapporté par Monsieurdu Val , en son Livre de rebus dubiis, Traité 11. il avoit été jugé qu’une mere ayant donné tout son bien à ses petits enfans issus de son fils ainé, qu’elle avoit reconnu êtré un dissipateur, les creanciers du fils ainé ne pouvoient pas demander la distraction de la legitime. Monsieur de Val aprés avoir rapporté l’Arrest ajoûta, quamvis jus esset maximè controversum ; creditores enim certabant de damno vitando, causa autem filiorum erat lucrativa ; et de fait Mr Anne Robert : lib. 3. cap. 12. rerum judicatarum, en parle en ces termes, hûjus controverse questionis decisio varie tractata, variéque judicata refertur : Et aprés avoir rapporté le même Arrest de Theligny, il ajoûte ces termes François. Toutefois j’ay entendu que par Arrest prononcé en Robes rouges par Monsieur le President de Blanmenil, il fut dit en pareille question que le fils demanderoit sa legitimé, ou que les creanciers seroient subrogez pour la demander. Mr le Prestre Prestre Centurie 1. chap. 89. dit la même chose, et fait mention d’un autre Arrest, au Rapport de Mr le Grand, en la troisième Chambre des Enquêtes, donné en l’année 1599. au profit de Fontenay, grand Prevost, par lequel le creancier fut reçû à demander la legitime qui appartenoit à son debiteur. MtMaynard , au Liv. 7. des Arrests du Parlement de Tolose, Chap. 8. est du même sentiment ; voicy ses propres termes ; sur laquelle Controverse le même sieur Robert rapporte y avoir eu grande contestation, et icelle diversement traitée, et encore diversement jugée ; il rapporte l’Arrest de l’an 1561. et dit en suiti que le contraire a été jugé en l’année 1589. que le fils demanderoit sa legitime, ou que les creanciers seroient ubrogez à la demander, ce qui ne recevroit à la Cour de Tolose aucune difficulté, ni à Bordeaux qui l’a ainsi jugé depuis peu au profit des creanciers ; ainsi on peut dire que c’est la jurisprudence de tous les Parlemens. L’Article 278. de la Coûtume de Normandie, contient une disposition qui n’est pas éloignée de ce sujet, et qui est fondée sur les mêmes privileges, qu’avenant que le debiteur renonce ou ne veüille accepter la succession qui luy étoit échûè, ses creanciers se pourront faire subroger en son lieu et droit, pour l’accepter et être payez sur ladite succession jusques à la concurrence de leur dû, selon l’ordre de pribrité et de posteriorité ; et s’il reste aucune chose les dettes payées, Il reviendra aux autres heritiers plus prochains aprés celuy qui a renoncé La Cour observera, s’il luy plaist, que les défendeurs en traitant une question ont aussi traité lautre, parce que dans l’espèce de l’Arrest de Theligny, que tous nos Auteurs remarquent avoir été corrigé par celuy de l’an 1589. non seulement les creanciers demandoient la legi-ime pour le fils mais pour un fils mauvais ménager et reconnu tel dans : le, testament de sa mere, et dans l’espèce de l’Arrest de l’an 1589. il paroit qu’il n’étoit rien resté au fils, et qu’il n’avoit autre bien que celuy qui luy êtoit échû par le décez de sa mere, qu’elle avoit donné à ses petits enfans par son testament pour le mettre à couvert des creanciers de son fils.

Ces Arrests ont été suivis de plusieurs autres. Le feu sieur Portail avoit une fille, Jeanne Portail, dont les biens êtoient en desordre par son mauvais ménage, ce qui avoit été cause qu’au mois de Juin 1606. il avoit fait une donation entre vifs bien acceptée, bien insinuée, à ses petits enfans qui étoient issus de Jeanne Portail, de la part hereditaire qui pouvoit appartenir à leur mere en sa succession future. Les réanciers de la mére la contestoient. La cause sur l’appel d’un appointement en droit, avec clause sur l’évocation du principal, étant portée à l’Audience de la Grand-Chambre, Mr Servin dit, que pour les particularitez de la cause il y avoit lieu de se tenir à l’intention de l’Ordonnance, conserver le bien aux petits enfans, et le sauver du mauvais ménage du gendre et de la fille, sauf la legitme aux creanciers ; et par l’Arrest du 9 Mars 1809. la donation fut declarée boune et valable, et fut ordonné qu’elle sortiroit son plein et entier effet, distraction faite au profit des creanciers de la mère des mineurs, de la legitime qu’elle a droit de prendre sur les biens delaissez aux mineurs par défunt Portail, leur ayeul ; et cependant le mauvais’ménage de Jeanne Portail étoit, constant, la volonté de l’ayeul étoit expresse, et il s’agissoit d’une donation entre vifs bien acceptée, bien msinüée du vivant même de l’ayeul-

Il n’est pas inutile d’ajoûter un autre Arrest rendu en la Coûtume d’Anjou, d’autant plus qu’il y a des terres dans la succession de feu Monsieur le Prince de Guimené, et dans cella de Touraine qui est conforme. Feuë Renée Bovin, voyant que Jacques Pavart, son fils, dissipoit son bien, avoit donné par un codicille à ses petits enfans le droit successif, que Jacques pavart pouvoit prétendre en sa succession. Cette disposition avoit été contestée par les créanciers du fils, Arrest par lequel la disposition fut confirmée, réservant neanmoins la legitime aux creanciers en la part et portion de Jacques Pavart fils, en la succession de sa mere. La question fut depuis quelle seroit cette legitime, si on la regleroit suivant le droit écrit, à cause que la Coûtume d’Anjou ne la détermine pas, ou bien si la part dont la même Coût tume interdit la disposition, doit être reputée la véritable legitime des enfans ; ce qui ayant été jugé par la Sentence des premiers Juges, fut confirmé par l’Arrest du 10. Juin 1624. qui contient le fait et les moyens avec les conclusions de feu Messire Jacques Talon, Avocat General.

L’Arrest de l’an 1658. au profit des créanciers des nommez Cappons, ausquels on fit distraction. de la legitime qui appartenoit à leurs debiteurs dans les biens de leur mere, confirme encore cette ancienne et véritable maxime, d’autant plus que la clause du testament de la mere êtoit conçûë dans les termes les plus avantageux qu’on puisse concevoir pour frustrer des créanciers. tem ladite testatrice ( ce sont les termes ) a substitué et substitué par ledit testament, les parts et portions des fonds et proprietez des meubles et des immeubles generalement quelconques, que Matthien et Guillaume Cappons, ses enfans, et dudit défunt son mary, pourroient amender en sa Juccession, et venir en partage avec ses autres enfans, et ce aux enfans nés et à naître, et issut en legitime mariage desdits Matthieis et Guillaume Cappons, à la reserve neanmoins de l’usufruit desdits biens substituez leur vie durant, lequel usufruit elle veut et entend leur appartenir pour leur servir d’alimens, sans qu’il puisse être saisi ni arrété par leurs creanciers. Cette substitution ainsi faite ù cause des mauvais déportemens et desobeissance desdits Matthieu et Guillaume Cappons, et afin de leur conserver du bien pour vivre le reste de leurs jours. Il n’y eut jamais une clause plus expresse, et neanmoins la Cour par son Arrest de l’année 1658. pour ne se point départir de la regle, ordonna que la legitime seroit distraite au profit des creanciers.

On oppose d’autres Arrests, mais que la Cour observera avoir été rendus dans des especes où il n’y avoit point de cresnciers qui demandassent la distraction de la legitime, ou sur des circonstances particulieres qui faisoient fléchir la regle generale ; ce qu’on ne peut pas dire dans l’espece presente, dans laquelle les creanciers osent dire que toutes les circonstances sont entièrement à leur avantage ; l’on examina ces circonstances en détail.

Il est vray que les enfans n’ont rien dans le bien de leur pere vivant, qu’ils ne sont saisis de leur legitime qu’aprés la mort. ; mais aussi faut-il qu’on demeure d’accord qu’il y. a des cas dans lesquels, pour les délits et les contrats des enfans, on s’adresse aux biens des peres. Un fils de famille durant la vie de son pere et de sa mere commit quelque délict, il fut accusé, il fut convaincu, les Arrests de la Cour condamnerent le pere aux dommages et aux interests jusques à la concurrence de la legitime, qui peut appartenir un jour à ce même fils dans les biens du pere. Il y en a un Article exprés dans la Coûtume de Liege, Chap. 1. des gens mariex. Pour te délict du fils de famille, le pere peut être recherché jusques à la tierce part qui pourroit competer a l’enfant, si le lit eut été brisé au temps du delict. Il y a un pareil Article dans la Coûtume de Bretagne ; Pourquoy cela : c’est qu’on a appliqué au délict ce qui a été ordonné pour les contrats, les peres sont obligez quelquefois par les contrats de leurs enfans qui sont sous leur puissance, si les enfans ont contracté par l’ordre de leur pere, ce qui fait naître l’action, quod jussu, cet ordre est exprés ou tacite en la l. 1. ff. quod jussu si servi chirographo Dominus subiscripserit, tenetur quod jussu. Sed etsi mandaverit pater videtur jussisse ; Et en la l 18. ff. mandati. il est dit qui patitur, mandare intelligitur.

Monsieur le Chevalier de Rohan qui étoit aussi appelant de la Sentence du Prevost de Paris, et qui prétendoit faire casser la substitution, montroit qu’il y avoit deux inconveniens invincibles qui faisoient voir l’inofficiosité de ce testament. Le premier, que ledit sieur Prince de Guimené ayant substitué les meubles de ses terres et de ses châteaux, il arriveroit que le sieur Charles de Rohan en auroit seul l’usage, les châteaux luy appartenans par droit de préciput comme ainé. Ainsi le défendeur, à qui le quart des meubles de la communauté est inconte stablement dû, en seroit frustré par une voye indirecte et sans exemple. Le second, que la substitution des immeubles, quoy qu’elle semble plus tolerable, reduiroit le défendeur à n’avoir que des morceaux de terre en la succession, et des héritages sans batiment, puisque le testament laisse audit sieur Charles de Rohan le droit d’ainesse, et par consequent le préciput en toutes les terres ; ainsi le défendeur ne s’en pourroit aider, n’en pourroit payer ses créanciers, ni même en disposer en faveur de ses proches quand il le voudroit. Il se trouvera même en penetrant plus avant, que quelques-unes des terres de la succession dudit sieur Prince de gnimené n’ont pû être valablement substituées, les substitutions n’ayant pas lieu dans toutes les Coûtumes, et particulierement dans la Province de Normandie.

Pour ce qui est de la legitime elle a pû encore moins être substituée, c’est la nature qui la donnes mais comme Madame la Princesse de Guimené est sourde à sa voix, et qu’elle soûtient lexhere. dation du défendeur son fils, par trois moyens, il y répond par ordre. Elle dit en premier lieu, que les fruits de la portion hereditaire tiennent lieu de legitime aux enfans chargez d’un fideicommis universel. Elle dit en second lieu, que la Charge de grand Veneur de France dont le Chevalier de Rohan a été pourvû par le Roy sur la démission de son pere, luy tient lieu de legitime. Ensin elle soûtient qu’il est un dissipateur, aussi-bien que Messire Charles de Rohan son frère.

Ca première de ces trois propositions a été suffisamment refutée par les creanciers de Monsieur le Duc de Monbason, et il seroit inutile de repeter icy toutes les raisons et les autoritez, tant du droit écrit que du droit cotumier, et des Arrests de la Cour, par lesquelles ils ont fait voit que les fruits de la portion hereditaire ne pouvoient point tenir lieu de legitime ; que si lon rapporte quelques Arrests au contraire, ils ont tous été rendus dans lespece d’un fils dissipateur, cui nisi pater testamento cavisset, Prator bonis interdicturus esset Il faut donc examiner le second moyen de Madame la Princesse de Guimené, elle soûtient’que Messire le Chevalier de Rohan avoit eu sa legitime, ayant été pourvû de la Charge de grand Veneur de France sur la démission de son père ; c’est une jurisprudence qui ne reçoit à present point de difficulté au Palais, que les Charges de la Maison du Roy ne sont point sujettes à rapport. Madame de Guimené ne conteste point cette maxime, mais elle soûtient qu’il faut faire différence entre le rapport et la legirime, et qu’encore que les Charges de la Maison du Roy ne soient point sujettes au rapport, elles sont neanmoins sujettes à limputation de la legitime.

On demeure d’accord qu’il y a beaucoup de différence entre le rapport et la legitime, mais cette différence, bien loin de luy être contraire, luy est extrémement favorable ; en effet le rapport sest pour établir l’égalité entre les enfans qui viennent à la succession de leur pere, et cette égalité étant fondée sur le droit naturel, elle doit être recûë favorablement et étenduë à toutes les choses dont ils peuvent tirer quelque avantage : d’où vient que quand les enfans ont reçû quelque chose de la liberalité de leur pere, durant sa vie, ils le doivent rapporter sans aucune distinctiont. et il suffit que le pere ait quitté un droit qu’il avoit, et qu’il ait transmis ce droit en la personne de son fils, pour obliger ce fils à le rapporter à sa succession. L’imputation de la legitime n’est pas si favorable, parce qu’il ne s’agit plus de conserver l’égalité entre des enfans, celuy qui demande sa legitime est toûjours écouté favorablement, et quand on veut luy objecter quelque s imputations, il faut montrer clairement que la chose qu’on veut imputer a été dans les biens du pere en pleine proprieté, et que le pere en a fait passer la proprieté en la personne de son fils librement, sans aucune charge et sans aucune condition, nostrum juvamen purum filiis inferriDe sorte que si Madame la Princesse de Guimené disoit aujourd’huy qu’on ne peut pas argu-nenter de la legitime au rapport, elle auroit peut-être quelque raison, elle pourroit se servir de la difference qui vient d’être établie ; mais elle ne peut pas inferer de-là à contrario sersu, qu’on ne puisse argumenter du rapport à la legitime, et il n’y a personne qui soit mediocrement instruit des principes, qui ne demeure d’accord que tout ce qui n’est point sujet à rapport ne doit point être imputé à la legitime.

Loyseau Aussi Me CharlesLoyseau , au Traité qu’il a fait des Offices, l. 4. c. 6. n. 36. tient que les offices non venaux, dont le fils a été pourvû par la démission de son pere, sont sujets à rapport, quoy que les mêmes Offices ayent été supprimez sur la teste du fils avant la mort du perei mais il ajoûte que ces mêmes Offices ne sont point imputables à la legitime, quand même ce seroient des Offices venaux qui auroient été perdus par le fils par quelque cas fortuit ; par exemple s’il étoit mott sans payer le Droit annuel, on ne pourroit pas imputer l’Office sur la legitime demandée par les petits enfans sur les biens de l’ayeul, parce que la legitime doit être remplie en corps hereditaire lors de la fuccession du pere, repletionem autem fieri ex ipsâ substantiâ parris : Pr est-il que dans les Offices, sur tout dans ceux qui ne sont point reçûs au Droit annuel, on ne présume point qu’ils demenrent dans la succession du pere aprés sa mort, on les rogarde comme des emplois que le pere procure à ses enfans quand il leur donne sa démission, et qu’il obtient pour eux l’agrément du Prince, on suppose que cette démission favorable du pere au fils est plûtost admife que celle qui seroit faite par le moyen d’une vente à un étranger.

Il faut passer plus avant ; on a fait voir que la legitime doit être quelque chose de solide en la ersonne du fils, et qu’elle ne peut être chargée d’aucune condition ni d’aucun delay. On a fait voir que le pere ne peut pas empescher son fils d’en disposer librement ; cependant si les Charges de la Maison du Roy pouvoient être imputées sur la legitime, ce seroit donner à un pere le moyen d’éluder la loy et d’ôter à fon fils la libre disposition de sa legitime. On sçait que le commerce de ces Charges n’est point libre, qu’il dépend de la pure liberalité du Prince, ui agrée à la vérité quelquefois les ventes qui en sont faites, mais qui les refuse aussi souvent Enfin la legitime doit être assurée au fils, en telle forte qu’il en puisse disposer aprés sa mort, et ces Charges sont perduës par le décez de celuy qui en est pourvû, de forte que l’on les peut comparer à un fimple usufruit qui consume et qui use la legitime par la joüissance qu’on en fait.

C’est pourquoy la l. omnimodo. 3. imputari. C. de inoff. testam. parlant des Milices des derniers Romains, qui étoient la même chose que nos Charges d’aujourd’huy, dit qu’elles ne sont récomptées sur la legitime, et qu’elles ne sont sujettes à rapport que pour le prix pour lequel elles peuvent être venduës dans un commerce libre, et lorsqu’il n’est pas en la liberté de celuy qui en est pourvû de les vendre, ou de ne les pas vendre, elles ne sont plus considérées comme une liberalité du pere, mais comme une grace et un bien-fait du Prince Il ne reste plus qu’à répondre au moyen de dissipation qui est allégué par Madame la Princesse de Guimené, laquelle elle prétend prouver par le nombre des creanciers de Monsieur e Chevalier de Rohan, et par la vente de sa Charge : a l’égard des creanciers le nombre n’en est pas excessif, et quand il seroit encore plus grand qu’il n’est, il ne faut pas tant considerer la quantité que la qualiré des dettes du sieur défendeur : Il est d’une illustre naissance, il a été élevé à la Cour dés sa plus tendre enfance, il a étéepourvû d’une Charge fort éclatante, de peu de revenu et de beaucoup de dépense, et il peut dire avec vérité que Monsieur son pere, ur rout dans les demiers temps, ne luy a pas toûjours donné le secours entier, que requeroient et sa naissance et ses emplois. Et quand Madame sa mère a été maîtresse de tout le bien aprés a mort de Monsieur le Prince de Guimené, il s’en faut bien qu’elle luy ait donné les mêmes issistances dans un temps où elles luy étoient beaucoup plus necessaires. Il ne faut donc pas s’étonner si pour se maintenir dans le rang que son pere et sa Charge luy donnoient, il a été obligé d’emprunter des sommes assez considérables, et il seroit blâmable si dans un temps oû étoutes les personnes de qualité à la Cour engageoient leurs biens pour avoir le moyen de servir leur Roy et leur Patrie, il avoit été le seul qui auroit abandonné l’interest de son honneur pour suivre les mouvemens d’uné avarice sordide. Ce n’est pas aussi de ces sortes de dépense que Madame de Guimené se plaint ; et comme elle n’ose pas les blamer elle luy en impute d’autres, elle l’accuse d’avoir de l’emportement dans le jeu, mais de cela il n’y en a aucune preuve : Monsieur le Chevalier de Rohan est un jeune Seigneur, que sa profession oblige à joüer quelquefois, mais il le fait avec moderation, et l’on peut dire avec vérité que le jeu est plûtost en luy un divertissement honnête qu’une passion blamable

a l’égard de sa Charge s’il en avoit dissipé les deniers, encore ne seroit-il pas obligé d’en rendre compte à sa famille, puisqu’il ne la tenoit que de : la seule liberalité du Roy.

Mais les creanciers demeureront d’accord que des deniers qui en sont provenus il les a satisfaits en partie, et ils ne peuvent trouver étrange que ne tirant depuis deux ans aucun secours de sa maison, il se soit reservé dans l’incertitude de ses affaires, et la longueur d’un partage, ce qui luy en reste pour sa subsistance, à quoy même à beaucoup prés cela ne suffit pas pour un homme de sa naissance ; ce n’est donc point là une dissipation, puisqu’on fait un employ utile du prix de cette Charge

Il finit son discours par deux considerations : La premiere, que Monsieur le Prince de Guimené, son pere, ne l’a jamais regardé comme un dissipateur, car s’il l’eut crû tel il ne l’auroit point plus épargné que son fils ainé, contre lequel il a fait prononcer une interdiction publique : La seconde consideration, est que Monsieur le Chevalier de Rohan consent que le reste de ses créanciers soit payé sur la proprieté de sa legitime ; ce n’est point là le langage d’un dissipateur.

a tous ces moyens Madame la Princesse de Guimené, en la qualité de curatrice du Duc de Monbason fon fils ainé, et executrice du testament du sieur de Guimené son mary, répondoit par ordre ; et pour ce qui regardoit le premier moyen allégué par les creanciers de Monsieur le Duc de Monbason, elle disoit pour réponse que le Prince de Guimené a voulu substituer à a legitime de Monsieur le Duc de Monbason, et qu’en effet les termes du testament justifient assez qu’il l’a fait.

a l’égard de la volonté le Prince de Guimené n’avoit-il pas sujet de le vouloir, attendu la dissipation de biens que son fils ainé faisoit, les dettes qu’il avoit contractées, les excez contre la personne de la Dame sa femme, qui luy ont fait obtenir l’Arrest de separation, du 20 de Septembre 1658. et des excez de rage contre plusieurs personnes, entr’autres contre le nommé Pion, qui en a pensé mourir pour ses blessures ; et ayant été interdit du vivant du sieur Prince de Guimené, ce pere ne devoit-il pas songer à la conservation de son bien par des substitutions ; laissant un ample revenu à cet ainé : Et prévoyant même beaucoup de choses qui sont arrivées de son vivant, l’engagement de plus de 36000o livres, les lettres de cachet, l’uneu pere, l’autre au fils, pour faire retirer le Duc de Monbason dans une de ses maisons de camagne, jusqu’à un nouvel ordre ; La rettaite qu’il a faite depuis dans la Flandre, où il a porté Echarpe Rouge ; L’ordre du Roy de demeurer au Liege jusqu’à nouvel ordre, où la Dame Princesse de Guimené luy faisoit toucher six mille livres par chacun an. Tout cela suivi depuis la mort du pere de deux autres ordres du Roy, l’un du 1s de Mars 1667. pour conduire le Duc de Monbason à la Bastille ; l’autre du premier d’Avril 1667. pour de la Bastille le transverer au Château de Couzieres en Touraine.

a l’égard de la trebellianique, que le Prince de Guimené l’ait exprimée dans son testament, c’est à dire qu’il ait défendu la distraction de la legitime, cela est assez facile à justifier. Quand les loix qui ont été rapportées disent qu’à l’égard des étrangers instituez heritiers ou fideicommiffaires, il a été un long-temps que le testateur ne pouvoit pas leur ôter la legitime, ou la trebellianique, on ne doit pas s’en étonner, car si elle leur êtoit ôtée indirectement par un épuisement entier de la succession, cela n’étoit pas fouffert, dautant que le testateur n’étoit pas crû avoir voulu l’épuiser ; et ne rien laisser à une personne laquelle il avoit choisie par preference à tous autres pour être son heritier, et luy donner un nom si honorable ; c’est pourquoy lors il retenoit une falcidie ou trebellianique, et même cela se faisoit pour l’avangage du testateur, car sans cette condition l’institué ne se porteroit pas heritier testamentaires et comme le testament, et par consequent les legs qui en faisoient une partie ne pouvoit subsister sans qu’il y eut une institution d’heritier, le défunt avoit un notable interest que quel-qu’un se portât heritier. C’est pourquoy les Jurisconsultes voulant exprimer à la lettre la vosonté du défunt qui comprenoit deux choses dans ces testamens ; la premiere que la personne lemeurât heritière, et la seconde que toute la succession passât par des legs entre les mains des legataires particuliers, sans que l’heritier institué en retint tien du tout : Ils avoient trouvé cet expedient que l’heritier institué qui n’avoit rien, avoit recours contre les legataires pour les parts et portions qu’ils avoient amendé de cette succession par leur legs, ce qui fut depuis transformé en la falcidie ou la trebellianique, que les heritiers ou fideicommissaires testamenfaires retenoient, et en consequence soûtenoient toutes les actions de la successiont Mais les creanciers disent, qu’il est vray que dans l’ancien droit, à l’égard même des étrangers, ils avoient une falcidie ou legitime que le testateur ne pouvoit point ôter, et qu’il a fallu une nouvelle loy pour leur donner la faculté de prohiber la falcidie, qui n’étoit qu’une image imparfaite de la legitime des enfans, et puisqu’il n’est point présumé que le testateur l’ait voulu ôter à son heritier testamentaire ou fideicommissaire, qu’il ne le défende expressément, autrement elle est toûjours dûe ; que ne doit-on pas dire en faveur des enfans, afin que la legitime leur demeure, si le testateur ne l’a pas dit en termes précis, dans les cas ausquels la loy luy permet de la leur ôter par la voye de la substitution Pour répondre à ce raisonnement, il ne s’agit pas dans le procez d’ôter la legitime au Duc de Monbason, mais seulement si au lieu de la legitime en corps on a pû le faire contenter d’un usufruit, double de celuy de sa legitime, et même en faveur de ses enfans, qui étoient d’autres luy-même, et à qui on donne la proprieté de la totalité de la part hereditaire, dans la succession du Prince de Guimené, dont il ne pourroit, ni ses petits enfans, prétendre plus que la moitié.

Aussi dans les espèces des loix rapportées, et du raisonnement que l’on a fait suivre, il s’agissoit d’ôter entièrement la legitime et la trebellianique, et ne rien donner à la place, non pas même une joüissance, et c’est en ce cas-là que la loy veut que la prohibition de défalquer a falcidie ou la trebellianique soit expresse et claire : Cette même pensée a été assez bien suivie dans nôtre Droit François à légard des enfans, quand il est question de leur ôter toute une succession, et ne leur laisser qu’une legitime en fonds ou joüissance qui est le cas de l’exheredation. Pour les loix, elles ne veulent pas que le testateur dise, je desherite un tel mon renfant ; ce seroit assez pour un étranger, qui n’est d’ordinaire attaché au testateur que par les siens de l’amitié ; mais un fils tient au pere par les noeuds de la nature, c’est pourquoy il ne peut être deshérité, s’il n’y a une cause d’exheredation expresse dans le testament du pere, et cette cause ne dépend point de la volonté du testateur, mais elle doit être une de celles que la loy a comptées et marquées : la raison est que la nature ayant mis dans le coeur du pere et des enfans cette liaison d’amitié, il n’y a aussi que la nature qui puisse juger si ces siens sont rompus, et aussi-tost qu’ils ne subsistent plus, toutes les suites ne sont plus pareilles : les loix ont là-dessus fait parler la nature, et ont dit que quand un fils a voulu exceder. on pere avec outrage, il faut qu’il ne l’ait plus reconnn comme étant son perte, aussi que s’étant attiré ce malheur, le pere n’est plus obligé de le reconnoître pour son fils ; il ne luy est plus que comme un étranger, auquel il n’est obligé de rien donner pour sobsister, non pas même une legitime ; mais ne s’agissant point dans le procez d’une exheredation, ni d’ôten tout au Duc de Monbason, les loix ioy rapportées ne font rien contre la Dame de Guimené.

Et décendant dans le particulier de l’affaire, il y en a plus qu’il n’en faut dans ce testament pour voir : et juger clairement de la substitution formelle faite au Duc de, Monbason même dans sa logitime, et que pour icelle il ne luy a été donné par le Prince de Guimené son pere que la poüissance de la portion entière qu’il avoit ab intestat ; mais pour en mieux entendre la réponse et déveloper ce qui a été dit par les créanciers du sieur Duc de Monbason qui pourroit faire quelque difficulté : Il est certain qu’une personne peut avoir l’usufruit et la joüissance de deux manières ; l’une sans espèrance d’avoir jamais la proprieté, et c’est par exemple quand en testateur legue à l’un de ses legataires la proprieté, et à l’autre l’usufruit d’un fonds : Il est certain qu’étant deux legs distincts et separez, jamais le legataire de l’usufruit de ce fonds n’en aura la proprieté en vertu de ce testament, nt par droit d’accroissement, car il n’y a aucune communication entr’eux deux par la voye du testament. Mais il y a un autre usufruit lequel envelope avec soy l’esperance de pouvoir avoir et ne pas avoir la proprieté du fonds, ou pour mieux dire que l’usufruit et la proprieté luy appartiendront, avec cette difference que l’usufruit luy appartient incommutablement ; mais à l’égard de la proprieté, c’est avec quelque apprchension de pouvoir être ôtée. La substitution est cette derniere sorte d’usufruitOr dans le procez, il est vray qu’au Duc de Monbason il n’appartient pas un simple usufruit détaché de l’esperance du fonds ; mais aussi si le testament luy donne cette espèce de substiution, il ne faut pas la pousser plus avant que de la maniere qu’elle est conçûë ; oomme aussp la disposition de Monsieur le Prince de Guimené, il ne la faut pas mettre au dessous d’une substitution pour la reduire à un simple usufruit. C’est donc une disposition mélée de l’esperance d’une proprieté et d’un usufruit dés à present. Et pour voit son intention dans l’une et autre de ces choses, elle ne se peut pas mieux découvrir que par ce qui est mis dans son estament. Le Prince de Guimené veut que ses deux enfans partagent sa luccession suivant les Coûtumes des lieux, cela regarde. la proprieté, cela aussi à conservé le droit d’ainesse, lequel ne se reconnoit plus quand on vient aux successions par les voyes de testament. C’est donc premierement la proprieté ; secondement la quotité : voila deux enfans, le Duc de Monbason et le sieur de Rohan son frere, qui ne se peuvent plaindre de cette première clause qui regarde la proprieté ; et parce que le Prince de Guimené sçavoit que les familles ne subsistent que par les biens, et non par les seules personnes, il a crû que s’il laissoit la libre disposition de ses siens à ses deux enfans il les dissiperoient, c’est pourquoy il a fait la disposition suivante par des substitutions qui de prime abord paroissoient peut-être extraordinaires, mais qui en effet ne suivent que le cours ordinaire des substitutions, et lordre qui devoit arriver si lun et lautre de ces deux enfans êtoit bon ménager, qui est que la proprieté passe de proche en proche, du fils ainé à ses enfans, et du fils cadet à ses enfans ; et si lun et fautre de ces deux enfans n’en ont point, la part de ce prédecedé passe à son autre frere, pour de luy avec ses autres biens asser à ses enfans ; que si cet autre frèré êtoit mort laissant des enfans, et que ce second fils vienne à mourir sans enfans, le bien de ce second fils passera aux enfans du Duc de Monbason. Voila une prévoyance digne de lesprit du Prince de Guimené dans sa famille entre ses enfans et petits enfans ; il ne passe pas cette substitution à ses collateraux.

a légard de l’usufruit il le laisse plein, non seulement de la legitime, mais de la part entière dans la succession du Prince de Guimené ; et afin que l’on ne croye pas que ces fût un imple usufruit, légué à chacun de ses deux enfans, il a parlé de partager sa succession suivant les Coûtumes. Et aussi afin qu’on connûit qu’il substitué dans le fonds de la legirime, sans faire njure à ses enfans, sçachant bien que son testament pourroit un jour paroître à la face de la ustice, si ces deux enfans par un sage conseil n’acquiesçoient à sa volonté. Il fait assez connoître en termes honnêtes, et en même temps assez signifians, les raisons de cette substitu-tion ; les voicy, afin que l’on ne crût pas que la substitution ne fût que pour la part qui excede la legitime, il n’a pas manqué de dire qu’ils seroient obligez de se contenter pour tout droit dans la succession de l’usufruit entier de leur part, cela veut assez dire sans distraction de la legitime. Car de sçavoir si le Prince de Guimené a pû faire cette substitution de la legitime, s’est ce qui n’est pas de l’étenduë de cette premiere question, mais qui va être traitée dans la seconde, et c’est pourquoy il faut passer icy dans la réponse tout ce qui a été rapporté dans la premiere par les creanciers du Duc de Monbason, sçavoir si le Prince de Guimené a pû substituer le fonds de la legitime

Jusqu’icy Madame la Princesse de Guimené a fait voir, en répondant au premier moyen des créanciers, que Monsieur son mary a voulu substituer, et qu’il a effectivement substitué à la legitime de ses enfans ; elle va presentement établir qu’il y a pû fubstituer, ce qui est le second moyen que les créanciers ont contesté. Et pour cet effet elle dit qu’en remontant plus haut que la l. Papinianus 8. 5. unde siquis. ff. de inoff. testam. l’on n’étoit pas cbligé de rien laisser à des enfans, puisque non seulement on les pouvoit vendre, mais l’on avoit sur eux potestatem vite et necis ; à plus forte raison sur les biens qu’ils avoient acquis, donc sans diffigulté de ceux que le pere avoit de leur vivant, et ausquels ses enfans ne pouvoient rien pré-tendre qu’aprés sa mort. Depuis et beaucoup de temps aprés, les legitimes ne se prenoient que sur les biens delaissez aprés la mort de celuy de cujus hereditate agebatur. De sorte que sur les biens donnez entre vifs et substituez, ils n’y pouvoient rien prétendre, et quoy que depuis on leur ait donné le choix à prendre leur legitime à proportion ou des biens donnez sentre vifs, ou de ceux laissez aprés la mort, néanmoins c’étoit toûjours souffrir une grande diminution dans leur legitime. Enfin il est arrivé que l’on leur a donné la legitime à prendre sur les biens delaissez lors du decez, ce que la Coûtume de Paris, Art. 298. explique fort bien, en disant que la legitime est la moitié de telle part et portion que chacun enfant eût eu en la succession de sesdits pere et mere, ayeul ou ayeule, ou autres ascendans, si lesdits pere ou mere ou autres ascendans n’eussent disposé par donations entre vifs ou der niere volonté.

Mais enfin si la legitime est du droit naturel, il est pourtant vray de dire que la quotité est du droit civil, et en effet elle a changé autrefois étant du quart de ce que chaque heritier auroit ab intestat. Novella de triente & semisse. Et dans toutes les Coûtumes de France elle n’est presque égale en aucun lieu. Pourquoy donc ne sera-t’il point permis à un pere, qui sçait mieux l’interest de sa famille, et à qui les biens appartiennent, d’en disposer comme il le trouvera plus à propos, principalement si la disposition va à l’avantage de la famille, et qu’il n’y ait qu’une personne qui en souffre quelque peu, les enfans en recevant du profit beau eoup au de-là de ce que le pere prétend avoir souffert ; Il n’y a que l’incertitude du temps. qui justifiera si par la disposition du pere, le Duc de Monbason a reçû plus ou moins d’avanage que si le pere luy avoit laissé la proprieté de sa legitime seulement ; et par le cours de la nature il en recevra beaucoup à cause qu’il est jeune, que tout le profit revient à ses enfans, et qu’il peut vivre long-temps. Il est vray que les Empereurs ont changé cette disposition de ce grand hommePapinien , qui avoit voulu que les joüissances pûssent remplir la legitime mais quelques changemens que l’on ait voulu dire qui ayent été faits, ce n’a été que par des gradations on differens temps, et sous divers Empereurs. Mais ses loix n’expliquent pas tout à fait, si l’on avoit des joüissances si grosses qu’en peu de temps on pût remplir la legitime Or quand il seroit vray que l’on ne pourroit charger la legitime ni de fideicommis, ni de condition, ni de demeure, cette regle n’est pas si universelle qu’il n’y ait plusieurs exceptions, dans l’une desquelles se trouvera sans doute être le procez ; et d’autant plus si nous considetons l’usage du Droit François, et les motifs et les raisons du Droit Romain. Si dans le Droit Romain le pere étoit mort laissant un enfant mauvais ménager qui eut un fils, il est certair que la l. Papinianus S. 3. unde siquis. ff. de inoff. testam. a encore lieu, et que la legitime pourroir luy être donnée en joüissance. Dans le Droit François les petits enfans sont mis à la place du pere ; donc n’ayant ni plus ni moins de droit que leur pere, s’ils ne peuvent demander leur legitime en fonds, n’y a-t’il pas sujet de croire qu’il peut y avoir des considerations puissantes, dans lesquelles le pere vivant se dévra contenter d’une joüissance ; et quelle peut être cette consideration si puissante, sinon celle qui fera l’avantage du fils, et du petit fils, obligeant l’ayeul de ne rien ôter de cette part de la succession qu’il pourra affoiblir de moitié layeul désirant seulement en donner une partie au petit fils, et l’autre au fils ; Qui doute que de pere ne puisse faire une substitution pupillaire à son fils impubere, et dans cette disposition a legitime de ce pupille y est contenuë dans le bien du pere, puisqu’elle enveloppe tous les piens qui appartiennent d’ailleurs à ce mineur s Et cela a semblé si juste et si raisonnable, que sur le modelle de cette substitution pupillaire l’on en a permis aussi une autre par un pere à son fils lorsqu’il étoit furieux. L’on ne doute pas aussi que dans la substitution du pere la legitime qui appartiendroit à ce fils dans les biens du pere n’y fût aussi comprise. Sil est vray de dire que tant que le pupille par son âge, et le furieux par la disposition de son esprit, ne peuvent faire testament, ou disposer de leur bien pendant leur vie, la disposition que fait le pere de leur bien est bonne. Pourquoy ne dita-t’on pas la même chose d’un prodigue que les loix comparent mente capto, puisqu’il n’est non plus capable de disposer de son bien qu’un furieux véritable

L’on ne doute pas dans le procez que le Duc de Monbason n’ait été interdit par plusieurs Arrests cu-dessus rapportez, et que les dettes qu’il a contractées ne soient depuis ladite interdiction ; donc le pere a eu pouvoir de faire une substitution dans la legitime de son bien qui pouvoit avenir à son fils prodigue ; il reste à examiner s’il l’a faite de la maniere que la loy le luy permet, c’est à dire s’il a substitué à ce fils prodigue les personnes que la loy permet de substituer aux pupilles, et aux furieux. Aux pupilles intra pubertatis annum, l’on ne substituë pas les enfans du pupille, car il n’en a point, mais le pere est obligé de luy substituer le plus proche, ou pour mieux dire, elle luy permet d’entre les plus proches d’en choisir un ou deux à sa volonté, ou tous, parce que par là il fuit la loy de nature en ne sortant point hors de sa fanille, mais marquant le plus proche, quoy qu’entr’eux il en puisse faire choix à l’exclusion des autres. Mais à légard du furieux s’il laisse des enfans sages, pour lors le pere entre ses enfans peut choisir qui bon luy semble ; mais si les enfans du furieux n’étoient pas sages, alors il seroit obligé de prendre les collateraux les plus proches, mais entr’eux il auroit le choix.

Cela étant ainsi établi du furieux, et par consequent du prodigue, le Prince de Guimené a fait ce que la loy luy a permis. Quant au Duc de Monbason prodigue, il a substitué ses enfans qui étoient sages ; mais il a moins fait que ne luy permettoit la loy, car elle luy permettoit entre les petits enfans d’avoir une prédilection, et choisir lun ou lautre, c’est ce qu’il n’a pas fait ; mais il a pris le chemin que la nature luy traçoit, de laisser à l’ainé de ces petits effans ous les droits d’ainesse. La raison est égale dans la substitution exemplaire, et dans celle d’un rodigue, qui est qu’il ne peut manier son bien, il ne luy en faut donc point laisser l’admini. stration ; il a besoin de vivre, il ne luy faut donc donner que des pensions, ou la joüissance de son bien dont un émancipé est capable, en quoy il est traité plus favorablement que le furieux. Aussi est-il dit, quasi non sanae mentis

Si l’on oppofe que le droit d’ainesse ajoûte encore au de-là de la legitime naturelle en faveur de l’ainé, et que cet accroissement qui sert de préciput est beaucoup plus favorable que l’autre, et cela à l’égard tant du pere que des creanciers : à l’égard des créanciers, parce qu’ils ne peuvent attaquer l’ainé, soit pour sa legitime, soit pour le droit d’ainesse personnellement, que pour telle part et portion qu’il est heritier : et à l’égard du pere dans ses autres biens troturiers et meubles, il reduit la part de son fils à la moitié pour sa legitime, et dans ce fief tout ce qui vient à l’ainé luy est legitime, et ainsi il est dû sans que le pere en puisse aucunement disposer. Réponse : Premierement toute la force que l’on peut donner à ces biens qui sont rendus legitime, c’est qu’on les traite comme legitime ; donc tout ce que l’on peut nire de la legitime d’un enfant dans les biens du pere, l’on le peut faire dans cette même portion de legitime de l’ainé, et ce dautant plûtost que s’il y avoit concurrence de la legitime de l’ainé avec la legitime naturelle des cadets ils viendroient à contribution ensemble ; mais s’il y avoit une contestation de cette seconde legitime de l’ainé, avec la legitime des caders, celle des cadets n’en souffriroit pas, mais elle luy seroit prefèrée ; cela est décidé par l’Art. 17. de la Coûtume de Paris. De dire par les creanciers qu’il a été permis par l’Arrest du y de Seprembre 1663. au Duc de Monbason de pouvoir vendre jusqu’à la concurrence de 10000o li-vres de ses effets, voicy les termes. Ne pourra neanmoins ledit Duc, suivant son consentement, vendre, aliener, ni engager aucun desdits biens immeubles échùs et à échoir, tant par succession lirecte, collaterale, ou donations, que jusqu’à la somme de iocopo livres, dont il pourra disposer ainsi que bon luy semblera. Ainsi sur les biens de la succession du Prince de Guimené, que l’on leur permette de vendre, si ce n’est des immeubles, au moins du meuble, car il y en a dans cette succession pour plus d’un million, et que si 1ooooo livres ne les payent pas entierement, il se refoudront d’attendre le revenu par chacun an des biens substituez, et l’on ne peut pas dire qu’ils soient en mauvaise foy ayant un tel Arrest pour caution, ni que par cet Arrest l’on ait nt endu seulement les biens en decret, qui avoient êté donnez en mariage audit Duc de Monbason pour plusieurs raisons. La premiere, que les termes de l’Arrest portent, biens échùs et à échoir, tant par successions directes que par collaterales. Secondement, et quelle liberté auroit-ce été, d’entendre seulement sur les biens qui n’étoient point capables de porter cette charge Car pour les biens presens, le Duc de Monbason avoit pour lors 18ooo livres de revenu’en fonds de terre et de rente, dont l’on avoit du consentement de toute la famille vendu une terre de S3ooo livres, et une rente de 3rçoo livres pour payer les dettes, ainsi pour lors il ne restoit au Duc de Monbason de son chef que Sobo livres de rente de son bien, sur quoy la Dame sa femme avoit roooo livres de doüaire, et une somme considérable de principal à reprendre, qui êtoit au-de-là de la valeur de son bien : Il faut donc qu’on ait entendu du bien qui écherroit par successions directes ou collaterales ; aussi cet Arrest porte notamment ces mots.

