Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


CCXLI.

Succession directe ne remonte tant qu’il y a décendans.

Pere et mere, ayeul et ayeule, ou autre ascendant, tant qu’il y a aucun décendu de luy vivant, ne peut succeder à l’un de ses enfans.

On a douté si sous le nom d’heritiers legitimes les ascendans étoient compris. GuyPapé , Moise Quest. 457. l. ex pacto. S. finali. ff. ad Trebellianum. Moise, dans l’Ordre de succeder, qu’il établit dans le Livre des Nombres, ne parle point des peres et des meres, mi Platon dans ses Loix ; mais la pluspart des Coûtumes de France donnent aux peres et meres la succession aux meubles et acquests de leurs enfans, lorsqu’ils décedent sans enfans sortis de leurs corps : Paris ; Article 311. Blois, Article 149. Tours, 319. Chartres, 101. Orléans, 313.

C’est une loy commune par toute la France que le propre ne remonte point : Lithletons qui a mis par écrit nôtre ancienne Coûtume, a remarqué aussi cette maxime, mais il en fait, une étrange explication, car il veut qu’au préjudice du pere le fils succede au neveu, quoy que le pere soit plus proche du défunt, Pur ceo que est un maxime en le ley que en héritance poit lineament discender, mes ne my ascender. Il y a des Coûtumes en France qui pratiquent si rigoureusement cette regle, que le propre ne remonte point, que si quelqu’un ayant fiefs de son propre naissant décede sans heritiers de son corps, et laisse aucuns de ses parens en ascendant en ligne directe d’une part, et d’autres parens en ligne collaterale, lesdits fiefs en propre naissant appartiennent aux collateraux ; Chaulny, Article 74.

Cet Article est fort desavantageux aux peres et aux meres ; sur tout il est fort dur que les biens qu’ils ont donnez à un de leurs enfans retournent plûtost à leurs autres enfans qu’à eux, lorsque ce fils donataire meurt sans enfans. Par le droit civil la dot constituée par le pere à sa fille luy revient, ne parentum erga liberos munificentia retardetur. C. dos à patre profecta. C. sol. jure succursum. l. 2. C. de bon. que lib. et afin aussi qu’il ne ressente, pas une double affliction par la perte de sa fille et de la dot qu’il luy auroit donnaee, l. dicta jure succursum. ff. de jure dot. La l. pater de evict. ff. dit que habet fpem quandoque recipiendae dotis ; et par les Constitutions des Empereurs la dot revient au pere sans aucune diminution. Mr d’Olive , l. 4. c. 7. assure que les Arrests du Parlement de Tolose ont tellement favorisé ce droit de retour, que malgré les regles de lancienne jurisprudence ils lont étendu du pere et de fayeul paternel aux autres ascendans, et de ceuxcy aux proches collateraux, mais que cela n’a pas lieu pour toutes sortes de donations, et que les reniunératoires sont exemptes des loix du retour. Mr deCambolas , l. 1. c. 5. a écrit qu’aujourd’huy, suivant l’opinion de Martin, la dot ne fait point de retour au pere qu’au defaut les enfans, et bien que les Loix ne parlent que du pere, le Parlement de Tolose les a étenduë. en faveur de la mere. MlrLoüet , 1. O. n. 47. a traité la question, si aux Coûtumes, qui disposent seulement que les propres ne remontent point, et que les ascendans n’y peuvent succeder, on peut suppléer le retour des choses données par les ascendans, lorsqu’il n’a point été stipulé, Les Arrets qu’il rapporte l’ont décidé en faveur des peres et des meres, et on a jugé que cette maxime ( propre ne remonte point ) n’étoit que pour conserver les propres in lineâ, pour l’effet de la regle paterna paternis, mais qu’en ce cas ce n’étoit pas remonter, mais retourner, et qu’on ne doit pas présumer que le pete ait cu intention de se dépoüiller qu’en faveur de son fils et de ses décendans. La Coûtume d’Orléans aprés avoir établi dans l’Article 314. que propre heritage ne remonte point par succession en ligne directe au pere, mere, ayeul on ayeule, elle ajoûte dans l’Article suivant que toutefois ils succedent ës choses par eux données à leurs enfans décedez sans enfans. Cette reversion est si favorable que M’Charlesdu Moulin , sur la Coûtume de Montargis, Titre des Guccessions, Article 9. a dit que hoc justum est et observandum, & quamvis in quibusdam Consuetudinibus contrarium reperiatur, hoc errore irrepsit, et corrigendum est. C’est par ce principe que le Parlement de Paris a étendu ce droit de retour aux Coûtumes qui ne portent point cette exception, que propre ne remonte point. Cette reversion est une condition tacite et inherente à a donation que la loy supplée

