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CCXXXVIII.

Le fils et la fille du fils aîné en la succession ont les privileges de leur pere.

Pareillement le fils du fils ainé est saisi de la succession de son ayeul et de son ayeule, à la representation de son pere pour en faire part à ses oncles, et

fait les fruits siens jusques à ce que ses oncles luy demandent partage, et doivent les lots être faits par le dernier des oncles, le choix demeurant audit fils ainé.

Cet Article a décidé cette question si fameuse, sçavoir si le fils de lainé à la representation de son pere pouvoit avoir en la succession de son ayeul, au préjudice de fon oncle, les droits de primogeniture, qui eussent appartenu à son pere s’il eût été vivant :’Autrefois la representation même en ligne directe n’avoit point lieu parmy les François, mais le pere la pouvoit accorder en matiant son fils, ou rappeler ses enfans par son testament : Ils en usoient de cette sorte pour rendre leurs enfans plus respectueux ; c’est la remarque dedu Moulin , sur l’Article 76. de la Coûtume de Boulenois : Habent rationem in hoc, ne filii audeant contrahere matrimonium, et generar nepotes sine consensu parentum, qui possint eos habilitare ad succedendum. Aujourd’huy le droit de representation en ligne directe est reçû par toutes les Coûtumes, et en cette Province la representation s’étend jusqu’au seprième degré, suivant l’Article 42. du Reglement. de l’an 1666. étant raisonna ple qu’entre les décendans les plus éloignez ne soient pas exclus par ceux qui sont les plus proches.

Cette question parût si difficile à l’EmpereurOthon le Grand , qu’il la fit décider à coups d’épée, cognitionem veritatis de Principum sententiâ gladiatorio certamine commisimus : Constitut. 4. et l’Histoire remarque que le neveu remporta la victoire deux fois.

C’étoit une Coûtume generale parmy les Hebreux que ubi quis ipse est in successione hereditaria praferendus, etiam universa proles que à semore ejus egreditur est praferenda.Selden . de Success. Ad leges Hebraeor. C’est sur ce même principe que l’on donne au fils du frere ainé les mêmes avantages que son pere auroit eus s’il eût été vivant

Les Docteurs qui l’ont traitée la soûtiennent de part et d’autre par exemples et par raisons, et Balde aprés l’avoir agitée, sans la pouvoir refoudre, conclud par ces paroles solvat Apollo.

Ce même Auteur parlant du jugement qui fut rendu par le Pape Boniface Il. en faveur de Robert fils puisné de Charles Il. Roy de Sicile, pour la Sicile, par lequel l’oncle fut preferé au neveu, dit que ce jugement fut plus partial qu’Apostolique, et en effet ce même Roy ayant à prononcer sur le même sujet, jugea le contraire de ce qu’on avoit décidé pour luy : Si les xemples pouvoient servir de Loy la cause du neveu en fourniroit un plus grand nombre, et MrCujas , qui tient le party de l’oncle contre le neveu, reconnoit cette vérité, mais il prétend que si rationibus juris certatur, potior est causa secundogeniti.

Par le droit commun des Fiefs le petit fils representant son ayeul succede au Fief c.. de Gradibus Success. et c. 1. de Succ. feudorum. Par le droit Saxon ancien nemosuccedit feudo nisi filius parri, et eo non extante ad Dominum revertitur ; verùm, dit Rheinardus, l. 1. c. 21. de differentiâ juris civil. et Saxon. Moderni propter summam iniquitatem extendunt statutum in nepotem quem aiunt in feudo succedere.

La question n’est pas moins douteuse en Angleterre, magna dubitatio juris solet esse uter illorum orSferendus sit alii in illa successione, filius an nepos : Quidam volunt filium post natum rectiorem esse here lem quêm nepotem, quia filius primogenitus cûm mortem patris non expectaret, nec expectavit quo usque ejus heres effet, et ita cûm post natus filius supervixerit tam frotrem quâm patrem recté, ut dicunr, patri succedit : Aliis visum est nepotem avunculo praferendum, cum enim ex filio primogenito exierit, et de corpore suo extiterit beres, in totum jus quod pater suus haberet, si viveret, ipse patri suo succedere debet.Glanville , 1. 7. c. 3.

Mais en laissant tous les exemples étrangers que l’on pourroit alléguer, on apprend par l’ancienne Coûtume et par la Glose que le plus ancien usage avoit été que le fils à la representation de son pere eût tout ce qui luy auroit appartenu au préjudice de son oncle, mais que par l’autorité de quelques personnes puissantes, en changeant cette ancienne Coûtume, on en avoit introduit une nouvelle, par laquelle l’oncle êtoit preferable au fils de l’ainé, quand il êtoit mort avant son pere : La Glose declame contre cette Coûtume ; et dit qu’elle est reprochable et damnable, et ne doit avoir aucun lieis, aussi elle fut bien-tost abrogée ; en effet puisque par le moyen de la representation le neveu est capable de succeder avec son oncle, il doit joüir de tous les droits de la personne qu’il represente : Le fils, même du vivant du pere, est reputé le Seigneur de ses biens ce qui sert de réponse à ce puissant argument que l’on rapporte en faveur de l’oncle, que la representation peut bien faire succeder, mais non pas exclure ; d’ailleurs la personne du premier né n’est pas la cause du privilege que l’on accorde à l’ainé, c’est la primogeniture même et sa dignité, ui par consequent ne s’éteint et ne se perd point par la mort de l’ainé, luy étant attribuée, Tirac Covarruvias ratione dignitatis. Tirad. de jure primog. 4. 40. n. 47. et Covartuvias, pract. quest. quest. c. 89. dit fort à propos que quoties uni tantùm et primogenito defertur jus aliquod, primogenitus unius gradùs semel admissus reliquos de illo gradu excludit ; interim dum gradatim potest primogenitura in posteros deferri C’est le sentimentdu Moulin ,. S. 3. gl. 13. n. 5. quia jus primogenitorum est jus formatum à filiatione distinctum, et qui par cette raison est transmissible au fils de feud l’ainé ; ESPERLUEaeTEHottoman , in Controv. nepot. et patrui, enseigne que feudales successiones non sunt agnatitiae, neque tanquani agnatitiae hereditates ab agnatis proximis ad agnatos proximes transferuntur, sed devolvuntur semper à primo investito, et progenitore familiae in directam lineam liberorum & posterorum, sice progeniem ab eo descendentem.