Mais sur quel fondement les créanciers pouvoient-ils avoir le front de dire, qu’ils ont contracté de bonne foy en vertu de cet Arrest, dans l’espèrance que les biens de Monsieur le Prince de Guimené seroient affectez au payement de leurs dettes, jusques à la concurrence desdits toonoo livres ; Certainement il ne s’est jamais rien vû de si ridicule ni de si impertinent, sauf la correction de la Cour. Ces creanciers n’ont pas vû ni trouvé que Monsieur le Prince de Guimené eût donné aucun consentement à cet Arrest ; au contraire ils ont vù et connûs ou dû voir et connoître, qu’avec toute justice et équité il avoit dit et proposé toutes les raisons, et fait tous les efforts possibles pour l’empescher, et que n’ayant pas trouvé dans la Justice tout le secours qu’il attendoit pour empescher que son fils n’achevàt de se ruiner, il auroit employé tout ce que la nature, les loix et les plus souverains et plus assurez remedes luy pouvoient permettre, pour conserver à fes enfans et petits enfans le bien dans la maison ; et quelle raison len auroit pû empescher dans une occasion aussi pressante et aussi necessaire ? Les creanciers oseroient-ils dire que la Cour en levant l’interdiction du fils, elle a interdit le pere et l’a mis en la place du fils, car il faudroit passer jusqu’à cette absurdité pour soûtenir la proposition desdits créanciers : La contestation, sur laquelle ledit Arrest du 7 de Septembre a été rendu, n’a point été sur le point de sçavoir si ledit sieur Duc de Monbason pourroit engager les biens de son pere vivant, mais seulement pour sçavoir si rinterdiction dudit sieur Duc tiendroit, ou si elle seroit levée s Or supposons que la Cour ait entendu accorder audit sieur Duc toutes ses conclusions, qui ne tendoient qu’à faire lever son interdiction purement et fimplement, il est sans doute que la faculté qui luy auroit été donnée n’auroit pû être autre que d’avoir la liberté de manger et dissiper le reste de son bien, et non pas celuy de son pere vivant, qui pouvoit ne luy pas arriver ; autrement il faudroit dire que la levée de cet interdiction avoit été plus avantageuse audit sieur Duc, que s’il n’avoit pas été interdit. Car posons le cas qu’il n’ait jamais été interdit, ses creanciers ne pourroient pas prétendre que les biens de feu Monsieur le Prince de Guimené seroient affectez au payement de leurs dettes jusques à la concurrence desdits rooooo livres.

Et si le raisonnement des créanciers avoit quelque fondement pour lesdits rooooo livres, Il faudroit passer outre ; car comme leur Avocat remarqua en l’Audience que par ledit Arrest du 7 de Septembre 1663. l’interdiction n’étoit demeurée que sur les immeubles excedans les Io000o0 livres, et qu’elle avoir été entierement levée pour tous les meubles et effets mobiliers, I faudroit sur ce même raisonnement conclure que tous les meubles, et effets mobiliers de la succession de Monsieur le Prince de Guimené, auroient lors dudit Arrest été affectez à tous les creanciers dudit sieur Duc de Monbason son fils, ce qui n’a fondement ni apparence quelconques et tant s’en faut que l’intention de la Cour ait été d’affecter les biens futurs des successions directes, collaterales, ou donations qui pouvoient arriver audit sieur Duc, au payement desdits roo0oo livres qu’au contraire elle a entendu en laissant cette liberté audit sieur Duc luy dier les mains, de telle sorte que cette faculté étant une fois épuisée et consommée sur le bien resent qu’il possedoit alors, il ne peut pas prétendre, lorsqu’il luy arriveroit quelque succession ou quelque donation, pouvoir avoir éncore une nouvelle faculté d’en aliener les biens Voila de quelle manière la Cour l’a entendu, autrement il faudroit passer à une autre absurdité aussi grande que la premiere, et conclure que lors dudit Arrest du 7 de Septembre tous les meubles et effets mobiliers indéfiniment appartenans audit Messire Loüis de Rohan, grand Veneur de France, frere puisné dudit Duc, et ceux de ses autres parens ausquels ledit sieur Duc de Monbason auroit eu espèrance de succeder en ligne collaterale, auroient appartenu aux créanciers dudit sieur Duc, comme aussi les immeubles desdites successions jusqu’à la concurrence de 10000 livres.

Quand il arrive une succession à un heritier, il la recueille avec les charges et les conditions. qu’elle luy est dévoluë et déferée, et non autrement, et les créanciers de cet heritier ne peuvent pas prétendre plus de droit que luy, au contraire il y a bien des cas dans lesquels les creanciers n’ont pas tant de droit que leur debiteur. Si ledit Duc êtoit mort avant Monsieur le Prince de Guimené son père, ses créanciers demeureroient bien d’accord qu’ils n’auroient pas droit de venir sur les biens de Monsieur le Prince de Gulmené son pere, ni demander lesdits rooooo livres, et par consequent il ne faut pas qu’ils disent qu’ils ont traité de bonne foy sur cette assurance. Il est certain que ceux qui prétent leur argent doivent être certains de la condition. de celuy à qui ils le prétent, s’il est fils de famille, s’il est majeur ; ils doivent s’informer de ses facultez, s’il est riche, s’il est engagé : Donc les creanciers dudit sieur Duc de Monbason, lesquels avoient connoissance de ses déportemens, ne peuvent pas se justifier ni dire qu’ils sont en bonne foy, puisqu’ils sçavoient bien qu’ils prétoientà un homme qui devoit joüer, qui devoit perdre tout ce qu’ils luy prétoient ; et quoy que cette réponse suffise, lon peut encore ajoûter premierement qu’à l’égard des biens presens il pouvoit y avoir quelque chose de revenant bons parce qu’il étoit incertain au profit duquel le principal auroit lieu ; secondement, qu’une terre qui vaut 9ooo livres de rente vaut plus du denier trente ou trente-cinq pour la vente, et que le doüaire de ro00o livres étoit seulement au denier vingt ; à l’égard des biens et des successions à venir il êtoit certain qu’il luy devoit revenir quelque chose, soit en fonds, soit en usufruit et c’est sur cela et sur ce qui excedera sa dépense pour laquelle l’on luy envoye chaque année Sooo livres au Liege, où le Roy veut qu’il demeure. Ladite Dame Princesse ayant même par ses soins conservé du bien à ses créanciers, quand elle demanda au Roy de ne point confisquer les biens dudit Duc, lorsqu’il y a quelques années qu’il porta l’Echarpe Rouge, et que le Roy. de luy accorda pour les petits enfans.

Il ne reste plus enfin pour cette seconde question qu’à répondre à cette objection que la substitution, que l’on prétend faire subsister contre le Duc de Monbason, ne peut être une substitution exemplaire, et par consequent ne peut subsister ; et pour montrer qu’elle ne peut pas être une substitution exemplaire, on dit premierement qu’elle doit être faite à des personnes sanae mentis, et non pas à des personnes non sanae mentis, ce qui se trouve être fait dans cette substitution : secondement elle est icy reciproque, et neanmoins elle ne peut pas être telle, quand le Duc de Monbason seroit dissipateur interdit, et non sana mentis, parce que son cader Loüis de Rohan n’est pas interdit, ni n’est pas marqué de cette tache. Pour la premiere partie, la substitution du Duc est faite à ses enfans qui sont sana mentis, mais s’il n’a pas d’enfans, ou que ces enfans, quoy que sages, meurent sans enfans ces biens-là sont substituez au cader Coüis de Rohan, que le Prince de Guimené veut qu’il ne fût pas sana mentis, que s’il est sana mentis, pourquoy luy ôter ses biens jusques au fonds de la legitime, et les substituer : S’il est non sana mentis, il luy faut substituer, mais ce doit être des perionnes sanae mentis, et neanmoins le Prince de Guimené luy substitue le Duc de Monbason qui non est sanae mentis, et ne luy substitué pas les enfans de ce Duc qui sont sanae mentis. Pour la seconde partie, c’est encore moins une substitution exemplaire reciproque ; car dans le fait s si le cadet meurt sans enfans ) le Prince de Guimené luy substitue le Duc de Monbason, si le cadet est non sanae mentis, ce ne peut pas être une substitution exemplaire, que si vicissim le cadet est substitué à l’ainé, l’on peut dire que si tous deux non sunt sanae mentis, ce sera bien une substitution reciproque, mais elle ne sera point exemplaire, car celuy qui est substitué doit être sanae mentis ; que si l’un des deux est sage, du côté du sage c’est une substitution exemplaite, mais du côté de celuy qui est fol et substitué, ce n’est qu’une substitution reciproque à son égard, la substitution ne peut pas valoir comme exemplaire. Ainsi faut-il dire, si le Duc de Monbason mouroit le premier laissant des enfans, il y a pour lors une substitution exemplaire reciproque, comme a voulu faire le Prince de Guimené ; mais l’on dira la même chose que dessus, car si l’enfant sage est substitué à son cadet non sanae mentis, c’est bien une substitution exemplaire, mais elle ne sera point reciproque, si à ces enfans sages l’oncle non sanae mentis est substitué, car cela ne peut être une substitution exemplaire, donc non pas exemplaire reciproque : si ce sont deux substituez l’un à l’autre c’est une reciprocité, mais non pas une substitution reciproque, car avant que d’être reciproque il faut qu’elle soit substitution, ce qui ne se peut, moins encore d’être exemplaire.

La Princesse de Guimené disoit qu’il étoit fort aisé de répondre à toutes ces difficultez apparentes : Le Prince de Guimené a eu dessein de conserver ses biens dans sa famille, et pour cela il a taché de prévoir tous les cas qui pourroient arriver, et il y a apposé toutes sortes de substitutions qui étoient propres à chaque cas qui pourroit arriver ; mais comme dans chaque cas il a fait une substitution sans la nommer d’un nom propre qui doute que dans chaque cas cette substitution qu’il n’a pas voulu, et qu’il n’étoit pas necessaire de nommer, ne fût celle qui étoit necessaire à ce cas 5 Par exemple, quand on substitué au Duc de Monbason, qui n’est par sana mentis, ses enfans qui sont sana mentis, qui doute que ce ne soit une substitution exemplaires Et quand l’on substitué au cadet non sanae, vel sanâ mentis, décedant sans enfans, son frère ainé, qui n’est pas sane mentis, ce n’est pas une substitution exemplaire ; j’aurois même peine à croire, si on en demeuroit là, que ce fût une substitution. Mais le Prince de Guimené ayant substitué au Duc de Monbason en tous les biens qu’il auroit de sa succession, les enfans sages dudit Duc, qui n’en est qu’un canal, c’est une substitution exemplaire, comme n’étant que de l’oncle au neveu ; si l’oncle non est sanae mentis, ou bien c’est une substitution ordinaire, si l’oncle est sana mentis : ajoûtez à tout cela qu’il y a grande différence entre une substitution reciproque et une substitution mutuelle.

Mais enfin, dit-on, toutes ces considerations sont bonnes pour des enfans qui doivent le respect et l’obeissance aux dernieres volontez d’un pere, sous quelque forme qu’elles paroissent ; mais que cela ne peut préjudicier à des creanciers qui ont prété leur argent à des enfans, dans la vûë d’une legitime qui ne leur pouvoit être ôtée sur les biens de leur pere, et qui sur cette cereitude ont prété de bonne foy à des enfans ; ce qui est le troisième moyen des creanciers, ausquels Madame de Guimené répond, qu’elle oppose à tous les Arrests qu’ils ont rapportez sur ce sujet, d’autres Arrests plus solennels et en plus grand nombre. Le premier est extrait Livre Mr du Val, Conseiller en la Grand-Champre, ledit Livre intitulé de rebus dubiis, tractatu 1â. où aprés avoir traité la presente question et avoir montré, par des raisons invincibles du Droit Romain, que des creanciers sont non recevables à demander une legitime pour leur debiteur, enfant débauché dit qu’il a été ainsi jugé par un Arrest de la Cour du mois de Decembre 1561. dans la maison de Theligny sur ce fait qu’il rapporte ainsi.

La Dame de Theligny avoit deux enfans, le sieur de Theligny, fils ainé, mauvais ménager, et le sieur des Salles puisné, pour prévenir les contestations qui arrivent ordinairement entre enfans lorsqu’ils partagent, elle fit un partage elle, même de son bien entre ses deux enfans, se réservant neanmoins la faculté d’en dispoler, ce partage ne devant avoir lieu qu’aprés sa mort.

Le sieur de Theligny, fils ainé, emprunta de tous côtez, et hypothequa même par avance les biens du lot qui luy devoit échoir. Comme la Dame de Theligny, sa mete, voyoit que son fils ainé, qui dés lors êtoit marié et qui avoit des enfans, mangeoit tout, apprehendant qu’il ne laissât rien à ses enfans, elle fut conseillée de substituer son bien à ses petits enfans ; donc elle donna et substitua au fils ainé du sieur de Theligny la part qu’il pouvoit esperer dans sa succession, et ordonna que ce fils ainé venant à déceder sans enfans cette part appartint au fils puisné du même sieur de Theligny mauvais ménager et ainsi de degré en degré, en faveur des ainez. Le décez de la Dame de Theligny arrivé, les créanciers du sieur de Theligny le poursuivirent pour avoir le payement de leurs credites, et firent saisir premierement son bien paternel, la femme du sieur de Theligny et leurs enfans s’opposerent à cette saisie réelle pour leur doüaire. Le bien maternel fut pareillement saisi réellement, le fils ainé du sieur de Theligny équi possedoit dés lors ce bien, en vertu de la donation à luy faite par son ayeule ) s’y opposa et demanda main-levée, ce bien saisi luy appartenant en vertu de ladite donation.

Que dirent les créanciers : Ils soûtinrent que ce bien maternel étoit affecté et hypothequé à eurs credites, qu’il devoit être vendu pour être payez, si mieux n’aimoient les enfans du sieur de Theligny, leur debiteur, se desister de leur opposition afin de doüaire ; en tout cas ils soûtintent qu’il falloit distraire sur ce bien maternel une legitime pour leur debiteur, parce que c’est un bien situé dans la Coûtume de Dunois, qui donne au fils ainé noble pour sa legitime les deux tiers du bien de son pere et de sa mere, et que son pere et sa mere ne luy sçauroient jamais ôters

Les enfans substituez répondoient que leur pere n’avoit jamais eu aucun droit dans le bien de sa mere, leur ayeule ; que falienation qu’elle avoit faite ne tomboit pas dans le cas de lalienation faite en fraude des creanciers. Aprés les raisons déduites de part et d’autre Mr du Val dit qu’il fut jugé pour les enfans. La Cour remarquera, s’il luy plaist, que la mere avoit déja fait une disposition, qui avoit comme saisi le sieur de Theligny son fils de sa portion, qu’il avoit déja hypothequée à ses creanciers.

Le second Arrest est du 20 de Juillet 1611. rendu entre Marie Bonnel, femme autorisée par Justice, au refus de Philippes des Granges, tant pour elle que pour ses freres et seurs, appelans de la saisie réelle et établissement de Commissaires d’une part, et Dame Charlotte Blanches separée de biens, intimée et demanderesse en sommation, d’autre, et les sieurs Bonnel intervenans Il paroit par cet Arrest que le sieur Bonnel ayeul n’ayant donné à son fils que l’usufruit de son biens les créanciers de son fils s’en seroient plaints, et auroient voulu en faire vendre la proprieté pour être payez de leurs credites. Les enfans du fils, ausquels la proprieté en avoit été donnée, appelerent de la saisie réelle, et conclurent à ce que main-levée leur fût faite, par le moyen de la substitution des biens de leur ayeul. Aprés les conclusions de Mr Servin, Avocat General, qui dit que la proprieté est pour les enfans, sauf aux creanciers à se pourvoir sur les autres biens.

La Cour par cet Arrest declara la proprieté desdits biens, qui ont appartenu à fayeul, exempt. et déchargez des dettes de Loüis Bonnel son fils, sauf aux creanciers à se pourvoir sur lusufruit d’iceux

Le troisième Arrest est extrait d’un recueil d’Arrests prononcez en Robe Rouge, fait par Me François de Montelon Avocat au Parlement. Arrest 121. dont le fait est ainsi rapporté sean Pigeard eut trois enfans mâles, et deux filles d’un premier lit, entre les mâles êtoit un nommé Abraham ; du second lit il eut trois filles et un fils, avant son decez il fit son testament, par lequel il donna deux mille fivres audit Abraham ; et dautant qu’il étoit débile d’esprit il luy prohiba de les aliener, voufut qu’aprés son decez les deux mille livres appartinssent à ses enfans du second lit, sans distraction de legitime, ni quarte trebellianique : aprés le decez dudit Abraham les enfans du second lit dirent qu’ils étoient substituez par une substitution exemplaire, faite par le testament de leur pere, &c. Par Sentence du Senéchal de Lyon le testament fut confirmé.

Appel, par Arrest la Sentence fut confirmée. La Cour est suppliée d’observer icy que le pere testateur s’étoit remarié, et avoit fait en faveur des enfans du second lit cette substitution qui fut neanmoins jugée bonne.

Le quatrième Arrest est du mois de Février 1634. rapporté dans le Journal des Audiences, rendu au Role de Paris en la cause du nommé Bourgoin, Procureur au Châtelet, qui ayant son fils mauvais ménager, et apprehendant que ce fils ne laissât rien à ses enfans, petits enfans de luy Bourgoin, fit son testament, par lequel il substitua ses petits enfans en la part de ses biensmeubles et immeubles, qui pouvoient échoir de sa succession à sondit fils mauvais ménager, sans distraction de legitime, et ce testament fut confirmé par Arrest.

Le cinquième Arrest est du 9 d’Avril 1647. que j’ay remarqué cy devant, rendu pareillement au Role de Paris dans la cause de Martin’Anceaume, qui voyant le mauvais état des affaires de son gendre et de sa fille, leur auroit laissé Iufufruit de la part et portion qui leur ouvoit appartenir en sa succession, et la proprieté à leurs enfans. Me Michel Langlois, Avocat du gendre et de la fille, disoit que le testament et le contrat de donation en question portoit avec soy la marque de suggestion toute apparente, n’étant pas croyable qu’un pere et une mere, ausquels les appelans, gendre et fille, n’ont jamais donné aucun sujet de mécontentement, ayent fait des dispositions de leur bon gré, qui leur soient si desavantageuses que celles portées par ledit testament et donation, ne s’étant pas contenté de leur avoir substitué ce qu’ils pourroient leur ôter, mais aussi ce qui leur êtoit déféré par la loy, qui ne peut être grevé l’aucune charge ni substitution, et il ne faudroit pour prouver le vice et la nullité de ce testament ou donation, que dire que ledit testament est conçû avec éloge et notte, contre ce qui est de la doctrine des loix et des Arrests, et de l’affection paternelle à l’endroit des enfans, ne se pouvant dire que les appelans ayent jamais fait aucun acte de prodigalité ou de profusion, pour lequel ils méritassent une telle disgrace ; néanmoins comme leur dessein n’est pas d’impugner temerairement cette dernière disposition, ils consentent volontairement la substitution pour ce qui est du surplus de la degitiie, sans en pouvoit disposer sinon pour le mariage de leurs enfans. Quant à la legitime, ils soûtiennent qu’elle ne peut être substituée ni grevée d’aucune charge, suivant les termes de la Coûlume de Paris, Art. 298. et la doctrine des Arrests, &c Me Marie l’Hôte dit que le testament et la donation est une sage prévoyance du pere et de la mere, lesquels ayans vù les affaires de leur gendre et fille en assez mauvais ordre, soit par leur imprudence ou par le malheur du temps, ont voulu apporter quelque précaution, et que c’est le cas particulier où la substitution de la legitime a lieu, comme il a été jugé par plusieurs Arrests, entr’autres par celuy de l’année 1609. pour le nommé Antoine Portail, &c.

MrBignon , Avocat General, remontra que le testament et la donation ayant toutes les marques de la prudence d’un pere et d’une mere prévoyans, et ne contenant aucune disposition qui puisse tomber dans la censure des loix, son avis étoit que l’Arrest fut confirmé. Aussi par on Arrest la Cour declara le testament dont est question, et autres actes faits en consequence, oons et valables, ordonna qu’ils seroient executez, &c. La Cour voit que dans cette espèce, le gendre et la fille n’étoient point accusez de mauvais ménage, car Me Marie l’Hôte reconnoissoit que le mauvais ordre de leurs affaires ne venoit que du malheur des temps ; toutefois la Cour confirma la fubstitution du bien de l’ayeul faite au profit de ses petits enfans.

Les six et septième sont deux Arrests contradictoires transcrits au pied l’un de l’autre, ren dus en l’Audience de la Cour, le premier du 8 de May 1686. entre Dame Marguerite du Breüilde-Theon, veuve de défunt Michel Souchet, Ecuyer, sieur de la Dourville, au nom et come de me tutrice des enfans mineurs du défunt et d’elle, appelante des saisies réelles et criées faites en sur les biens substituez par défunt Jean Souchet, Ecuyer ; sieur de la Dourville ; et Demoiselle Gabrielle Leveque fa femme, demanderesse en ouverture de substitution ; et la pluspart des creanciers dudit défunt Michel Souchet, mary de la demanderesse. Le fait sur lequel est intervenu l’Arrest, est tel : Le 17 Mars 1652. Jean Souchet, Ecuyer, sieur de la Dourville, et Demoiselle Gabrielle Levéque, sa femme, ont fait leur testament, par lequel aprés avoir inctitué Michel Souchet, sieur de la Dourville leur fils ainé, pour leur heritier universel, à la charge de donner à Jean Souchet, son frère, la Seigneurie, &c. ils ajoûterent, et dautant que Michel nôtre fils ainé et nôtre heritier, a creé plusieurs dettes à nôtre grand déplaisir, par le noyen desquelles le survivant de nous seroit en danger de voir dissiper par les creanciers le bien que le prédecedé luy auroit laissé, desirant y pourvoir entant qu’en nous est, et conserver les biens dans nôtre famille, nous nous sommes conservé l’usufruit au survivant, de tous les biens qui devoient échoir audit Michel Souchet ; et outre en la même consideration, avons substitué et substituons tous les biens-meubles et immeubles qui resteroient audit Michel Souchet, en cas qu’il meure sans enfans procréez de loyal mariage, à ses autres freres ou à leurs enfans, qui se trouveront en état de recueillir sa succession, &c. Jean Souchet pere étant décedé, Michel Souchet, son fils ainé, con-tracta mariage avec ladite Marguerite du Breüil-de-Theon, et déceda engagé de toutes parts : ses créanciers firent saisir réellement tous les biens provenans de la succession de Jean Souchet, on père ; ladite du Breüil-de-Theon, comme tutrice de ses enfans, s’opposa à la saisie réelle, et puis en interjetta appel. Comme elle poursuivoit en la Grand. Chambre, Dirco Jensent se prétendant créancier, la veille de la plaidoirie fit signifier une évocation en la Chambre de l’Edit, sur la déclaration de ladite du Breüil-de-Theon, qu’elle consentoit que lArrest qui interviendroit en la Grand-Chambre, ne pourroit nuire ni préjudicier au demandeur en évoca-tion : La cause fut plaidée, et la Cour par le premier desdits Arrests auroit conformément à ladite substitution fait main-levée pure et simple, des saisies faites sur lesdits biens substituezs à la charge de payer par la partie de Billard, suivant sa declaration, les dettes du pere et de la mere, et Acte à la partie de Billard de ce qu’il consentoit, que le present Arrest ne pût nuire ni préjudicier au creancier, qui donna sa requête à la Chambre de l’Edit ; ce sont les propres termes dudit premier Arrest.

Le deuxième desdits Arrests du 17 d’Aoust audit an 1666. à été rendu entre ladite Dame Marguerite du Breüil-de-Theon demanderesse en requête, afin de faire déclarer ledit Arrest f remier commun, tant avec ledit Dirco Jensent, Marchand à Angoulême, ( qui est celuy qui s’étoit détaché des autres creanciers pour se pourvoir à la Chambre de l’Edit jqu’avec le surplus des autres creanciers, qui se trouvoient n’avoir point été compris dans l’autre Arrest, et sur la demande faite par ledit Dirco Jensent en ces termes ; en ce qu’entant que besoin seroit, il fut recû opposant à l’execution dudit Arrest du 18. de May, qui n’a pas été rendu avec luys faisant droit sur son opposition, declarer ladite du Breüil-de-Theon non recevable en ses apr pellations, et demande en ouverture de substitution, ou en tout cas faire distraction de ladite substitution de la legitime appartenante audit défunt sieur de la Dourville en qualité d’ainé, tant dans les fiefs que dans les autres biens, &c. La Cour, conformément aux conclusions de Mr l’Avocat General Talon, sur les requêtes afin d’opposition et de distraction, a mis et met les parties hors de Cour et de procez, et en consequence faisant droit sur la requête du deuxième Juillet declara l’Atrest commun avec toutes les parties. La Cour est suppliée de prendre tout au long la lecture de ce dernier Arrest, dans lequel les plaidoyers des Avpcats et les moyens respectifs des parties ont été amplement déduits, et d’observer que Monsieur d’Avocat General dans son plaidoyé, auroit fait souvenir la Cour entr’autres choses, que lors de la plaidoirie de la premiere cause, il avoit remarqué que Monsieur le President de Harley en avoit prononcé un Arrest en Robe Rouge, et en suite l’avoit pratiqué dans sa famille, à quoy il ajoûte ce que la Cour avoit depüis confirmé. par une infiité d’Arrests contre les enfans ou les gendres, qui s’étoient élevez contre ces substitutions, &c.

Et il ne se trouvera pas que les croanciers qui plaident aujourd’huy contre Madame la Princesse de Guimené, puissent jamais alléguer d’autres moyens que ceux qui furent alléguez lors dudit Arrest par les croanciers dudit feu sieur de la Dourville fils, pour parvenir à cette prérenduë distraction de legitime ; la clause de la substitution faite par le testament du feu sieur de la Dourville pere, de ses biens-meubles et immeubles, à cause du mauvais ménage de son fils, y est rapportée ; l’Article 93. de la Coûtume d’Angoulmois, demeure des parties, y est aussi rapporté ; enfin-il n’a rien été. omis de tout ce qui pouvoit servir à la cause des créaneciers, ou au contraire. Madame la Princesse de Guimené a des moyens sans comparaison bies plus forts, plus pressants, et plus considérables. pour faire confirmer la substitution dont il s’agit, que ceux que n’avoit pas la Dame de la Dourville, comme la Cour a pû voir par toutes les pieces cy-dessus produites, et qu’elle continuëta de voir par les pieces cy-aprés produites et là-dessus la Gour est tres-humblement priée de remarquer trois choses. La premiere, que dans cette cause il n’y a point de creanciers de Monsieur et de Madame de Guimené qui fassent aucun obstacle à la substitution. La seconde, que les creanciers du sieur Duc de Mons bason ont leurs droits réservez sur les joüissances tant qu’il vivra, au lieu que dans l’Arrest de la Dourville les creanciers ont perdu toutes leurs dettes, parce que le fils étoit décedé lors de l’Arrest. Il y a plus encore au regard dudit sieur Duc de Monbason ; car outre cette joüissance étoute entiere, qui luy est laissée par le testament de feu Monsieur son pere, outre qu’il luy treste encore des fonds de ce qui luy a été donné par son traité de mariage, sur lesquels fonds, comme sur les revenus, les créanciers se peuvent faire payer. Il est certain que ledit sieur Duc dé Monbason n’ayant pas encore atteint l’âge de quarante ans, selon l’ordre de la nature, il doit suivre Madame la Princesse de Guimené sa mere, la succession de laquelle luy laissant une joüissance encore beaucoup plus considérable, il y a plûtost lieu de croire que ses dettes seront payées que de ne l’être pas, et que dés à present sur les joüissances appartenantes audit sieur Duc de Monbason, ceux d’entre ses créanciers qui se prétendent privilegiez, ou qui se croitont les plus legitimes, pourront demander à être payez par préference de ce qui leur est dûmais quoy qu’il en soit ç’a été ausdits créanciers à prendre leurs mesures, quand ils ont traité avec leur debiteur, rien ne les y a obligez que le profit extraordinaire qu’ils en tiroient si aujourd’huy leur condition ne se trouve pas bonne, ils ne s’en doivent prendre qu’à euxmêmes, et tant s’en faut qu’ils soient à plaindre, il a été remarqué cu-dessus qu’ils sont fauteurs, complices, adherans du malheur et de la perte de leur debiteur. La seconde chose est que la maison de Rohan étant plus illustre que celle de la Dourville, elle métite mieux d’être conservée.

Par l’Arrest le testament fut declaré valable, à l’égard de Mr le Duc de Monbason et de ses creanciers ; mais à l’égard de Messire Loüis de Rohan, comme la preuve de son mauvais ménage n’étoit pas certaine, la substitution n’eut point d’effet.

Pour faire subsister ces dispositions il faut que le fils soit un dissipateur, et que son mauvais ménage soit notoire et connu, autrement le pere ne peut priver son fils de sa legitime, parce qu’elle est duë jure naturae ; cela fut jugé pour le Chevalier de Rohan par l’Arrest cydessus le 7 d’Aoust 1647. et il fut dit qu’un pere n’avoit pû substituer à la legitime de ses enfans, et qu’ils la doivent prendre sans aucune charge en corps hereditaires, sans avoir égard à un testament holographe, par lequel un pere avoit substitué ses petits enfans à ses enfans, sans qu’ils uy en eussent donné aucun sujet.

On embarrasseroit fort un Docteur, qui ne connoîtroit que le droit Romain, en luy soûtenant que le mort saisit le vif, et que la possession du défunt se continuë de plein droit à son heritier ; en effet cette proposition est contraire aux Loix civil et aux sentimens des Interpretes, qui établissent pour maxime que possessio defuncti non transit ad heredem, priusquam fuerit ver eum naturaliter apprehensa, l. Pomponius. S. quesitum. l. qui per universas. 8. quod per colonum. f. de ac4. poss. parce que pour acquerir la possession d’une chose requiritur corpus & animus, l. 3. Cod.

Nonobstant toutes ces autoritez cette Coûtume, et presque toutes celles de France, sont continuer la possession du défunt en la personne de son presomptif heritier, ipfo jure, nullo actus Institutes ne verbo quidem interveniente. EtFaber , cet ancien Praticien, sur les Institutes de Interdictis. S.

Summa, dit que licet vera possessio non transferatur ad heredem, fingitur tamen transferri, & per hoc pore St excusari Stylus curiae Francica, ubi heredes se dicunt saisitos et turbari ex possessione, et concludunt ex casu novitatis : ce qu’il repete encore sur le S. Retinendae possessionis du même titres et hoc est ferè ut interdictum uti possidetis. Quelques Interpretes du Droit n’ont pas ignoré cette Castre Ceûtume de France ; Paul de Castre, sur la I. qui universas. 8. oossessionem de acquir. heredi Arcurse, sur la l. in suis de liber. et posthum. dit possessionem que quidem penes defunctum fuit, juris artificio & subtilitate in suum heredem utpote jam destinatum Dominum transmitti : Mais cette Accurse opinion d’Accurse est reprouvée presque par tous les Interpretes du Droit. Il est donc vray de dire que ce mot saisit transfere à l’heritier une possession réelle, véritable et immediate, ton abdicative tantùm, aut simpliciter privatixé, sed translativé, pour user des termes de Mr d’Argentré , Art. 509. gl. 3. Ce même Auteur traite la question, si la disposition de cet Article vera sit passive s Si le creancier de la succession veut conclure contre l’heritier presomptif, comme étant saisi de la succession, et il conclod que ut acceptatione hereditatis ipfo jure adipiscitur possessionem, tam passive uti cogendus est, quam cum active uti liber. L’heritier, quoy que saisi, ne peut pas neanmoins être condamné personnellement, s’il n’accepte pas la succession, et en vertu de cet Article il ne faut pas douter que la succession ne soit transmise à l’heritier le plus proche du défunt, quoy qu’il ne paroisse aucune acceptation expresse ou tacite de sa part, nonobstant la décision du S. Novissimo. l. un. C. de Ca. toll. hereditate nisi fuerit adita, transmitti nec veteres concedebant, nec nos patimur. On en alléguoit pour raison que l’adition d’heredité consiste en une pure faculté, laquelle n’est point en nos biens, et par consequent ne peut être transmise : Mais quoy que nul ne soit heritier qui ne veut, puisque le mort saisit le vif, l’heredité non recueillie se transmet,

La Coûtume ne donne cette saisine des biens du mort qu’à ces deux conditions, que l’on soit le plus proche et le plus habile : il ne suffiroit pas en succession de propres d’être le plus proche ; un parent de la ligne directe plus éloigné seroit preferable à un autre plus proche qui n’en seroit pas. Il faut être aussi capable de succeder, car inutilement l’on seroit le plus proche si l’on n’étoit pas aussi le plus habile : Ces deux conditions sont si necessaires, que quand la Coûtume n’en auroit pas disposé de la sorte, on présumeroit toûjours qu’elle auroit eu cette intention : Nam legum beneficia capacibus scripta sunt non odiosis et incapacrbus. I. Lucius Titius de leg. 3. ff.

Cet Article se peut diviser en ces sept parties. Premierement, si cette regle, le mort faisit le vifs a lieu pour routes sortes d’heritiers, pour l’heritier par benefice d’inventaire, comme pour heritier simple ; Secondement, s’il a lieu en toutes successions : Troisiémement, si en vertu de cet Article. l’heritier le plus habile à succeder est si réellement saisi de la succession d défunt, qu’il n’ait besoin de faire aucune déclaration ni acte d’heredité, à l’effet que la succession ne soit point reputée jacente : Quatriémement, en quel temps il faut être le plus proche et le plus habile pour succeder : Cinquiémement, si en consequence de ce que le mort saisit le vif il est obligé de prendre la succession, ou si ne pouvant y être contraint, ce qu’il doit faire pour l’être pas reputé heritier, et enfin quels Juges sont competens de connoître de la succession On a douté si l’heritier par benefice d’inventaire étoit compris dans la disposition de cet Article, ne pouvant prendre cette qualité avant que d’avoir obtenu des Lettres du Prince, et d’avoir accompli les solennitez requises. Cette maxime, le mort saisit le vif, ne le concernoir point, et la possession du défunt ne pouvoit se continuer en sa personne, puisqu’il n’est point heritier, quoy qu’il soit le plus proche et le plus habile, et qu’il peut être exclus par un parent plus éloigné qui se déclarera pur et simple. On répond que le benefice d’inventaire n’empesche ti point qu’il ne soit saisi, lorsqu’il est le plus proche et le plus habile à succeder, parce qu’il est toûjours heritier veré heres. Il est vray qu’il né peut s’éjoüir de la grace et de l’effet du benefice d’inventaire qu’aprés avoir gardé toutes les formes prescrites ; et c’est le sentiment de Tiraquel Mr Tiraqueau, en son Traité, le mort saisit le vif. 2. p. declat. 2.

Bien que quelques uns estiment que les Seigneurs feodaux succedans à leurs vossaux à droit de deshérance ou de bâtardise soient saisis de la succession comme leurs hoirs les plus proche et les plus habiles, il est certain que cet Article ne comprend point les Seigneurs feodaux sous Loyseau e mot d’heritiers. Il est bien vray, comme l’a remarqué Loyseau des Seigneuries, c. 12. n. 84. qu’en France nous ayons trois sortes d’heritiers, à sçavoir les vrais heritiers, qui parmy nous sont ceux du sang, qui sont successores juris ; les successeurs universels, qui sont successores bonorum, et non juris, et les successeurs particuliers, comme les donataires singuliers, certorum bonorum, c et les Seigneurs succedans par deshérance, bâtardise, confiscation, qui ne succedent pas à tous les biens de leurs vassaux, mais seulement à ceux qui relevent d’eux, mais ils n’y succedent pas par la translation ou transmission du droit du défunt en eux, c’est par un retour naturel et par la reünion au fief. Aussi il n’est pas de l’usage qu’un seigneur intente le cas de saisine ou de nouvelleté, il ne prend la possession des biens qui luy retournent que par la voye de la reünion.

En toutes successions directes et collaterales le mort saisit le vif, et nôtre usage est contraire à la Coûtume de Bretagne, Article 538. où le mort ne faisit le vif qu’en ligne directe, et non en collaterale : Nôtre usage est plus raisonnable, parce qu’il empesche le Fisc ou les Seigneurs eodaux de s’emparer de la dépoüille des morts, et qu’ils ne relacheroient qu’avec peine, sur tout quand ils auroient affaire à des heritiers pauvres et indéfendus ; on ne manqueroit pas à contredire leur genealogie et à leur en rendre la preuve impossible : Et cette raison doit prévaloir sur l’inconvenient que propose Mr d’Argentré , sur l’Article 411. de l’ancienne Coûtume, pour appuyer la disposition de la Coûtume qui met en la garde de Justice les biens de ceux qui meurent sans enfans, ne festinata traditio possessionis alterum inauditum premeret, aut pragravaret duriori constituto adversarium, on ne sçauroit gueres avoir un adversaire plus facheux que le

Seigneur, dont les héritages relevent. La Coûtume d’Auvergne est conforme à celle de Masuer Bretagne, et c’est aussi la doctrine de Masuer, qui étoit Auvergnac, Tit. des Succes. n. 33.

La question, si l’heritier presomptif est saisi si absolument quesans aucun acte déclaratoire de à volonté le droit luy en soit acquis itrevocablement, sans en pouvoir être dépossedé par la naissance posterieure d’un parent plus proche, a été disputée deux fois en ce Parlement.

Pièrre la Caille avoit deux enfans, Robert et Jossine ; en mariant son fils il le reçût en communauté, durant laquelle ils firent quelques acquests. Robert étant mort sans enfans son pere contracta un second mariage dont sortit Pierre la Caille : Jossine la Caille, au temps de la mort de son ftere, étoit seule capable de luy succeder, Pierre la Gaille n’étant venu au monde que long-temps aprés : Or pour regler le droit et la capacité de succeder, on régarde le temps de l’écheance de la succession : Pièrre la Caille répondoit que les freres excluent les seurs, que l’adition d’heredité ne consistoit pas en une pure faculté, qu’il étoit vray que la succession appartenoit à Jossine la Caille, si elle avoit voulu la prendre, ou au moins qu’elle eût témoigné par quelque acte que c’étoit son intention de l’accepter ; ce que n’ayant pas fait, et trouvant encore cette succession jacente, il pouvoit la prendre comme étant le plus habile : La raison de douter étoit si l’on devoit reputer la succession jacente, car puisque le mort saisit le vif de plein droit, on ne pouvoit pas dire qu’elle ne fût pas veriablement saisie sans être obligée d’en faire aucune acceptation expresse, et elle ne pouvoit en être privée qu’en consequence d’une renonciation, que cet Article y étoit formel, puisqu’il ne requiert aucun ministere de fait, nullo actu, ne verbo quidem interveniente, suivant le sentiment Tiraquel de Mr Tiraqueau : On peut dire au contraire, que le mort ne faisit le vif que quand il agrée cette saisine ; mais comme cette loy ne luy impose pas la nécessité de se porter heritier, aussi il ne devient le maître de la succession que quand il témoigne de l’avoir agreable.