Ce droit de reversion a parû si raisonnable, qu’encore que l’héritage donné ait fait souche en la personne de l’enfant heritier du donataire, néanmoins ce dernier venant à moutir sans enfans, le donareur qui vit encore, et qui est son ayeul ou son bisayeul, doit succeder à ce qui est provenu de sa liberalité : Il est vray que de laLande , qui a traité cette matière sur l’Article 314. de la Coûtume d’Orléans, rapporte des Arrests du Parlement de Paris qui ont décidé diversement cette question ; mais dans cette diversité d’Arrests il vaut mieux, comme dit cet Auteur, acquiescer à la disposition de ceux qui ont décidé au profit du donateur, tant à cause de la faveur et de l’équité du retour, que par ce que le pere, mere ou autre parent en ligne directe n’a été diberal, et ne s’est dépoüillé de sa propre substance que pour en entichir son enfant, Il est vray que dans cet Article la Coûtume exclud absolument le pere, tant qu’il reste quelqu’un décendant de luy ; mais cette disposition peut s’expliquer favorablement en préfétant les autres enfans au pere pour les autres biens, et à l’exception de ceux qui avoient été donnez par le pere. En tout cas il est plus à propos, pour éviter cette difficulté, d’employer la clause du retour dans les donations ; car nous pratiquons cet Article fort rigoureusement, comme on apprendra par cet exemple. De la Béssière, sieur de S. Pierre : Langers, avoit quatre filles et un fils ; il maria l’ainée au sieur de Boisivon, et luy donna cinq mille livres : En mariant la seconde au sieur de Roron, il luy promit dix-huit mille livres, et son fils étant mort il donna à sa troisième fille, qui fut mariée à Mr du Boüillon, Conseiller en la Cour, trois mille livres de rente tachétables moyennant aoooo livres ; et enfin il maria sa quatrième fille au sieur de Gratot.

La seconde et la troisième fille étant mortes sans enfans, le sieur de Boisivon ne demanda point leur succession d’abord, mais depuis s’imaginant que son beau-pere avoit quelque prédilection pour la Dame de Gratot, il luy demanda les sommes qu’il avoit données à ses deux filles mortes.

L’affaire portée à la Cour, sur l’appel d’un incident, Maurry disoit, pour le sieur de Boisivon, que suivant cet Article les soeurs étoient heritieres de leurs seurs à l’exclusion de leur pere, que par cette raison il luy appartenoit la moitié de ce qui avoit été promis en dot par le pere aux deux seurs décedées, puisque par le mariage elles en étoient devenuës les véritables proprietaires, gue la dot constituée par le pere étoit un véritable propre qui ne remontoit point, et pour nontrer qu’il vouloit bien user de l’avantage que cet Article luy donnoit, fon action n’ayant eu l’autre cause que cette inégalité d’affections que son beau-pere faisoit paroître, il consentoit que l’interest des 4oono livres fût reduit au denier vingt. Theroulde, pour le sieur de S. Pierre, n’opposoit à la rigueur de la loy que des raisons de faveur et de pieté, il offroit même de garder sa suc-cession à ses filles : Heroüer, pour le sieur de Gratot, consentoit que son beau-pere demeurât en possession de tout son bien : Par Arrest donné en la Grand : Chambre du 14 d’Aoust 1657. n faisant droit au principal, on condamna le beau pere à payer les dots qu’il avoit promises à ses filles à raison du denier vingt.