Ceux qui tiennent l’opinion contraire, comme MrCujas , se servent principalement de cette raison, que le petit fils ne succede à son ayeul que par le benefice de la representation ; or la epresentation a seulement cette vertu de raprocher la personne éloignée pour la rendre capable le succeder avec celle qui est plus proche, mais elle ne s’étend pas jusqu’au point d’exclure entièrement le parent le plus proche ; jus representationis hanc vim tantùm habet, ut eo jure fretus remotior cum proximiori in successione concurrat, non etiam ut proximiorem prorsus excludat, quia hoc excederet vigorem, finem, & exemplum representationis.Cujac . de feud. l. 1. c. 11. Le neveu donc peut bien concurrer, mais non pas exclure son oncle, comme il fait lorsqu’il n’y a qu’un fief.

Quand la succession est déférée au plus proche parent la representation n’a point lieu, parce que la proximité et la representation sont opposées, ubi valet proximitatis ratio, non potest valere representationis ratio, et è contra, ubi valet ratio representationis, non potest valere proximitatis.

Quand donc la succession est déférée à l’ainé, la representation ne peut valoir, et quand on doit egarder à la proximité, on appelle celuy qui est le plus proche au temps de la mort de celuy des biens duquel il s’agit, comme tenant lieu de premier né.Cujac . eodem.

La raison de la conservation des grandes terres et de la grandeur des maisons étant l’origine et la cause de ces prerogatives extraordinaires dont on a favorisé la primogeniture, on n’a pas eu de peine à communiquer ces mêmes prerogatives aux enfans des ainez. Mais cette question a été particulièrement traitée pour les Royaumes et pour les Fiefs, ut natu major filius cateros omnes natu minores excludit, ita stirps natu majoris stirpem excludit, hanc nimirum ob causam quid eo mortuo qui suus heres erat in ipfius gradum locûmque succedens repentè suitatem illam adipiscitur. l. 1. 5. si filius. ff. de suis et leg. hered.Hottom . Quest. Ill. d. 3. Enfin ce qui n’avoit été établi que pour les Royaumes et pour les Fiefs a été étendu pour tousles autres biens, et le fils de l’ainé en roture comme en fief joüit du benefice de cet Article.

Cette premiere question étant resoluë que le fils de l’ainé doit avoir en la succession de l’ayeul les mêmes avantaiges que son pere auroit eus, il s’en ensuit une autre, sçavoir si l’on oit en user de la sorte en succession collaterale : Par exemple, si l’ainé de trois freres venant à mourir, le fils du second frère sera préférable à son oncle ; On allégue en faveur de l’oncle la Loy des douze Tables, suivant laquelle dans les successions collaterales le plus roche exclud toûjours le plus éloigné, proximus agnatus familiam habeto, la cause du neveu a paru plus favorable àHottoman , d. 4. par cette raison que non tam graduum aut atatis ratio habetur quam suitatis et stirpis : nam atatis prarogativa dominatur equidem, sed in filiorum eradu duntaxat : Ubi verb ultra filiorum gradum controversia est : tum atatis ratio non habetur, sed loci et sedis, oui propterea suitas attributâ est. Vincet igitur secundi filius non gradu, quia remotior est, sed jure stirpis et loci, cui quasita suitas est. Ce fut par ces raisons que cet Auteur maintint le troit de Henry IV. contre le Cardinal de Bourbon son oncle. Cela ne peut être douteux en cette Province ; car puisque la Coûtume par l’Article 240. donne à la fille de l’ainé pareil droit de prerogative d’aineffe que son pere auroit eu tant en succession directe que collaterale, à l’égard de la succession ancienne : On peut conclure assurément qu’en la succession du frère ainé le fils du fils alné joüira de la prerogative d’ainesse, parce que si son pere eût été vivant il auroit eu ce droit suivant l’Article 230. qui contient que s’il n’y a enfans de l’ainé vivans, lorsque la succession êchet, le second fils tient la place et a les droits de l’ainé.

Il n’est pas étrange que le fils du fils ainé qui represente son père en conserve tous les avan ages ; mais doit-on croire que la Coûtume ait eu cette intention de donner le même privilege à la fille du fils ainé, et de la rendre de pareille condition : La Coûtume s’est expliquée nêttement sur ce sujet, lorsqu’elle a dit en l’Article 240. qu’encore qu’il n’y esit qu’une fille, elle a par representation de son pere pareil droit d’aînesse que son pere auroit eu.