Aussi la Coûtume pour ne laisser pas les choses dans une incertitude perpétuelle, a prudemment ajoûté que l’heritier doit renoncer dans les quarante jours, c’est à dire qu’il doit témoigner s’il accepte la succession nautrement ce mot ; Doit ) seroit impropre, parce qu’il est cettain. ue quand il ne renonceroit pas dans ce terme de quarante jours, on ne le reputeroit pas deritier ; ainsi le véritable sens de cet Article est que le mort saisit le vif, pourvû que dans les quarante jours il accepte la succession. La Coûtume d’Anjou s’en est mieux expliquée, Art. 278. car aprés avoir disposé que le mort faisit le vif son plus proche heritier dans l’an et jour du décez du défunt, et si les successeurs laissent passer l’an et jour sans apprehension de fait et détention de leurs portions, ils n’en sont plus saisis, mais il convient qu’ils y viennent par action. Il importe aux creanciers et aux legataires que le défunt ait un heritier assuré contre lequel ils puissent former leurs actions, autrement un parent plus éloigné peut se porter heritier, ce qu’il ne peut faire dans le delay de quarante jours, qui est donné à l’heritier resomptif pour deliberer ; et c’est à quoy le droit civil avoit pourvû fort prudemment dans le titre de Succes. edict. ff. successorium edictum propositum est, ne bona hereditaria vacua sine Domino diutiùs jacerent. l. 1. Pour cet effet on limitoit un temps dans lequel il falloir prendre la possession des biens, ut maturiùs possint creditores scire utrum habeant cum quo congrediantur : et co terme êtoit ordinairement de cent jours, à la réserve des peres et meres et des enfans à qu l’on donnoit un temps plus long à cause de leur qualité, quibus largius tempus petendae bonorum possessionis tribuitur in honorem sanguinis

Il est vray que quand les heritiers legitimes n’auroient pas demandé la saisine et possession les biens dans les cent jours, ils n’en étoient pourtant pas privez. l. 1. C. de suis et leg. herede Accurse parce que comme Accurse et Bartole l’ont dit sur la loy quamdiu de acquir. heredit. lorsque le droit de succeder est déféré par la loy, il est perpetuel, mais cependant l’heredité est reputée jacente, et nous suivons plûtost cette opinion que celle de quelques Docteurs qui ont estimé que quand le jour préfix étoit passé, l’heritier en êtoit exclus ipfo jure, et que la succession étoit aussi-tost déferée au plus proche heritier ; même ab intestat. Il semble juste toutefois puisque l’heredité est reputée jacente, lorsque l’heritier legitime, ne l’a point acceptée, qu’il soit preferé, ou si celuy qui se presente pour prendre la succession est en égalité de degré, qu’il coneurre : et apparemment nos Reformateurs ont eu égard au droit civil, en ordonnant que l’heritier doit renoncer dans les quarante jours, autrement que la possession ne luy est point acquise à l’effet d’exclure un heritier plus proche qui surviendroit : Sur cette question il y a eu Arrest, au Rapport de Mr de Banneville, le premier d’Aoust 1618. par lequel la succession e Robert la Caille fut ajugée à Pierre la Caille.

Cette mêmg question s’offrit encore en l’Audience de la Grand. Chambre le r6 de Janvier 1665. entre François Cousin d’une part, et Hervé, Robert et Guillaume Cousin d’autre. Une femme nommée des Alés avoit épousé le nommé Orient en premieres nopces, elle épousa depuis Loüis Cousin, Avocat au Pontlevéque : Aprés la naissance de François Cousin leur ils ainé, une des filles de ladite des Alés sortie de son premier mariage mourut. La succession aux meubles retournoit à François Cousin, son frere uterin. Trois ans aprés Loüis Cousin eut encore d’autres enfans, et auparavant il n’avoit point declaté à François Cousin, son fils ainé, lorsqu’il êtoit encore seul d’enfans, que la succession de sa seur uterine luy êtoit échûé, mais François l’ayant sçù il en demanda compte à son père : Ce pere pour s’en dispenser fit intervenir ses trois autres enfans pour demander part à cette succession : le Juge ayant renvoyé les parties en la Cour, Greard, Avocat de François Cousin, maintenoit que la succes-sion luy appartenoit, et ne pouvoit être reputée jacente, et que par consequent ses freres n’y avoient point de droit : Pour avoir part à une succession, il falloit être in rerum naturâ lors de l’écheance, lex civilis eos tantùm ad hereditatem vocat qui in rerum naturâ fuerunt, moriente eo de cujus bonis agitur. l. 1. 8. sciendum l. 6. et 7. de suis et leg. hered. V. Loüet l. R. n. 38. He. roüet pour les fretes convenoit de cette regle, mais il soûtenoit que c’étoit assez qu’au temps. de la naissance de ses parties la succession fût encore jacente : Il est vray que le mort saisit le vif sans aucun ministere de fait, aditionis nulla necessitas, nulla solemnitas. Mr d’Argentré , Art. 54. gl. 1. n. 5. Mais les paroles signifient simplement que le droit est pleinement acquis au plus proche sans aucune autre formalité. Par l’ancienne Coûtume il falloit prendre un Bref de mort d’ancesseur, il en étoit saisi jure non tamen effectualiter. Pour empescher que la succession ne soit jacente, l’heritier doit faire paroître en quelque manière son intention. La Coûtume s’en est expliquée nettement sur la fin de cet Article, ayant omis au commencement d’ordonner que l’heritier seroit tenu d’accepter ou de renoncer, elle ajoûte à la fin que le tuteur doit renoncer on accepter dans les quarante jours ; d’où il s’ensuit que suivant ce que j’ay dit cu-dessus, les quarante jours sont un terme préfix pour renoncer ou accepter, à faute dequoy lheritier n’est point reputé saisi, mais la succession demeure jacente. En l’Arrest d’Emond et Hurel rapporté parBérault , les seurs avoient agy pour la succession de leur frere avant la naissance de leurs autres freres ; ainsi la succession n’étant plus jacente, elles ne pouroient être excluses par la naissance de leurs autres freres posterieure à leur acceptation. Cette cause fut appointée au Conseis

Berault a fait mention de l’Arrest de Maigret, en voicy l’espece et les raisons plus au longMaigret êtoit appelant d’une Sentence qui le déclaroit non recevable à appeler et à se porter heritier de son ayeul, dont la succession n’avoit pas été acceptée par son pere, et qui avoit été saisie réellement par les créanciers de son ayeul, et ajugée par decret. Il se maintenoit capable de prendre la succession de son ayeul, et que par consequent il êtoit recevable à appeler du decret, quoy qu’il n’y eût aucuns biens, hereditas enim sine ullo corpore juris intellectum habet, l. hereditas de petend. heredit. D. L’ajudicataire des biens vendus par decret, répondoit que Maigret n’étoit né ni concù lors de l’écheance de la succession de son ayeul, que le mort saisit le vif, ce qui ne pouvoit être appliqué à Maigret ; qui nondum erat in rerum naturâ. Par Arrest du 4 de Mars 1608. Maigret fut reçû appelant du decret comme heritier de son ayeul, et ordonné que les parties en viendroient sur lappel : la I. Titius de leg. hered. semble contraire à cet Arrest. Is qui post mortem avi concipitur, is neque hereditatem ejus tanquam suus heres, neque bonorum possessionem tanquam cognatus accipere potest, quia lex 12. tabul. vocat ad hereditatem qui noriente eo de cujus bonis queritur in rerum naturâ fuerint ; mais on répond que cette succession étant encore jacente, elle pouvoit être prise par lheritier ab intestat.

Autre Arrest sur cette question, sçavoir si un enfant qui n’étoit point né lors de la succession échûë de son ayeul, et à laquelle son peré avoit renoncé, et qui avoit été prise par be-nefice d’inventaire par un du lignage, êtoit recevable à la demander êtant encore en minorité Revel étant mort, son fils renonça à sa succession. Elle fut prise par benefice d’inventaire par un parent collateral : Cependant ce Revel qui avoit renoncé ayant eu un enfant, il le fit porver heritier absolut de son ayeul, ce qui luy fut contesté par lheritier beneficiaire. Revel ayant appelé d’un appointement à écrire, il soûtenoit que son fils ne pouvoit être exclus de cette succession, encore qu’il ne fût point né lors de l’écheance d’icelle, nam qui in utero sunt pro jam natis habentur, quoties agitur de eorum commodis, que les lettres de benefice d’inventaire sontenoient toûjouts cette clause, pouroû qu’il ne se presente aucun du lignage ; ainsi se presentant pour succeder à son ayeul il y venoit de son chef, et non point par la representation de son pere, à quoy la renonciation de son pere ne luy portoit aucun préjudice. Arondel pour l’heritier beneficiaire s’appuyoit sur cette raison, que Revel n’étoit point conçû tempore delata bereditatis, et par consequent il n’étoit point habile à succeder, parce que le mort saisit le vif et que la possession fe continuë en la personne de celuy qui est capable de succeder : l’Arrest de Maigret ne faisoit point de consequence, parce que son pere n’avoit point renoncé, et que la succession étoit encore jacente, que Revel étoit un mineur, lequel aprés avoir pris cette succession pourroit y renoncer, ce qui mettroit les choses dans la confusion, suivant le droit écrit il n’étoit point necessaire d’obtenir des lettres de benefice d’inventaire. Par Arrest du 30 de Juillet 1610. la succession fut ajugée à Revel. Cet Arrest a été remarqué par Berault sur l’Article 90. et par Godefroy sur cet Article ; mais le motif de l’Arrest fut que le benefice d’in-rentaire n’étoit point encore ajugé, de sorte que la succession êtoit encore reputée jacente.

Les Docteurs sont d’accord que quant au droit et à la faculté de succeder, il faut être in rerum naturâ, ou par la conception, ou par la naissance au temps du decez de celuy de la suc-cession duquel il s’agit, lorsqu’il s’agit d’une succession collaterale : mais cela reçoit de la diffieulté pour la succession en ligne directe.Bartole , sur la l. 1. Ci de his qui ante apert. tabul. a été d’avis que le fils venant à déceder avant que d’avoir pris la succession, il ne laisse pas de la transmettre avec la faculté de l’accepter à ses enfans, bien qu’ils soient nés depuis le decez de leur ayeul. D’autres Docteurs ont fait différente entre le pere qui avoit renoncé et celuy qui étoit demeuré dans le silence, car le pere qui a renoncé ne la peut transmettre ; mais quand il est demeuré dans le silence, cette adition ou acceptation d’heredité est aisément présumée, à l’effet que le fils qui a survécu son pere venant à déceder, ses enfans viennent à la succession de leur ayeul, et l’on peut appuyer cette distinction sur la l. unic. C. de his qui ante apert. tabul. suivant laquelle l’heritier institué s’il décede avant l’ouverture du testament peut transmettre la succession à ses heritiers, heredes instituti et ante apertas tabulas defuncti, sive se no-verint heredes scriptos, sive ignoraverint in liberos suos cujuscunque sint sexùs vel gradùs derelictam sibi portionem hereditariam possunt transmittere, si tamen hereditatem non recusant ; mais on approuveroit difficilement cette doctrine dans les lieux où par les Coûtumes le mort saisit le vif ; car la succession étant par ce moyen acquise de plain droit à celuy qui se trouve le plus proche heritier au temps du decez, il ne seroit pas raisonnable qu’il en fût dépoüillé par celuy qui n’auroit été conçû que long-temps aprés

On a jugé qu’un mineur, en se portant héritier absolut, ne pouvoit exclure l’heritier beneficiaire ; mais en l’espèce de cet Arrest c’étoit un petit fils qui demandoit la succession de on ayeul, et en ligne directe l’heritier absolut n’exclud pas même l’heritier beneficiaire plus proche.

oicy une espèce particuliere, où nonobstant l’adition d’heredité on fut obligé d’en faire part à des enfans nés depuis la succession échûë. François Gamard, pere de Pierre et de Jacques, donna à Jacques son puisné en faveur de mariage et en la meilleure forme qu’il pou-voit, dix-huit journaux de terre situez en Caux, et le reserva à sa succession. Jacques moutut laissant un fils qui mourut sans enfans : Marie et Catherine Gamard, filles de Pierre ses cousines germaines luy succederent en ces dix-huit journaux de terre. Cependant François Gamard leur pere s’étant remarlé eut un fils nommé Jean, et sous son nom il poursuivit ses filles pour faire part à Jean leur oncle de ces dix-huit journaux de terre ; sur cette action les parties furent mises hors de Cour, sauf audit Jean aprés la mott de son pere à demander le rapport desdites terres, ce qu’il fit aprés la mort de son pere : Lesdites filles soûtenoient que ces terres tenoient lieu de tiers et de legitime que Jacques Gamard son fils en avoit hérité, et que ce fils étant mort avant la naissance de Jean elles avoient été seules capables de luj succeder, puisque le mort saisit le vif. Jean répondoit que le pere n’avoit eu intention que de donner dix-huit journaux de terre, et non le tiers, et bien que son pere ne fût encore remurié lors de la mott du fils de Jacques, cela ne les dispensoit pas de rapporter à la succes-sion de son père ces dix-huit journaux de terre, parce que cette donation faite à Jacques n’étoit qu’un avancement de succession : Par Arrest en la Grand. Chambre du 1é de May 1660. au rapport de Mr Buquet, elles furent condamnées à rapporter à la succession de leur ayeul esdites terres pour être partagées entr’elles comme heritières de leur pere, et ledit Jean leur oncle.

L’absence de l’heritier presomptif n’empesche pas qu’il ne soit reputé saisi ; mais en cas d’une ongue absence, ou dans l’incertitude de la vie de l’absent, ses coheritiers, ou ses heritiers presomptifs peuvent demander l’envoy en possession des biens hereditaires. Par l’Article 269. le la Coûtume d’Anjou, si aucun a êté absent du pais par sept ans continuels, tellement que sa femme, ou ses enfans, ou ceux qui seroient ses prochains heritiers n’en eussent eu nouvelles, et il fût absent par sept ans continuels sans venir, ceux qui doivent être ses heritiers se peuvent ensaisiner des choses de sa succession.

Cette Coûtume l’ordonne de la sorte pour éviter les frais d’une curatelle, mais parmy. nous cela ne se fait pas ordinairement sans bailler caution de rapporter les fruits en cas du retour de l’absent. C’est une maxime au Parlement de Paris confirmée par plusieurs Arrests qu’un absent par neuf ans, dont on n’a ouy aucunes nouvelles, et la vie duquel est incertaine, est présumé mort, à l’égard du partage de ses biens entre ses heritiers, en baillant caution de rapporter en cas de retour, et comme nôtre Coûtume n’a point défini de temps aprés lequel l’absent soit reputé mort, on décide ordinairement ces questions, s’il faut donner caution ou n’en donner pas, suivant les circonstances et les presomptions ; on considère si l’absence est longue, si l’absent êtoit jeune, s’il est allé sur mer ou à la guerre, et suivant les vray semblances de la vie ou de la mort, on condamne ou l’on décharge de la caution l’heritier presomptif. Par un Arrest du 2 de Juillet 1631. entre les heritiers de Piquet Tailleur d’habits, on déchargea les coheritiers d’un absent de donner caution, et au contraire Marie. Françoise et Isabeau l’Engigneur, filles de Georges l’Engigneur, aprés une absence de dix-sept années de leur frere, ayant obtenu un Mandement de la Cour pour faire condamner Jacques le Diacre et Me Guillaume Morin, Receveurs des Consignations, à leur payer les deniers qu’ils avoient reçûs procedans du rachapr des rentes appartenantes à leur frere, vû sa longue absence, elles en furent deboutées, faute par elles de bailler caution de les rapporter ; par Arrest en la Grand-Chambre du 16 de Février 1655. il fut aussi jugé de la sorte pour les nommez Boitou, pour lesquels je plaidois en la Chambre de l’Edit, et sans doute à moins que les presomptions de la mort ne. soient tres-fortes, il est plus juste d’assuter les choses et de conserver les interests de l’absent par la caution, aprés une absence qui fait présumer la mort, on la présume du jour du depart. Arrest en la Chambre des Enquêtes de l’Is d’Aoust 1646. entre la Verge et autres.

Le 12 de Mars 1655. en l’Audience de la Grand. Chambre, il fut jugé qu’un absent depuis ix ans n’étoit présumé mort, et son créancier fut reçû à se faire payer sur la succession à luy échûë depuis son absence ; et par Arrest Parlement de Paris remarqué pardu Fréne , l. 2. c. 10. de l’impression de l’année 1652. un homme absent quatorze ans avant la mort de sa mere fut présumé vivant, et la legitime qui luy eût pû appartenir en ladite succession ajugée à ses creanciers, en bail dant caution de la rendre et de la restituer en cas qu’il fût justifié par ses freres qu’il étoit décede devant sa mère. Ce même Auteur, l. 2. c. 118. cite un Arrest qui paroit contraire, par lequel Il fut jugé qu’un absent êtoit reputé mort dés l’instant qu’il s’étoit retiré ou qu’il avoit cessé d’être vâ, à l’effet que son ayeule qui avoit survécu deux ans depuis qu’il n’avoit plus parû, oût être reputée avoir recueilli sa succession quant aux meubles et acquests. Pour concevoir ces deux Arrests cet Auteur remarque cette particularité, que dans le dernier l’absent avoit été envoyé en la ville de Paris pour demeurer chez un Procureur, et qu’à quelque temps desà on ne sçavoit ce qu’il étoit devenu : En l’autre Arrest l’absunce êtoit constante, et il y fut prononcé favorablement pour les créanciers, comme au dernier en faveur d’une ayeule plus favorable que les collateraux. En l’année 1634. Loüis Fauvel, porteur de procuration de son vere, avoit vendu un héritage appartenant à sondit pere au nommé Jumel, cette procuration’étant trouvée fausse le contrat fut cassé, fauf le recours de l’acheteur contre ledit Fauvel pour a restitution du prix par luy touché ; Fauvel s’absenta en ladite même année 1834. et fut à l’armée, et depuis on n’apprit point de ses nouvelles : aprés la mort du pere arrivée en l’année 1644. la succession fut déférée tant audit Fauvel qu’à ses autres freres en l’an 1654.

Dix ans aprés l’écheance de la succession, et vingt ans aprés l’absence de Fauvel, Catherine Billard, veuve dudit Jumel, et tutrice de ses enfans mineurs, poursuivant le payement des condamnations jugées contre l’absent, les frètes de l’absent soûtinrent que leur frère n’avoit amais rien eu en la succession paternelle, parce qu’il étoit party dix ans avant l’écheance d’icelle, ce qui faisoit préfumer sa mort ; au contraire ladite demanderesse alléguoit qu’il devoit être présumé vivant jusques à cent ans, et que suivant l’ordre de la nature il avoit survécu son vere. Elle fut deboutée de sa demande par Sentence du Juge des lieux ; sur l’appel la Cour mit l’appellation et ce dont au neant, et en reformant on condamna les intimez à restituer le prix reçû par Loüis Fauvel leur frere audit Jumel acquereur.

La capacité pour succeder se regle au temps de lécheance de la succession. Par cette raison on ne recherche point les defauts qui ont précedé la naissance, pourvû qu’ils ayent êté reparez ou effacez au temps de la mort de celuy à qui lon succede, ainsi le legitimé a les mêmes Masuer avantages que le legitime, M d’Argentré , Art. 511. gl. 2. n. 2. Masuer, des Succes. n. 35. parce qu’il a été le premier né, et au contraire quoy que le mariage dont est issu celuy qui veut succederp soit diffolu au temps de la succession échûe, pour cause de consanguinité ou pour quelqu’autre empeschement, si toutefois les enfans sont déclarez legitimes ils sont admis à succeder, mais, celuy qui se trouve capable au temps de lécheance de la succession he peut être exclus par ceux qui sont nés depuis, pourvû, comme j’ay dit, que la succession ne soit plus jacente. Arrest du 4 d’Aoust 1665. en la Grand : Chambre, au Rapport de Mr d’Anviray un pere ayant été marié deux fois, et le fils du premier lit étant mort, comme il n’y avoit alors qu’un enfant du econd lit, la succession aux meubles et acquests luy fut ajugée au préjudice de tous les autres freres qui étoient nés depuis la succession échûë : Autre Arrest au Rapport de Mr Fermanel.

Il ne faut pas neanmoins s’attacher à ce terme de né, pout en conclure que celuy qui seroit conçû n’auroit pas le même avantage ; car puisque pour acquerir la possession des biens du éfunt la Coûtume ne requiert aucun acte ni ministere de fait, et qu’elle est transferée par la seule disposition de la loy ; il n’est pas necessaire que cet heritier soit capable d’entendre ou d’agir, et il n’importe qu’il soit mâle ou femelle, et en cette espèce celuy qui est conçû est reputé né, pourvû qu’aprés il vienne au monde vif, qui in utero sunt in toto pene jure civili intelliguntur in rerum naturâ esse, nam & legitimae hereditates ha restituuntur. I. qui in utero a6. de statu hominum. Voyez MLoüet , l. R. n. 38.

Il ne suffit pas d’être conçû, d’être né, et d’être le plus proche, il faut être encore le plus habile, et puisque l’incapacité de hheritier ruine tout le droit que la proximité luy donne, il aut connoître les causes principales qui forment ordinairement l’incapacité ou l’indignité.

Elles sont fondées pour la pluspart sur le defaut de la naifsance, ou sur l’incapacité de celuj qui prétend succeder, sunt incapaces lege, hominis facto, sententiâ, testamento. La loy déclare incapables les étrangers, les bâtards, ceux qui ne sont point sortis d’une conjonction legitime, les Religieux, et autres : L’ancienne Coûtume, au Titre d’empeschement de succession, s’ena explique en cette manière. Les empeschemens d’héritages et de succession sont bâtardise, Religion, forfaiture, et mesellerie ; et dans nôtre usage particulier les filles, lorsqu’il y a des mâles, quoy que toutefois cette incapacité ne soit pas toûjours absolue, perpetuelle, et itre vocable. Les ncapables par testament sont les exheredez, les condamnez par Sentences ou Arrests à des peines capitales, et enfin il y en a qui s’en rendent indignes par leur propre fait. M’d’Argent . Art. 514. gl. 1.

Le defaut de la naissance peut être double, parce que l’on n’a pas le droit de cité comme les étrangers, ou parce que l’on n’est pas sorti d’une conjonction legitime et valable pour produire les effets civils.

Quelque liaison de sang que puisse avoir un étranger avec le défunt, il est incapable de luy oy succeder. Nous succedons par le benefice et par l’autorité de la loy, et non point par la volonté ou par la disposition de l’homme : Or la loy ne communique cette grace qu’à ceux que la naissance a soûmis à sa puissance : Il ne faut pas neanmoins mettre en ce rang les François que la curiosité, le commerce, ou la necessité de leurs affaires a portez en des païs étrangers, quoy qu’ils y soient mariez, leurs enfans même sortis de ces mariages retiennent toûjours le privilege de leur origine paternelle, quand il leur plaist d’y faire leur retour. Le voisinage et le commerce frequent que nous avons dans les païs étrangers a fait naître souvent parmy nous des questions de cette nature.

Me Isaac Basire s’étoit retité en Angleterre, étant encore fort jeune, il y fit ses études et devint Chapelain du Roy de la Grand Bretagne, et pour être capable de posseder les benefices comme un Anglois naturel, il obtint des Lettres qu’ils appellent de denixation, qui n’ont d’autre effet que l’acquerir à l’impetrant le droit de posseder des benefices, en suite il épousa une femme Angloise de laquelle il eur plusieurs enfans ; ces avantages qu’il trouva dans l’Angleterre luy firent negliger tous les droits qu’il pouvoit esperer en France, et quoy que son pere fût mort dés l’année 1637. il n’eut aucun dessein de repasser en France pour recueillir sa succession : Il en abandonna la poüissance à Pierre de Toqueville et à Pierre le François ses beaux-freres, mais en l’année 1647. le malheur du Roy d’Angleterre et le desordre de sa fortune l’obligerent à venir demander la succession de son pere, que jusqu’alors il avoit negligée. Sur l’action qu’il avoit intentée devant es premiers Juges il appela d’un incident en la Cour où le principal ayant été évoqué, Aubout, son Avocat, disoit pour luy que sa demande êtoit fondée sur un utre extrémement favorable, se dire fils de celuy dont il demandoit la succession, n’avoir que des seurs pour parties, et protester que son filence et son fejour en une terre étrangere n’avoient jamais alteré cette ffection qu’il devoit au lieu de sa naissance, sont des raisons assez puissantes pour ne le dépoüiller pas d’un droit qui luy appartient si legitimement, s’il est vray que les droits du sang sont inalterables, et que nos volontez et nos pactions ne puissent rompre cette étroite liaison par laquelle la nature nous unit ensemble, il n’est pas moins difficile de renoncer à son lieu natal, et de perdre les avantages de son origine, comme l’amour de la patrie doit tenir le premier rang dans nos affections, elle doit aussi nous ouvrir son sein et nous tendre les bras, quelque longue que soit l’absence qui nous en a separez, et de quelque climat que le souvenir d’icelle nous y ramene : Ces changemens de païs n’ont le plus souvent pour leur cause que l’interest, la cunosité, ou quelque force majeure ; mais tout cela n’est point capable d’étouffer ces secrettes inclinations que nous inspirent les lieux qui nous ont vù naître, leur souvenir nous y rappelle toûjours, et ton ne peut sans blesser l’humanité nous en interdire l’entrée, sur tout lorsqu’on n’a point fait paroître de volonté ni de dessein d’y renoncer pour jamais, et l’on ne peut donner cette explication à ces Lettres qu’il a obtenuës, qui sont tres-differentes de celles où l’on renonce à sa patrie pour s’engager ailleurs, car elles n’ont eu d’autre fin que de le rendre capable de posseder des benefices.

Je répondois pour de Toqueville que pour faire connoître fûrement si quelqu’un avoit renoncé à sa patrie, il faut considerer si durant son absence il a conservé quelque desir du retour, si habuerit animum redeundi, en ce cas il est toûjours demeuré citoyen, si au contraire il a fait son établissement ailleurs summam rerum ibi constituerit, ibi vita genus, statum, conditionem perpetua mora causâ delegerit, alors comme un transfuge et un deserteur il doit perdre tous les droits de citoyen. Il n’est pas difficile de prouver que le sieur Basire nous avoit abandonnez pour lamais, et qu’il s’étoit choisi un autre Prince, et une autre patrie.

Le droit d’origine parmy les Romains se perdoit en cinq façons, exilio, postliminio, reliectione, ou comme quelques-uns lisent rejectione, dicatione, et allectione. Exilio civitas amitti-tur, quia deportati fiunt MOTGREC : Postliminio verob cum quis aliquâ civitate donatus erat amittere dicebatur postliminio : On en trouve un exemple dansCiceron , Cicero pro Balbo, et dans le Digeste en la personne d’un Menander, lequel aprés avoir été fait citoyen Romain fut choisi pour servir d’Interprete à des Ambassadeurs. Ad populum latum est ut si domum revenisset et inde Romam rediisset ne minus civis efset : Celuy qui établit fixement son domicile ailleurs, civitatem rejicere dicitur.Chopin , l. 1. t. 11. du Dom. de France. Pour cette cause nos Auteurs ont fait cette remarque, que les François bien avisez qui accompagnoient les Princes, les Princesses, et même les Ambassadeurs, afin que leur sortie hors du Royaume ne les fit pas re-puter étrangers, obtenoient des Lettres du Roy pour conserver le privilege de leur naissance.

Sous le regne de Henry III. ceux qui suivirent Madame Marguerite pour être mariée avec le Duc de Savoye, firent lire au Parlement des Lettres de cette qualité : Le même Roy fit verifier une Declaration, qui contenoit que sa sortie hors du Royaume ne le rendroit point in-capable de la Couronne.

Cette manière de renonciation que lon appelle dicatio, se fait lorsque lon s’attache à un Etat étranger, qu’on y prend charge, qu’on s’y matie, en un mot quand on luy dédie tous ses roeux et ses espèrances, ce qui donna sujet à Ciceron de se moquer de certains Romains, lesquels étant à Athenes certo numero, certâ tribu sedebant, cùm ignorarent, si illam civitatem essent ndepri, suam perdidifse. Aussi Pomponius Articus refusa le droit de bourgeoisie que les Atheniens luy offroient, de peur de perdre celuy de citoyen Romain.

Mais Iabandonnement de sa patrie le plus exprés, est celuy qui se fait per allectionem, quand on se fait employer comme citoyen dans les Actes publics, et qu’on se fait adopter pour être vesormais un membre d’une autre Republique, ce que nous appelons se faire naturaliser. Le sieur Basire ne peut nier que sa patrie ne fait perdu pendant vingt-trois ans : Il a negligé de recueillir pendant dix ans la succession qu’il demande : Il s’est engagé à l’Angleterre par son mariage et par les benefices qu’il a acceptez, et pour preuve du dessein qu’il a de retourner en ce païs, il y a laissé les objets de toutes ses tendresses, sa femme et ses enfans., Mais que peut-il répondre à ces Lettres qu’il a obtenuës : On ne peut être membre de deux corps, ni citoyen de deux Republiques differentes, nemo unquam qui hanc civitatem retinere veller in aliam se dicavit : On peut aujourd’huy avoir deux domiciles. l. senatores. ff. de senat. l. privilegio. C. de incolis. Mais cela s’enrend de duobus domiciliis & civitatibus existentibus sub todem Principe : Cicero pro Balbo ; non possumus hujus civitatis esse cives et cujusois. O mira, praclara I erque divinitus jam à principio Romani nominis majoribus nostris ratio comparata ne quis no-trùm plusquam unius civitatis esse possit : dissimilitudo enim civitatum varietatem juris habeat necesse est

Il est vray que le demandeur desavouë de s’être fait naturaliser, et que les Lettres qu’il a obtenuës ayent cet effet, et il fait deux sortes de Lettres, l’une qu’il nomme Denixen, ou Denixation, et l’autre de naturalité. Je sçay que les Auteurs font de trois sortes de Lettees, les premieres s’appellent d’honneur, les autres de graces, et ad essectum, et les autres de natufalité : Celles d’honneur se donnent lors que quelqu’un pour marquer son affection et son estime envers quelque Republique, se fait mettre au nombre de leurs citoyens, ce qui n’emorte aucun changement de patrie ; aussi un Roy des Parthes demanda aux Romains le droit de cité, et les Venitiens la donnent encore comme une illustre recompense des services qu’on reur a rendus. Les Lettres ad effectum s’obtiennent pour obtenir des charges ou des benefices, ou quelques autres privileges ; mais les Lettres de naturalité égalent les étrangers aux originaires. Or par les Lettres du demandeur on luy accorde tous les privileges dont les Anglois naturels joüissent, ut sit posthac indigena, & in omnibus habeatur & teneatur tanquam fidelis ligius in regno oriundus, & omnia hereditamenta recipere, capere, emere, possidere, et gaudere, t sibi placuerit, possit ; La Coûtume d’Angleterre et la Loy d’Edoüard III. portent expressément que nul étranger ne peut être admis à posseder des benefices, et lorsque Philippes Il. depuis Roy d’Espagne, épousa la Reyne Marie, il promit expressément de ne pourvoir aux benefices que ceux qui étoient nés sous l’obeissance de cette Princesse. Cette cause ayant été appointée au Conseil, elle fut depuis jugée en la Chambre de l’Edit au Rapport de M’Buquet le S d’Aoust 1647. et par l’Arrest la succession fut ajugée au sieur Basire, parce qu’il seroit tenu de demeurer en France, et qu’il ne pourroit la vendre ni engager. On trouva que ses Lettres de dénization n’étoient pas de véritables Lettres de naturalité, parce qu’elles n’avoient pas été passées au Parlement d’Angleterre, sans laquelle formalité on ne peut devenir naturel Anglois

Une pareille question avoit été décidée en la Grand. Chambre le 26 d’Avril 1635. entre Denis tuteur des enfans de Marguerite, Huissier en la Chambre des Comptes, et Victor de Bathencourt. Ce Victor de Bathencourt aprés avoir demeuré plus de trente ans en Espagne, retourna en France pour recueillir la succession d’un de ses parens. Les parens regnicoles qui avoient pris cette succession comme plus proches et plus habiles à succeder au défunt, disoient que le demandeur avoit renoncé aux loix et aux droits de la France s’étant matié en Espagne, et ayant des enfans qui s’y étoient aussi mariez, ce qui marquoit ssa volonté de ne retourner plus en France, mais de demeurer en Espagne où il avoit établi le siege de sa fortune et son domicile perpetuel, ayant même porté les armes pour le service du Roy d’Espagne contre le Roy de France, ce qu’on offroit de prouver, qu’il ne revenoit en France que pour prendre les biens et les porter en Espagne où il avoit laissé. ses enfans : Bathencourt répondoit qu’il êtoit François d’origine, que sa demeure hors de France ne luy faisoit point perdre le droit de cité, et ne luy ôtoit point la capacité de succeder, et qu’il avoit toûjours eu la volonté de retourner et de demeurer en France : le Bailly de Roüen luy avoit ajugé la succession, ce qui fut confirmé par Arrest, parce que les deniers provenans des meubles seroient constituez en rente ou employez en héritage pour en joûir par l’intimé, sans pouvoir vendre ni aliener les biens de la succession.

Matthias Poulain avoit quatre fils, Pierre, Jules, Philippes, et Matthias. Pierre partit pour Espagne en l’année 1625. Il y épousa Antoinette de Nerves dont il eut plusieurs enfans. Il mourut en l’an 1633. et aprés la mort de Mattnias pere, Antoinette de Nerves revint en

France, et demanda part pour ses enfans à la succession de leur ayeul, elle en fut privée par Sentence. En l’an 1644. Pierre Poulain qui étoit resté seul des enfans de Pierre revint en France et demanda part à ses oncles, soûtenant qu’étant revenu en France perpetua mora causâ, il étoit habile à succeder suivant la l. 5. ad municipalem ff. natus ex patre Campano Campanus est, que son pere êtoit en Espagne peregrinans, non peregrinus. Le Vicomte l’ayant debouté de son action, sur son appel par Arrest du 7 de Février 1658. on cassa la Sentence et on luy ajugea part en la succession de son ayeul, sauf à l’acquereur à poursuivre ses interests contre son vendeur, sans restitution de fruits, plaidans le Févre pour l’appelant, et le Dain pour l’intimé.

Autre Arrest sur ce fait. Guillaume du Val demeuroit en Espagne depuis quarante ans, et il s’y êtoit marié, il demanda par un procureur une succession échûë en France : On luy ob jecta sa longue absence qu’il ne se presentoit que par procureur, et qu’il avoit môme obtenu les Lettres de naturalité ; ce fait étoit méconnu, et pour une preuve contraire du Val alléguoit qu’en Espagne il étoit Consul de la nation Françoise ; par Arrest du ré ou 17 de Decembre 1666. les parties furent reglées en preuves respectives de leurs faits, et cependant que le Bacquet trocureur de Val joüiroit jour de son action, en donnant caution de rapporter en définitive. Sur ces matieres voyez Bacquer, droit d’Aubeine ;Chopin , du Domaine ;Bodin , en sa Republique ;Du Fréne , en son fournal Journal des Audiences, l. 2. c. 66. de l’impression de l an 1652. où il cite un Arrest par lequel une femme Françoise mariée à un Anglois qui l’avoit menée en Angleterre fut reçûë à succeder en France, à condition de ne point aliener les immeubles qui luy écherroient, ou d’en faire le remploy en France. On doutoit autrefois si un François aprés une tres-longue absence êtoit censé avoir renoncé à son païs pour être exclus des successions qui luy pouvoient échoir en France ; la negative ne reçoit plus de difficulté, et il est toûjours reputé capable de retourner en France, et de recueillir les successions qui luy sont échûës, pourvû que l’on ne justifie point qu’il ait expressément renoncé à sa patrie ni porté les armes contre le Roy. On trouve un Arrest conforme à cette doctrine dans le purnal des Audiences, l. 5. c. 8. de l’impression de l’année 1652. pour un nommé Denis Pierre, lequel durant la Ligue avoit suivi un Capitaine Espagnol, et s’étoit habitué en la ville de Bruxelles, s’y étoit marié, et y demeuroit depuis soixante ans, sans pourtant s’être ait naturaliser sujet du Roy d’Espagne.

Pour être le plus habile à succeder, il faut être issu d’un mariage contracté suivant les loix et maximes d’un Royaume, car autrement un mariage peut bien valoir et subsister quoad fedus matrimonii, sans produire néanmoins les effets civils. Les Decretales et les Canonistes l’étoient extrêmement relachez, et on aveit établi plusieurs maximes contraires à l’ancienne discipline, depuis un siecle ; les Ordonnances de nos Rois ont taché de rétablir l’honnêteté publique et de conserver les familles, et particulièrement celle de 1639. suivant laquelle er plusieurs cas, sans toucher à la validité du mariage, on ne laisse pas de priver les enfans des effets civils et de les rendre incapables de succeder. Tels sont ces mariages qu’on a tenus clandestins et secrets pendant la vie, qui ressentent plûtost la honte d’un concubinage que la dignité du mariage : les enfans qui naissent de ces conjonctions sont incapables de toutes successions, aussi-bien que leur postérité. La même peine a lieu contre les enfans qui seront nés de femmes que les peres auront entretenuës, et qu’ils auront épousées à lextrêmité de leur vie Toute espèrance de succession leur est ôtée, et les biens sont conservez aux familles ausquelles ils doivent appartenir, voyezdu Fréne , Journal des Audiences, l. 2. c. 99. seconde partie du Journal des Audiences, l. 4. c. 46. sur tout l’Arrest de Mr de Caradas, sieur du Heron, Conseiller en la Cour, contre les enfans du sieur de Rames, est celibre ; sur cette matiere voyezdu Fréne , en son fournal Journal des Audiences, l. 6. c. 4. Cette doctrine a été suivie en ce Parlement, comme il fut jugé en la cause de Me François Barate, Avecat en la Cour : Le sieur Aveline.

Receveur des Aydes à Verneüil, avoit long-temps vécu en concubinage avec Marguerite Pingne sa servante, dont il avoit eu des enfans, étant à l’article de la mort il l’épousa et legitima ses enfans.

La cause fut plaidée solennellement en la Grand. Chan-bre, et par Arrest du 18 de Mars 1651 on confirma le mariage, mais on priva la femme et les enfans des effets civils, on ajugea néanmoins quinze mille livres aux enfans, et huit cens livres de pension à la veuve, pour laquelle faidoit Me Guillaume Lyout. Roti avoit entretenu long-temps Catherine Lasne, et plusieurs enfans étoient issus de ce concubinage, dans son lit de mort il les reconnut et déclara qu’il vouloit solenniser le mariage avec ladite Lasne, ce qui ne fut point fait ; aprés sa mort les enfans se firent uger capables de luy succeder. Roti, frère du défunt, en ayant appelé, le Petit, son Avocat disoit qu’une déclaration faite in extremis n’étoit pas suffisante, n’ayant pas été suivie de la celebration. De Galantine, pour ladite Lasne, disoit qu’elle avoit été ravie dans sa minorité par le défunt, qu’il avoit declaré sa volonté de l’épouser que cela suffisoit pour le mariage. la celebration n’étant pas de l’essence ; par Arrest du 1é de Mars 1656. la Sentence fut cassée et sur l’action hors de Cour : on leur ajugea néanmoins deux cens livres, si mieux n’aimoit ledit Roti leur quitter le tiers de la succession. Voyez les Novelles 89. et 91. de l’EmpereurLeon .

Depbis cette autre question s’offrit en l’Audience de la Grand Chambre : Poiblanc avoit nntretenu une femme dont il avoit plusieurs enfans, étans tous deux à l’extremité de leur vie ls s’épouserent. Comme ils ne laissoient aucuns biens, les parens se cotiserent pour noutrir les enfans, et même on leur institua un tuteur ; mais quelque temps aprés la succession d’une tante étant échûë, ils demandoient cette succession qui valoit cinq cens livres de rente. Elle leur fut contestée par des parens plus ésoignez, qui obtinrent Sentence à leur profit aux Requêtes du Palais.

Sur l’appel ces enfans soûtenoient que toute la parenté les ayant reconnus pour legitimes, leur état ne pouvoit plus être contesté par eux, qu’en tout cas les alimens leur étoient dûs.

