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CCXL.

Encore qu’il n’y eût qu’une fille de l’ainé, elle a par representation de son pere en ligne directe, pareil droit de prerogative d’ainesse que son pere eût eu : et en ligne collaterale aussi pour le regard de la succession ancienne.

Cet Article contient deux décisions fort remarquables : La première, que dans la ligne directe la fille de l’ainé, à la representation de son pere, a pareil droit de prerogative d’ainesse que son pere auroit eu : Et la seconde, qu’elle joüit aussi de cette même prerogative dans la ligne collaterale à l’égard de l’ancienne succession.

Ces décisions étoient necessaires, et les sentimens de nos Docteurs sont fort partagez sur cette matiere : Elles pouvoient recevoir beaucoup plus de difficulté parmy nous, où les filles ne succedent point quand il y a des mâles ; ainsi la fille sortie du fils ainé ne devoit être de meilleure condition que sa tante, seur de son père. l. si vivo C. de bon. patrim. Et quoy qu’elle vienne à la representation de son pere, et qu’à ce titre elle succede à tous ses droits, on peut luy objecter que la representation a bien la vertu de raprocher la personne plus éloignée, mais qu’elle n’a pas le pouvoir d’exclure la personne qui succederoit seule, cessant la representation, comme on le pratique en la succession des meubles et acquests, où les enfans des freres morts étant reçûs à succeder à la representation de leurs peres n’excluent pas neanmoins leurs tantes qui eussent été exchses par leurs freres, s’ils avoient été vivans. D’ailleurs que la raison feule de la masculinité, qui se rencontroit en la personne du fils ainé, venant à cesser en la personne de sa fille, elle ne pouvoit representer son pere pour les choses qui sont expressément atta chées et attribuées aux mâles : Et enfin ces prerogatives d’ainesse n’ayant été données à l’ainé que pour la conservation des familles, ad conservationem agnationis & familiae, ce seroit contrevenir à la pensée et à la fin de la loy que de communiquer et de faire passer ces prerogatives aux filles qui étoient naturellement incapables de conserver le nom et la grandeur de leurs maisons C’est pourquoy Faber estimoit que quand la fille ne pouvoit succeder, la fille du fils ne devoit pas exclure son oncle, 5. caterum v. et hanc materiam instit. de leg. agnat. succ. Cette matiere est aussi traitée parBenedicti , C. Rainutius, v. eodem testam. relinquens n. 190. parCharondas , Tiraquel Covarruvias en ses Pandectes, l. 3. c. 15. par Tiraqueau, de jure primogenit. 4. 14. et par Covatruvias, pract. quest. quest. c. 38. qui nous apprend qu’en Espagne la fille du fils ainé exelud son oncle, même pour les majorats, ubi ex conditionibus & legibus primogenii non excludetur femina.

Quand on reforma la Coûtume cet Article fut fort debatu, car la Coûtume de Normandie. étant toute mâle, c’étoit s’écarter de ses principes et choquer la plus grande partie de ses dispositions, que de faire passer à une fille toutes les prerogatives de la primogeniture, et c’étoit assez l’avantage pour elle de remettre les choses dans le droit commun en la recevant à partager également avec son oncle, et cette opinion avoit plus de rappoit à lesprit general de la Loûtume