On leur opposoit la rigueur de l’Ordonnance et les Arrests rendus sur ce sujet : Par Arrest de s de Decembre 1669. on confirma la Sentence, et neanmoins on leur ajugea cent-cinquante. livres de rente rachétables au prix du Roy, si mieux n’aimoient les heritiers leur abandonner le tiers de la succession. Cet Arrest ne peut être fondé que sur un motif de commiserationLorsqu’il s’agit de la succession du pere, comme les alimens sont dûs par le pere à ses enfans naturels, il étoit juste en observant l’Ordonnance et privant les enfans des effets civils, de sieur donner une pension alimentaire, sur tout lorsque le mariage n’est point declaré nul ; mais tes raisons cessent quand il s’agit d’une succession collaterale, sur laquelle les enfans ne peuvent demander de legitime, quand la succession échet aprés la mort de leur mere Godefroy, Ecuyer, sieur de la Gouberdiere, avoit long-temps entretenu Madeleine Auzout a servante, il en avoit eu quatre enfans, et étant âgé de soixante-cinq ans il luy signa un contrai se mariage devant un Tabellion, autre que celuy du lieu, par lequel il avoüoit ces quatre enfans ; et en suite étant allez à Bayeux ils avoient obtenu une Dispense de trois Bans du Vicegerent en l’absence de l’Official, et une permission au premier Prestre de célèbrer le mariage Le Curé de Vaucelles en fit la celebration, lors de laquelle le sieur de la Gouberdiere reconnut encore ses quatre enfans, il véeut depuis six mois avec cette femme ; aprés sa mort Godefroy, sieur de Ponthiou, son parent, contesta ce mariage et ayant saisi la Cour sur l’appel d’une Sentence qui ajugeoit une provision à la veuve, Greard, son Avocat, disoit que la Dispense des rois Bans êtoit contraire à l’Article 140. de l’Ordonnance de Blois, qu’il n’avoit pas même été au pouvoir du Vicegerent d’accorder cette Dispense, ni de la faire executer par le Curé de Vaucelles, qui n’étoit de sa Jurisdiction, que ce vieil Gentilhomme avoit été surpris ; et qu’on luy avoit fait reconnoître pour siens des enfans, nonobstant que cette femme eût déclaré qu’ils avoient un autre pere et que s’étant abandonnée à deux passans dans un bois, elle étoit devenuë grosse, que le sieur de la Gouberdière depuis ce prétendu mariage avoit conrinué à la traiter comme sa servante. Le Févre, pour Madeleine Auzout, répondoit que l’Ordonnance ne s’observoit que pour les fils de famille, comme on l’induit de l’Article même, qui porte que la Dispense doit être obtenuë sur la requisition des proches parens, que le Concile de Trente permettant la Dispense de trois Bans, il n’étoit pas besoin de la licence du propre Curé, quand on avoit celle de l’Ordinaire. La foiblesse d’esprit qu’on imputoit au défunt n’étoit point véritable, le seul mouvement de sa conscience l’avoit porté à l’accomplissement de ce mariage, et l’on avoit été contraint de le célèbrer ailleurs que dans la Paroisse pour prévenir les efforts et la violence de ces prétendus heritiers, qui devoroient déja par espérance cette ue cesaion, et la celebration ayant été faite en face d’Eglise, et en presence de quatre témoins, elle étoit tout à fait solennelle. La déclaration passée par cette femme ne pouvoit faire préjudice sa qualité ni à celle de ses enfans, ayant été forcée de la faire par le sieur de la Gouberdiere qui le désiroit ainsi, elle êtoit même ridicule dans les termes qu’elle étoit conçûë, et qu’enfin depuis la celebration de son mariage elle avoit toûjours tenu le rang de femme legitime, et on mary l’avoit traitée de cette manière. Par Arrest du 12 de Mars 1671. on confirma la Sentence de provision, et faisant droit sur l’appel comme d’abus, entant que pour la Dispense des trois Bans ; il fut dit qu’il avoit été mal, nullement, et abusivement dispensé, la celebration du mariage sortissant neanmoins son plein et entier effet, ladite Auxout fut condamnée à cent livres d’amende envers le Roy, et cent livres envers les pauvres de la Paroisse de Blagny.

Les enfans de celuy qui avoit contracté mariage avec une femme, dont il avoit abusé durant qu’elle étoit conjointe avec un autre mary, ont été déclarez incapables de succeder. Jeannen de la Mare fut mariée en l’an 1638. avec Denis l’Etondel, dit S. Amour ; ils eurent une fille en l’an 1643. qui fut baptisée comme legitime, et dés lors Robert Marc abusoit de cette femme, ce qu’elle reconnut par les articles sur lesquels elle fut interrogée ; mais ce qui en faisoit une preuve convaincante, quoy qu’elle eût fait baptiser cette fille comme sortie de son mariage avec l’Etondel, ors qu’elle la maria elle luy fit prendre le nom de Marc, qui étoit celuy de son adultere : Ce mary ne pouvant souffrir les débauches de sa femme abandonna le païs, et quoy qu’elle n’e ûr aucune preuve de sa mort, peu d’années aprés son depart elle épousa son adultere : Aprés la mort de Robert Marc sa succession fut prétenduë par Jean Marc son neveu, Controleur au Grenier à Sel du Havre ; elle luy fut disputée par cette Jeanne de la Mare au nom des enfans qu’elle avoit eus de Robert Marc. L’adultere êtoit constant par le propre aveu de cette femme, et l’affaire portée au Parlement sur un incident, je disois pour le sieur Marc que si l’on suivoit encore l’autorité des Loix les plus venerables et les plus solennelles, dont les siecles passez nous ont conservé la mémoire, on ne seroit pas en peine de traiter la question si le mariage de deux adulteres étoit valable, puisqu’elles punissoient ce crime de la peine de mort : Les Nations les plus anciennes et les plus sages l’ont estimé si énorme qu’elles l’ont puni rigoureusement, avant Moise même qu’il y eût des Loix qui le défendissent. Moise, le plus ancien de tous les Legislateurs. nous apprend que plus de trois cens ans avant qu’il fût né, la lapidation et le feu étoient la peine de l’adultere, on ne pardonnoit pas même aux veuves qui se gouvernoient mal, dont il fournit n exemple en Tamar, que Juda son beau-pere fit condamner au feu par le jugement de ses parens, parce qu’elle étoit devenue grosse durant son veuvage, et assurément elle eût souffert ce supplice si elle n’eût convaincu son accusateur d’être l’auteur de sa fautes Dieu même prononça depuis cette peine contre les adulteres, si moechatus quis fuerit cum xore alterius, & adulterium perpetraverit cum uxore proximi sui, morte moriatur adulter, Levit. 10. W. 10. e ne rapporteray point ce que les Arabes, les Egyptiens, les Grecs et les autres peuples en Moise Constantin ont ordonné, puisqu’ils se sont conformez aux loix de Moise : Que si Rome payenne ne punissoit ladultere que par la rrlegation, comme quelques-uns estiment, Constantin ne manqua pas de publier cette loy que sacrilegos nuptiarum gladio feriri jussit l. quamvis. C. de adult. et par les Constitutions des Empereurs Charlemagne et Loüis le Debonnaire rapportées dans e S. Livre de leurs Capitulaites, c. 325. sub penâ capitali adulteria in regno nostro à quibusvis fieri rohibemus.

Mais quand par une indulgence criminelle on accorderoit aux adulteres Iimpunité de leur crime, au moins on ne doit pas souffrir qu’ils s’unissent par le lien du mariage qu’ils ont si honteusement profané ; ce seroit un relachement, ou plûtost un renversement étrange de la discipline que de convertir léchafaut en un lit nuptial : les, Payens mêmes dans les siecles es plus corrompus, ont abhotré ces mariages. La seule loy Claudius Seleucus ff. de his quibus ut aeud. suffit pour montrer le jugement que lon a toûjours fait de ces mariages. Merius in adulterio Semproniae damnatus, eandem Semproniam non damnatam duxit in uxorem, qui moriens randem beredem reliquit ; quaro an justum matrimonium fuerit, et an mulier ad hereditatem admittatura Respondi neque tale matrimonium stare, neque hereditatis lucrum ad mulierem pertinere ; sed quod relictum est ad fiscum pervenire : On ne peut pas assez estimer lhonnêteté de ce Jurisconsulte, qui est le grand Papinien ; il vivoit dans un siecle tres-corrompu, cependant en condamnant si rigoureusement ces sortes de mariages, il n’y rechercha point d’autres defauts que celuy de fadultere, il ne désire point de promesses de mariage precedentes, ni de machination contre e mary ; c’est assez pour luy qu’une telle conjonction soit contre les bonnes moeurs, et contre Phonnêteté publique ; il ne s’arrête pas à condamner ce mariage ; il décide que ces personnes sont indignes de tous les avantages qu’elles se pouvoient faire, neque hereditatis lucrum ad mudierem, sed ad fiscum pertinere : pourroit-on avoir des sentimens plus purs et plus honnêtes dans une Religion qui ne condamne pas simplement l’adultere, mais qui défend jusqu’aux moindres regards qui ressentent la lasciveré, et qui publie cette doctrine, que c’est commettre adul-tere que d’en concevoir le desir. Aussi Mr Cujas donne cet éloge à cette loy, que sacris Conciliis congruit, in quibus aperté definitur quod adulterio damnata à nemine duci potest. Ce mariage. non seulement n’étoit pas permis, sed qui damnatam adulterii sciens duxerit in uxorem ex causâ denocinii punietur. l. Castitati. C. de adult. commissum adulterium, dit une autre loy, velamento matrimonii non extinguitur. l. commissum eod. c’est ce que décrit élegamment Martial Quod nubis Proculina concubino,

Et moechum modo nunc facis maritum,

Ne lex Julia te notare possit,

Non nubis proculina, sed fateris.

Aussi tant s’en faut que parmy les Chrêtiens on ait souffert ces mariages, l’on a été treslong-temps qu’on ne permettoit pas d’épouser sa concubine, quoy que le concubinage eût les apparences du mariage, matrimonium imitaratur. Nous lisons dans l’Epître deS. Basile . Basile, ad Amphiloc. que MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC : La fornication n’est point un mariage et ne peut même en être le commencement, parce que le fondement d’un tel mariage est condamnable et honteux ; et Grégoire I. écrivant à Felix, Evéque de Sicile, dit eam quam aliquis illicitâ pollicitatione maculavit in conjugium ducere nulli Chrictianorum vel licet vel licebit ; le même est décidé C. placuit. 31. 4. 1. que si la simple fornication est un empeschement au mariage, l’adultere en est sans comparaison un plus grand, puisque ce crime est plus énorme et qu’il produit des effets et des suites plus facheuses et plus criminelles ; c’est pour ces considerations qu’il est reprouvé par tous les Canons anciens. L’Eglise primitive êtoit fort éloignée de donner son approbation à ces mariages : Nous apprenons deS. Cyprien , l. 4. Epist. 2. Ad At. que primis temporibus fuerunt Epis-copi qui nunquam voluerunt dare pacem adulteris. Dans la Cause 31. c. 1. on rapporte l’autorité duPape Leon , ut nullus ducat in matrimonium quam prius polluit per adulterium. Il est vray que dans le Canon suivant on cite un passage deS. Augustin . Augustin qui ne desapprouve pas ces mariages, Denique mortuoviro cum quoverum connubium fuit, fieri potest conjugium cum quo fuit adulterium.

Mais ce passage a été cortompu en rétranchant la negative Ne, qui se trouve dans les Exemplaires

de l’impression deFroben , en ces termes, fieri non potest conjugium cum quo fuit adulterium : Et il y a beaucoup d’apparence que cette alteration n’a été faite que depuisGratien , tout ce que nous avons de Canons le décident de même ; et Gratien pour prouver que ducere non potest in matrimonium eam quam priùs polluit adulterio, cite un passage deS. Augustin . Augustin. Mr Cujas ayant remar-qué dans un vieil exemplaire de, qui est au Vatican, que cette négative Ne, est employée dans le texte, et il faut bien que Gratien Gratien l’ait entendu de la sorte, ayant dessein de prouver qu’on ne peut épouser celle qu’on a connuë par adultere, et c’est pourquoy à l’autorité du Pape Leon et deS. Augustin . Augustin, il ajoûte celle d’un Concile dont les termes sont con sidérables : Illud vero communi decreto fecundum Canonum instituta definimus, ut si quis cum uxore ilterius eo vivente moechatus fuerit, moriente marito Synodali judicio aditus ei claudatur illicitus, ne vi alterius conjungatur adulterio, quam prius polluit adulterio. Nolumus enim, & Religioni chritianae non convenit ut ullus ducat in matrimonium quam prius polluit per adulterium : Ainsi par le, sentiment des Payens, par la disposition des Loix civil, par le témoignage des Peres, par la pratique de l’Eglise, et par l’autorité des Conciles, l’adultere seul, sans autre condition et sans autre circonstance qui l’agrave, est un empeschement insurmontable au mariage.

On prétend que suivant les Decretales, et notamment par le Chap. significasti de eo qui duxii en matrimonium, l’adultere feul ne rend point le mariage nul, ni fidem dederint de matrimonio, aut mulier in mortem viri machinata sit : Je n’aurois pas d’interest à combatre ces Decretales, puisque cette femme a reconnu par son interrogatoire qu’elle n’avoit connu son adultere que sous promesses de mariage, et neanmoins il ne sera pas inutile de chercher le véritable sens de ce Chap. significasti.

Chacun sçait que la jurisprudence pour les mariages a eu comme trois âges : Dans le premier on observoit exactement la pureté et l’honneur dans le mariage en son principe, comme en a durée ; le consentement et la copulation ne faisoient pas un mariage, la volonté des peres et la benediction publique y étoient necessaires. Dans le second âge toutes ces belles maximes ont été renversées ; le consentement seul des parties et la copulation ont fait le mariage. mais dans le troisième on a rétabli les véritables regles, et on s’est départi presque de toutes les décisions qui se trouvent dans les Decretales sur ce sujet. En effet on a jugé en ce Parlement qu’un mariage célèbré avant la puberté parfaite étoit nul, contre la décision du C. con-tinebatur, et du C. dernier de dospons. impub. Qui oseroit aujourd’huy soûtenir que le consenement des peres pour le mariage de leurs enfans seroit plûtost de bien-seance que de nécessité, qui feroit une citation ex causâ presumpti et consummati matrimonii, qui soûtiendroit la validité d’un mariage sans bans, sans solennitez, sans benediction nuptiale suivant le Chap. is qui fidem, et le Chap. veniens, ne passeroit-il pas pour ridicule : En un mot qui entreprendroit de prouver par témoins des promesses de mariage, qui maintiendroit comme valable le mariage d’un concubinaire contracté in articulo mortis, entreprendroit de rétablir des maximes tout à fait abolies.

Si suivant la doctrine la plus pure qui se soit pratiquée dans l’ancienne Eglise le seul adultere sans autre condition, et sans aucune circonstance qui l’agrave, est un empeschement au mariage, il n’est point necessaire pour condamner le mariage d’entre les adulteres, qu’ils se soient donnez la foy de s’épouser, ou qu’ils ayent machiné la mort du mary, quoy que ce Chap. significasti semble désirer ces deux circonstances ; car si la promesse entre les adulteres orme l’empeschement au mariage suivant ce Chap. et si l’adultere feul n’y fait point d’obstacle, Il s’ensuit que ce n’est point l’adultere qui fait le crime, mais la promesse, et partant cette n romesse se trouvera plus atroce que l’adultere même. Cependant le C. si quis uxore vivente, a de ce même titre, décide que celuy qui durant la vie de sa femme a promis à une autre, n’est pas privé de l’épouser aprés la mort de cette premiere femme, dummodo nec ante uxorem nec post vivente legitimâ uxore cognoverit eandem : ce n’est donc pas la promesse en soy qui est criminelle, autrement il ne seroit jamais permis d’épouser celle à qui on l’auroit faite, et toutefois ce Chap. ne la desapprouve point, pourvû qu’elle n’ait point été consommée. C’est donc adultere qui fait le crime, et qui par consequent forme seul : l’empeschement au mariage ; que si l’on répond que ces deux conditions sont requises conjointement, que l’adultere sans la promesse et la promesse sans l’adultere ne suffiroient pas ; on replique que véritablement cette promesse jointe à l’adultere agrave le crime, mais il ne s’ensuit pas que sans cette condition. l’adultere feul ne soit assez criminel pour empescher le mariage. La cause et la source du mal est dans l’adultere, la promesse n’en est qu’une suite, et par consequent il en doit faire tout l’empeschement ; aussi ce n’a jamais été la pensée de ceux qui ont parlé les premiers de ces promesses : Ils ne les ont considerées que comme une circonstance qui rendoit le mariage. plus odieux. Le PapeAlexandre III . 2’été le premier qui en a parlé dans le Chap. 1. de ce titre. Il étoit question d’un homme qui durant la vie de sa premiere femme en avoit épousé une autre qui ignoroit son mariage ; aprés la mort de cette premiere femme il voulut se separer de cette seconde, sur quoy le Pape prononça licet in Canonibus habeatur expressum, ut nullus copulet matrimonio quam priùs polluerat adulterio, & illam maximè cui fidem dederat uxore suâ vivente, vel que machinata est in mortem uxoris, quia tamen prafata mulier erat inscia, respondi quod, nisi mulier divortium petat, ad petitionem viri non sunt separandi.

Les termes de ce rescrit sont remarquables ; le Pape declare que in Canonibus habetur expressum ut nullus copulet matrimonio quam prius polluit adulterio : Il reconnoit que les Canons défendent les mariages entre les adulteres, puis il ajoûte maximéque cùm fidem dederit vivente xore. Ces paroles n’ajoûtent pas une condition necessaire, elles siguifient simplement que cette circonstance rend encore ce mariage plus insupportable, c’est à dire que le mariage n’est point permis entre les adulteres par les Canons, mais sur-tout il est défendu d’épouser celuy qui idem dederit vivente uxore.

Mr Cujas l’a entendu de cette sorte sur le Chap. significasti : In hoc capite proponuntur duo casus, quibus que sciens se in pellicatum dedit nunquam fieri potest legitima uxor adulteri, si vivâ legitimâ uxore fidem viro dederit de matraemonio cum eo contrahendo, quia hec fides et prematura, et contra bonos mores, et inducit votum mortis captandae : Alter casus est si facto pellicis uxor interierit, verùm meâ quidem sententiâ etiamsi horum casuum nullus existat, dici potest eam que sciens se prabuit alii marito, nunquam posse et matrimonio conjungi, quiâ hoc abscisè scriptum est in Canonibus & Concilio, & in Concilio Triburiensi, et idem in c. 1. hujus tit. ut illa verba annuere videntur, & illam maximè. Idem est enim ac si diceret illis maximè duobus casibus non posse esse connubium inter illos, sed nec esse posse si illi casus deficiant, etiamsi nihil pellex in mortem uxoris machinata sit, nec illa vivente quasi matrimonium cum marito fecerit, inter eos connubium esse non posse Le Jurisconsulte Contius en ses Notes, ad l. commissum c. de adult. a soûtenu qu’il est superslu de requerir ces deux cas, parce qu’il faut présumer que naturellement ils s’y rencon-trent eo ipso pacta videtur de matrimonio, dés le moment qu’une femme s’abandonne à son adultere, elle luy engage sa foy, il ne luy reste plus que de l’aversion pour son legitime marys mais souvent elle n’en demeure pas là, elle s’emporte aux dernieres extrémitez. Adultera ergo venefica, touchant ces mariages voyezIves de Chartres , in Ep. ad Galterium Meldensium Episcopum, & quod traditur in C. cum haberet de eo qui duxit, &c De Cahaignes pour Jeanne de la Mare se défendoit par l’autorité des Decretales : Par Arest en la Grand. Chambre du 24 de Juillet 1665. on ajugea la succession au sieur Marc, sur ce déduit le quart pour les enfans, duquel quart la mere joüiroit du tiers par usufruit : Ainsi on jugea conformément aux conclusions de Mr l’Avocat General le Guerchois, que l’adultere seul empeschoit le mariage pour les effets civils, mais elle ne toucha pas au mariage. On avoit jugé le contraire en l’Audience de la Grand. Chambre le 30 de Mars 1629. pour la succession de François Davoines, elle fut ajugée aux enfans issus de luy et de Collasse Loüis qu’il avoit connuë, et dont il avoit eu des enfans du vivant de Demoiselle Anne du Buisson sa premiere femme ; mais ces enfans qui eurent la succession étoient nés depuis la mort de la premiere femme et durant le mariage. Il est certain qu’alors l’on suivoit aveuglément la jurisprudence établie par les Decretales aux questions de mariage, et que l’on s’appuya fort sur l’autorité deS. Augustin . Augustin, quoy que le passage ait été corrompu comme je l’ay remarqué. Les Ordonnances de nos Rois ayant rétabli l’honnêteté publique, on ne doit plus aussi s’attacher aux maxi-mes que l’ignorance et la corruption des siecles passez avoient introduites.

Une pareille question s’étant presentée aux Requêtes du Palais pour une personne de qualité, elle y fut jugée conformément à l’Arrest de Marc, par Sentence dont il n’y a point eu l’appel. Outre l’Arrest de Roussel et de Guillemine Lavechet rapporté sur l’Article 275. il y eut un pareil Arrest en l’Audience du 17 de Juin 1617. entre Massias et Robert des Magnes, Commis au Greffe de la Cour-

Une femme libre qui a eu habitation avec un homme marié n’est pas adultere, si elle a ignoré la qualité de cet homme ; pour empescher le mariage entre ces personnes-là il faut que sciens se in pellicatum dederit. Cela fit le sujet d’un procez entre Guillaume et Marie Sanson Cette seur soûtenoit que Guillaume son frere, étoit incapable de succeder à leur pere, quoy qu’ils fussent sortis d’un même pere et d’une même mere, elle prétendoit être feule legitime pour être née depuis le mariage contracté et célèbré, au contraire son frere étoit issu de leur mere pendant le mariage de leur pere avec la nommée du Plessis sa premiere femme : et par cette raison il étoit né en adultere, aussi on ne l’avoit considéré dans la famille que comme un e enfant adultere, et leur mere l’avoit mariée comme sa seule heritière, ce qu’elle offroit prouverLe frere prétendit que la preuve de ces faits n’étoit pas recevable, et que la seule allegation faite par sa seur la rendoit indigne de la succession de ses pere et mère, parce qu’elle découvroit une turpitude que le mariage avoit effacée, qu’elle ruinoit elle-même sa condition, car s’il avoit connu leur mere pendant son premier mariage, il n’avoit pû lépouser aprés. Or pour exclure son frère de la succession ce n’étoit pas assez d’alléguer que le pere eût eu cohabitation charnelle avec leur mère, si elle n’ajoûtoit que leur mere avoit connoissance que leur pere êtoit conjoint à une autre femme. Les Jurisconsultes ont fait distinction entre la femme quae conscia est adulterii, et celle que est inscia, une femme de condition libre, quoy qu’elle s’abandonne à un autre, n’est pas adultere si elle ignore sa condition. Cette ignorance rend son mariage. valable, et les enfans issus de cette premiere conjonction deviennent legitimes par le mariage subsequent, sufficit enim bona fides alterutrius conjugum, cap. ex tenore, qui filii sint legitimi. Le Bailly de Roüen ayant jugé au préjudice du frère, par Arrest du 17 de Decembre 1628. on cassa la Sentence et la seur fut déclarée non recevable à sa preuve, et la succession fut ajugée au frète, sans préjudice des droits de la seur. Les allegations de cette seur étoient trop odieuses pour luy en permettre la preuve.

Quand on a reconnu la legitimité on n’est plus recevable à la contrédire. Feré avoit épousé une fille nommée Harache ; les parens de cette fille avoient été presents et signé au ontrat de mariage, la reconnoissans pour fille legitime ; quelque temps aprés une succession où elle avoit part étant échûé, ces mêmes parens luy objecterent qu’elle êtoit fille d’un Prestre.

Le mary répondoit que de leur part ils avoient commis un dol qui les rendoit non recevables, l’ayant matiée comme legitime, l. siquis asseveraverit. ff. de dolo malo, iilegitima cum falsi nominis vel cognominis asseveratur, penâ falsi coercetur l. 13. Ad l. Corn. de falsis. Si ce defaut de naissance qu’on reprochoit à sa femme êtoit véritable, les parens seroient condamnables en ses interests, qu’il faudroit les proportionner au partage que sa femme auroit pû avoir, suivant l’Arrest du Parlement de Paris remarqué parRobert , l. 2. c. 17. Le parent collateral, pour défendre à cette fin de non recevoir, disoit qu’ayant été appelé à ce mariage avec les autres parens, il n’étoit pas en obligation de découvrir la honte de cette fille, que sa presence ou sa signature ne pouvoit faire qu’une illegitime fût legitime, l. non Epictolis Cod. de prob. Les déclarations mêmes des peres et meros ne peuvent donner cette qualité : Par Arrest du 15 de May 1631. on ajugea pour interest au mary et à la femme la portion qui luy auroit appartenu en la succession si elle eût été legitime ; le parent s’appeloit Hatache, il n’étoit pas juste que le mary fût trompé par la malice des parens.

Autre pareil Arrest sur ce fait. La mere et les frères de la Demoiselle de Cordoüan avoient allicié le sieur Joüan pour lors âgé de dix-huit ou de dix-neuf ans, étudiant à Caën, et luy firent signer un contrat de mariage en l’absence de tous ses parens ; mais la mere, les freresi et tous les parens de la fille y avoient signé et promis quatre mille livres, dont ils en constituerent aroo livres en cent livres de rente pour être la dot de leur seur, et le surplus fut appliqué pour don mobil. On prétendoit que ce mariage avoit été célèbré en une Chapelle, et on en produisoit une atrestation non signée. Joüan avoit demeuré chez les sieurs de Cordoüan deux ans comme étant marié avec leur seur, et de ce commerce il étoit né une fille. Les parens de ce jeune homme avoient fait plusieurs poursuites pour empescher ce mariage comme inégali le sieur Joüan êtant tiche de douze cens écus de rente, et Seigneur et Patron d’Amonville.

La seur des sieurs de Cordoüan étant morte, trois semaines aprés le sieur d’Amonville épousa la Demoiselle Bouver, et sept ou huit ans aprés il demanda aux sieurs de Cordoüan les deux mille cent livres qu’ils avoient promises à leur seur, et les 19oo livres pour son don mobil : ayant Eté condamnez à une provision de cent-cinquante livres ils en appelerent à la Cour, où ils disoient qu’ils ne devoient rien n’y ayant point eu de celebration de mariage, et par consequent l’enfant ne pouvant pas être legitime, il ne pouvoit demander la dot qui n’étoit promise à sa mère qu’en cas de mariage. Bouver, pour le sieur Joüan, répondoit que les sieurs de Cordoüan lavoient engagé avec leur seur, qu’ils l’avoient souffert vivre avec elle dans leur maison comme gens mariez, ce qui les rendoit non recevables à objecter la nullité du mariage et à contredire la legirimité de cet enfant, qu’ils étoient en mauvaise foy ayant dû faire célèbrer le mariage dans poutes les formes, puis qu’eux seuls y avoient engagé leur seur, et qu’il ne s’étoit rien fait que par leur ordre et par leur aveu, que leur défense ne procedoit que d’un motif d’avarice, ne voulant pas payer ce qu’ils avoient promis à leur seur. Par Arrest du 24 de Mars 1667. la Cour mit sur l’appel hors de Cour, et faisant droit au principal, sans s’arrêter aux attestations, il fut dit qu’il n’y avoit mariage, et néanmoins les sieurs de Cordoüan condamnez au payement des Lroo livres et aux interests, et condamnez en cent cinquante livres d’amende.

C’est une question célèbre si l’affinité dans le premier et second degré est un empeschement au mariage.Berault , sur l’Article 275. a remarqué un Arrest par lequel on déclara nul le mariage. contracté entre un homme et la veuve en secondes nopces de son baau pere, belle, mere de sa premiere femme, nonobstant la consultation des Docteurs de Sorbonne, qui approuvoient ce mariage.

Cette même question s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre ; Loüis Ruaut avoit épousé en premieres nopces Elizabeth du Gué, et de ce mariage naquit Madeleine Ruaut qui fut mariée à André Hulin : Loüis Ruaut aprés la mort de sa premiere femme épousa Marie d’Argouges, dont il eut des enfans, et cette Marie d’Argouges donna le nom à un enfant d’André Hulin et de Madeleine Ruaut. Loüis Ruaut étant mort Marie d’Argouges sa veuve contracta mariage. avec le sieur Hulin, gendre de son mary et de l’enfant duquel elle avoir été marreine. denry Ruaut ; tuteur des enfans de Loüis Ruaut, argua ce mariage de nullité par deux moyens, le premier fondé sur l’affinité charnelle, et le second sur l’affinité spirituelle : cette cause fut flaidée solennellement ; Greard, pour le sieur Hulin, remontroit que pour avoir une parfaite connoissance de cette matière il ne falloit pas s’arrêter seulement à ce qu’on trouvoit écrit dans le Oigeste et dans la Compilation deGratien , il la falloit chercher dans l’histoire comme dans sa source naturelle, il falloit en observer le commencement et le pronrez, et examiner les raisons far lesquelles on a fondé les décisions qui ont été faites. Sur ce sujet les Canonistes ont fait trois genres d’affinité, le premier est l’alliance qui se contracte entre le mary et les parens de sa femme, entre la femme et les parens de son mary ; le second genre d’affinité qui se contracte entre le mary et les alliez de sa femme, et reciproquement entre la femme et les alliez de son mary ; et la troisième celle qui se contracte entre le mary et les alliez des alliez de sa femme, et entre la femme et les alliez des alliez de lon mary : Les exemples en sont proposez par la Glose sur le Ch. non debet de consanguin. et affinit. aux Decretales. Pour faire une affinité au premier degré il faut un mariage et deux personnes, pour l’affinité du second genre il faut deux mariages et trois personnes, et pour l’affinité du troisième genre il faut trois mariages et quatre personnes.

Cela supposé comme une maxime certaine, on doit observer que dans le Levitique on trouvebien que l’affinité au premier degré êtoit en quelque cas un obstacle au mariage, car cette pro-hibition n’avoit lieu que dans la ligne des ascendans seulement, et non point dans la ligne collaterale : Il étoit défendu d’épouser la belle, mère et la belle-fille, mais il étoit : si peu défendu d’épouser la veuve de son frere, qui étoit pourtant dans le premier degré d’affinité, qu’au contraire il y avoit une loy formelle qui le commandoit.

Il en est de même de l’ancien droit Romain, qu’on lise la loy des douze Tables et les loix Royales ; on n’y trouvera point la prohibition de ces mariages ; la premiere fois qu’on en a parlé c’est dans la loy 15. de ritu nupt. et ce fut à l’occasion du mariage de Caracalla que Papinien étendit cette affinité le plus loin qu’il luy fut possible. Les Jurisconsultes qui vécurent aprés luy ne se contenterent pas des prohibitions anciennes, ils en inventerent de nouvelles, ils nirent même l’adoption au même point que la nature, et comme si les fiançailles avoient fait une véritable union, ils défendirent le mariage entie la fiancée et les parens de celuy qu’elle avoit pensé épouser, inter me et Sponsam patris mei nuptiae contrahi non possunt, quamvis noverca proprié non dicatur, l. 12. de ritu nupt. Mais nonobstant ce tafinement ils ne s’aviserent point de l’affinité du troisième genre.

La primitive Eglise a reconnu dans la ligne directe l’affinité du premier genre seulement, Justinien mais enfin parce que les Jurisconsultes et Justinien même avoient étendu cette prohibition bien loin au-de-là de ses boines, on eut hente que des Payens surpassassent les Chrétiens en cette matière, et qu’ils eussent plus d’égard à la bien-seance et à l’honnêteté des mariages, qui parmy eux n’étoit qu’un simple contrat ; que ceux qui l’estimoient un grand mystere. Sur ce fondement on ne prit pas seulement leurs maximes, on alla bien au-de-là, on voulut que la simple fornication fût un empeschement de droit entre celuy qui l’avoit commise et la famille de celle qui l’avoit corrompué ; on voulut qu’il y eût une défense perpétuelle entre les enfans de l’un et de l’autre des conjoints, quoy qu’ils fussent sortis de differens mariages : Enfin ils introduisirent cette dernière espèce d’affinité du troisième gente qui avoit été jusqu’alors inconnuë : c’est ce qu’on voit décidé dans la Cause 35. d. 1. ce qui choqua dés lors plusieurs personnes ; Pierre deBlois , qui vivoit dans l’onzième siecle, avant le quatrième Concile de Latran, parlant de toutes ces affinitez qu’on avoit nouvellement inventées pour empescher la liberté des mariages, s’en explique en ces termes. Inveniuntur Canones ex quorum intelligentiâ triplex affinitatis genus & vicis diversorum graduum dictinctio industriâ scholari explicuit ; sed juxta conscientia meae judicium nova hec inventio & traditio magictralis matrimonio non prajudicat.

Enfin il survint le quatrième Concile de Latran tenu sousInnocent III . en l’an 1213. Dans. ce célèbre Concile on traita à fonds la mativr : de laffinité, et on trouva qu’il n’y avoit que affinité du premier genre qui produirir une véritable alliance, qui pût servir d’obstacle au mariage, et que ces autres espèces d’affinité que lun avoit inventées n’étoient à proprement parler que des chimeres et des rafinemens de Docteurs qui n’étoient fondez ni sur la raison ni sur l’Ecriture, qu’ainsi il étoit juste de les abroger. C’est ce qui fut formellement décidé dans ce fameux Chap. non debet, qui a été employé dans le Tit. de consanguin. et affinit. et cette autorité suffit pour la décision de la cause.

Mais parce que dans l’Arrest rapporté parBérault , la principale raison dont Mr l’Avocat General du Viquer se servit, fut de dire que l’abrogation portée par ce Chap. du second et troisième genre d’effinité, ne se devoit entendte que de la collaterale et non de la directe ; il faut répondre à cette prétention : Les termes de ce Chap. portent que l’on revoque les anciennes Constitutions qui avoient introduit ces deux genres d’affinité. Les mêmes Constitutions des Papes qui introduisirent le second genre d’affinité dans la ligne directe, l’introduisirent aussi dans la ligne collaterale ; cela se voit par le C. 12. c. 35. 4. 2. Donc par les teimes de ce Chap. la ligne directe est a-ssi-bien abrogée comme la collaterale. Si le Concile avoit eu dessein de laisser l’empesthement du second genre d’affinité dans la ligne directe, pourquoy ne l’auroit-il pas expliqué : Il ne peut tomber sous le sens que les Peres du Concile ayent ignoré que dans l’affinité du second genre il y avoit deux lignes ; celle des ascendans, et celle des collateraux, et s’ils l’ont sçû, peut-on penser qu’ils n’y ayent pas compris l’une et l’autre : Si le second genre d’affinité n’est point aboli dans la directe par ce Concile, il faut dire que à ligne directe du troisième genre n’est non plus abolie, car il n’est pas plus parlé de l’un que de l’autre ; aussi tous les Docteurs generalement l’ont entendu de cette manière.S. Thomas , de Matr. c. 5. traite la même question, et aprés avoir prouvé que l’affinité n’engendre paint l’affinité, et que celles du second et troisième gente n’en sont que des ombres et des images, il conclud enfin en ces termes, hec duo genera olim probnbita érant propter publica honestatis justitiam, potius quâm propter affinitatem, quia deficiunt à verâ affinitate ; sed illa prohibitio cessavit ver cap. non debet, et remanet tantum sub prohibitione primum genus affinitatis, in quo est vera affinitas. Covarruvias a été de ce même avis dans son Traité de impedimentis matrimon. parlant de l’afsinité il dit comme les autres, que celle du second et troisième degré n’est plus à present considérable, que c’étoit une invention des Canonistes qui s’étoient fait des obstacles et des empeschemens où le chemin êtoit tout droit, trepidaverant ubi non erat timor ; et il ajoûte que depuis le Concile on ne donne plus à present de Dispense à Rome, si ce n’est pour lever le Cujas scrupule des ames timorées. MrCujas, ad lib. 4. resp. Mosuer. aprés avoir expliqué cette loy 15. de Papinien de ritu nupt. voicy comme il conclud, At hec Papiniani sententia hodie abroguta est ex dlecreto Innocentii et persona de quibus in hac lege agitur, sunt in secundo genere affinitatis non in primo.

Mais on objecte que si on ne la considere pas comme un empeschement introduit par les Canons et par les Conciles, il la faut du moins considerer comme un empeschement de l’honnêteté publique qui ne peut souffrir ces conjonctions. Il est vray que l’affinité du second et troisième degré êtoit en partie fondée sur une espèce d’honnêteté publique qu’on auroit crû violer par le mariage : mais on n’a jamais appelé cet empeschement, l’empeschement de l’honnêteté publique, a toûjours êté l’empeschement de l’affinité, et cette affinité ayant été levée par le Concile, l’effet et la cause ont cessé en même temps. On n’a pas aboli l’honnêteté publique par la suppression de l’affinité, mais on a trouvé qu’il n’y avoit point d’honnêteté publique en ce cas, et par cette raison on a supprimé l’affinité comme l’effet d’une chose chimerique et qui ne subsistoit plus. Aprés tout, cet obstacle n’est pas un empeschement dirimant, il n’a la force tout au plus que d’empescher un mariage qui n’est pas encore contracté. Tout ce qui est prohibé ne devient pas un crime quand il est fait. Combien voit-on de mariages contractez du préjudice de la défense des Juges qui ne laissent pas d’être confirmez ; Combien en voit-on au préjudice de celles de l’Eglise qui ne laissent pas d’être valables : Multa fieri prohibentur, que si facta fuerint roboris obtinent firmitatem. t. De Matrim. contra interdict. Eccl. cont. Quand les choses sont entières il est bon de choisir ce qui est le mieux et le plus honnête ; mais quand le mariage est consommé il n’est plus temps de s’arrêter à la bien-seance, ce seroit une étrange nature de crime que la Justice jugeroit si grave, qu’elle n’en accorderoit point le pardon, et l’Eglise si leger qu’elle n’en donneroit pas seulement de Dispense. C’est la distinction qu’il fant faire entre cette espèce et celle qui fut décidée par l’Arrest remarqué parBerault . En celle-là on s’opposoit à un mariage que l’on vouloit contracter. En celle-cy on veut rompre un mariage célèbré et consommé.

Quant à l’affinité spirituelle on demeuroit d’accord qu’elle formoit un empeschement essentiel et dirimant, mais il n’y en avoit point de formelle, elle n’étoit que figurative, dautant que l’alliance spirituelle se contractoit seulement par le noeud du Sacrement de Baprême, c’est à dire quand le parrein et la marreine tenoient l’enfant sur les Fonds, que ladite Dargouges avoit seulement donné le nom à l’enfant un an aprés le Bapréme, auquel elle n’avoit point assisté, mais à la seule Ceremonie qui avoit été différée pour nommer l’enfant.

De Cahaignes répondoit que ces sortes de mariages blessoient si fort la pudeur naturelle, qu’il n’avoit pas été nécessaire de faire des loix pour les empescher : la raison feule apprenoit ssez qu’on devoit s’en abstenir et c’étoit mal argumenter que de conclure qu’ils n’étoient point défendus, puisque dans le Levitique on ne les a point mis au nombre de ceux qu’il n’est pas permis de contracter : il est vray que toutes les personnes et tous les degrez dans lesquels le mariage est prohibé, ne sont point exprimez dans les 18. et 20. Chap. du Levitique ; les termes de cette Loy divine êtans generaux, il n’y est fait aucune mention du mariage de l’ayeule avec quelqu’un de ses décendans, et cependant un tel mariage seroit abomi-nable. Il est défendo d’épouser la venve du ftère de son pere, et on ne parle point de la veuve du frère de la mère : Celui-cy neanmoins ne seroit pas moins criminel que l’autre.S. Basile . Basile Balsamon en son Epitre à Diodorus, et commentée par Balsamon, a montré que la Loy de Dieu défendoit à un homme d’épouser les deux seurs fuccessivement, et toutefois le Texte du Leviti-que n’en dit rien de formel. Les termes de cette Loy divme êtans generaux, aussioien que les raisons ont fait croire aux anciens Peres de l’Eglise que l’énumeration des degrez n’étoit pas parfaite, mais que Dieu se contenta de declater par forme d’exemple quelques person nes et quelques degrez qui comprenoient les autres, et qui étoient de telle qualité qu’ils servoient de regle et de loy pour les autres cas semblables ; et ces mêmes Peres ont remarqué que ces premieres paroles, omnis homo ad proximam sanguinis sui non accedet, nt revelet turpis rudinem ejus, et qui sont encore plus énergiques dans la vorsion des Septante MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC, êtans generaux recevoient par interpretation les autres degrez non specifiez. Aussi les Moise Scribes qui ont expliqué cette Loy de Moise, ont étendu beaucoug plus loin ces prohibitions, suivant l’observation deFagius , sur le Chap. 18. du Levitique, et il n’est pas véritable qu’il ût si peu défendu d’épouser la veuve de son frere, qu’au contraire il y avoit une loy formelle qui le commandoit. Ce mariage n’étoit ordonné que quand le frere êtoit mort sans enfans, Deuteronom. 25. 8. 5. autrement il êtoit expressément défendu. Turpitudinem uxoris fratris. Josephe tui non revelabis. Levit. 18. V. 16. Et c’est pourquoy dans Josephe, l. 17. Antiquit. Judaic. c. 15.

Archelaus est blamé pour avoir épousé Glaphyra, veuve d’Alexandre son frère, parce qu’elle en avoit des enfans vivans.

Si dans l’ancien droit Romain on ne trouve point la prohibition de ces mariages, il ne s’enfuit pas qu’ils fussent permis ; car outre que les anciens Romains firent peu de loix sur ce sujet, étant conduits par la lumière naturelle, ils ne laissoient pas d’avoir en horreur toutes les conjonctions incestueuses et mal-honnêtes, et c’est d’eux que nous avons appris cette belle Maxime, que dans les mariages on ne doit pas tant considerer ce qui est permis que ce qui est honnête, et que la raison de l’honnêteté doit prévaloir sur toutes les autres, l. semp de ritu nupt. Je ne sçache pas que le mariage de l’oncle avec sa niece fût défendu par aucune toy écrite, et cependant par l’honnéteté de leurs moeurs ils s’étoient abstenus de ces mariages, et nonobstant un Senatusconsulte qui les autorisa, et la corruption du siecle où il fut publit l’exemple d’un Empereur ne fut imitée que par un flateur d’une condition mediocre.

Aussi quoy que nous ne lisions point de loy plus ancienne que la Décision dePapinien , on ne doit pas se persuader qu’il fût permis auparavant à la belle-mere d’épouser le mary de sa pelle-fille, puisque Rome payenne observoit tant de bien-seance dans les mariages et qu’elle ne vouloit pas même pratiquer ceux qui étoient autorisez par des loix, quand ils étoient con traires à la pudeur naturelle

Quoy qu’il en soit, il est certain que depuis Papinien ce fut un droit general et inviolable l. 15. de ritu nupt. non oportere in matrimonium convenire novercam ejus qui privigna maritus fuit.

Justinien Elle parut si sainte à Justinien qu’il la confirma solennellement dans ses Institutes, Inst. de Nupt.

La raison est que quand il se contracte une véritable affinité, l’effet en dure perpetuellement dans la ligne des ascendans et des décendans, parce qu’ils tiennent lieu de parens et d’enfans,Balduin . in 1nstit. de Nupt. 8. affinitatis. Qunm tractatur de nuptiis prohibitis ratione affinitatis, tractatur tantùm de iis quae prohibentur in venerandam memoriam affinitatis que fuit inter aliquos, et docet Papinianus in hac lege non tantùm inter eum que nurus aut socrus, & eum qui socer vel gener fuit, vetitas esse nuptias, sed inter eam etiam que nurùs fuit vel socrûs loco, non revera nurus aut socrus, & eum qui generi fuit aut soceri loco, non veré gener aut socer, ac primum eam que fuit quondam uxor privigni, non esse vitrico justam uxorem,Cujac . Ad lib. 4. resp.Papinian . Ad l. 15. de ritu nupt. La belle-mere ne peut épouser le mary de sa belle-fille, parce que cette bellefille luy tenoit lieu de fille, et par consequent ce mary luy tenoit lieu de gendre.

On ne peut donner assez de loüanges à ce Jurisconsulte payen, puisque ses sentimens ont été si purs et si honnêtes : et on a eu raison d’avoüer qu’il eût été honteux aux Chrêtiens de n’imiter pas de si beaux preceptes dans la pratique d’un si grand Mystere. Tous les anciens Canons se conformerent aux loix civil, et on ne prétend soûtenir cette honteuse liaison que par l’autorité du Chap. non debet, qui abolit l’empeschement du mariage au second et troisième dégré d’affinité, et on prétend que cette innovation doit être étenduë jusqu’à la ligne des ascendans et des décendans : que cela même a été reconnu par tous les Docteurs, et particulierement par Mr Cujas en ses Commentaires sur cette loy dePapinien , et qu’enfin on a panni tout le serupule que les consciences timorées pouvoient avoir de ces mariages.

Il est bien vray que les Docteurs ne doutent point que le second et le troisième genre d’affinité ont été rétranchez par ce Chap. non debet, mais ils ne se sont pas expliquez précisément si ce Chapître doit être entendu de l’affinité du second dégré contractée en la ligne des ascendans et des décendans ; et il est sans doute beaucoup plus à propos de restreindre la disposition de ce Chapître à la ligne collaterale, puis qu’autrement il renverseroit les plus saintes Constitutions, et choqueroit la bien-seance et l’honnêteté publique, laquelle ayant servi de fondement à cette affinité du second et troifième degré ne doit point être violée.

C’est aussi de cette manière que la Cour lexpliqua en la cause qui fut jugée par lArrest rapporté parBérault , et qui fait la décision de celle qui s’offre à juger. La difference qu’on apporte entre lune et lautre espèce n’est point considérable. On convient qu’il y a des causes qui peuvent servir d’empeschement à un mariage que lon veut contracter, qui ne sont pas toutefois assez puissantes pour le dissoudre quand il a été consommé, mais il n’en est pas de même quand les empeschemens sont dirimans, et que le mariage ne peut subsister sans en violer la pureté : Févret, en son Traité de l’Abus, a estimé que si les personnes qui se veulent marier se trouvoient en ligne superieure d’affinité, il y auroit un empeschement tel que le Pape même n’en pourroit dispenser ; et aprés avoir rapporté l’Arrest de ce Parlement il en rapporte un autre contre un autre Normand qui avoit obtenu par surprise un rescrit contenant dispense pour épouser la reuve du fils que sa femme avoit eu d’un precedent mariage : Sur l’appel comme d’abus par es parens de l’execution du rescrit, il fut dit mal, nullement et abusivement procedé et executé, et défenses aux parties de passer outre à la solennifation du mariage à peine de la vie ; les parties’étant pourvûës contre cet Arrest au Conseil Privé du Roy, il y eut Arrest confirmatif de celuy lu Parlement de Normandie aprés qu’un Conseiller d’Etat eût demandé l’avis du Parquet de Messieurs les Gens du Roy sur le sujet de la validité ou invalidité du rescrit Apostolique, mais il y a apparence que c’est le même Arrest contre lequel on se pourvût au Privé Conseil du Roy, et le même que Berault a remarqué, et non un autre comme l’a crû.Morfac , dont Févret Févret a emprunté cet Arrest, ne s’en est pas expliqué nettement, ayant seu-lement coté la datte de l’Arrest du Conseil de l’année 1610. Ad l. 15. de ritu nupr. Pour l’emeschement de l’affinité spirituelle les Canons y étoient si exprés qu’on n’y avoit répondu que par une défense frivole., Mr l’Avocat General le Guerchois ne manqua pas de prendre de party de l’honnêteté, et il excita, la Cour par un discours éloquent et fort docte à suivre l’exemple de ceux qui avoient tenu leur place auparavant, comme de son côté il suivoit l’eremple de Mr l’Avocat General du Viquet, qui considera ces mariages comme êtant non seu-ement défendus, mais detestables ; la Cour neanmoins appointa la cause au Conseil. Depuis e sieur Hulin craignant l’évenement de son procez l’évoqua au Conseil, sur ce pretexte que c’étoit une matiere purement Ecclesiastique, qui ne pouvoit être traitée que par devant le Juge d’Eglise, et que la question en étant singuliere, elle ne pouvoit être décidée que par sa Majeste. Durant les poursuites qui se faisoient au Conseil Hulin mourut, il n’y eut point d’ac-commodement avec la mère de ses mineurs, et les parties firent donner un Arrest au Privé Conseil du Roy le 9 de May 1670. par lequel on déclara qu’il n’y avoit abus en la celebration du mariage : On se pourvût contre cet Arrest, mais il fut confirmé par un second Arrest du Conseil de l’an 167é

Au mois de Mars de l’année 1672. en l’Audience de la Grand. Chambre du Parlementi de Paris, on commença la plaidoirie d’une cause célèbre entre René du Chéne, Ecuyer, sieur de Marevite, et Demoiselle Loüise du Chéne fa soeur, enfans de la Dame de Broc, appelans comme d’abus d’une Bulle en forme de Dispense de mariage, et de l’enterinement d’icelle par l’Official de Mr l’Evéque d’Angers, et de l’Acte de celebration, et de tout ce qui fail avoit été en consequence ; et Dame Marie Madeleme de Broc, femme autorisée en Justice, au refus du sieur Marquis de Jalaine son mary, et avant épousé en premieres nopces Messire Sebastien de Broc, Vicomte de Foultourte, intimez. La question êtoit de sçavoir si une Dispense le mariage obtenue par une petite niece et un grand oncle étoit juste et canonique, et si le Pape avoit pû valablement l’accorder, ayant été exprimé que les parties étoient parens au troisième degré, sans expliquer du premier au troisiéme3

Le fait étoit que feu Sebastien de Broc êtoit grand oncle paternel de la Dame intimée, étant tiche de trente mille livres de rente, et âgé de soixante et dix ans, il luy prit envie de se remarier pour la troisième fois à la Demoiselle Bigot de Lignière ; mais ses neveux voyant que cela alloit à leur ruine, luy ôterent de l’esprit le dessein d’épouser cette Demoiselle, et du concert de toute la famille luy firent con acter mariage avec ladite Demoiselle Marie Madeleine de Broc sa petite, nièce, dans la vûë de conserver le bien dans la famille, en cas qu’elle en eût des enfans, et pour tout avantage il promit à cette Demoiselle, âgée de quatorze ans, six mille livres de doüaire, ce qui faisoit le sujet du procez. Pour accomplir ce mariage le grand oncle obtint une Dispense de Rome adressée à Mr l’Evéque d’Angers ou son Official, et ayant fait faire un arbre genealogique, par lequel il paroissoit que les parties étoient parens du premier au troisième degré, l’Official d’Angers fit fulminer la Bulle, et permit aux parties de se marier, et en suite les parties qui demeuroient au Mayne obtinrent une Dispense de Bans de Mr l’Eveque dlu Mans.

Les appelans disent que la Dispense de mariage et la Sentence de fulmination sont nulles et abusives. Pour la Dispense, il y a obreption, il y a nullité, et il y a abus : L’obreption est apparente, parce que l’on n’a pas exprimé au Pape la qualité du degré de parenté ; sçavoir, qu’il étoit du premier au troisiéme, laquelle expression n’auroit pas seulement rendu le Pape plus difficile à accorder la Dispense, mais luy auroit donné un moyen legitime de la refuser.

Les impetrans dans leur supplique par un artifice et par une reticence captieuse, se sont contentez de representer qu’ils étoient au troisième degré, sans parler de la distance et de la difference du degré, quia tertio consanguinitatis gradu invicem sunt conjuncti. On en est demeuré là, on n’a point dit que Sebastien de Broc fût grand oncle, et Demoiselle Marie Madeleine petite niece, parce qu’on sçavoit bien que cette diftance du premier au troisième faisoit un empeschement legitime et canonique, qui dissuaderoit le Pape de donner aucunes Lettres de Dispense, principalement dans la conjoncture particulière d’un mariage, er laquelle il n’y avoit aucune nécessité ni cause legitime, ni interest de famille pour dispenser les parties : Le defaut d’expression fait une obreption et une subreption, laquelle non seulement par le droit commun, tel qu’il est dans tout le titre de Rescriptis, rend les Bulles de dispense suspectes de fausseté, mais encore suivant les dernieres Constitutions des Papes et selon l’usage present de la Chancellerie Romaine, les rend absolunent nulles ; car les Papes, Pie IV. Grégoire XI.Clement VI . et Pie V. ont fait des Constitutions singulières, par lesquelles ils ont ordonné que doténavant on ne seroit pas seulement mention du degré le plus éloigné, mais encore du plus prochain. Leur disposition. st rapportée dans celle de Pie V. en ces mots : Caverur quod in difpensationibus matrimonialibus pro diversis consanguinitatis seu affinitatis ex eodem stipite provenientibus gradibus conjunctis ; non remotioris solum, praeut olim fieri solebat, sed etiam propinquioris graduum, expressa mentio fieri debeat, atioquin dispensationes ac desuper confectae littere nullius sint roboris vel momenti. Ce Pape a renouvelé et confirmé de son temps une si sainte Ordonnance établie par Pie IV. son Predécesseur, et encore que nous n’admettions pas en France ces sortes de Decretales, qu’aprés qu’elles ont été enrégistrés en la Cour de-Parlement, néanmoins quand elles se trouvent conformes aux Canons nous les recevons, non pas comme des regles de la Chancellerie de Cour Je Rome, mais comme des dispositions du droit commun, lequel est si juste que les Canonistes les plus relachez ont été obligez de le reconnoître. Sanchez, en son Livre 8. de Difpens. difput.

a num. 32. expliquant cette Ordonnance de Pie V. a dit que toutes les Dispenses où l’on n’avoit pas déclaré la qualité du degré étoient subreptices et nulles. 30. Obserzandum est, dit-il, quande tropinquior gradus stipiti fuerit primus, nullatenus valere dispensationem, in quâ solius remotioris mentio fit, ut si quidam velit ducere neptem fratris sui s c’est la propre espèce du degré dont il s’agit hic contracturus distat à primo stipite, in primo gradu cum tertio, ce que nous appelons du premier au troisième, si in his eventibus solius remotioris gradus mentio fiat, non explicatâ distantiâ alterius contrahentis à stipite in primo gradu dispensatio erit prorsus subreptitia. Petrusde Ledema , en son Traité du Mariage, Quest. 54. Art. 2. a été de même sentiment. PyrrhusCorradus , Chanoine de Naples, lequel a donné depuis vingt ans un Livre au public de toutes les sortes de Dispenses qui sont à present usitées à Rome, parlant de celles dont il est question, dit qu’on est tellement obligé d’exprimer la difference du degré, que dans les Lettres on a accoûtumé de mettre cette clause, distantiam vero gradùs eis non obstare déclares. Véritablement il ajoûte que si l’on avoit comis de déclarer la distance et la qualité du degré, on pourroit suppléer ce defaut par d’autres Lettres déclaratoires, et il en rapporte à ce sujet une dernière Constitution de Pie V. interpretative de celle de Pie IV. en laquelle se trouve cette clause, obtentis tamen postea super propinquiore litteris declaratoriis : et encore que cet Auteur moderne expliquant cette Constitution estime que le defaut des Bulles déclaratoires n’empesche pas que la Dispense ne soit valable en soy, neanmoins il demeure d’accord que quand la Dispense est du premier au troisiéme, ce defaut, et d’expression, et de Lettres déclaratoires la rend nulle, à cause de ces mots que Pie V. a mis dans cette Constitution : Dummodo primum quoquo modo non atiingant gradum, cum in eo Sanctitas sua numquam dispensare intendat. Il ne sert pas de dire que dans le droit Canon on regarde le degré le plus éloigné, et non pas le plus proche, et que la Demoiselle Marie Madeleine de Broc étant au troisième degré, auquel le Pape pourroit dispenser, il faut considerer son degré, et non celuy de Sebastien qui est au premier, parce que cette regle de droit qui est dans le Chapître dernier extra de consanguinit. et affinit. remotiorem gradum non proximiorem attendi, n’a lieu qu’entre les parens qui sont en égal degré, comme des cousins germains, ou issus de germains, mais non pas entre ceux qui sont en inégalité de degré, dont il y en a Hostiensis qui representent les peres ou ayeuls ; ce qui a été premièrement remarqué par Hostiensis Duaren lur le Chapître quod dilectio, de consanguini et affinit. et en suite par Duarein, sur le Titre foluto matrimonio. Ea regula ita videtur accipienda, nisi alter propinquus sit communi parenti, ut uno tantùm gradu ab eo distet, quo casis abstinere debet ab eorum nuptiis, non enim videtur Canon Pontificius, utcumque ejus verba generalia sint, hunc casum in quo specialis ac singularis ratio estcomplecti, nam hic Canon Pontificius sieut de parentibus ac liberis non intelligetur, ita nec de his qui parentum liberorumque locum obtinent. EtMuret , sut le : Institutes, marquant l’usage de son temps, dit que pour la validité des Dispenses, il y a necessité, quand cette inégalité de degré se rencontre, d’exprimer la qualité de cette distance. Quoties potestas contrahendi matrimonii vetitur inter eos qui non aequaliter distant à communi stipite, non fatis est dicere in libello supplici, tos inter se esse in hoc aut illo gradu, sed exprimendum quoto gradu.

C’est pourquoy, soit que l’on considère la disposition du droit commun, soit les Constitutions particulières des derniers Papes, soit l’usage de la Chancellerie de la Cour de Rome, soit l’opinion les Canonistes Romains, même les plus relachez, les impetrans de la Dispense dont il s’agit, n’ayant point exprimé la qualité de leur degré de parenté, et pour couvrir ce manquement d’expression, n’ayant point obtenu de leur vivant aucunes Bulles déclaratoires, cette Dispense est entièrement obreptice et subreptice.

Il y a aussi nullité dans la Dispense en ce que cessant l’obreption, et quand on auroit exprimé du Pape le degré de parenté de Sebastien de Broc et de la Demoiselle Marie Madeleine de Broc, le Pape n’auroit pû les dispenser de contracter mariage, parce que la prohibition de se marier entre l’oncle et la nièce, le grand oncle et la perite nièce, est en quelque façon de droit divin et du droit des gens. Les Commandemens qui sont marquez dans le Chapitre 18. du Levitique, touchant les degrez défendus du mariage, ne sont pas et ne doivent pas être considérez comme des regles de police, mais comme des preceptes de la nature et des moeurs, lesquels sont autant obligatoires sous la Loy de Grace, et depuis létablissement du Christianisme, Moise comme ils étoient auparavant sous la Loy de Moise. Tous les termes dans lesquels ce Chapître 18 est conçû marquent que ces preceptes sont naturels et non cérémoniaux. Au commencement Moise et à la fin Moise fait dire à Dieu que ce sont ses Commandemens, judicia mea, precepta mea.

Quand il fait la défense il se sert de ces mots, non revelabis turpitudinem, qui marquent et signifient la pudeur et lhonnêteté naturelle : La peine qui est ordonnée contre les contrevenans est de la mort et du sang, laquelle n’est pas ordinairement imposée pour les loix et les preceptes de ceremonie, omnis anima que fecerit de abominationibus his quidpiam peribit de medio populi suiCe mot d’abomination marque une contravention au droit naturel, il veut même que les Gentils qui commettoient ces incestes, qui sont marquez par des termes d’execration et de pollution, soient punis, ce qui montre que cette loy fondée sur le droit de la nature, qui est commun à toutes sortes de personnes, obligeoit et lioit aussi-bien les étrangers que les Juifs. S. Jean Baptiste, dont le ministere semble avoir été la fin de la Loy ancienne, a : t’il pas commandé l’observation de ce precepte, quand il reprocha à Herodes d’avoir épousé la femme de son freres S. Paul a-t’il pas anathemarisé l’Incestueux de Corinthe qui avoit peché contre la disposition de cette ancienne Loy du Levitique, pour nous enseigner que cette défense n’étoit pas d’un simple droit céremonial, mais étoit établie sur un droit divin et naturel qui est immuable ; Dans ce Chapitre 18. il est dit expressément, turpitudinem Patrui non revelabis, qui est l’oncle paternels en un autre endroit, turpitudinem sororis Patris tui non revelabis, qui est la tante paternelle ; et en suite, turpitudinem sororis matris tué non revelabis, qui est la tante maternelle. Quoy qu’il ne soit point parlé des grands oncles et des grandes tantes, ils sont compris sous ce premier degré, parce qu’il y a même raison. Les termes de cette Loy divine êtans generaux, aussipien que les raisons ont fait croire aux anciens Peres de l’Eglise et aux Modernes que l’énu-meration des degrez contenuë dans ce Chapître 18. du Levitique n’étoit pas parfaite, mais qu’elle ne proposoit que par forme d’exemple les degrez qui composoient les autres, et ils ont remarqué que ces premieres paroles, omnis homo ad proximam sanguinis sui non accedet, ut revelet turpitudinem tjus, êtans generales recevoient par interpretation les autres degrez non specifiez.S. Basile . Basile, en son Balsamon Epître à Diodorus inserée avec les Conciles d’Orient, et commentée par Balsamon, a-t’il pas nontré que la Loy de Dieu défendoit à un homme d’épouser successivement les deux seurs Cependant le Texte du Levitique n’en dit rien de formel, mais il prouve par une consequence decessaire qu’il faut étendre un cas à un autre semblable. Les Peres Grecs du Synode tenu in Trullo ont-ils pas dans le Chapitre 54. ajoûté plusieurs autres personnes qui n’étoient pas comprises dans cette prohibition ;. Les Peres Latins, sur le même fondement et par une semblable interpretation ont étendu ces degrez prohibez aux autres.S. Ambroise . Ambroise, en l’Epître 66. ad Paternum, dit que la Loy divine avoit défendu le mariage des cousins germains. Quid enim est quod dubitari queat, cum lex divina etiam Patrueles fratres prohibeat, convenire in conjugalem copulam. Neanmoins dans le Levitique il n’est fait aucune mention des cousins germains.

S. Augustin . Augustin, en son Livre 15. de la Cité de Dieu, Chapitre 16. dit-il pas que l’Eglise a rejetté ces nopces des cousins germains, quoy que la Loy de Dieu n’en eût point parlé. S. Grégoire, consulté par Augustin Evéque d’Angleterre, défend les mêmes nopces, et ne se fonde que ur la prohibition generale du Levitique. Sacra lex prohibet cognationis turpitudinem revelare.

Le PapeJean VIII . écrivant à Aitard, Archevéque d’Ausche, et à ses Suffragans, touchant les incestes qui étoient frequens dans cette Province, dit que la Loy du Levitique n’oblige pas seulemeur les Chrêtiens plus que les Juifs, mais que les degrez de parenté prohibez par lEglise y sont compris. Et si Deus Hebraico populo ante incarnationem unigeniti filii sui hec servanda mandavit quanto amplius nos qui Christianae Religionis documenta tenemus, ab illicitis. Masius Drusius onnubiis observare debemus. Masius, et aprés luy Drusius, les plus sçavans Interpretes que nous Josué ayons sur le Chapitre 15. de Josué, ont suivi le sentiment des anciens Peres de l’Eglises tratris filiam ducere uxorem, et si connubiales leges que in Levitico sunt scripta apertè non vetent, tamen id tacité obscuréque faciunt consectariâ quadam ratione, cum Amitam, item Maternam, item Patrui uxorem duci prohibent, sunt enim illae paris cum fratris filiâ propinquitatis necessitudine nobis conjunctae.Fagius , sur le Chapitre 18. du Levitique ; ajoûte qu’il faut dire la même chose des grands oncles et des grandes tantes ; la raison qu’il rend est que le même droit naturel qui a pour objet la pudeur et l’honnêteté, défendant à une nièce d’épouser son oncle, qui represente le pere, défend aussi à la petite nièce d’épouser son grand oncle. FrançoisHotoman , en son Livre singulier, de castis nuptiis, Chapitre 7. a été de même sentiment. Quod de Patruo Avunculo Amita Materna in Levitico sancitum est, etiam ad propatruum proavunculum, proamitam, promaterteram producendum esse rationis paritas ostendit, nimirum quia fecundi patris, fecunda matris propinqui sunt, farque parentum locum ac numerum obtinent. M’Charlesdu Moulin , en sa Notte qu’il a faite sur le Chapitre litteras extra de restitut. spoliatorum, a positivement assuré que les prohibitions contenuës dans le Chapitre 18. du Levitique étoient de precepte divin moral, et que le Pape n’en pouvoit dispenser, et répondant aux Canonistes qui tiennent que le Pape ne peut dispensers per honestatem, sed bene per potestatem, il dit que cette distinction est teméraire, tenent non posse dispensare per honestatem, sed per potestatem, quod est nimis audax et temerarium dictum, et sur le Conseil 602. deDecius , il dit qu’elle est ridicule et illusoire, est irrisoria et Textùs contorsio : Jurisconsulti verb quando serio loquuntur tenent negativam. Antoine le Comte a fait un Chapître exprés dans le Livre second lectionum succissivar. où répondant à ceux qui prétendent que la Loy du Levitique et celle des mariages étant un precepte prohibitif, praceptum prohibitorium, Il ne doit pas être étendu, dit que cette Loy êtant fondée sur l’honnêtéré naturelle, il faut en faire extension aux personnes et aux degrez où il y a semblable raison. Moises nominatim non prohibuit duci neptem fratris & deinceps ; ergo permisit, Moses nominatim non vetuit, nequis eodem tempore binas habeat uxores ; ergo permisit, sed generale praceptum Mosaica prohibitioni oraferunt ut omnis, homo non accedat ad proximam sanguinis sui, satis excludere videtur regulam vistam de prohibitoriis legibus, neque tutum est dicere, generi eo loco per Speciem derogari ; et en suite de ce même Chapitre, il conclud que les oncles et les grands oncles sont dans la prohibition des mariages.

Mais quand on supposeroit que cet empeschement de se marier entre le grand oncle et la letite nièce ne seroit pas de droit divin, il est toûjours vray. de dire qu’il est du droit des gens, et par consequent que l’on n’en peut donner de Dispense. La nature a imprimé dans l esprit des hommes ce respect et cette pudeur de s’abstenir de la conjonction de toutes les personnes qui representent nos peres et nos meres, ou ceux qui sont en ligne afcendante ; et comme les roncles et les grands oncles tiennent lieu de peres et d’ayeuls, aussi font-ils dans la même défense. Les prohibitions des mariages pour cause de la parenté sont fondées en partie sur l’autorité du droit naturel, en partie sur la disposition de la Loy civil. Les Loix des Payens, et celles des Empereurs Chrêtiens, ont eu pour but principal l’honnêteté publique, Semper m Modestinus conjunctionibus non solûm quod licet, spectes, sed & quod honestum sit, dit Modestinus en la Loy 197. De Regul. Jur. L’EmpereurDiocletien , en une Loy qui ne se trouve point ailleurs que dans le Pariateur de la Loy Mosaique avec la Romaine, que Pierre Pithou nous a donné recommande dans les mariages cette même honnêteté que la nature a inspirée à tous les hommes, In quo id etiam providendum quam maximè esse censuimus, ut matrimoniis religiosè atque le-gitime juxta disciplinam juris veteris copulatis tam eorum honestati, qui nuptiarum conjunctiones Jectantur, quam etiam his qui cum deinceps servatâ religione nascentur, incipiat esse consultum, & S. Augustin honestate nascendi etiam posteritas ipsa purgata sit. Et 8. Augustin, dans le Livre 15. de Civitate Dei, cap. 15. dit que la Nature dans les mariages a mis de certaines bornes qu’il n’est pas permis de passer, Si iniquum est aviditate possidendi transgredi limitem agrorum, quanto est iniquius libidine concumbendi subvertere limitem morum.

Les Romains qui de toutes les Nations ont été les plus religieux observateurs de cette honnêteté des mariages, et ont le plus soigneusement conservé ce droit naturel, ont fait deux sortes d’incestes, l’un appelé incestum jure gentium, l’autre incestum jure civili. La premiere espece est attribuée au droit naturel, que les Interpretes appellent secundarium, qui est commun à la pluspart des nations et des peuples bien policez, au moins de ceux, qui comme dit Theophile aux Institutes De jure naturali, vivent sclon la véritable raison ; ces incestes, comme plus atroces, sont plus rigoureusement châtiez que les incestes introduits par le droit civil l’abomination de ces conjonctions illicites a porté les Legiflateurs à des peines extraordinaires contre les contrevenans, et à punir même ces crimes en la perfonne des mineures, des femmes, des soldats, et des serfs, nonobstant les excuses qu’ils peuvent alléguer de l’ignorance du droit. L’autre inceste appelé de droit civil ou positif, est celuy qui n’est pas également défendu de toutes les Nations, mais qui se change et se regle suivant les coûtumes et les usages particuliers ; et la raison de ce droit est bien plus foible, incertaine et varrable, puisqu’elle dépend du caprice et de la volonté de ceux qui gouvernent les Etats.

Cette premiere espèce d’inceste du droit naturel, ou des gens, dont la prohibition est appelée par les Jurisconsultes Nefaria, a lieu entre les ascendans et les décendans à l’infiny ; et dans la ligne collaterale, entre les frères et seurs, et les oncles ou neveux, et les tantes ou nieces. Pour les freres et les seurs, la Loy 8. Digest. de ritu nupt. est précise, quia hoc jus moribus non legibus introductum est. Elle oppose les moeurs, qui est à proprement parler le droit des gens ou le droit naturel, à la Loy : pour les oncles ou grands oncles, et les nieces ou petites nièces, il y a la Loy Sororis au même titré, sororis pronepotem non possum ducere uxorem. quoniam parentis loco sum : le Jurisconsulte rend la raison, que comme il y a un inceste commis contre le droit naturel dans les conjonctions qui se font entre ceux qui sont en la ligne ascendante ou décendante ; aussi ce même inceste a lieu entre ceux qui dans la loy collaterale re-presentent les peres ou les meres : et la Loy ajoûte, si quis ex his quas moribus prohibemus axores ducere, duxerit, incestum dicitur committere. Cet inceste est du droit des gens, comme il est plus clairement expliqué en la Loy derniere au même titre : Jure gentium incestum commitrit qui ex gradu ascendentium vel descendentium uxorem duxerit, qui verb ex latere eam duxerit, quam vetatur. Cette loy dit que ceux-là commettent un inceste contre le droit des gens dans a ligne collaterale, qui épousent des personnes prohibées. Or nous voyons que non senlement il est défendu aux oncles d’épouser leurs nièces, mais encore aux grands oncles de se marier avec leurs petites nieces. Ulpien dans fes Regles de Droit de l’Edition que Mr Cujas nous a donnée, Tit. 5. Nunc etiam ex quarto gradu licet uxorem ducere ; sed tamen fratris aut sororis filiam, neptemve eorum quamois eodem gradu sit amitam vel materteram ducere non possumus. Sut quoy il y a deux choses à observer : La premiere, que l’oncle paternel ou l’oncle maternel, entendus par ces mots, fratris aut sororis filiam ne peuvent se marier à leur niece. Pour le grand oncle paternel et le grand oncle maternel, compris sous ces termes, fratris aut sororis meptem, pareillement avec leurs petites nièces ; L’autre chose, qu’encore que regulierement les mariages soient permis dans le quatrième degré, toutefois il n’est pas souffert entre les grands oncles et les petites nieces, quoy qu’ils soient au quatrième degré, parce que la pronibition étant fondée sur le droit naturel ou des gens, et ces personnes representans les ayeuls, la défense a lieu indémmiment ; le droit de nature ne recevant aucunes bornes, ni par les loix ni par les hommes.

Cajus dans ses Instituts, ou plûtost dans les fragmens qui nous restent au Livre premier, ap. 7. de l’Edition d’Alcander, Fratris quoque & sororis filiam uxorem ducere non licet. Il ne dit pas seulement la nièce du côté de la mère, mais il y joint celle du côté du pere, pour montrer que l’oncle du côté paternel est autant dans la prohibition que celuy du côté de la mere : et ce qu’il a dit de l’oncle, comprend par la même raison le grand oncle. Quand ces deux anciens Jurisconsultes ont écrit, il n’y avoit point de Loy écrite, ni aucune Constitution d’Empereur qui eût été faite pour empescher ces sortes de mariages, il n’y avoit que l’honnêteré publique, la bien-seance naturelle, et la pudeur ou retenue particulière, sur lesquelles le droit des gens est fondé, qui servoient en ces temps de barnieres pour défendre ces conjonctions. Ces Jurisconsultes qui se conduisoient par le droit naturel, aussi-bien que par la raison civil, n’ont point eu d’Ordonnance d’aucun Empereur qui les ait guidez dans ces fentimens, ils n’ont eu que la lumière naturelle, qui est la plus certaine et la plus invariable, selon laquelle ils ont estimé que ces sortes de mariages ne pouvoient pas être contractez. Aprés eux ses Empereurs Diocletien et Maximien ont été obligez pour empescher que ce droit naturel Justinien ne fût pas violé, de faire cette Loy qui est dans le Code de Justinien L. 17. Tit. de Nupe.

Nemini liceat contrahere matrimonium cum filiâ, nepte vel pronepte, itemque cum matre aviâ, vel proaviâ. Voila pour la ligne directe. En suite il parle de la collaterale, Et ex latere amitâ ac materterâ sorore, sororis filiâ, et ex ea nepte, praterea fratris filiâ et ex ea nepte, il comprend les oncles et les grands oncles ; Il ajoûte pour laffinité, Itemque ex affinibus novercâ, privignâ, auris, socrus, caterisque qui jure antiquo prohibentur, En cette Loy il ne parle que des degrez prohibez par le droit des gens, car il y a trois sortes de personnes. Les premieres sont ceux qui sont en ligne ascendante ou décendante, dont la prohibition certainement est du droit naturel. La deuxième espèce est de ceux qui sont en collaterale, entre lesquels sont les grands oncles de quelque côté que ce soit. Les troisièmes sont ceux qui sont dans le dégré d’affinité en directe, qui pareillement et sans difficulté ne peuvent pas se marier par le même droit des gens, et il n’est pas croyable que ces Empereurs qui dans la premiere et dans la derniere espece ont rapporté les degrez prohibez par le droit des gens, eussent dans la deuxième espece, qui concerne la ligne collaterale, parlé des incestes du droit civil, ils auroient, si cela êtoit, confondu l’un et l’autre ; il y a plus d’apparence qu’ayant mis les personnes prohibées de la ligne transversalle entre deux espèces de personnes qui sont en un degré prohibé par le droit des gens, sçavoir les parens et les alliez en ligne ascendante et décendante : Cette troifième espèce de la ligne collaterale, soit dans une même et semblable prohibition, c’est à dire du Constantin droit des gens. L’Empereur Constantin a confirmé la même disposition par la Constitution qui est en la Loy première, Cod. Theodos. De incestis nuptiis, si quis filiam fratris, fororis-ve, taciendam crediderit abominanter, uxorem, capitalis sententiae penâ teneatur. Il ne distmgue point sles oncles, s’ils sont du côté du pere ou du côté de la mere, ce qu’il ordonne de nouveau est Honorius la peine capitale contre les contrevenans. Les Empereurs Arcadius et Honotius ont fait la même défense en la Loy troisiéme, Cod. Theodos. De incestis nuptiis, et si quis sororis aut fratris silia nuptiis se se funestaverit. Et en suite, ex latere frater, soror, patruus & amita.Anianus . ajoûte, aut nlterioris gradùs, pour montrer que cette prohibition avoit lieu pour le grand oncle Anastase et la petite nièce. L’Empereur Anastase en la Loy dernière Codice, a confirmé la même choses Justinien si fratris filiam vel sororis duxerit, viribus carere decernimus. Justinien enfin en ses Instituts, De nuptiis dit, fratris vel sororis filiam, nxorem ducere non licet, sed nec neptem fratris vel sororis quis uxorem ducere potest, quamvis quarto gradu sint, qui est la même chose, mot pour mot, qu’il a prise d’Ulpien en ses Regles ; Et il ajoûte une raison qui marque que ce qui a été dit de loncle, doit avoir lieu pour le grand oncle, Cujus enim filiam uxorem ducere non licet, neque ejus neptem permitnitur, Et dans le S. Amitam suivant, il rend une autre raison, qui montre que l’empeschement est fondé sur le droit naturel ; Erem Amitam ducere uxorem non licet ; item nec naterteram, quia parentum loco habentur, quà ratione verum est magnam quoque Amitam et Maerteram magnam prohiberi uxorem ducere. Toutes ces dispositions anciennes et modernes font voir que cette prohibition en collaterale des oncles et des grands oncles, a été uniforme et égale, qu’elle n’a point changé et varié, soit pour ceux qui étoient du côté du pere, soit pour reux qui étoient du côté de la mere ; et encore que Mr Cujas ; et quelques autres Docteurs aprés luy, ayent crû que la pluspart des Loix ne parlant que des neveux venans de la seur, n’avoient pas lieu pour les neveux venans du frère ; toutefois il faudroit que les Textes de Constantin Cajus, d’Ulpien , que la Loy deDiocletien , celle de Constantin, les Constitutions d’Arcadius . Anastase et d’Anastase, qui parlent toutes De fratris filiâ et de patruo, qui sont les oncles et les neveux du côté paternel fussent fausses, et qu’elles eussent été corrompués et interposées, comme semble vouloit insinuer MrCujas , ce qui n’est pas vray-semblable. Il est vray que la Loy dernière, De condit. sine causa, la Loy qui in Provinciam, la Loy aliam, et la Loy sororis de ritu nuptiarum, et la Loy si adulterium 5. 1. Ad L. Juliam de adulteriis, ne parlent que de sororis filiâ aut nepte ; mais ce n’est pas une consequence pour exclure de la prohibition les enfans du frere, puisqu’il y a même raison ; car les oncles paternels representent autant les peres comme les oncles maternels. La raison pour laquelle ces Loix n’ont parlé que des enfans de la seur, c’est que la raison de douter étoit plus grande, à cause que ceux-là venans d’une fille, n’avoient pas le droit d’agnation, mais avoient celuy de cognation seulement, s Et comme les enfans du frere avoient le droit d’agnation, y ayant moins de difficulté on n’en a point parlé, et l’on peut répondre à ce doute la même chose qu’a faitS. Ambroise . Ambroise en sa Lettre ad Paternum, si ideo permissum putas quia specialiter non est prohibitum, nunquid ideo licet, quia non est prohibitum, minimé, interdictum est enim naturae jure, interdictum est lege que in cordibus singulorum, interdictum est inviolabili prascriptione pietatis, titulo necessitudinis. Si l’on dit qu’il y a eu-un Senatusconsulte qui a permis à un Empereur d’épouser sa niece, cet exemple ne peut paï détruire le droit des gens ; car si une ou deux Nations se separent et s’égarent du droit de la Nature, ce droit ne laisse pas de demeurer immuable, tel qu’il êtoit en son origine ; non plus l’on ne dira pas que si un ou deux hommes n’usent point de la raison, que l’usage de la raison n’est pas commun à tous les hommes ; aussi voyons-nous que ce droit presque commun poutes les Nations a toûjours été conservé : En effet, si les Loix ont défendu à l’oncle d’épouser sa nièce adoptive du côté du pere, comme l’on void en la Loy S6. De ritu nuptiarum patris adoptivi mei, matrem aut materteram, aut neptem ex filiouxorem duxere non possum : à plus forte raison cette prohibition doit avoir lieu dans un véritable oncle, l’adoption n’étant qu’une image, qu’une figure, ou plûtost une fiction de la Nature ; Mais on peut observer que Mr Cujas n’a pas toûjours été dans ce sentiment, non plus que dans celuy de croire que les mariages entre les frères et les seurs, ou entre les oncles et les nieces, n’étoient pas ince. stueux par le droit des gens, mais par le droit civil ; car encore que dans ses Paratitles, il Justinien dit estimé que ces conjonctions n’étoient contraires qu’au droit civil et non pas au droit naturel. Si est-ce que dans ses Commentaires sur la Novelle 12. de Justinien, il a dit qu’elles com-battoient et le droit naturel et le droit des gens, Imâ inter eos qui veniunt ex latere vel inter affines jure gentium incestum committitur, ex his qui sunt à latere constat sororem moribus ( c’est à dire par le droit des gens y uxorem duci non posse, idem de sororis filiâ, imo et de sororis aut fragris nepte, vel pronepte, quia liberorum loco sunt. Et il ajoûte une autre raison, quia inter eas. personas, numquam jure civili permisse sunt nuptiae. Ces deux raisons remarquées par ce sçavant Interprete du droit, l’une que les oncles ou grands oncles tiennent la place des peres, et les neveux ou nieces representent les enfans ; l’autre, que le droit civil n’a jamais permis ces sortes de conjonctions honteuses, doivent convaincre de cette vérité, que la prohibition dans ces degrez est conforme à l’honnétété naturelle ou au droit des gens : Aussi Mr du, premier President au Parlement Faur deS. Jory Tolose, en ses Nottes manuscrites sur les Pa-gatitles de MrCujas , et qui ont été données au public depuis quelques années parFabrot , reprend Mr Cujas de ce qu’il a dit sur le Paratitle du Code De incestis nuptiis inceste sunt jure civili : Et sur ces mots il observe Equidem dubito, cum divino jure, imù etiam gentium prohibitae sint nuptiae, et sanè tu Cujaci has incestas esse dicis jure gentium in Commentario ad Novellam 12. hac ratione quoniam jure civili permisse sunt. Antoine dans le Comte Chapitre dont il a été parlé cy-dessus, dit que si quelques Jurisconsultes ont appelé ces incestes de droit civil, c’est à cause qu’il y a de certains peuples barbares qui ne les défendent pas, mais cela n’empesche aepas qu’ils ne soient incestes du droit des gens, mihi autem videtur quia naturalis ratio et divina id aeque omnibus gentibus prohibeat, tametsi miserabili coecitate mentis fascinata, non omnes id sequerentur, appellandum efse juris gentium incestum, alioquin nec misceri cum matre erit juris gentium, quia reperientur Magi, Caldai, et Persa et alii has non exhorrere nuptias. De tout ce que dessus, il resulte que le mariage entre un grand oncle et une petite nièce étant contraire au droit des gens, la prohibition étant du droit des gens, le Pape ne peut pas donner de Dispense, parce que ce pouvoir de dispenser n’a lieu que pour les choses qui sont de droit civil et positif.