Il passa neanmoins au contraire par cette raisondu Moulin , de feud. 5. 13. gl. 3. n. 1. que primogenitura est jus formatum à filiatione distinctum, unde morientt filio et filiatione extinctâ non extinguitur. Il se communique et passe aux enfans, non point par transmission du pere, parce qu’il n’y a jamais rien eu, sed jure representationis et suo nomine, dans la ligne directe la simple espérance est transmise aux décendans, 5. cum filius. institut. de hered. qui ab intest. Et puisque par la Coûtume generale de France les filles sont capables de succeder aux fiefs, qu’elles n’en sont point excluses dans les cas où la Coûtume a voulu favoriser les mâles, et que la representation a lieu en leur faveur, on ne pouvoit leur ôter ce qui auroit appartenu à leurs peres. Ces raisons neanmoins ne sont pas convainquantes, il est vray que par lusage general de la France les femmes sont capables de succeder au fief, mais pour être capables de posseder les fiefs il ne s’ensuit pas qu’elles doivent joüir du droit de primogeniture ; car à proprement parler cette prerogatire n’appartient pas au fils, parce qu’il est fils, mais parce qu’il est un mâle et qu’il est lainé, jus primogeniturae non defertur filio eà ratione, quod simpliciter filius sit, sed quia & filius masculus est et primogenitus : Or ces deux qualitez du sexe masculin et de la primogeniture ne se rencontrant point en la personne de la fille du fils ainé, elle ne doit point joüir des avantages qui n’étoient attribuez à son pere que parce qu’il étoit un mâle et qu’il étoit lalné : VoyezPontanus , sur l’Article 141. de la Coûtume de Blois, Titre des Successions. C’est le raisonnement deBartole , sur la l. liberorum. ff. de verb. signif. qu’encore que la fille puisse representer son pere en qualité d’enfant, elle ne fait pas revivre la qualité de mâle qui étoit le principe et le sujet de la primogeniture donnée à son pere : Ista qualitas ( masculus ) non transit in neptem, ergo apparet quôd in tam non transit legis difpositio, et non potest assumere locum patris ; aussi plusieurs Coûtumes ne ermettent pas que la fille du fils ainé succede au benefice de primogeniture : Nivernois, titre 5. Article 4. Auxerre, Article 36. Troyes, Article 92. et plusieurs autres ; voyez de laLande , sur l’Article 305. de la Coûtume d’Orléans,

Cela êtoit favorable en la ligne directe, mais en la collaterale il y avoit beaucoup plus de difficulté à l’égard des fiefs. L’ancienne Coûtume de Paris portoit en l’Article 134. que quand il n’y avoit que des filles elles representoient leur pere et partageoient avec leurs oncles sans droit d’ainesse : La nouvelle Coûtume, conforme à la nôtre pour la succession des ayeuls, contient en l’Article 324. que les enfans du fils ainé, soit mâles ou femelles, survivans leur pere, venans sà la succession dee leur ayeul ou ayeule, representent leur pere audit droit d’ainesses Mais en succession collaterale la Coûtume de Paris est différente de la nôtre, par l’Article 326. en ligne collaterale, quant aux propres héritages, pour les fiefs le mâle exclud les femelles en pareil degré, et par l’Article 322. les mâles venans d’une fille et succedans par representation ne prennent aucune chose aux fiefs delaissez par le trépas de leur oncle et tante, non plus que leur mere eût fait venant à la succession avec ses freres.

Sur cet Artiele Exard traite la question, sçavoir si la fille venant d’un mâle et le representant doit prendre part en la succession de son oncle au fief delaissé, ainsi qu’eût fait son pere venant à la succession avec ses freres : Il remarque que cette question s’étant presentée au Parlement de Paris, la Cour avant que de proceder au jugement de l’instance, ordonna qu’il en seroit informé ar Turbes au Châtelet, et que les Turbiers n’ayant rapporté aucun usage précis, cinq Conseillers du Chârelet donnerent leur avis par écrit pour la negative, et que Me Jean du Bois écrivit pour l’affirmative, et qu’en suite la questson fut jugée en faveur de la niece ; et que la même question s’étant encore presentée elle fut suivie d’une même décision, mais que depuis le Parlement de Paris en l’année 1663. a jugé le contraire, au profit de Mr de Saintot, Conseiller en la Cour dôtre Coûtume est si expresse sur ce sujet qu’on ne peut douter qu’en ligne collaterale la fille de lainé ne succede à la representation de son pere, même pour les fiefs à légard de la succession ancienne, car pour les acquests la Coûtume en a disposé particulièrement en l’Article 3o8.

Au contraire par l’Article 331. de la Coûtume de Paris, en ligne collaterale les héritages tenus et mouvans en fief se partagent et divisent entre coheritiers, sans droit ou prerogative d’ainesse.