Il ne reste plus qu’à montrer que la Dispense est abusive : il y a abus, parce que le Pape a dispensé contre les Canons sans cause legitime, sans necessité, et sans connoissance de cause.

Et afin de voir plus clairement cette contravention aux Canons ; qui fait l’abus.

Il faut observer quelle a été la prohibition des mariages entre les parens faite par les Conciles, et jusques à quel degré. Premierement, il est certain que dans les six premiers siecles du Christianisme, l’Eglise, et principalement la Gallicane, a suivi la disposition des Loix civiles, et des Constitutions des Empereurs, et pour la validité des mariages, et pour les em-peschemens, que les Docteurs ont appelé dirimans. Comme par le droit Romain entre ceux de la ligne ascendante, et ceux de la ligne décendante, il y avoit des défences de s’épouser jusques à l’infini, et dans la ligne collaterale jusques au quatrième degré ; aussi voyons-nous que les Decrets des Conciles approuvant, et suivant cette disposition de la Loy seculiere, ont défendu les mariages dans ces mêmes degrez. QuandS. Ambroise . Ambroise, dans cette Epître cu-dessus Theodose marquée, parle du mariage des cousins germains, il se fonde sur la Constitution de Theodose le Grand :S. Augustin . Augustin de même se rapporte aux Ordonnances civil. Le plus ancien Concile que nous ayons, qui ait parlé des mariages incestueux, est celuy d’Agde tenu en l’an 506. Le Canon seizième qui est rapporté par Gratien en la Cause 35. 4. 2. et 3. défend le mariage des treres et soeurs, celuy des oncles et nièces, et celuy des cousins jusques au quatrième degré Siquis relicta, vel filia Avunculi misceat aut patrui filiae, vel privignae suae ; siquis Consobrina se sociaverit. Quos omnes & olim atque sub hac constitutione incestos esse non dubitamus. Deux choses sont à remarquer dans le Concile. La premiere est, que la prohibition conformément au droit Romain, est restreinté au quatrième degré dans la collaterale ; car pour les cousins germains Consobrini, ils sont dans le quatrième degré, et pareillement les enfans des oncles et les tantes, filia Avunculi & Patrui, qui est la petite niece dont parle ce Concile, est dans le même degré du quatriéme, où l’on void que les Evéques ne font point de difference entré oncle du côté paternel et celuy du côté maternel. L’autre chose est que le Concile défend Les conjonctions sous peine de nullité, jusques-là qu’il veut que les conjoints se separent, et qu’ils ayent la liberté de se marier, Sanè quibus conjunctio illicita interdicitur. habebunt ineundi melioris conjugii libertatem. Le Concile de Tours tenu en l’an 567. au Canon 21. aprés avoir rapporté et confirmé les prohibitions marquées dans le Levitique, rapporte et confirme les deux Loix du Code Theodosien, dont l’une est pour les oncles et les cousins germains jusques u quatrième degré, et l’autre pour les affinitez : les Evéques de France assemblez à Mascon en l’an 585. dans le Canon 17. se sont pareillement reglez sur les Loix civil, Incestam Copulatioticin in qua nec Conjux, nec Nuptiae recte appellari leges sanxerunt, Catholica omnino detestatur, atque abominatur Ecclesia, où le mot de ( Leges ) opposé à celuy ( d’Ecclesia ) n’a point d’autre véritable. signification que la Loy civil : Depuis ce temps l’Eglise a étendu cette prohibition jusques au fixième et septième degré, et ce changement n’a point. dérogé à l’ancienne défense établie Zacarie par les Loix, au contraire elle l’a confirmé. Les Papes,Grégoire I Grégoire III . et Xacarie, semblent être ceux qui ont commencé de faire cette extension. Ce qui a donné lieu a été la compilation du Code Theodosien, dont on se servoit dans l’Eglise d’Occident, en laquelle rollection le Livre des Sentences du Jurisconsulte Paulus ayant été mis et ajoûté avec le Titre De Gradibus cognationum, qui regle les successions jusques au sepiième degté, les Ecrlesiastiques prenans de-là occasion d’ôter les mariages d’entre les parens, ent étendu la prohi bition jusques au septième degré, de même façon que la capacité de succeder êtoit bornée par ce Tître De Gradibus cognationum jusques au septième degré ; aussi l’incapacité de se marier a été étenduë jusques à la septiéme generation. Cette observation fe prouve manifestement par l’ordre des Titres et des Canons qui ont été amassez par les Compilateurs ; car dans le Code des Wisigots gardé et pratiqué en Espagne et en France, quand ces Peuples y habitoients incontinent aprés le Titre Incestis Nuptiis suit le Titre Paulus Jurisconsulte De Gradibus cognationum, comme si c’étoit quelque Loy des Empereurs. Ives de Chartres dans son Isidore Decret en la neufième Partie où il parle de ces mariages incestueux, a inseré avec les Canons ce même Titre des Sentences dePaulus , qu’il artribué à Isidore qui l’avoit emprunté du droit Romain ; Et Gratien en la Cause 35. qui est entierement des degrez prohibez du mariage, finit la question cinquiéme, par ce même Titre dePaulus . Aussi tous nos Conciles François compatent ordinairement ces degrez de mariage à ceux de la successionLe plus ancien Concile qui ait commencé de défendre le mariage des parens jusques au sixième degré a été celuy tenu en Bourgogne en l an 517. appelé Epauneuse, dont le Canon 30. porte la défense jusques aux cousins issus de germain, Siquis Consobrina, Sobrinave se societ : Consobrina est au quatrième degré, Sobrina est au sixième selon la supputation du droit Romain, qui étoit observé en ce temps, pour la manière de compter il déclare le mariage absolument nul, et permet aux conjoints qui se sont matiez dans le sixième de contracter mariage avec d’autres personnes, Sanè quibus hec conjunctio interdicitur, habebunt ineundi melioris conjugii libertatem.

Le Concile d’Auvergne tenu en l an 537. au Canon 12. celuy d’Orléans tenu en l an 538. au Canon 10. celuy de Tours tenu en l’an 578. et celuy de Paris tenu en l’an 615. disent trécisément, non licet consobrinam in conjugium accipere, nec qui de ipsis nati fuerint in conjugio, ocientur. Ainsi ces Conciles ayant limité la prohibition aux enfans des cousins germains appelez sobrini, ils ont étendu leurs défenses jusques au sixième degré, dans lequel les grands oncles et es petites nièces se rencontrans ils sont compris dans la prohibition des Canons : en suite l’on Zacarie les a augmentez jusques à la septième generation ; et le Pape Lacarie ayant envoyé en l’an 747. à Pepin certains Capitulaires, entre lesquels étoit ce Canon, juxta pradecessorum et antecessorum Pontificum decreta, dum usque se se generatio cognoverit juxta Ritum & Normam Christianitati et Religionis Romanorum, non copuletur conjugiis. On a reçû en France cette disposition.

Le Concile de Mers tenu sous le même Eacarie en l’an 753. marquant les degrez défendus les met jusques aux issus de germain, et dans le Canon premier il specifie particulièrement celuy du grand oncle et de la petite nièce en ces mots, cum fratris filiâ aut sororis filiâ aut nepte, àfratris filia c’est la nièce, ( fratris nepte ) c’est la petite nièce. Le Concile de Meaux de l’an 824. rapporté par Gratien au Canon premier 35. 4. 2. et 3. a dit précisément jusques au septième degré de generation, de affinitate consanguimieatis per gradus agnationis, placuit usque ad septimam generationem observare, et rend la raison de cette extension, sçavoir celle des successions. Nam & hereditas rerum per legales instrumentorum definitiones sancita usque ad septimum gradum protendit heredum successionem. Herard, Archevéque de Tours, dans la Compilation des Canons qu’il a faite pour être observée dans sa Province, a dit la même chose, ne in quinta vel sexta generatione Hincmar copulet conjugio, et nsque ad septimam generationem progenies observetur. Hincmate, dans une Epître Synodale, écrite par l’ordre des Evéques assemblez, in Tussiaco, en l’an 860. au sujet du mariage d’Estienne avec la fille de Regino sa parente, suivant les Decrets precedens des Conciles, défend les conjonctions jusques à ce même degré. Le Concile de Wormes en l’an 870. dans le Canon 77. 2-t’il pas suivi la même disposition : Contradicimus ut in quarta generatione nullus mplius conjugio copuletur, ubi autem post interdictum factum inventum fuerit, separetur. Ce Canon est rapporté dans les Capitulaires au Livre 5. Chapitte 99. avec cette Addition : Contradicimus. ut in quarta, quinta, vel sexta generatione nullus copuletur.. EtGratien , dans le Canon 21. 35. d. 2. et 3. l’attribué au Concile de Châlons sur Saone, et il faut que ce soit celuy qui fut tenu lous Charles le Chauve en l’an 873. que Jacques Sirmond a indiqué dans son troisième Tome des Conciles, sans en rapporter aucuns Canons : Enfin le Concile tenu à Douzi appelé Duxiacense, proche de Mouson, dans le Diocese de Rheims, en l’an 874. fait exprés contre les mariages. ncestueux, aprés avoir cité tous les Canons precedens blame et declare nulles toutes les confonctions incestueuses faites jusques à la septième generation. Authoritate quippe Dei sancti Ecclesia quam ab Apostolis sibi traditam creditur observare, cui refragari fas non est, et mundanâ legis censurâ nec non ipfius naturae honestissino ordine perdocetur propinquitatis conjugia usque au septimum gradum differenda. Les Evéques établissent cet empeschement du sang et de la parenté dans les mariages, sur la Loy Apostulique, sur la Loy civil, et sur celle de la Nature Le Reglement de cette prohibition jusques au septième degré a été long-temps gardé en l’Eglise, et il n’a été changé qu’au douzième siecle par le Concile de Latran sousInnocent III . dequel a limité l’empe schement au quatrième degré du droit Canon, qui revient au huitième du droit civil, suivant la manière de supputer par les dernieres Constitutions Ecclesiastiques, par lesquelles deux degrez du droit civil n’en font qu’un.

De tout ce que dessus l’on peut induire quatre choses pour montrer l’abus de la Dispense dont Il s’agit : La premiere est que la pluspart des Canons rapportez sont tirez des Conciles François lesquels ayant été pratiquez et observez dans le Royaume doivent nous servir de regle certaine. anviolable et indispensable. La seconde est que ces Canons se trouvans conformes à l’usage de Rome, et ayant été confirmez par les Decrets des Papes, deGregoire I . de Grégoire Il. dans un Synode Romain, de Cacarie dans le Concile de Rome, et d’Eugene Il. et Leon lV dans une pareille assemblée d’Evéques. Le Pape ne peut pas y déroger sans blesser les libertez de l’Eglise Gallicane, et sans violer l’obligation à laquelle ils sont tenus d’observer les Canons.

La troisième chose à remarquer est que dans tous les siecles de l’Eglise, même long-temps. depuis le Concile de Latran, les grands oncles et les petites nieces ont toûjours êté dans la prohibition dirimante du mariage ; car premièrement on ne peutpas nier que dans les six premiers siecles l’Eglise qui ne suivoit point d’autre Loy que la Loy civil et les Constitutions des Princes seculiers, et par l’un et l’autre un grand oncle ne pouvant épouser sa petite niece, on n’ait défendu. sous peine de nullité ces sortes de conjonctions : Si l’on veut gonsiderer la pratique des autres siecles suivans, pendant lesquels les parens ne pouvoient se matier jusques au septième degté, trouverons-nous pas que les grands oncles étoient compris dans la même défense, et d’autant plus que les Conciles ont specifié ce dégré comme celuy de Mets en ces mots, neque cum fratris filiâ, aut fororis filiâ aut nepte. La petite fille du frere est ce que nous appelons la petite nieces enfin si l’on veut se regler sur le Decret du Concile de Latran, le grand oncle et la petite niece qui sont au troisième degré, se rencontrant dans les degrez de la défense du Concile, ne peuvent pas se marier, et le Pape n’a pas pû y contrevenir.

La quatrième chose à remarquer est que si les Papes peuvent dispenser du droit positif, cela ne s’entend que du droit Ecclesiastique, établi ou par les Evéques, ou par les Papes leurs predécesseurs, mais non pas du droit seculier établi par la Loy civil ou par les Ordonnances des Princes. Or la prohibition des mariages jusques au quatrième degré, et celle du grand oncle et de la petite niece, ayant été introduite par la Loy civil et par les Constitutions des Empereurs, n’étant point Ecclesiastique, puisqu’elle a été faite avant tous les Conciles, elle n’est pas sujette. ux dérogations, ni aux Dispenses que les Papes ont accoûtumé d’accorder ; les empeschemens que l’Eglise et les Conciles ont établi depuis le quatrième degré jusques au septième étant lu droit purement Ecclesiastique et positif, lEglise et les Conciles en ces cas peuvent les changer, et par consequent en dispenser. En effet nous voyons que les Papes ont reconnu eux-mêmes. cette distinction des Dispenses pour les degrez prohibez, ex antiquo, par la Loy civil jusques au quatrième, selon la façon de compter les degrez par les Jurisconsultes, et de ceux qui ont été prohibez par le droit Ecclesiastique depuis le quatrième jusques au septième degré Pour les premiers, comme dans leur origine et dans leur premier établissement, ils sont di droit civil, les Papes n’y ont pas osé toucher. Pour les autres ils en ont dispensé, quand il y l eu des causes legitimes et necessaires : Ainsi S. Grégoire écrivant à Augustin, Evéque d’Angleterre, envoyé en cette Province pour convertir les Infidéles, sur la difficulté des mariages contractez par ces peuples dans les degrez prohibez, mande et répond que la Loy civil ayant ermis aux cousins germains de s’épouser, quoy que l’Eglise leur eût défendu par les Canons, il peut conserver ces mariages ou même en dispenser, mais à l’égard des autres prohibez par la Loy des Empereurs, il doit les empescher, il ne peut pas en donner dispense, quedam terrena Lex in Romana republica permittit, ut sive fratris sive sororis filius & filia misceantur, et sacra Lex prohibet cognationis turpitudinem revelare ; unde nécesse est ut jam tertia vel quarta generatio fidelium ticenter sibi jungi debeat., nam fecunda quam diximus à se omnino debet abstinere. Ce Pape, en faveur des Neophites et de ceux qui étoient nouvellement convertis, permet de les dispenser dans le dégré auquel la Loy civil permettoit de se marier, Quadam in hoc tempore sancta Ecclesia per servorem corrigit, quedam per mansuetudinem tolerat ; mais dans les autres degrez prohibez par les Loix des Empereurs, il dit qu’on ne les peut pas, quelque nécessité ou faveur qu’il yaitGrégoire III . en lEpître 4. à Boniface, fait-il pas la même différence Il luy écrit que pour les Fidéles, il ne doit pas souffrir qu’ils se marient jusques au septième degré de parenté mais à légard des Infidéles convertis, il peut les dispenser depuis le quatrième degré jusques au septiéme, in tam barbarâ gente concedendum est ut post quartam generationem jungantur : Il n’oseroit donner la permission jusques au quatrième degré, parce que l’Eglise ni les Eveques ne l’ont pas fait, et ne l’ont pû legitimement faire, depuis le quatrième degré il permet de les dispenser, parce que lEglife qui a lié en ces cas peut délier pour des caules justes. Le Pape Zacarie Eacarie ne s’est point départydu sentiment de ses Predecesseurs ; car étant consulté par Boniface, l’Apôtre de l’Allemagne, sur la permission d’un mariage d’une personne illustre, qui disoit avoir permission du Predécesseur du Pape, d’épouser la veuve de son parent au troisième degré, in je. Geniculo propinqua, qui étoit un oncle parent au troisième degré selon la supputation du droit civil : Ce Pape répond qu’il ne croit pas que son Predecesseur eût donné une telle Dispense contre les Canons de l’Eglise, absit ut hoc Pradecessor nocter ita credaiur pracepisse, nec enim ab hac Apostolica sede illa dirieuntur, que contraria esse Patrum sive Canonum inctitutis inveniantur.

Ce Pape déclare que le troisième degré où est l’oncle et la niece, étant prohibé par les Canons lesquels ont recû la Loy civil, qui défendoit les mariages jusques au quatrième degré, ni luy ni ses Predecesseurs n’ont pas pû y contrevenir. Le Concile de Verbetie, tenu sous Pepin en san 752. dans le Canon premier, a fait cette différence expresse des parens qui sont dans le quatrième degré et de ceux qui sont au de-là : Le mariage de ceux-là, s’il a été contracté, soit declaré nul, celuy des autres. étant fait soit conservé, in 5o. genu conjuncti separentur, & post ponitentiam actam, si ita voluerint, licentiam habeant aliis se conjungere ; in quartâ autem conjunctione, si inventi fuerint, eos nos separamus ; attamen si factum non fuerit, nullam facultatem conjungendi damus. D’où il resulte que tous les mariages faits au quatrième degré sont absolument nuls, et que le Pape n’en peut dispenser les parens avant qu’ils soient faits, et ne peut pas les valider avant qu’ils soient contractez, et par consequent la Dispense donnée au défunt sieur de Broc grand oncle et à Demoiselle Marie Madeleine de Broc, sa petite nièce, est entierement nulle, et qu’elle n’a pû donner un commencement valable au mariage contracté, ni confirmer une conjonction incestueuse. Sil y a des exemples de Dispenses accordées dans le troisième et quatrième degré, ils ne doivent faire aucune consequence, parce que ou les Papes ont été surpris, ou ils les ont accordez à des Princes ou à des personnes d’illustre condition pour les causes necessaires, et sans les pouvoir refuser ; les Papes mêmes n’ont pas voulu suivre ce exemples. QuandPaul IV . fut sollicité de donner une Dispense sur le mariage de Monsieur de Montmorency, fils du Connestable, avec la Dame de Pienne, ayant assemblé les Cardinaux sur ce sujet qui étoit tres-important, il leur dit, je vous prie ne vous amusez pas aux faits ni aux xemples de més Predecesseurs, que je proteste de ne vouloir suivre, sinon entant que l’autorité de l’Ecriture et la raison des Theologiens vous induira à ce faire, je ne fais pas de doute que mes Predecesseurs et moy n’ayons pû faillir. Ce témoignage sincere et public de ce Pape qui nous a été laissé par un Docteur de Theologie étant lors à Rome, et qui avoit été envoyé au Connestable. en ce même temps, nons doit servir de regle pour examiner ces sortes de Dispenses, et voir si elles sont conformes ou contraires aux Canons, et à l’usage de nôtre jurisprudence civil ou Ecclesiastique. L’Histoire du Concile de Trente nous apprend que les Eveques, pour empescher l’abus des mariages prohibez, furent d’avis de limiter les degrez, et de n’accorder aucune Oispense, ou si l’on en permettoit d’en donner la connoissance aux Evéques des lieux, et les Ambassadeurs de France insisterent à conserver la disposition des anciens Conciles François, ans y donner atteinte par aucune dispense ni contravention, ainsi qu’il étoit contenu dans leurs Memoires en l’Article 28. en ces termes, retineantur antiqui, aut novi constituantur consanguinitatis. tradus, intra quos non liceat, obtentu cujusois dispensationis, matrimonium contrahere exceptis solis Regibus aut Principibus propter bonum publicum. Et comme les avis se trouverent differends, neanmoins ils convinrent tous en ce Decrat qui est en la Session 24. Chapitre 5. in contrahendis matrimoniis vel nulla omnino detur disbensatio, vel raro, idque ex causa et gratis. Ce Concils qui a retenu le nombre ancien des degrez ne veut pas qu’on donne des Dispenses, ou que si l’on en accorde que ce soit rarement, ou pour des causes de necessité et de justice, encore pour ces Dispenses il n’a point défini si ce seroit le Pape ou les Eveques, et si Jusage a souffert ce droit dans la personne des Papes ( à qui neanmoins nos libertez ne permettent pas de contrevenir aux Canons ) et s’il y a eu des Dispenses accordées dans le second, troisième et quatrième degré la Cour les a déclarées abusives : le dernier Arrest solennel rendu sur les conclusions de Mi Bignon le 2 de Decembre 1664. touchant la Dispense de Charles Barbier, vec Barbe Barbier sa niece, dit qu’elle avoit été mal, nullement, abusivement impetrée et executée, et fit défense aux Banquiers de Cour de Rome d’obtenir pareillles Dispenses, et quoy que cet Arrest ait été rendu depuis la Dispense dont il s’agit, toutefois étant conforme au droit commun et à la disposition des Canons, il doit avoir lieu pour toutes les autres conjonctions honteuses et illicites, obtenuës devant ou aprés un Reglement si utile et salutaire au public, pour conserver l’honnêteté des mariages.

Or outre la nullité et l’abus qui se rencontre dans cette Dispense, il y a le defaut de nécessité et de cause legitime, car on a remarqué dans le fait qu’il n’y avoit aucune raison de faire cé nariage, ni aucun motif raisonnable pour en accorder la Dispense.

Il n’y a pas moins d’abus dans la Sentence de l’Official de l’Eveque d’Angers. Premièrement en même jour il permet l’information, il informe et enterine la Bulle de Dispense. En second lieu, il n’a point vû ni intérrogé les parties impetrantes, mais sur une Procuration extorquée il a fulminé cette Dispense ; s’il eût interrogé Sebastien de Broc il auroit appris par sa bouche a violence et la surprise dont on avoit usé envers luy, et qu’il n’y avoit aucune necessité ni aucune cause du mariage, ni de la Dispense. En troisième lieu, l’Official ayant appris par la déposition de deux témoins, dont l’information est seulement composée, que Sebastien de Broc êtoit en degré inégal avec Marie Madeleine de Broc, et qu’il étoit du premier au troisiéne, et par la qualité de la Dispense voyant que cette distance du degré n’avoit pas été exprimée au Pape, puisque l’énoncé de la supplique n’en parloit pas, et que la clause ordinaire pratiquée en ces cas, Distantiam vero gradùs eis non obstare declares, n’y étoit pas, il devoit à cause de l’obreption renvoyer les parties pour obtenir une nouvelle Dispense ; cependant au lieu de le faire il enterine la Dispense, en quoy il a plus contrevenu aux Canons que le Pape, parce que le Pape à qui la vérité et la qualité du dégré n’ont pas été exprimées a été surpris, mais l’Official qui a eu connoissance de l’empeschement a contrevenu directement aux Canons, et il semble par l’examen des actes que ce soit un artifice affecté de n’avoir pas voulu exprimer au Pape l’inégalité du degré de crainte d’être refusé, et de l’avoir exprimé à l’Official, afin qu’ayant une Dispense il eût un pretexte de l’enteriner. Et la Demoiselle Marie Madeleine de Broc ne peut pas se couvrir de la bonne foy, parce qu’il n’y en a eu aucune, au contraire elle sçavoir le degré de parenté et l’obstacle du mariage, et elle, même a envoyé à Rome pour obtenir la Dispense ; elle est requérante dans la Bulle et dans la prétenduë Sentence d’enterinement, ce qui la constitué dans la mauvaise foy, laquelle est dautant moins excusable, que, comme lit Menander, la Loy de nature n’est cachée à personne, c’est pourquoy les Loix civil, pour ces conjonctions incestueuses, punissoient également les mineurs, les femmes et les soldats, qui ne peuvent pas ignorer ce droit que la nature a fait connoître à toutes sortes de personnes La Dame de Jalaine répondoit à ces raisons, que l’on ne pouvoit dire que son mariage fût elandestin, puisqu’il avoit été fait par tous les parens et pour l’avantage de la famille qui avoit assuré par ce mariage la succession aux proches parens, qu’elle n’en remportoit d’autre profit qu’un doüaire un peu fort, aprés avoir passé huit ans de sa jeunesse avec un vieillard de soi xante et seize ans, son mariage ayant été paisible sans avoir été contredit par aucune personne, et au contraire ayant été approuvé durant sept ans de viduité par les heritiers de son mary qui avoient partagé la succession avec elle, elle n’avoit pas obtenu la Dispense, mais le sieur de Broc, et si quelques Auteurs Canonistes avoient tenu qu’il falloit exprimer la diversité des degrez, il y en avoit beaucoup d’autres d’un sentiment contraire. Aussi par le droit Canon on régarde le degré le plus éloigné, et non pas le plus proche, le Chap. dernier Extrav. de Consanguin. et affinit. aux Decretales, l’a décidé de la sorte, remotiorem gradum non proximiorem atiendi. Et que peut-on imputer à une jeune fille, si elle a suivi le droit Canon et le sentiment des Auteurs fameux : Et cela n’a-t’il pas été plus que suffisant pour mettre cette leune personne en bonne foy, puisque non seulement elle, mais aussi toute la famille l’a crû L’Official d’Angers a fait une Gencalogie dans laquelle le premier degté du grand oncle a été marqué. Les Officiers du Pape, quand l’on parle d’un quatrième degré, ne sçavent-ils pas qu’il peut être le quatrième en deux ou trois manieres s Et quand le Pape donne la Dis pense sans l’experience, peut on dire pour cela qu’il ne l’a pas entendu, ou qu’il ne l’a pas sçû ?

Si du premier au second degré l’on ne donnoit point de Dispense que dans la derniere difficulté, cela peut-être seroit considérable ; mais enfin entre des parens au quatrième degté en un pareil degré, et entre des parens au quatrième degré en des degrez inégaux, il ne faut d’autre priere que de donner un peu plus ou moins d’argent.

On sçait qu’autrefois les Eveques seuls donnoient les Dispenses pour les mariages, maintenant cela leur a été usurpé par le Pape-

Pour les causes de Dispense elles s’y rencontrent toutes, c’est à dire celles qui peuvent compatir avec l’honnêteté et la vérité ; car de parler ab illicitis ce seroit un mensonge ou un peché ontre la pudeur, la Dame de Jalaine n’auroit jamais souffert l’un ni l’autre ; mais quant à l’interest et à la paix de la famille, l’on peut dire que cela est vray ; elle a été comme une victime que l’on a sacrifiée à toute la famille, et les parens en ont reçû le principal avantage.

La deuxième question à examiner est de sçavoir si le Pape a pû donner la Dispense de se marier entre un grand oncle et une petite nièce ; quand même cette Dispense ne seroit pas subreptice pour cet effet, il faut examiner ce qui étoit défendu et ce qui étoit permis par le droit divin, par le droit naturel, et des gens, dans le droit civil et enfin dans le droit Canonique. L’appelant a soûtenu que ce mariage étoit défendu par tous ces droits, et par. con-sequent que le Pape n’en a pû dispenser.

La Dame de Broc soûtient au contraire qu’il étoit défendu dans quelques-uns de ces droits, et dans les autres non : et que de ce qui est défendu dans quelques-uns de ces droits, le Pape en peut dispenser en quelques autres non ; c’est ce qu’il faut examiner.

Pour connoître en quel degré de parenté le mariage étoit défendu par le droit divin, il faut avoir recours à Iancien Testament, au Chap. du Levitique où l’on établit la prohibition de parenté.

Or il y a trois choses à examiner. La première, s’il y a prohibition et défense. La seconde usqu’à quel degré le mariage est défendu expressément. Et la troisiéme, jusqu’où son peut étendre par interpretation cette prohibition

Moise Dans la Loy de Moise il y avoit des preceptes qui n’étoient que ceremoniaux, et ceux-là ont été presque tous abolis par la nouvelle Loy ; Ceux qui sont restez ne prennent pas leur ce vigueur et leur force de lancienne Loy, ce qui leur reste d’autorité leur a été donné ou M renouvelé dans la Loy de Grace

Dans lancienne Loy il y avoit des preceptes qui pouvoient être de droit divin, mais qui n’étoient de droit divin que pour cette Loy-là, et non pour la nouvelle.

Enfin il y a des Commandemens qui sont dans l’ancienne et dans la nouvelle Loy, et ci sont ceux qu’il faut que les uns et les autres observent ; par exemple celuy de ne se marier jamais dans la ligne des aseendans et décendans, ni les frères et seurs, car on n’a presque amais vù cela pratiqué generalement dans aucun peuple ; et si cela s’est trouvé quelquefois il a été desaprouvé par le reste du monde, et condamné comme une débauche et un déreglenent contre la pudeur et l’honnêteté, et même contre l’interest public ; parce qu’il se doit faire une extension des familles à la manière des fleuves, qui pour s’accroître et s’aggrandir s’éloignent de leur source, et qui n’y pourroient retourner et y revenir que pour l’étouffer De chaque sorte de Loy Dieu en peut dispenser par sa seule volonté, si elle est divine. Si elle est naturelle et du droit des gens, il est l’Auteur de la Nature : En effet en créant la femme de la côte d’Adam, n’étoit-ce pas une même personne : Il n’a pû encore se faire autrement que les freres et les. soeurs ne se soient matiez ensemble dans le commencement. Il eût été facile à Dieu de créer une autre femme à Adam, qui n’eûr point été de luy. Il auroi oû faire pareillement que des enfans fussent venus d’autres que d’Adam et d’Eve pour se marier avec les enfans d’Adam, mais il ne l’a pas voulu pour montrer qu’il étoit le Maître de la Nature. Or puisqu’il ne se trouve point de prohibition de se marier entre le grand oncle et la petite niece, on ne doit point étendre plus loin cette défenfe que Dieu n’auroit pas manquée de prononcer, si s’avoit été sa volonté. Par Arrest du 1s de Mars 1672. on déclara les appelans non recevables en leur appel comme d’abus, et en leur opposition.

Les motifs de cet Arrest furent vray-semblablement fondez sur la durée et la tranquillité de ce mariage pendant huit années, suivies de sept années de viduité sans aucun trouble de on état. On faisoit voir d’ailleurs qu’en qualité de veuve elle avoit recueilli un don de la liberalité de son mary, qu’elle avoit partagé ses biens avec ses heritiers, et qu’au fonds quand Il y auroit eu quelque defaut en son mariage, ce defaut êtoit irreparable dans la condition oit elle étoit, et l’on representoit qu’il n’y avoit point d’enfans, et qu’il ne s’agissoit que d’un simple doüaire de six mille livres qui ne devoit pas luy être envié par les heritiers d’une succession de plus de trente mille livres de rente, qu’elle avoit conservées dans la famille par son nariage ; étant à observer que par le contrat de mariage le sieur de Broc fit une donation universelle de tous ses biens à ses neveux, à proportion de ce qu’ils pouvoient esperer de luy aprés sa mort.

Dans la seconde partie du Journal des Audiences, l. 6. c. 52. on trouve un Arrest par lequel la Cour faisant droit sur l’appel comme d’abus de la celebration d’un prétendu mariage d’un oncle avec sa nièce, et du Rescrit de Cour de Rome, il fut dit qu’il a été mal, nullement et abusivement impetré et executé en ce qui concernoit la legitimation des enfans.

Par autre Arrest du même Parlement du 27 de Juin 1651. donné en l’Audience de la GrandChambre, il a ête jugé que le prétendu mariage contracté entre le frere et la veuve de son frere, duquel elle avoit des enfans, êtoit incestueux, et que la Dispense accordée en ce cas par le Pape étoit abusive, la prohibition de contracter mariage au premier degré d’affinité, lors particulierement qu’il y a des enfans du premier mariage étant de droit divin, puisqu’elle est portée dans le Chap. 18. du Levitique, le Pape n’avoit pû en dispenser et pour cette raifon dans un Chap. au Titre de Rescript. aux Dectet. le PapeAlexandre III . s’étoit lié les mains, et avoit declaré ne pouvoir accorder aucune Dispense dans les cas desquels ce Chap. 18. du Levitique fait mention,

On a réglé fort diversement les degrez de consanguinité et d’affinité dans lesquels on pouvoit contracter mariage ; en quelques lieux on les a permis avec une licence effrenée ; en d’autres on les a défendus jusques dans l’excez par des raisons frivoles et par des scrupules chimeriques, parmy quelques Nations on a fouffert ces détestables conjonctions des peres et des meres avec leurs enfans, et des freres avec leurs feurs ; et parmy les peuples qui n’avoient point tout à fait éteint les lumières de la raison on ne condamnoit point le mariage d’un homme avec la veuve de son frere, ou de l’oncle avec sa niece ; et quand on a commencé de les avoir en horreur on a passé dans une autre extrêmité en les condamnant entre les parens, quoy qu’ils le fussent en des degrez si éloignez qu’il ne restoit plus entr’eux qu’une tres-foible liaison et communion de sang.

Il faut avoüer que les Jurisconsultes Romains avoient gardé fort exactement toutes les mesures et les regles de la bien-st ance et de l’honnêteré pour les mariages, ils ne se sont éloignez Moise en aucun endroit du droit de la nature et des gens, et sans connoître la Loy de Moise ils s’y conformerent parfaitement : Non seulement ils condamnerent les mariages des ascendans et décendans, ils les desaprouverent aussi entre toutes les personnes qui pouvoient tenir lieu d’ascendans et de décendans, et même dans la ligne transversale dans le premier degré Pour les enfans des frères et des soeurs le mariage en fut permis entre les Romains comme Theodose parmy les Hebreux. Theodole le Grand fut le premier qui les défendit par une Constitution qui ne se voit plus, mais dont il est fait mention dans une autre Constitution de l’Empereur Honorius son fils, C. Theodos. si nuptiae ex rescript. pet. Quelques Auteurs ont écrit que Theodose changea l’ancien droit pai le conseil de S. Anibroise, in Cod. Theodos. Ad Tit. ne nuptiae ex rescript. pet Theodose Mr Jacques Godefroy est d’un sentiment contraire par cette raison, que Theodose avoit publié cette Ordonnance lorsqu’il étoit encore en Orient, et avant qu’il eût passé en Occident Quoy qu’il en soitS. Ambroise . Ambroise luy donna grande approbation, et il se persuada même que les mariages entre les cousins germains avoient été défendus par la Loy. divine, Epist. 66. ad Patern. quid est quod dubitari qucat, cum Lex divina etiam patrueles fratres prohibeat convenire in conjugalem copulam, qui sibi quarto copulaneur gradu : Il reconnoit neanmoins qu’il ne s’y en trouvoit pas Moise une prohibition expresse, mais il piétendoit que Moise n’avoit pas défendu plusieurs choses qui ne laissoient pas d’être condamnées par la voix de la nature : quanta hujusmodi invenies non esse interdicta lege à Mose editâ, et tamen interdicta sunt quadam voce naturae. MaisS. Augustin . Augustin voit lû plus exactemert les Saintes Ecritures sur cette matière ; de Civit. Dei l. 1c. c. 16. experii sumus in connubiis consobrinarum etiam nostris temporibus propter propinquitatis gradum fraterno gradui proximum quâm raro per mores fiebat, quod fieri per leges licebat, quia id nec divina prohibuit, & nondum prohibuerat lex humana : Ce qui nous apprend que le Cardinal Baronius ad an. 390. s’est trompé, Theodose quand il a écrit que Theodose ne fit cette Loy si severe, que parce qu’on avoit violé une Ordonnance pareille de Constantius, car cette Loy de Constantius contenoit seulement la prohibition l’épouser la veuve de son frère

Theodose Cette Loy de Theodose êtoit extrémement severe, elle punissoit les contrevenans par la peine du feu et par la aeroscripiion de tous leurs biens, comme on lapprend par une Constitution de l’Empereur Honorius son fils qui la modera, si nuptiae ex rescript. pet. Cod. Theodos. l. celebrandis Cod. Justin. de nupt. et enfin elle fut abrogée tout à fait par l’Empeteur Arcadius : En effet quand même les raisons, sur lesquelles on fondoit cette prohibition, auroient dû prévaloir contre le droit ancien, il y avoit peu de proportion entre la faute et la peine, et c’étoit un étrange emportement, et un zele trop prepostere pour l’honnêteté des mariages, de punir par de feu et par la proscription de tous les biens un mariage que la Loy divine avoit approuvé : Les causes de cette prohibition étoient si peu solides queS. Augustin . Augustin, dans le même endroit, Theodose de Civit. Dei l. 15. c. 16. loüoit la Loy de Theodose par cette raison, qu’elle servoit à multiplier les affinitez, ne habeat duas necessitudines una porsona, cum duae possint eas habere & numerus propinquitatis augeri, il justifie le droit ancien par des considerations qui me semblent encore plus favorables ; fuit antiquis patribus religiosae cuna, ne ipsa propinquitas se paulatim propaginum ordinibus dirimens longiùs abiret, & propinquitas esse desisteret, eam nondum longé positam rursus matrimonii vinculo colligare & quodam modo fugientem revocare

Theodose qusoi cette Loy de Theodose fut si peu goûtée que non seulement elle fut revoquée par l’Empereur Arcadius son fils, mais il n’en est pas même resté le moindre monument, et on n’en fçait la teneur que par ce qui est énoncé par cette Constitution qui se trouve dans le Code Theodosien au Tit. ne nuptiae ex rescript. pet. l. celebrandis C. de nupt. On peut donner deux raisons de son peu de durée ; la première, à cause que la peine ordonnée contre les contrevenans êroit cruelle et barbare : et la seconde, parce que l’on pouvoit obtenir de luy la permission de ces mariages qu’il punissoit par le feu et par la proscription de tous les biens, ce qui étoit tout à fait injuste ; car pour châtier si cruellement les mariages des cousins germains, il falloit que ces

Theodose conjonctions fussent abominables, et en ce cas Theodose ne pouvoit et ne devoit pas en accorder Theodose la Dispense. Je sçay que Me Jacques Godefroy avoit peine à se persuader que Theodose eût donné des Dispenses pour celebrer des mariages que par la même Loy il punissoit si tertiblement, mais les preuves qu’il rapporte au contraire ne laissent aucun lieu d’en douter. S. Ambroise témoigne que l’on pouvoit presenter Requête pour cet effet, et qu’elle étoit souvent octroyée, bien qu’il trouvàt cette Loy tres-severe : Sed dicis alicui relaxatum, verum hoc legi non prajudicat, quod enim in commune ctatuitur et tantum proficere videtur cui relaxatur, Epist. 66. S. Ambroise, qui soûtenoit cette Loy avec tant d’ardeur, n’auroit pas avoüé l’infraction que son auteur en faisoit si souvent, si cela n’eût pas été véritable.

Ce qui me donne lieu de faire ces deux observations ; la premiere, que la Dispense pour ontracter mariage dans un dégré défendu s’accordoit par les Empereurs, et non point par les Papes.

Cassiodore Cassiodore, l. 7. variar. c. 46. nous en a donné la Formule, et pour l’obtenir il n’étoit point pesoin d’exprimer d’autre cause que la parenté : C’est sur ce modéle qu’on a établi ce que nous vons dans l’Edit de Nantes pour le mariagé des cousins germains, entre ceux de la Religion Prétenduë Reformée qui obtiennent la Dispense du Prince sans autre cause que celle de la parenté.

La seconde observation, est que les Empereurs faisoient alors les Reglemens touchant les degrez de consanguinité et d’asfinité, dans lesquels on pouvoit contracter mariage.

Justinien Justinien dans tous ses Guvrages, c’est à dire dans les Institutes, le Digeste et le Code, nous a laissé de fort beaux Reglemens pour les mariages ; celuy des cousins germains y est approuvé, dont un Commentateur rend cette raison,Balduin . Ad Tit. de nupt. S. fratris, que aulla est amplius parentum liberorumve imago, aut similitudo, & jam quodammodo sublata videtur consanguinitas, quoad matrimonium attinet, nihil itaque obest quominus cognationem jam longé dissitam novâ conjunctione colligamus ac propemodum extinctam rursus excitemus.

Justinien Depuis Justinien l’ordre et la regle pour contracter mariage durant plus de six cens ans ont été fort differents et fort incertains ; le droit Canon et particulierement les Decretales changerent presque toutes les anciennes Maximes, j’en ay donné des exemples ailleurs, et en ay même rapporté la cause et fait voir que ces changemens se firent dans la vûë de s’attribuer les Dispenses, et la connoifsance de toutes les difficultez qui naîtroient pour les mariages. Ce fut sur ce principe que l’on étendit l’empeschement du mariage entre les parens jusqu’au septième degré, comme je l’ay remarqué cy-devant, et que dans la suite la prohibition fut limitée au quatrième degré parInnocent III . qui abolit aussi l’affinité au deuxième et troisième degré.

On défendra mal’aisément cette innovation pour les degrez d’affinité, si on la fait valoir en la ligne des ascendans et des décendans : L’empeschement qui procede de cette affinité, n’ayant eu pour fondement et pour cause que l’honnêteté publique, ne peut être levé ni détruit par aucune Loy, parce qu’elle est une Loy fondamentale des mariages, que les Payens mêmes ont voulu qu’elle fût inviolable et inalterable, S. Thomas même l’avouë dans le lieu cité cy-dessus : hac duo olim prohibitâ érant propter publica honestatis justitiam. Comment se peut-il faire que ce qui étoit défendu propter justitiam honestatis publica, soit permis puis aprés : L’honnêteté publique peut-elle être moins considérée en un temps qu’en un autre, et ce qui est honnête en soy ne le doit-il pas être perpétuellement : L’affinité ne forme aucun empeschement de soy, et le mariage n’est défendu qu’entant qu’il choque la bien-seance et l’honnêteré, ainsi ôter l’affinité c’est ôter l’honnêteré. Panorme êtoit fort convaincu que l’honnêteté étoit blessée par es mariages de cette qualité, ultra impedimentum affinitatis suberat impedimentum honestatis publica, et neanmoins il a eu tant de déference pour ce Chapitre non debet, qu’il n’a régardé cette honnêteté publique que comme un accessoire qui n’étoit plus considérable, puisqu’on faisoit cesser cet empeschement qui procedoit de l’affinité. Il est sans doute que la doctrine établie par les Canons de propinquis & hoc, et le Canon porro c. 35. 4. 3. sont plus conformes au droit de la nature et les gens ; mais on ne doit plus s’étonner que les Canonistes soûtiennent que le second degré d’affinité ne soit plus considérable dans la ligne des ascendans et des décendans, puisqu’on accorde si souvent les Dispenses pour le mariage de l’oncle avec sa niece Outre les empeschemens de mariage qui procedent de la parenté et de l’affinité, il y a des personnes que l’on prétend incapables de le pouvoir contracter, soit à cause de leur vieillesse, pu à cause d’une impuissance naturelle

Par la Loy Papia, qui fut publiée sous l’Empereur Tibere, comme Suetone le rapporte en a vie, aprés l’âge de soixante ans il n’étoit plus permis aux hommes de se marier, et aux Justinien femmes aprés cinquante ans. Cette loy. fut abolie par Justinien, l. Sancimus C. de Nupt. En effet puisque les productions de la Nature ne sont pas également parfaites, et que les homnes naissent beaucoup plus sains et plus robustes les uns que les autres, il n’y a pas d’appa-rence de fixer à un même âge l’incapacité de contracter mariage pour impuissance ou frigidité ; car comme ces empeschemens peuvent proceder de differentes causes, et que les hom-mes tombent dans ces defauts plûtost ou plus tard, selon la bonne ou mauvaise constitution de leurs corps, la liberté de se marier ne doit pas être bornée à un certain âge.

Quoy qu’il ne se trouve aucune loy Canonique ou civil qui déclare le mariage illegitime aprés un certain âge, Charles du Pont ne laissa point de contrédire celuy de Demoiselle Anne

Beton, sa mere, avec René le Chevalior, Ecuyer, sieur de la Riviere, parce qu’elle l’avoit contracté à l’âge de soixante et dix-sept ans. La cause portée au Parlement sur un incident, je difois pour la Demoiselle Beton que sa conduite eût êté sans doute beaucoup plus loüable, si dans cet âge elle fût demeurée dans l’etat de viduité, mais que les choses n’étant plus entieres, son mariage pourroit être soûtenu par les exemples et par la raison : L’histoire facrée et profane fournissoit des exemples d’hommes et de femmes, qui dans un âge fort avancé s’étoient engagez dans le mariage. Abraham et David n’en firent point de scrupule, la Loy Sancimus C. de Nupt. y est expresse, et un Docteur en Droit la confirmée par son exemple.

Tout le monde sçait le mariage de Bulgarus avec une vieille, et la raillerie de ses écoliers, lorsque le lendemain de ses nopces il leur expliqua la Loy Rem non novam C. de Judic. La Fable même s’est mélée d’autoriser ces mariages par l’exemple de ses Dieux. Junon se glorifie dans Homere que Jupiter, le Roy des Dieux, l’avoit épousée, quoy qu’elle fût plus vieille que luy ; et il n’est pas jusqu’aux Astrologues qui ne prétendent que ces mariages sont un effet Ptolomée de la constellation et de la destinée. Prolomée et Julius Firmicus assurent que si la naissance d’une personne se rencontre dans le temps que le Soleil est dans le signe des poissons, et que son coucher soit dans celuy du Lyon, cette personne-là ne sera jamais conjointe par mariage. qu’avec une tres-vieille personne.

Enfin ces mariages peuvent être défendus par la raison et par l’autorité. Le mariage n’est pas, disoit un Empereur, un nom de volupté, on ne doit pas en faire l’unique objet de quel ues folles amours, c’est un nom d’honneur et d’amitié, c’est le plus ancien et le plus sacré sien de l’humaine societé, c’est un remede agreable contre la solitude et les chagrins de la vieillesse, et un secours contre ses infirmitez : C’est aussi de cette manière que ce tres-sage et divin Auteur du Mariage s’en est expliqué, il ne l’institua pas seulement pour la propagation du genre humain, il voulut encore que ce fût un aide reciproque et un support indissoluble dans la bonne et mauvaise fortune ; faciamus et adjutorium simile sibi : Ce secours mutuel n’est jamais plus necessaire que dans la vieillesse, de sorte que bien loin que ce soit une faute de chercher cette a ssistance et cette consolation, c’est au contraire un effet de prudence de s’assurer d’une personne qui vueille suporter nos foiblesses, et la Demoiselle Beron a fait heureusement ce choix ; elle a épousé un homme d’honneur, et qui est dans un âge lequel au moins s’il n’est pas égal, il est hors des emportemens d’une jeunesse méprisante et legere. Du Hequet, pour les enfans, s’efforça de rendre ce mariage défavorable par la peinture agreable qu’il fit de l’extrême décrepitude de cette femme, mais aprés être demeuré d’accord que la vieillesse n’est point un empeschemen au mariage, il conclud que suivant l’Arrest du Parlement de Paris pour la Comtesse de Vertus, elle devoit être mise en curatelle ; mais aprés avoir montré que l’espèce de cette cause étoit différente, par Arrest du s de Mars 1665. il fut dit en prononçant sur l’appel comme d’abur de du Pont de la celebration du mariage, qu’il avoit été mal, nullement et abusivement célèbré, et neanmoins permis audit le Chevalier et à ladite Beton de se retirer par devers le Curé, pour proceder à la celebration de leur mariage, de faire un nouveau contrat de mariage, et de donner à son mary suivant la Coûtume

On peut dire sur ce sujet que toutes les actions qui sont permises ne sont pas toûjours bienseantes, et que l’honnêteté ne permet pas toûjours de faire tout cesqui n’est pas condamné.

Ces mariages contractez dans une extrême vieillesse marquent toûjours du déreglement ou de la foiblesse, et principalement de la part des femmes lorsque leurs rides et leurs cheveux blancs de peuvent étoufer dans leurs coeurs tous les sentimens de la volupté, et qu’elles soûpirent pour de jeunes gens qui n’auroient pour elles que du mépris, si le profit ou l’esperance d’une bonne fortune ne les forçoit à dissimuler pour quelque temps leur aversion. Ce fut par ce motif que la veuve de Craterus s’efforçoit de persuader au Roy Demetrius, qui étoit fort jeune, de l’épouser malgré la resistance qu’il faisoit paroître à cause qu’elle étoit fort vieille, car elle luy dit à l’oreille ce Vers d’Euripide.

MOTGREC MOTGREC MOTGREC, MOTGREC MOTGREC MOTGREC.

Ubi affulserit lucrum, prater indolem ducenda uxor.

Mais le dégoust suit bien-tost ces conjonctions si mal assorties, ce qui produit necessairement la discorde et le mauvais ménage.

Mais à l’égard des hommes leur vigueur naturelle pouvant être assez grande, même dans un âge fort avancé, pour les rendre capables des actes du mariage, la liberté du mariage leur doit être laissée.

Il est vray que par la disposition du droit Canon, an tutor de frigid. et malè affect. celuy qui se connoit impuissant doit s’abstenir du mariage, mais il y a de la difference entre la frigidité et la vieillesse ; la frigidité causée par un empeschement naturel et perpétuel ne se repare point, mais les forces d’un vieillard se peuvent rétablir pour être capable de la generation, comme on de prouve par l’exemple d’Abraham, lequel aprés cent ans et aprés la mort de Sara ne laissa point. d’épouser d’autres femmes et d’en avoir des enfans.

Lorsque l’empeschement est naturel ou perpetuel, comme aux véritables Eunuques, il leur est défendu par les Loix Giviles et Canoniques de se matier, l. si serva 20. 8. fin. D. de jure dot.

si Spadoni mulier nupserit, distinguendum arbitror si castratus fuerit nec-ne : ut in castrato dicas dotem ton effe. Et l’Empereur en sa Constitution 98. défend aux Prestres de donner la Benediction. nuptiale à ces sortes de mariages, qui sacerdos istiusmodi conjunctionem profanato sacrificio persicere jusus fuerit, sacerdatali dignitate denudetur : Et suivant le Canon Requisisti Can. 33. 4. vir qu frigide naturae est manéat sine conjuge.

Si toutefois un impuissant a contracté mariage, la femme peut-elle demander la separation ; Le PapeGrégoire V . ayant été consulté sur cette question, il conseilla d’abord que le mariage subsistât, ut si non posset uti eà pro uxore, haberet eam quasi uxorem : Si toutefois la femme veut se separer et dire volo esse mater et filios procreare, tunc videtur mulierem secundas nuptias posse contrahere Can. Requisisti.

Il est vray que lorsque l’impuissance êtoit notoire, et que la femme ne l’avoit pas ignorée elle ne pouvoit plus demander la dissolution du mariage, l. mulier. C. de Sponsal. La Glose, sur e Chap. Requisisti, dit qie si mulier novit impedimentum viri, et contrahit, non potest resilire.

Le Chapitre 4. aux Decretales, l. 4. t. 15. est exprés, que contrahens scienter cûm impotenti copulam ab eâ non separetiir : Consultationi tuae, quà nos consuluisti utrum feminae clausae impotentes commisceri maribus oatrimonium possint contrahere, et si contraxerint an debeant rescindi : Taliter respondemus quod licet incredibile videatur, quod aliquis cum talibus contrahat matrimonium, Romana oi tamen Ecclesia consuecit in consimilibus judicare, ut quas tanquam uxores habere non possunt, habeant ti ur sorores.

L. Parlement de Paris et celuy de Roüen ont donné des Arrests contraires sur cette question, si l’on peut empescher un Eunuque de contracter mariage ; Dans la seconde partie du Journal des Audiences, 1. 7. c. 2. on trouve un Arrest donné sur ce fait. Un particulier ayant voulu se marier du consentement de ses pere et mete, et des pere et mère dé la fille, pour parvenir au mariage, ils avoient prié le Curé de publier les Bans, lequel en fit refus, sur ce que par la notoriété publique le particulier êtoit estimé Eunuque ; en consequence de ce refus il avoit fait ssigner le Curé devant le Juge, pour voir dire qu’il seroit tenu de célèbrer le mariage ; ce particulier étant demeuré d’accord de son impuissance, le Juge avoit mis sur la demande hors de Cour : Sur l’appel la fille étoit partie intervenante qui demandoit qu’il fût passé outre au mariage, et ils disoient lun et lautre que suivant les Canons un mariage avec un impuissant n’étoit point declaré nul, quand la personne qui contractoit avec limpuissant sçavoit son état. Le Curé répondoit que l’impuissance de ce particulier étant publique et notoire, et luy-même en deneurant d’accord, il étoit inhabile au mariage : Mr l’Avocat General remontra que la raison pour laquelle on déclaroit le mariage d’un impuissant nul n’étoit pas, parce qu’il êtoit fait avec un impuissant, mais parce qu’il s’étoit supposé puissant et autre qu’il n’étoit, que c’étoit pour lors eror in personâ qui impedit matrimonium, que suivant les Canons le mariage pouvoit être entre un impuissant, qu’il y avoit trois fins du mariage, consensus, proles et sacramentum, un des trois suffit pour le mariage, que quand l’on casse le mariage d’un impuissant, c’est lorsque la femme se plaint : L’on présuppose la femme n’avoir point consenti, et que si elle l’eûr sçû elle n’eûr pas donné son consentement, sans lequel il ne peut y avoir de mariage, mais qu’icy la femme êtoit en cause qui le demandoit en tel état qu’il êtoit ; neanmoins par Arrest du 8 de Janvler 166s. sans avoir égard à l’intervention de la fille, la Cour confirma la Sentences Cette même question a été jugée en ce Parlement le 26 de Novembre 1657. au Rapport de Mr d’Anviray, entre Jean Robert et Loüise Gohier sa femme, appelans comme d’abus de Sentence renduë par l’Official de Bayeux, qui avoit déclaré le mariage nul pour l’impuissance notoire dudit Robert, et par luy avoüée, et qui avoit fait défenses audit Robert de se marier, et Me Jean Helie Promoteur en l’Officialité, intimé ; il fut dit par l’Arrest qu’il avoit été mal, nullement et abusivement procedé et jugé, et en reformant sur l’action du Promoteur, les parties envoyées hors de Cour : L’Arrest fondé sur ce que la femme, nonobstant la connoissance qu’elle avoit de l’impuissance de son mary, avoit consenti et consentoit au mariage. et qu’il n’y avoit qu’elle qui se pûst plaindre de l’impuissance de son mary.

Il avoit été jugé en l’Audience de la Grand. Chambre le 1s de Decembre 1655. qu’un parent collateral, heritier presomptif, n’étoit pas recevable à s’opposer au mariage de son parent, sous pretexte d’impuissance. De la Mare avoit été marié durant quinze ans sans avoir eu d’enfans ; prés le décez de sa femme, quand il voulut se remarier, Jean de la Mare son neveu s’opposa à la publication des Bans : Il prétendoit que l’impuissance de son oncle étoit assez prouvée par la seule inspection de sa personne, étant sans poil et ayant le visage d’un impuissant, et qu’en effer il n’avoit point eu d’enfans de sa premiere femme. Le Juge de Caudebec avoit rononcé des défenses de contracter mariage : Sur l’appel l’oncle soûtenoit que son neveu ne pouvoit l’accuser d’impuissance, cette action n’appartenant qu’au mary ou à la femme ; que sa remiere femme ne s’en étoit point plainte, que le defaut de poil n’en êtoit pas une marque, et qu’au contraire cela pouvoit proceder d’un excez de chaleur, et qu’aprés tout le mariage n’étoit pas ordonné simplement propter infirmitatem, aut liberorum procreationem, sed etiâm propter adjutorium, qu’il consistoit plus en l’union des coeurs qu’en celle des corps, et que puisque sa fancée demandoit et vouloit l’accomplissement du mariage, il n’y avoit aucun pretexte de l’empescher. L’intimé se plaignoit que son oncle ne contractoit ce mariage que pour le priver de sa succession, son impuissance paroissant ex solo aspectu corporis : Par l’Arrest la Sentence fut cassée, et en reformant sans avoir égard à lopposition, il fut permis à l’oncle de passer outre à la celebration du mariage. Dans l’espèce de cette cause l’impuissance n’étoit pas notoire ni déclarée par aucun jugement, et le neveu n’en rapportoit d’autres preuves que celles qui resultoient de rinspection de sa personne.

Par Arrest du Parlement de Paris donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 18 de Jantier 1658. il a été jugé qu’un sourd et un muet de naissance avoit pû valablement contracter mariage, suivant le Chap. cum apud sedem Apostolicam de sponsal. et matrim. aux Decretales, et la raison êtoit que tous ceux-là peuvent contracter mariage, qui par la disposition du droit n’en sont point empeschez. Ils peuvent exprimer par signes ce qu’ils ne peuvent declarer par paroles, ce qui suffit pour montrer leur consentement, c. tuae fraternitati. Eodem.

On a agité cette question, si un enfant né sous la seule promesse de maniage, sans avoir été celebré en l’Eglise, et la mere étant morte pendant le procez sur l’accusation de rapt, étoit capable de succeder ; Les parens collateraux de celuy qu’on prétend être le pere qui avoit été renvoyé devant l’Official sur la question du mariage et legirimité de l’enfant, par Arrest du mois de Février 1611. disoient que le mariage doit être célèbré en l’Eglise et la Benediction reçûë par les conpoints et administrée par le Prestre, que la promesse et la conjonction ne faisoient point le mariage, et qu’ayant commencé ab illicitis ne pouvoit recevoir sa perfection que par la Benediction de l’Eglise, qu’une femme et un homme ne pouvoient pas le la donner à eux-mêmes.

Que la Cour ayant renvoyé le pere et le tuteur des enfans nés de cette conjonction devant l’Official, elle avoit trouvé qu’il n’y avoit point de mariage, et l’Official n’ayant point prononcé sur la legitimation, la qualité des enfans demeuroit indécise, le mariage suivant l’Or-donnance ne pouvant valoir sans les Bans et le consentement des parens. Au contraire le fils répondoit que la promesse de mariage qui avoit précedé la consommation avoit été reconnue devant l’Official d’Evreux par le pere et la mere, que le pere avoit avoüé pour son fils celuy dont on disputoit maintenant la condition ; que sa mere êtoit morte pendant le procez sur le rapr, et son pere avant le jugement de l’Official sur la legitimation. Ces accidents fortuits ne pouvoient ruiner sa condition, repentini casùs iniquitas non debet nocere proli ; et bien qu’on eût porté son pere à prendre des Lettres de Restitution contre la promesse de mariage, néanmoins par son testament il avoit reconnu de bonne foy sa promesse. Le consentement des contractans, la foy donnée et la conjonction font le mariage ; la mort a été le seul empeshement à la celebration en face d’Eglise. Cette question ayant été mûè sur les promesses de mariage entre Jean de Postis, sieur de Vieille-Evreux, et DemoiselleSusanne de Grimouville, sur l’accusation en rapt contre de Postis par Pigousse, sieur de Dragueville, et Dame Jacqueline de Pitebout, mére de ladite de Grimouville d’un premier mariage, par un Arrest de’année 1611. les parties avoient été renvoyées devant l’Official sur la question du mariage et la legitimité des enfans ; mais ladite de Grimouville étant morte lors de l’Arrest, et depuis le sieur de Postis étant mort aussi, Marie de Postis, Dame de Hoüeteville sa seur, ayant pris possession de la succession de Charles de Postis, sorti de luy et de ladite de Grimouville, prétendit la succession comme héritière de son père ; par Arrest en la Grand-Chambre du 21 de Novembre 1630. la succession fut ajugée audit sieur de Postis. La Dame de Hoüeteville ayant obtenu une Requête civil contre cet Arrest, elle en fut deboutée par un autre Arrest du 18. de Juillet 1631. Depuis cet Arrest l’Ordonnance de 1639. a été publiée, qui a introduit de nouvelles regles pour les mariages.

Ce 26 ou le 27 de Mars 1637. il se donna Arrest sur une question notable, le sieur de Vauricart ayant suborné une fille sous promesse de mariage, il en eut un enfant ; sur l’action en rapt formée par les parens il fut condamné à mort par contumace et en 10000 livres l’amende et 10000 livres d’interests envers la fille, et ses biens confisquez. Le sieur de Vauricart étant au service du Roy en Bourgogne, il fut blessé à mort, et par un testament es bonne forme qu’il fit avant que de mourir, il reconnut qu’il avoit promis mariage à cette fille, et déclara la tenir pour sa femme, et l’enfant pour son fils legitime. Cette femme poursuivit les parens pour luy nommer un tuteur. Le frère du défunt s’opposa seul. L’affaire renvoyée en la Cour, elle donna Arrest par lequel, vù la condamnation de mort et le testament, elle ordonna qu’il seroit procedé à l’institution d’un tuteur, et ajugea la succession à l’enfant.

Ce qui faisoit la difficulté étoit que par le Concile de Trente, et par les Articles 41. et 42. de l’Ordonnance de Blois, il n’y a point de mariage sans Benediction nuptiale et sans solennité, mais on disoit que la Benediction n’est point de l’essence, et qu’avant le Concile de Trente matrimonia prasumpta et rata étoient valables

Cette même question s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre, sçavoir si les seules paroles d’un engagement reciproque prononcées en la presence d’un Curé sont valables : Antoine le Mercier, fils du sieur le Mercier, Lieutenant General à Bayeux, fit des promesses de mariage à Jeanne de Salem, son pere ayant sçû le commerce qu’il avoit avec cette fille obtint un Mandement du Juge de Bayeux, portant défenses de contracter mariage, et de se hanter ni frequenter, ce qu’il fit aussi signifier aux Curez : Antoine le Mercier ayant requis son Curé se luy donner la Benediction nuptiale il le refusa, en consequence des défenses qui luy avoient été signifiées à la requête du pere ; mais comme il étoit âgé de ving-neuf ans il déclara devant le Curé qu’il prenoit ladite de Salem pour sa femme : le pere avoit obtenu de la Cour d’iteratives défenses, et voyant que son fils ne poursuivoit point le Curé pour lobliger à luy donner la Senediction nupuiale, il ne fit de son côté aucunes poursuites, quoy qu’il connût la hantise et la demeure continuelle de son fils avec cette femme, qui étoit Demoiselle. Il étoit constant qu’il ne s’étoit fait aucune reconciliation du fils avec son pere, et même lorsque ce fils étant à l’extremité de sa vie envoya le Curé du lieu où il demeuroit vers son pere, il refusa d’aller le visiter : Aprés la mort du pere la veuve d’Antoine le Mercier, au nom de ses enfans, demanda art en sa succession ; l’affaire ayant été renvoyée en la Cour, Maurry, son Avocat, disoit que les paroles de present, que le défunt Antoine le Mercier et sa partie s’étoient données en la presence du Curé, nonobstant le refus qu’il avoit fait de les matier ; étoient suffisantes pour la validité du mariage, ce qu’il établissoit par l’autorité des Theologiens. L’opinion contraire n’ayant été tenuë que parMelchior Canus , qui en avoit été repris par le Cardinal Bellarmini a substance du mariage consistoit au seul consentement des parties, que la déclaration qu’ils voient faite devant le Curé êtoit suffisante pour la celebration, quoy que le Curé n’eûr dit aucunes paroles ni donné sa Benediction, parce que son ministere en cela n’étoit interposé de nécessité d’office, mais comme de témoin seulement, que c’étoit le véritable sens du Concile qui n’obligeoit point le Curé à prononcer les paroles aprés avoir connu la volonté des parties, que les Cardinaux en avoient fait une Declaration inserée au Chap. 1. de Reform. matrimon. sacra Cardinalium congregatio censuit non pertinere ad substantiam matrimonii, ut Parochis aliqua verba proferat, ideoque valère matrimonium, quamvis verba exprimentia consensum prolata sint à contrahentibus tantùm. Et Antoine le Mercier étant âgé de vingt, neuf ans, êtoit capable, par le droit civil et par les Ordonnances, de contracter mariage ; et pour rendre sa cause plus favora ble il ajoûta que le pere avoit abandonné ses poursuites durant vingt années. Buquet et moy plaidans pour la mere et pour Me Michel le Mercier, frère d’Antoine le Mercier, nous soûtenions au contraire, que si la cause se traitoit dans l’école, et qu’il fallût disputer de la matiere et de la forme du mariage, l’autorité des Decteurs Scolastiques seroit favorable à la demanderesse, ce seroit neanmoins une question fort difficile à décider ; car ces Theologiens ne conviennent pas de ce qui fait la forme du mariage, si ce sont ces paroles qui expriment le consentement des parties, ou celles qui contiennent la Benediction. Mi deMarca , du Sacrement de Mariage, a fait un Traité exprés pour prouver que le Prestre est le Ministre du Sacrement, et non pas e les parties contractantes, que la forme consiste aux Formules dont il se sert pour les contraindre au mariage, et la matière aux actes, par lesquels les parties se donnent un mutuel consentement.

C’étoit le sentiment deGroperus , qui est l’Auteur du Concile de Cologne, tenu un peu avant celuy de Trente, et depuis le Concile de Trente la même opinion a été soûtenue par Melchion Canus qui y avoit assisté, et quoy qu’elle ne soit pas suivie communément dans les écoles, neanmoins Bannés assure qu’elle est suivie par un plus grand nombre de Docteurs que celle qui est contraire ; ce que Mr de Marca confirme dans sa Dissertation sur ce sujet, par un tresgrand nombre de raisons et d’autoritez. On y peut ajoûter que la Benediction nuptiale étoit requise dés le tem ps des Apôtres ; on apprend cette vérité par une Lettre de S. Ignace qui étoit leur Contemporain, decet ducentes uxores cum Episcopi arbitrio unionem faciant ; et le Cardinal Jaronius rapportant ce passage sur l’année 57. de Nôtre Seigneur, n. 47. a écrit ces paroles, non liunde quam ab Apostolicâ traditione sluxisse ut non sine sacerdotis presentiâ matrimonium contrahatur.

Clement Alexandrin Alexandtin, qui vivoit dans le deuxième siecle, témoigne que dans la celebration l’Evêque ne donnoit pas seulement la benediction, mais il imposoit aussi les mains, ce qui nontre que le Curé ne sert pas simplement de témoin, mais que sa fonction est necessaire ; et dans le neuvième siecle l’EmpeteurLeon , dans sa Novelle 89. reitera les défenses ne matrimonia citra sacram benedictionem confirmentur. Aussi le Cardinal Bellarmin avoué que son opinion ne peut avoir lieu que pour le for interieur, car en argumentant contre l’opinion deCanus , qui avoit soûtenu que la Benediction nuptiale n’étoit pas seulement de necessitate Pracepti, Evariste mais aussi de necessitate Sacramenti, et se voyant pressé par l’autorité des saints Canons, et particulièrement par celuy d’Evariste, qui décide matrimonia sinesacerdote contracta non esse matrimonia, Evariste sed adulteria ; il répond qu’Evariste a parlé de legitimo matrimonio in foro exteriore ; Ecclesia enim tion judicat matrimonium legitimum, sed fornicationem in foro exteriore.

Cette même question ayant été traitée au Parlement de Paris, dans une espèce beaucoup plus favorable, Mr l’Avocat General Bignon conclud à la nullité du mariage, et là cause fut appointée u Conseil.Du Fréne , Journal des Audiences, l. 6. c. 10. de l’impression de l’an 1652.

Quand le defaut de la benediction ne seroit pas considérable, la demanderesse ne pourroit prétendre le titre de femme legitime, car ce mariage auroit été célèbré sans publication de Bans, et on auroit passé outre, nonobstant l’opposition d’un pere et les défenses d’un Juge : Par Arrest du 19 de Juin 1671. le maringe fut cenfirmé et les enfans reçûs à succeder.

Ce n’est pas assez que le mariage soit legitime et valablement contracté, il faut que les enfans soient nés dans le mariage, ou que le posthume naisse dans un temps qui le fasse présumer être une production du défunt ; mais comme le temps de la grossesse et de l’accouchement des emmes n’est pas toûjours certain et reglé, cela produit plusieurs questions : C’en fut une celèbre que celle qui se presenta en l’Audience de la Grand. Chambre, lorsque Mr de Moüy, Seigneur de la Milleraye, vint y prendre seance, en qualité de Lieutenant General, pour le Roy en Normandie. Il s’agissoit de sçavoir si un enfant né dix mois quatre jours aprés linhumation de celuy que l’on prétendoit être son pere étoit legitime, et si la mere devoit être privée de son doüaire

Pour la mere et l’enfant on disoit que les Jurisconsultes et les Medecins n’ont point défini précisément le temps de la naissance d’un homme, solus homo ex omnium animalium genere varia Arist generationis tempora & nascendi obtinet. Arist. de Nat. anim. l. 7. c. 7. On apprend d’Aulugelle que Flaminia, dont la conduite étoit sans reproche, et la vertu fort connuë, honestis moribus G non ambiguâ pudicitiâ, ayant accouché onze mois aprés la mort de son mary, elle plaida longtemps contre les heritiers, touchant la legitimité de l’enfant, mais enfin l’Empereur Adrien Aristote jugea que l’enfant né à onze mois pouvoit être legitime. Aristote remarque au lieu préallégué que diverses sortes d’animaux conçoivent et produisent leurs petits en divers temps. Les Elephans portent deux ans ; les Chameaux quatre mois ; les Jumens neuf ; et les Femmes produisent leurs enfans à sept, huit, neuf, dix, et onze mois.Du Laurens , l. 4. 4. 30. en son Traité de l’Anatomie, dit que, comme l’enfantement peut s’avanceri et l’enfant naître parfait à sept mois, plusieurs accidents peuvent aussi retarder les couches d’une femme, et que la tristesse de la mère, sa foiblesse ou celle de l’enfant peuvent causer ce retardement : Il n’est pas même vraysemblable que dans les premiers jours de sa perte, lorsque les plus insensibles ne peuvent s’empescher de verser des larmes, une femme conçoive la pensée d’une prostitution si honteuse Les heritiers répondoient que le scandale qu’elle avoit causé durant son mariage par sa mauvaise conduite, faisoit aisement présumer la continuation de sa débauche : La maladie de son mary qui avoit été grande et qui avoit duré plus d’un mois, ne souffroit pas que l’on présumât que cet enfant fût de ses oeuvres. Ce seroit un grand abus de rendre incertain le temps. de la naissance ; Ulpien l’a fixé dans la l. 3. 8. post decem ff. de suis et leg. hered. post decem menses natus non admittitur ad hereditatem. Et la l. quidam C. de posthum. post decem menses à morte patris natus non censetur legitimus, quia longissimum putabatur & olim pariendi tempus. Voyez Xeno phon et Plutarque sur la naissance d’Agesilalls et de Leotichydes. Hypocrate limite la naissance de l’enfant à dix mois, de Naturâ pueri. Dans Homere Neptuné parlant à la Nymphe qu’il avoit caressée, luy promet qu’elle accouchera avant que l’an eût fait son tout MOTGREC MOTGREC MOTGREC ; MOTGREC MOTGREC’MOTGREC

MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC MOTGREC

MOTGREC.

Mais outre que Neptune ne vouloit pas dire que l’an seroit achevé, comme Aulugelle l’a remarqué, l’an des Eoliens n’étoit que de dix mois, non plus que celuy des Romains, et Homere étoit Eolien. Et Plaute dans son Amphitr. ad prebendam aquam, quà puerperae lavantur, commodum adveni decimo mense. EtTurnebe , sur ce passage, demande cim olim mulières decimo nense parerent, cûm hodie nono soleant, sed ita se res habet, breviores érant veterum menses quam nostri, cum ad Luna cursum metirentur, non ad Solis

Incipe parve puer risu cognoscere matrem

Matri longa decem tulerunt fastidia menses.

Par Arrest du ro d’Aoust 1632. l’on confirma la Sentence du Bailly qui avoit privé la mere du doüaire, et on déclara l’enfant illegitime et incapable de succeder ; voyez la l. 6. filium de his qui sunt sui juris l. l. 5. idem de agnosc. lib. etCoras , ad l. Gallus de lib. ex posthum.

Voicy une autre espèce de personnes, qui bien qu’issuës d’un mariage legitime sont incapables de succeder à cause de leur lniquité, sçavoir les condamnez aux Galeres perpetuelles, ou ài un bannissement perpétuel hors du Royaume : Les enfans mêmes qui sont nés aprés le condamnations sont inhabiles à succeder, suivant le droit de la nature et des gens ; et même par la Loy de Grace ceux qui sont morts civilement, comme les Religieux, les serfs, les pannis à perpétuité du Royaume, sont capables du mariage, mais ce n’est que quoad fedus, non quoad actus civil ; ils sont legitimes, et toutefois non pas capables de succeder à leu pere qui a été condamné avant le mariage, ni la femme à demander son doüaire. Sur cette matiere voyez Loüet etBrodeau , et les Auteurs par eux alléguez, l. E. n. 9. et lett. C. n. 25Du Fréne , l. 1. c. 37. de l’impression de l’an 1652.

Il est neanmoins necessaire, suivant l’observation deRicard , en son Traité des Donations, p. 1. c. 3. Sect. 4. n. 254. pour faire que le bannissement prive des effets civils qu’il soit agravé de ces deux circonstances, à perpetuité et hors du Royaume : Quand le bannissement n’est que hors d’une Province ou à temps, ce n’est qu’une separation et un éloignement pour un temps, et non pas un retranchement perpétuel et absolu du corps de la Republique et par cette raison on a jugé au Parlement de Paris que celuy qui avoit été banny de la Province de Tours, ensemble de la Ville et Prevôté de Paris, êétoit capable de succeder même aux biens situez en la Coûtume de Tours : C’est aussi le sentiment de MiMaynard , l. 9. c. 42. car il compare ceux qui sont bannis seulement d’une Province ou d’un certain lieu à ceux qui étoient reléguez, dont les biens n’étoient point confisquez, l. relegatorum 5. hec est differentia ff. de interdict. et relegat. et je ne doute point qu’en cette Province on ne se conforme aux Arrests du Parlement de Paris et de Tololes.

Sur ce sujet je rapporteray un Arrest notable donné sur cette question, si un neveu accusé d’avoir empoisonné la femme de son oncle, et pour ce sujet exheredé par son oncle, qui reconnut sa nièce, soeur de cet exherédé, pour sa seule heritiere, et ayant été condamné à mort par Sentence du Juge inferieur, mais par Arrest banny seulement pour neuf ans, et ayant obtenu Lettres de rappel de ban, qui furent enterinées, pouvoit demander la succession de son oncle et exclure la nièce. La succession avoit été ajugée à la niece par Sentence du Vicomte de CaEn. ; sur l’appel le neveu soûtenoit que l’exil où bannissement hors de la Province de Normandie pour neuf ans, dont il avoit obtenu des Lettres de rappel, ne le rendoit point incapable de succeder à son oncle, non amisit jura civitatis per certi loci interdictionem ; relegatus integrum statum retinet & rerum suarum dominium l. relegatus ff. de interdict. et relegat. la Sentence qui l’avoit condamné à la mort ayant été revoquée : Par Arrest il a été déchargé du crime d’empoisonnement, bien qu’il ait été banny pour un temps pour les cas resultans du procez.

La nièce luy objectoit une double indignité, le bannissement et l’exheredation. Ce neveu avoit été tendrement élevé par son oncle et par sa tante, comme leur enfant ; pour recompense de ces bien-faits il empoisonna sa tante. Les Perses recevoient l’accusation contre ceux qui manquoient à la gratitude qu’ils devoient à leurs bien-faicteurs,Xenoph . l. 1. de Cyrop. Si les loix Romaines ne punissoient pas ceux qui n’avoient aucun ressentiment d’un bien. fait, au moins ils laissoient des moyens pour châtier ceux qui faisoient des actions contraires à la pieté et à leur devoir. L’intimée se sentoit obligée de soûtenir le droit qui luy est acquis par la volonté de son oncle, confirmée par un contrat et par un testament.

Entre les peines imposées aux crimes, l’exil, l’interdiction et la relegation ont leur ordre, Le Titre de interdict. et relegat. suit le Titre de penis dans le droit Romain : Et bien que l’interdiction ou la relegation ne privassent point des droits civils, elles notoient toûjours la per-sonne interdite. Le crime d’empoisonnement est atroce, plus est occidere veneno quam gladio, et de la part d’un neveu contre son oncle c’est une espèce de parricide ; et quoy que la clemence les Juges ait moderé sa peine, c’est mal argumenter qu’il soit absous et qu’il soit capable de prendre la succession de son oncle, generaliter id erit defendendum : ut qui clementiorem sententiam passus est, ob hoc, quod ad tempus relegetur, boni consulère debeat humanitatis sententiae, nec decu-rionatum recipiat, l. generaliter, ff. de decurionibus. La peine des empoisonneurs parmy les Romains. êtoit autrefois la déportation, insula deportatio & bonorum ademptio, sed hodie solent puniri, dit la Loy ejusdem. 3. legis Cornelia ad leg. Cornel. de sicar. et venef. La peine êtoit d’un bannissement perpetuel pour ôter le coupable à la vûë des pareaes du défunt, ne propinquis defuncti fiet tristitiâ et doloris augmentum, ne assiduo aspectu ejus qui dolorem attulit & defuncti mémoriae propinqui sponre ad ultionem impulsi malum malo sanare conentur.

Mais quelque favorable que sa condamnation ait été, son crime fournit toûjours une juste cause, d’exheredation, puisque l’oncle n’a pû être incité à la prononcer par de plus justes moifs, non inconsulto calore, sed ex meritis futuri heredis ad id odium incitatus est l. si filium C. de noff. testam. On ne peut ôter à un oncle le droit d’exercer une punition si bien méritée par l’exheredé, hanc postremi judicii liberum arbitrium testator habere debet On ne peut revoquer en doute que l’attentat par poison sur la vie d’un oncle et de sa femme par un neveu presomptif heritier, pour avoir sa succession, ne soit une cause legitime d’exderedation. Il n’est donc pas recevable à accuser le testament de son oncle d’inofficiosité, par se droit cette action n’appartenoit point à un parent collateral, elle n’étoit permife qu’aux enfans et au frere et à la sour contre le testament du frère, sed fratris vel sororis filii patrui, vel avunculi testamentum inofficiosum frustra dicunt, cum nemo eorum qui ex transversa linea veniunt exceptis fratre & sorore ad querelam inofficiosi admittatur. Quand même l’oncle n’auroit point fait sa déclaration, la Loy rend ce neveu indigne de la succession : Si celuy qui refuse à ses prohes l’assistance qu’il luy doit, qui manifestissimè comprobatus est ut per negligentiam aut culpam quam mulier à qua heres institutus est moreretur. l. indignum ff. de his que ut und. l. inimicitiae. 16. est indigne de la succession, si celuy qui palam et apertè maledixerit testatori infaustas voces adversus eum jactaverit, à plus forte raison celuy qui attente à la vie de son oncle et de sa ante, tombe dans le cas d’indignité. Il seroit trop injuste que cette tante qui a contribué de ses soins et de ses peines pour augmenter les biens de son mary, n’eût travaillé que pour enrichir celuy qui luy a ôté la vie-

Les Lettres de rappel de ban sont des Lettres de grace, qui ne redonnent pas au condamné la succession dont il étoit indigne, indulgentia Principis quos liberat notat, non infamiâm tol-lit, sed penae gratiam facit. l. indulgentia C. de generali abolit.

Pena potest tolli, culpa perennis erit.

D’ailleurs la question des biens et de la succession n’a rien de commun, et ne dépeûd point du jugement du crime. Il a pû être déchargé du crime, et demeurer indigne de la succession de celuy qu’il avoit offense. On en voit un exemple en la l. 1. ff. de his que ut indign.

Divi Severus et Antoninus rescripserunt quasi, indionum carere legato vel fideicommisso libertum, que et ex testamento patroni relicta érant, cum patronum suum post mortem ejus quasi illicita merci negotiatorem detulerat, quamvis pramium meruit. Et en la l. Lucius Titius de jure fisciesur une accusation d’empoisonnement morte extincto crimine manet questio bonorum et persequutio eorum que scelere acquisita sunt ; mais les biens qui eussent appartenu à l’indigne étoient ajugez au Fisc.

En France ils demeurent au plus prothe parent habile à succeder, ce qui a été jugé par deux Arrests notables. Un nommé Scipion ayant tué sa femme surprise en adultere, il fut absous de ce meurtre, et neanmoins par un Arrest du Parlement de Paris il fut privé d’une donation gue sa femme luy avoit faite. De trois fils d’un Gentilhomme nommé Langlois, le second ayant tué l’ainé, et obtenu des Lettres de remission, qui furent entérinées : quand aprés la mort du pere il voulut avoit la prerogative d’ainesse dans les biens de Caux, sur l’opposition du troisième frère il en fut declaré indigne, par Arrest confirmé par un autre Arrest du Conseil Privé. Par Arrest en l’Audience du18 de May 1623. la Sentence fut confirmée, et la succession de Thebaut fut ajugée à Bonne Foüer sa niece, au préjudice de Thebaut Foüet son neveu, El’exheredation ayant été opprouvée, quoy que le neveu eût été seulement banny pour neur Lans hors la Normandie, pour les cas resultans du procez.

Mais les deux Parlements de Paris et de Tolose sont opposez sur cette question, si un conlamné par contumace pour un crime qui emporte confiscation, venant à moutir dans les cinq années, est capable de rocueillir les successions qui luy sont échûës pendant ce temps-là Mr d’Olive , l. 5. c. 7. pour prouver qu’ils en sont incapables, dit qué ceux qui sont condamnez par defauts encoureit la mort civil par cette feule condamnation, sans qu’il soit necessaire pour produire cet effet qu’elle soit executée réellement ; ce contumax est mort quant à la LoyII est bien vray que l’Ordonnance donne aux criminels ce delay pour purger leur contumace, mais elle n’arrête pas l’effet de la Sentence des Juges, et ne conserve pas les aceusez en l’état qu’ils étoient auparavart, et le Parlement de Tolose le Juge de la sorte.

Bien qu’il soit vray que le criminel encoure la mort civil par la seule condamnation, l’execution toutefois en est suspenduë durant le delay que l’Ordonnance luy accorde pour se presenter, Il luy est permis dans cet intervalle de choisit une conjoncture favorable pour justifier son innocence : Quand l’Ordonnance a donné ce temps aux accusez elle a présumé favorablement que leur faute ou leur ablence pouvoit avoir quelque pretexte raisonnable, et que la crainte, le credit ou la violence des accusateurs, plûtost que leur conscience, leur faisoit redouter l’évesement de l’accusation, et comme les Loix penales s’expliquent favorablement, et que l’on présume toûjours en faveur de l’innocencé, ce deluy de cinq années ne doit pas être seulement utile aux contumaces, il doit avoir toute son étenduë pour ceux de sa famille, pour les recevoit à proposer tout ce que le défunt auroit pû rapporter pour sa défense. Cette opinion, comme plus équitable, est suivie au Parlement de Paris, suivant les Arrests rapportez parRicard , ibidem, par lesquels on a jugé que pendant les cinq ans la condamnation n’a point d’effet present, et qu’elle n’est que comminatoire, et tant et si longuement que les condamnez par contumace peuvent prouver leur innocence, quamdiu possunt in integrum restitui, ils sont capables de succeder.

Le fait de l’Arrest de l’an 1652. rapporté parRicard , est considérable. Un particulier étant condamné à mort par contumace déceda de sa mort naturelle pendant les cinq ans, sans s’être resenté : entre le temps de sa condamnation et celuy de sa mort, la succession de son pere étant Echûë, ses créanciers firent saisir sa part hereditaire, à quoy ses freres s’oppoferent et prétendirent que lors du décez de leur pere, leur frere étant mort civilement, il avoit été incapable de recueillir sa succession. La contestation ayant été portée en l’Audience de la Grand-Chambre, Mr Bignon remontra que l’Ordonnance de Moulins, Article 28. décidant que les condamnez par defauts et contumaces ne seront plus recevables aprés cinq ans à venir se purger, sans grace ts speciale, il s’en enfuit que pendant les cinq ans la condamnation n’a point d’effet, qu’il étoit constant que le condamné par contumace venant à se presenter dans ce temps les defauts et contumaces sont de plein droit aneantis, et que c’étoit une maxime au Palais que le condamné moutant dans les cinq ans, l’amende et la confiscation n’avoient point de lieu, parce qu’étant mort on ne luy pouvoit plus faire son procez, et on devoit présumer favorablement qu’il se fût representé dans le temps, et suivant ses concluffions on jugea que le fils avoit succedé à son pere, nonobstant la condamnation par contumace.

Nous ne tenons pas cette maxime que la condamnation par contumace soit tout à fait éteinte par la seule mort du condamné, mais on ne fait pas de difficulté de recevoir les parens et les heritiers du défunt à purger sa mémoire, ce qu’il auroit pû faire s’il avoit vécu en prenant des Lettres pour ester à droit, et on le jugea de la sorte en une cause où j’étois pour le sieur de S. JéanCancel, qui fut recû à justifier la mémoire dn fieur de Monmartin, contre Modame la Duchesse de Longueville, à qui la confiscation appartenoit. La faveur de l’innocence et des horitiers nou L a fait expliquer favorablement l’Ordonnance, pour juger que la condamnation par contumace n’a point d’effet qu’aprés les cinq ans ; mais il y a moins de pretexte à faire valoir cette interpretation pour les créanciers au préjudice des heritiers, comme on a fait par l’Arrest du Parlement de Paris, dont je viens de parler. Mais puisque la contumace durant les cind ans n’a point d’effer, et que l’on repute le condamné capable de fucceder, quandiu patest in integrum restitui, la qualité de creancier ne doit apporter aueun changementen la condamnation, qui ne doit point avoir plus d’effet contr’eux que rontre les heritiers.

Il faut conclure de ce que dessus, que si le condamné à mort par defauts et contumaces venant à mourir dans les cinq ans est capable de recueillir des successions, ses parens sont aussi capables di de succeder, en justifiant sa mémoire, suivant nôtre usage, et ses créanciers peuvent demander m la succession qui luy est échûë depuis sa condamnation. Il n’en est pas de même de ceux qui ne se sont ni presentez, ni purgez dans les cinq ans, aprés ce temps la condamnation de mort pû par contomace n’est plus suspenduë ni arrêtée, au contraire elle a son effet rettoactif, et l’incapacité se trouve dans la condamnation du jour qu’elle a été prononcée, l’Ordonnance en m ayant bien fuspendu l’execution pendant le delay qu’elle donnoit pour purger les defauts, mais n’en ayant pas éteint la force ni l’autorité ; ce qui a été jugé au Parlement de Patis contre les creanciers d’un homme condanmé à mort par contumare, et qui étoit mort sans s’être presenté dans les cinq ans. Ils avoient fait proceder par saisie sur les biens du pere du condamns, qui êtoit mort avant son fils, mais depuis la condamnation ; et ils soûtenoient que cette condamnation n’étoit point considérable pour n’avoir été executée. Les heritiers du pere répondoient que civiliter mormnus succedere non poterat, que les creanciers du fils ne pouvoient avoir hvpotheque sur les biens du pere, mais qu’au temps de sa mort le fils nec partem faciebat in successione patris, tec ad partem admitti poterat ; etdu Moulin , en ses Notes, sur le Conseil 438. de Decius dit que nous pratiquons en France l’opinion des Docteurs, que les successions qui échéent aux bannis et aux condamnez à mort par contumace ne sont point comprises dans la confiscation de Loüet seurs biens. Il est vray que M. Loüer, l. C. n. 25. qui a rapporté cet Arrest, avoit ômis de remarquer que ce fils étoit décedé aprés les cinq ans ; mais Brodeau nous apprend cette circonstance qui étoit décisive.

Aprés avoir montré que ceux qui sont condamnez par Sentences, qui emportent confiscation, sont incapables de succeder, il reste encore cette difficulté, si le criminel accusé et decreté est é capable durant l’instruction du procez criminel, et jusqu’au jugement, de surceder à ses parens ; Ce Parlement de Paris a donné deux Arrests contraires sur ce sujet : Par celuy de Barry, l’accusé ur déclaré incapable de succeder ; au contraire par cet Arrest célèbre de Bermondet, contre Singareau, qui se trouve dans les plaidoyers de Mr Servin, il fut jugé qu’un frère accusé d’inceste avec sa seur avoit pû succeder à la succession de son frere, qui luy étoit échûë avant la condamnation. quoy qu’il eût été exheredé par le pere, et que depuis il eût été condamné à mort. On disoit contre les enfans de l’accusé que véritablement selon la maxime commune un accusé n’est point incapable de succeder avant la condamnation, quia nondum est serous pena, 1. qui à latronibus. S. siquis ffe qui testam. fac. poss. comme on peut aussi luy payer ce qui luy est dû, S. reo de solv. Mais cette maxime ne doit point avoir lieu aux crimes publies, énormes et détestables, tels que celuy de leze-Majesté, de parricide, et d’inceste ; en ces crimes l’accusé est tenu pour mort civilement du jour de l’accusation, et la condamnation qui s’en ensuit a un effet retroactif, ad tempus delicti, pour le rendre incapable des successions qui luy sont échûës dans l’intervalle de l’arcusation et du crime commis : C’est la décision de la l. Quaositum qui et à quibusnam, où s’agissant d’un crime i de leze Majesté, le Jurisconsulte avoit dit d’abord que le coupable pouvoit donner la lierté quia ante damnationem erat Dominus, mais aprés y avoir fait plus de reflexion, il dit qu’il ne le peur, quia ex eo tempore quo quis de penâ certus esse coepit propter facinorum suorum cogitationem multâ prius consciennâ delictorum qudm damnatione jus libertatis amisit. Cette décision a été approuvée par tous les Docteurs, sur la l. Furti de his qui not. inf. et 1. ex judiciarum. ff. de accus. où la Glose est singulière sur cette matière. On objectoit encore aux enfans de l’accusé que si leur pere eût été copable de succeder à son frère, l’exheredation de son père demooreroit inutile, parce qu’il deviendroit indirectement son heritier, quia heres heredis est heres testatoris, l. alt. C. de hered. institut.

On répondoit pour les enfans de l’acousé qu’il arrive souvent que celuy qui est capable de succoderde son chef non per se ipsum, sed per alium ad hujusmodi heroditapem admittitur, sic qui Titii testumentum acousarit nec obtinuit, bien qu’il soit indigne de la succession de Titius, tamen heres legatario vel heredi scripro existere prohibendus non est quia non principaliter in hereditatem Titii succedit, l. post. leg. 5. qui acous. et l. qui Titii teftam. ff. de bis quib. ut vid. On dit bien que celuy qui est servus pona vel capitalis crimmis damnatus, n’est pas capable de suooeder, l. edicto. ff. de hon. l. filii. 6. 1. ff. de jure Patron. mais cela n’est vray qu’aprés la condamnation. Et cette maxime. est si certaine, que quoy que le Juge eût resolu la condamnation, ssi neanmoins il avoit différé la prononciation et l’execution du jugemont, jusqu’à ce qu’il eût soù la volonté du Prince, comme n’se pratique en certains éas, s’il’mouroit dans cet intorvalle : ses theritiers seroient capables de luy succeder ; servus pona, anbequam judicium nedditum et puonunciatum effet, non effice-rrtur, 1. siquis filio. 3. ejus qui deport. ff. de int. reo. rest. Il faut distinguer le commencoment d’un procez crimmel d’avec le jugement, si quidem orimen inchoatur litis contestatione, persicitur damna. tione, et : c’est pourquoy Ulpien a dit en la l. Furii de his. qui not. inf. que quamvis, injusta protocantis appellatio visa sit hodie eum aeotari puto non retro. Il est vray que le mêmeUlpien , en la l. 1. de poenis. ff. dit que quoties de delicto quaeritur, placuit non eam ponam subire debere quam conditio tjus admittit eo tempore quo sententiam effet passus, quo deliquisset, et par cette même raison écrivant : sur la l. Papia, il a aussi été de ce sentiment, quod ea quae in adulterio deprehensa est quasi judicio publico videtur damnata, quia factum lex non sententiam notaverit ; mais on répond premierement à la l. 1. de penis, que la qualité du coupable est bien considérable pour ordonner de sa peine eu égard à ce qu’il êtoit au temps du délict, quiâ aliter de servo supplicium, aliter de libero vindicta sumitur, l. penult. ff. si de nox. ci7. agitur. Mais le droit de cité ou la capacité de succeder ne se perd que par la condamnation, et par la l. ex jud. ff. de accus. non alias transit ad heredes pena bonorum ademptionis, quam lis contestata & condemnatio secuta fuerit. Il est vray que les crimes de leze Majesté et de peculat en sont exceptez, mais hors ces deux cas avant la condamnation l’accusé manet integri étatùs. Papinien parlant de reoadulterii postuluto, nihil prohiber recte pecuniam debitoribus solvi, et cette décision de Papinien a été reçûë comme une regle generale, comme a remarquéHermogenien , en la l. aufertur. S. vic. reo de jure fisci.

Il faut faire cette distinction, que l’accusé depuis l’accusation jusqu’à la Sentence est capable de succeder ; mais il faut qu’il déclare son intention de vouloir être heritier, autrement en cette rencontre il est présumé avoir repudié la succession échûë, et que prévoyant sa condamnation il a mieux aimé refuser la succession pour la faire passer à ses parens que de l’acquerir pour des Seigneurs confiscataires, et qu’ils ne peuvent empescher ni se faire subroger aux droits de l’accusé ; cette prerogative n’est accordée qu’aux créanciers par l’Article 278. de la Coûtume, comme il a été jugé par l’Arrest de Barantin qui sera remarqué sur l’Article 278i mais si l’accusé accepte la succession les biens en appartiennent aux Seigneurs confiscataires dans les Coûtumes où la confiscation a lieu, ou aux enfans quand la confiscation n’est point reçûë, et c’est par cette distinction que l’on concilie les deux Arrests du Parlement-de Paris.

Dans celuy de Barry l’accusé n’avoit point pris la succession, et dans celuy de Bermondet le frere s’étoit mis en la possession des biens de son pere ; on le jugea capable de succeder ; et on ajugea à ses enfans les biens, parce qu’ils étoient situez en des lieux où la confiscation n’a point de lieu

C’est encore une question difficile, si l’appelant d’une condamnation de mort êtoit capable de succeder, et de recueillit une succession à luy échûë pendant l’appel, s’il arrive que la Sentence soit confirmée. On trouve un Arrest dans le Journal des Audiences, l. 2. c. 49. par lequel il a été jugé que le condamné à mort par Sentence, depuis confirmée par Arrest, étoit incapable d’avoir pris une succession échûé pendant l’appel, quoy qu’on s’aidât de cette maxiine, que provocationis remedio condemnationis extinguitur pronunciatio, et qu’ainsi la condamnation étant éteinte par l’appel moriebatur integri statùs, et que la condamnation n’avoit son effet que du jour de l’Arrest : Et par la Loy qui à batronibus 5. siquis in capitali D. qui sestam. fac. poss. le testament fait pendente appellatione est valable ; mais on répondoit qu’un homme condamné à mort par Sentence, de laquelle il étoit appelant, ne pouvoit succeder, on état étant douteux et incertain ; et qu’il y avoit de la difference entre un condamné qui décede pendente appellatione, et l’autre qui est condamné par Sentence confirmée par Arrest.

Le premier décede integri statis : mais pour celuy qui est condamné par Sentence confirmée par Arrest, il faut qu’il subisse la peine qui luy a été infligée par la condamnation, et qu’il perde en consequence d’icelle tous les droits qui luy eussent été acquis s’il fût décedé pendant l’appel. De l’incapacité de succeder, voyez le même Journal ; l. 1. 6. 37.

T’ajoûteray cette question importante, si un François ayant été condamné à mort et executé pour un crime hors de la France, ses heritiers doivent luy succeder, ou si le Fisc, et les seigneurs feodaux auront ses biens. Ricard traite la question à légard du testament. Mi de la Roche Flavin rapporte un Arrest de Tolose, par lequel un François ayant été condamné en Espagne pour meurtre qu’il y avoit commis, ses biens furent ajugez au Roy, au préjudice les heritiers, quoy que le Juge d’Espagne luy eût donné la permission de faire son testament, mais Ricard témoigne que la maxime du Parlement de Paris est contraire, parce que suivant les loix du Royaume les Jugemens rendus dans les païs étrangers n’ont point force de choses jugées dans le Royaume pour les biens qui y sont asfis : Ainsi lors qu’un regnicole a été executé hors du Royaume, il est considéré en France comme un criminel, qui seroit mort na-turellement avant sa condamnation, c’est à dire avec une joüissance entière des effets civils, et cette jurisprudence me paroit plus équitable que celle du Parlement de Tolose. Dans le droit Romain lon ne faisoit point le procez par contumace dans la première année de labsence, on ne disoit rien contre labsent ; mais étant expirée s’il ne retournoit point il étoit reputé coupable, que s’il mouroit dans l’an il mouroit integri statùs, et ses biens n’étoient point confisquez ; on ne laissoit pas neanmoins dans cette première année d’annoter ses biens.

a lincapacité il faut joindre l’indignité : la distinction de l’incapable et de l’indigne n’est point considérable parmy nous, où les biens de l’indigne ne sont point déferez au Fisc comme par le droit Romain, mais aux plus proches parens qui succedent en sa place. La différence entre l’indigne et l’incapable ne peut mieux être expliquée que par les paroles de MrCujas , en son Parat. sur le Tit. du C. de his quib. ut indign. indignus est qui capere potest, & vero etiam capit, sed quod cepit retinere non potest, est capax jure, incapax effectu : Incapax vero est incapax jure et effectu.

Bien que cette distinction présuppose quelque capacité en la personne de l’indigne, elle ne produit neanmoins aucun effet, et on ne peut dire que l’indigne soit saisi de la succession pour acquerir un droit au Fisc ou à ses creanciers. On en trouve un exemple notable dans la suite du Journal des Audiences, l. 2. c. 27. Le Substitut de Mr le Procureur General au Presidial de Châtillon sur Indre, ayant fait demander aux freres d’un condamné à mort et executé pour un crime de parricide, une amende de 8oo livres, il soûtenoit que le fils, quoy que parricide, avoit succedé à son pere, que le droit naturel l’avoit appelé comme son fils à la succession, et qu’il n’y avoit point de loy qui en privât les parricides dés le moment du crime commis, il faut une Sentence qui les rende incapables ; que l’indigne êtoit bien incapable effectu, mais capable jure : Que dans le temps qui s’étoit passé jusqu’au Jugement, la succession luy avoit appartenu par cette loy generale du Royaume, le mort saisit le vif. Mr Bignon prenant le fait de son Substitut, remontra que cette question ne pouvoit recevoir cette distinction d’indignité et d’incapacité, suivant l’opinion de MrCujas . Pour les crimes horribles l’accusé est enu pour mort civilement dés le jour de son accusation, et la condamnation qui est renduë sur celle a un effet rettoactif ad tempus delicti à son préjudice, pour le rendre incapable de toutes sucressions medio tempore entre l’accusation et la condamnation l. quesitum. ff. quib. et à quib. manumiss. l. sinitur de his qui not. infam. l. ex judiciorum de accus. Le Substitut fut debouté de sa demande, sauf à luy à se pourvoir sur les autres biens que le condamné avoit avant qu’il eût commis son crime Les coupables de ces crimes monstrueux de parricides et fratricides, sont incapables et indignes ipfo jure et facto. Il n’est pas même raisonnable que leurs enfans profitent de leurs cri-mes, mais la succession dont on les prive ne passe point au Fisc, comme il fut jugé en l’Audience de la Grand-Chambre le 13 de Janvier 1661. entre François Moulion tuteur des enfans d’Estienne Pigeon, et les parens d’Antoine Pigeon : Estienne Pigeon avoit tué Antoine Pigeon son frere pour l’empescher de se marier. Les enfans de ce parricide prétendans succeder o au préjudice des autres parens, ils furent deboutez de cette prétention par Sentence du Vicomte de Beaumont ; mais il ajugea cent livres de pension aux quatre enfans de ce parricide jusqu’à lage de quatorze ans, ce qui fut confirmé par l’Arrest qui ne peut être fondé que sur une raison de commiseration. Cette espèce n’est pas conforme à celle de l’Arrest rapporté par Berault sur l’Arricle 238. les enfans de l’homicide ne demandoient pas de prendre part à la succession de celuy que leur pere avoit homicidé, ils venoient de leur chef à la succession de leur ayeul. Il a été ugé au Parlement de Paris en l’Audience de la Grand-Chambre le 18 de Janvier 1652. en an procez évoqué de Normandie, que le crime commis par un pere et par ses enfans conjointement, ne peut pas rejallir sur le fils ainé de la famille pour l’empescher par indi-gnité de recueillir une succession qui luy êtoit déferée en vertu de la Coûtume, par le décez de la personne homicidée par son pere et ses freres. Le sujet qui donna lieu à cette question fut l’horrible assassinat commis par le sieur de Port et deux dé ses fils au sieur de la Rosiere Maître des Comptes à Roüen, au sieur de Renoüard son fils et à la Dame de Renoüard. La succession de la Dame de Renoüard ayant été prétenduë par le fils ainé du sieur de Port, elle luy fut contestée par quelques parens de la Dame de Renoüard, qui soûtenoient que la succession leur devoit appartenir par l’indignité dudit du Ménil Guillaume fils et frère de ceux qui avoient causé la mort de celle de la succession de laquelle il s’a-gissoit, n’étant pas juste que le fils profitât du crime commis par son pere et par ses freres suivanae la disposition du droit en la l. reparatio 5. praterea ff. de bon. damnat. liberorum petitiones non augéeantur, de his quae damnati patres flagitio acquisiverunt, parce que comme dit la l. 134. 5. un. de Regul. Jur. nemo de delicto suo meliorem condittonem suam facere potest. Ce qui arriveroit si ledit sieur du Ménil étoit admis à recueillir cette succession, il ne pouvoit venir à la representation son pere qui en étoit indigne, suivant un Arrest remarqué parChopin , de Privis Prius Rust. part. 3. c. 11. n. 7. mais d’autre part, sur ce qu’il fut representé de la part du fils que n’ayant été aucunement participant de l’assassinat commis par son pere et par ses freres, le crime de son pere ne luy pouvoit être objecté pour le priver d’une succession qui luy appartenoit par la Coûtume, tous délicts étans personnels, et n’y ayant qu’un seul cas où les enfans en soient privez par la faute de leur pere, qui est le crime de leze-Majesté : Par Arrest ledit sieur du Ménil fut maintenu et gardé en la possession et joüissance de ladite succession.

Quoy que l’on soit capable de succeder on n’est pas forcé à se porter heritier : Les Romains seuls ont eu cette delicatesse d’honneur de reputer à ignominie de mourir sans heritiers : causa instiuendi heredis necessarii est pudor, & existimatio defuncti ut heredis potius quam suo nomine bonâ distrahantur, quod erat infame. Cujas ad Tit. de neces. hered. Nôtre vanité ne s’étend point jusques-là : Bien loin d’avoir des heritiers necessaires, l’heritier presomptif n’a pas besoin de re-noncer pour se mettre à couvert de la qualité d’heritier, et il suffit de s’être abstenu, quoy que le terme sDoit ) employé dans l’Article en ait fait autrefois douter. Les enfans des Receveurs des Tailles sont neanmoins des heritiers necessaires.

Il y a grande différence entre ces deux mots ( Doit, et Peut ; ) ce dernier lorsqu’il est mis affirmativement donne la liberté de faire ou de ne faire pas quelque chose : l’autre étant pronon cé par la loy impose une nécessité de faire ce qu’elle ordonne. Nos Législateurs ont confondu en cet Article et en l’Article 394. la signification de ces termes ; et il s’en ensuivroit que ce terme ( Doit ) obligeroit indispensablement l’heritier à renoncer : L’usage est pourtant certain. au contraire, et on peut dire pour excuser nos Reformateurs, que suivant l’opinion de Bartole hec dictio ( Deber ) non semper importat necessitatem, sed accipitur pro potestate.Bart . in repet. credit. C. de pign. Aussi par l’Article 43. du Reglement de 1666. l’heritier presomptif, encore qu’il n’ait pas renoncé, n’est pas censé heritier s’il n’en a fait acte ou pris la qunlité.

Comme il arrive souvent de la contestation sur ces questions, si l’on a fait acte d’heritier. ou si l’on est recevable à demander une succession aprés qu’elle a été déja acceptée par d’autres, on peut d’abord établir ces deux regles : La premiere, que comme c’est une chose de con-sequence de déclarer quelqu’un heritier, les preuves en doivent être constantes ; aussi en droit l’acte seul n’induit l’adition d’heredité, il faut la volonté, quia magis est animi quam facti. La seconde, que comme nous succedons par la disposition de la loy, aussi pour exclure l’heritier du sang il faut qu’il en ait expressément renoncé, ou qu’il ait témoigné une volonté de ne vouloir pas être heritier. L’acceptation d’une succession fe fait en deux manieres, à sçavoir en declarant verbalement ou par écrit que l’on se porte heritier, ou en faisant quelque acte qui ne peut se soûtenit sans la qualité d’heritier. Pour connoître cette volonté, et pour prouver qu’on a eu cette intention de se porter heritier, il faut avoir quelque déclaration apparente qui marque l’acceptation, et c’est pourquoy les questions sur la qualité d’heritier tombent plûtost sur aee fait que sur le droit, et il est bien difficile d’en donner des regles certaines ; plerumque difficilis probatio aditae hereditatis, et cela dépend des circonstances particu-lieres du fait, et même en quelque façon de l’humeur et du genie des Juges : la fermeté d’esprit des uns les portant à une étroite et rigoureuse observation des regles, et les autres se laissant toucher par des motifs de commiseration et d’équité apparente.

Il y a certaines actions qui prouvent certainement la qualité d’heritier, parce qu’on n’a pû agir de la sorte sans le nom et la qualité d’heritier : Certus actus est debita hereditaria exegisse, donasse, remisisse, solvisse, actiones hereditarias intendisse expresâ heredis qualitate quidquam gesiisse.

M’d’Argentré , Article 514. gl. 2. Quelque déclaration que lon ait faite d’accepter une succession, si toutefois rebus integris, et avant que d’avoir mis la main à la chose, on change de sentiment pour avoir reconnu que la succession êtoit onereuse, on est reçû à y renoncer, comme il fut jugé en la cause du sieur Basire : Il avoit entrepris le procez, dont j’ay parlé sur l’Article 148. pour se faire déclarer heritier de son père ;, la succession luy avoit été ajugée par Arrest, néanmoins craignant qu’elle ne fût chargée de dettes, il déclara qu’il labandonnoit pour la pren-dre au nom de ses enfans, et nonobstant le contredit de ses beaux-freres, qui étoient créanciers, il fut reçû à renoncer, par Arrest en la Chambre de l’Edit de l an 1648. plaidans Auboult et moy.

Que si la feule déclaration d’être hetitier ne suffit pas toûjours, aussi la joüissance des biens hereditaires n’est pas toûjours une preuve certaine de la qualité d’heritier. Un pete avoit avance son fils d’une terre, ce fils continua sa joüissance aprés la mort de son pere, et depuis il demands son tiers coûtumier. Les créanciers le soûtenoient heritier en consequence de cette joüissance u’il avoit euë depuis la mort de son pere ; il fut jugé en la Grand : Chambre le ro de Decembre 1621. que cette continuation de joüissance n’emportoit point un acte d’heritier, parce qu’elle n’avoit pas commencé aprés la mort du pere, qu’il ne l’avoit euë qu’en vertu d’un titre particulier, et qu’il pouvoit la continuer pour son tiers, jusqu’à ce qu’il luy fût contredit par les créanciers

Voicy une autre espèce. Un fils avoit obtenu permission de faire valoir la succession de son t pere, sans attribution de la qualité d’heritier ; ayant vendu quelques héritages pour payer les r dettes, sans prendre la qualité d’heritier, la question fut fort agitée s’il devoit être reputé heritier ou non, et enfin elle fut partagée en la Grand. Chambre, Mr d’Anviray, Rapporteur Mr de Cambremont, Compartiteur, et par l’Arrest rendu en prononçant sur le partage en la Chambre des Enquêtes le 28 de Mars 1666. il passa à dire que le fils ne seroit point tenu pour heritier. Les paroles de cet Article, s’il a mis la main à la chose, ne s’entendent que quand on n’a point renoncé, quoy qu’on alléguât au contraire, que fi ces sortes de permissions d’administrer une succession étoient reçûës, il ne faudroit plus de benefice d’inventaire.

Quelquefois on n’a pas reçû la renonciation à une succession que l’on avoit acceptée : Par drrest en la Chambre des Enquêtes du premier de Septembre 1639. au Rapport de Mr de BoivinMonmorel, une femme ayant recueilli de l’autorité de son mary une succession aux meubles et ac-quests d’un sien neveu, quoy qu’il fût prouvé au procez qu’il n’y avoit aucuns meubles ni acquests, elle fut deboutée de ses Lettres de Restitution, et condamnée à payer les dettes mobiliaires de son neveu. Cet Arrest semble rigoureux en la personne d’une femme, qu’un mary avoit engagée mal à propos à prendre une succession onèreuse ; on tint à la rigueur, heres est, et si nihil sit in hereditate. Autre Arrest, au Rapport de Mr le Noble, du et de Juillet 1644. par lequel celuy qui avoit pris la qualité d’heritier par deux actes exercez en Justice, dont il n’y en avoit qu’un igné de luy, fut debouté des Lettres de Restitution, bien qu’il n’eûr touché aucune chose de la succession

Les biens d’Edoüard, sieur de Vaux, ayant été saisis réellement, son fils eut distraction de son tiers ; aprés la mort du pere le fils disposa d’une partie de ses meubles. Les creanciers le poursuivirent comme ayant fait acte d’heritier : Il répondit que la distraction qu’il avoit demandée de son tiers coûtumier équipolloit à une renonciation ; que cette demande avoit assez marqué son intention de ne vouloir être héritier de son pere ; que les meubles qu’il avoit pris ne luy pouvoient donner cette qualité, et que les creanciers n’avoient point d’action que pour luy en faire rapporter la valeur. Les creanciers repliquoient que la demande du tiers n’étoit pas une renonciation suffisante, parce que son pere étoit encore vivant, et que pouvant parvenir à une meilleure fortune il s’en seroit rendu héritier. Il étoit donc incertain avant la mort du pere, s’il accepteroit ou repudieroit la succession, qu’en tout cas sa défense seroit bonne s’il n’avoit pas mis la main à la chose, mais n’ayant point renoncé, et au contraire s’étant saisi des biens hereditaires, il étoit reputé l’avoir fait comme fils et heritier, non tanquam sur. Ainsi jugé par Rapport en la Grand : Chambre le 14 de Mars 1667.

Dans l’espece contraire, quand on a négligé de recueillir une succession échûë, et qu’on a souffert qu’un coheritier ou un parent plus éloigné en prit la possession, on a eu plus de facilité à recevoir celuy qui avoit abandonné son droit. Jean le Peinteur avoit eu pour ses heritiers aux meubles et acquests ses deux seurs, et les sieurs le Peinteur des Ruflets, ses neveux, en faveur desquels il avoit fait plusieurs contrats et donations contre la Coûtume : Antoinette le Peinteurs’une des seurs, avoit été mariée à Charles Pinard, et de ce mariage étoient issus Charles et acques Pinard. Jacques Pinard n’eut qu’une fille qui fut mariée à Me du Hamel Avocat dequel, sous le nom de ses enfans, avec le sieur l’Aignel, sorti d’une autre seur, entreprit de faire casser tous les contrats faits avec les sieurs des Ruffets ; ce qui fut jugé par ArrestIl étoit vray que Mr Charles Pinard, Curé de Goupilieres, avoit eu connoissance de ce procezi et neanmoins il ne s’étoit point joint avec le sieur du Hamel ; mais aussi-tost que l’Arrest fut donné en la Chambre des Enquêtes il y presenta sa Requête pour faire dire que l’Arrest seroit déclaré commun, et en ce faisant que la moitié de ce qui luy revenoit luy seroit ajugée.

Greard, pour du Hamel, s’efforca de prouver qu’il n’étoit pas recevable, il allégua le droit d’accroissement, que Mr Charles Pinard avoit sçû le procez, qu’il n’avoit point voulu se joindre avec luy, au contraire qu’il avoit artendu que du Hamel en eût coutu toutes les risques, qu’aprés cela il n’êtoit pas raisonnable qu’il partageât le fruit de ses peines, que la l. quod si Minor. S. Scavola noster. ff. de minor. y étoit expresse, que s’il avoit perdu son procez, Pinard n’auroit pas voulu contribuer aux frais, ni le recompenser de ses pertes, que par cette raison venant ad paratas epulas, à n’étoit pas juste qu’il eût part au profit ; enfin il objectoit pour fin de non recevoir que par la lisposition de la Coûtume les donations doivent être revoquées dans les dix ans de la mort du donateur, que si Pinard agissoit maintenant contre le fieur des Ruflets, il y seroit non recevable, parce que les dix ans étoient expirez, que l’action de du Hamel ne luy pouvoit servir, et que par consequent il en devoit avoir seul tout le benefice, ce qu’il appuyoit par l’exemple du retrait l lignager, où le parent qui auroit usé de retrait ne seroit pas tenu de communiquer le profit du retrait à un autre qui auroit negligé son droit. De même lheritier qui n’avoit point agi, bien u’il eût connoissance de son droit, ne devoit pas profiter de sa negligence, et son filence tenoit lieu d’une renonciation expresse : Je répondois pour le steur Pinard qu’on alléguoit mal à propos le droit d’accroissement, qui n’a lieu que quand celuy qui a part à la chose commune abandonne on droit, et non pas lorsqu’il le demande suivant le Tit. du C. quod non petentium partes accrescant petentibus. Me Charles Pinard demandant sa part, du Hamel ne pouvoit pas soûtenir qu’elle dût luy accroître. Quant à l’objection que jus suum habuerat pro derelicto, puis qu’ayant sçû le procez il n’étoit point intervenu partie : On répondoit qu’il y avoit bien de la difference entre e droit successif, qui nous est acquis par la Coûtume, provisione legis, et Iinstitution d’heritier des Romains ; les successions qui sont déférées par la Coûtume nous appartiennent par le droit du sang et de la nature, et par cette raison on ne les perd que par une renonciation expresse.

La negligence ou l’abandonnement de son droit, pendant quelque temps, ne suffisent pas pour nous en priver, et quand même on auroit renoncé, il y a lieu au repentir, en desinteressant la n partie ; les heritiers testamentaires ne sont pas si favorables, l’heritier institué n’ayant dé droit j que par l’acceptation du testament, quand il refuse de se servir de l’institution, et que le substitué a pris la succession, cet heritier n’y pouvoit plus revenit, distractâ horeditate et negotiis confectis ad Justinien paratam pecuniam laboribus substituti non est admittendus. Que Justinien avoit décidé cette question n la l. fin. de Repud. hered. où nonobstant la renonciation, on peut demander la succession, quando res horeditaria alienatae non érant : Et pour la fin de non recevoir, que ne s’étant pas pourvù dans les dix ans, du Hamel devoit avoir seul tout le benefice de son action, puisque luy seul l’avoit intentée dans le temps fatal. Je répondois que cette action rescissioire étoit un droit à et un effet de la succession, qu’il suffisoit qu’elle eût été formée par un des coheritiers dans le temps prescrit ; que la diligence de l’un servoit à l’autre contre le sieur des Ruflets, comme la diligence d’un coheritier servoit à l’autre pour empescher la prescription des cinq années, et comme du Hamel n’avoit rien fait qu’en vertu d’un droit qui leur êtoit commun, le benefice devoit leur en être commun, que l’exemple du retrait lignager étoit mal appliqué Le rétrait lignager n’est pas fondé sur la qualité d’heritier, mais sur le droit de sang, et il ne rofite qu’à celuy qui s’en est servi ; qu’enfin du Hamel devoit être fatisfait, puisqu’on offroit de le rembourser largement de la moitié de ses frais. Par Arrest en la Chambre des Enquêtes du 20 de Juillet 1671. on ajugea au sieur Pinard les fins de sa Requête, et il fut dit qu’il auroil a moitié de ce qui luy revenoit, en remboursant la moitié des frais.

Une pareille question avoit été décidée en la Grand. Chambre le 29 d’Octobre 1643. Une succession étoit échûë à trois seurs, deux renoncerent, et la troisième la prit par benefice d’ins rentaire ; mais avant l’ajudication par benefice d’inventaire, ces deux seurs se firent autoriit par leurs maris pour être reçûës à y participer, et aprés quelques procedures elles laisserent tomber l’instance en peremption, et par ce moyen le benefice d’inventaire fut ajugé à celle qui l’avoit obtenu. Huit ans aprés ces deux seurs se réveillerent et prétendirent derechef d’être admises à cette succession beneficiaire, disant que la Coûtume ne pouvoit être étenduë contre les coheritiers de l’heritier beneficiaire, offrant de contribuer aux fiais du benefice d’inventaire : La seur se prévaloit de la Coûtume, qui décide qu’aprés l’ajudication du benefice d’inventaire, on n’est plus recevable à demander la succession, qu’elles avoient fait déja une areille demande, mais qu’elles avoient abandonné leur poursuite, néanmoins elles furent reçûës à prendre part à cette succession beneficiaire, plaidans Lyout pour Remon et Grosos, leurs maris ; et Pilastre pour le défendeur.

On jugea le contraire en cette espèce ; Berart avoit accepté la succession de son pere et en avoit joui quelque temps, depuis la trouvant onereuse il y renonça ; elle fut prise par un autre Berart du même lignage, qui en joüit long-temps ; comme il l’avoit fort bien ménagée et démélé toutes les affaires, ce premier Berart fit porter une sienne fille héritière de son ayeul, pour prendre cette succession, et sous son nom il poursuivit celuy qui la possedoit, pour voit dire qu’elle seroit ajugée à sa fille nonobstant sa renonciation, dont il prit, entant que besoin, des Lettres de Restitution, prétendant que sa fille venoit à la succession ex capite suo non ex persona patris. Il fut dit par Sentence qu’elle êtoit non recevable, puisqu’elle n’étoit née ni conçûë lors de la succession échûë, et qui n’étoit plus jacente : ayant été premierement prise par le pete, et acceptée par le défendeur, il n’étoit pas raisonnable qu’il en fût dépoüillé aprés avoir consumé son temps et son argent pour la débroüiller, que ce pere qui n’avoit pas voulu en prendre la peine venoit sous le nom de sa fille pour profiter du travail d’aeutruy, ce qui étoit contre la disposition de la l. intra utile. ff. de minor. V. l. quod si minor. S. Scaevola noster. D. de minor. Pat Arrest en la Grand-Chambre du 4 de May 1610. la Sentence fut confirmée. Il y avoit cela de particulier que cette fille, sous le nom de laquelle on demandoit la succession, n’étoit née ni conçûë au temps de l’écheance d’icelle.

Il faut aussi remarquer que, nonobstant la renonciation faite par le tuteur, le mineur aprés E sa majorité est restituable par la seule raison de sa minorité, et sans avoir besoin de justifier de lesion, mais en ce cas il doit prendre la succession en l’état qu’il la trouve, et en indemniser celuy qui l’a recueillie : Arrest en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Roussel, du 12 d’Avril 1633. entre Pierre Brunel et Me Michel Jean Avocat.

Les heritiers ne prenant la succefsion du défunt qu’à la charge de payer ses dettes, il faut sçavoir que par nôtre usage les coheritiers y contribuent, non pro portionibus hereditariis, sed ro modo emolumenti, et chacun d’iceux en est tenu personnellement et solidairement à l’égard les créanciers ; chaque sorte de bien doit porter ses charges, les dettes mobiliaires sont prises sur les meubles, et s’il y a de differens heritiers, les heritiers aux meubles et acquests sont tenus de décharger les propres, de la maniere qu’il sera expliqué ailleurs plus amplement Il fut jugé en la Chambre de la Tournelle, au Rapport de Mr de Galentine, le S d’Avril 1631. que l’heritier aux meubles n’étoit pas feul chargé des frais pour poursuivre la vengeance de la mort du défunt, et que les heritiers aux immeubles y devoient aussi contribuer, êtans obligez galement à cette poursuite, autrement ils se rendroient indignes de la succession enfin si la succession est contentieuse l’action n’en doit être agitée que devant le Juge ordinaire, et ce n’est pas à un Juge d’Eglise à déclarer quelqu’un capable à succeder ; par Arrest de la Grand : Chambre du 29 de Mars 1658. entre Michel Délandes appelant comme d’abus de Official de Coûtance, et Jacques le Clerc intimé, on prononça mal, nullement et abusivement en ce que l’Official avoit déclaré l’enfant sorti des oeuvres desdits Délandes et le Clerc habile à ucceder, et quoy que les biens hereditaires soient situez en diverses Jurisdictions, l’action en partage doit se traiter devant le Juge du domicile du défunt, ce qui est d’autant plus raisonnable que l’inventaire des lettres et des meubles est la premiere procedure par où l’on doit commencer.