Beaucoup de peres prudens instruits par cet exemple, stipulent que ce qu’ils donnent leur retournera en cas de mort sans enfans. Il a été jugé au Parlement de Paris qu’en vertu de cette stipulation le bien retourne au pere en exemption de toutes dettes ; mais quand les ascendans succedent en vertu de la Coûtume aux biens par eux donnez, ces biens sont sujets. aux dettes qu’ils ont contractées comme tous les autres biens ; on peut dire néanmoins que quelque stipulation de retour que le pere employe dans le contrat de donation, s’il n’ajoûtoit que le donataire ne pourroit aliener ou hypothequer les choses données, elles seroient affectées à ses dettes, comme cette donation étant pure et simple, et par consequent rendant le donataire proprietaire et maître de la chose pour en pouvoir disposer à sa volonté, sur tout prsque ce retour n’est stipulé qu’en cas que le donataire meure sans enfans, ce qui reçoit moins de difficulté pour les filles que pour les mâles, ausquels ce que l’on donne est reputé un avancement d’hoirie et sujet à rapport ; mais la fille n’étant point héritière elle devient par le mariage maîtresse absolué de ce qui luy est donné pour en pouvoir disposer lorsqu’elle est en puissance de le faire, la stipulation du retour n’a d’autre effet que de remettre en la main du pere ce qu’il a donné, cessant laquelle stipulation il en seroit exclus par ses autres enfans en vertu de cet Article : Or n’étant pas necessaire en la Coûtume de Paris de stipuler le retour des choses données, puisque la loy lordonne, pour ne laisser pas cette stipulation du retour inutile, on a présumé en faveur d’un bien-faicteur et d’un pere, qu’il avoit eu l’insention de se conserver la proprieté, et de ne donner qu’un simple usuftuit, en cas que son ils ou sa fille décedassent sans enfans. Par l’Arrest de Piquais rapporté sur l’Article 244. on ugea que l’avancement fait par le pere à son fils étoit affecté aux dettes du fils : il est vray que la clause du retour n’y êtoit pas employée, mais présupposant comme on a fait par cet Arrest que la proprieté en appartient au fils, on en peut tirer la même conclusion, parce que pa dause du retour ne diminuë point la force et l’effet du droit proprietaire, et elle ne doit valoir ni subsister qu’en son feul cas, lorsque l’enfant donataire décede sans enfans : on peut objecter que si nonobstant la stipulation du retour, le fils pouvoit hypothequer les biens, la stipulation deviendroit inutile, et qu’en-vain le pere reprendroit ses biens s’ils retournoient chargez des dettes du fils. On répond que quand le pere donne dans cette intention que sa lonation luy retourne, en cas de prédecez de son fils sans enfans en exemption de toutes dettes, il faut y employer la prohibition d’aliener et d’hypothequer, autrement on présume que le retour n’a été stipulé qu’à l’effet de rendre le pere capable de reprendre son bien au préjudice de ses autres enfans.

En consequence de ces paroles qui excluent le pere de la succession de ses enfans, tant qu’il V, a quelqu’un décendu de luy vivant, plusieurs ont crû que pour les meubles et les acquests dle pere pouvoit succeder à ses enfans au préjudice des frères et seurs uterines : Du premier mariage de Catherine Brisout avec Thomas Odelin, il naquit plusieurs enfans, et de son second mariage avec Antoine Hubert, elle eut un fils nommé Pierre : il mourut sans enfans avant Antoine son pere, lequel étant mort incontinent aprés, Hubert son frere prétendit que la succession de Pierre Hubert aux meubles et acquests étoit échûé à Antoine son pere, au préjudice d’Odelin, frere uterin de Pierre, et il le fit juger de la sorte par le Bailly de Roüens Odelin en appela ; Coquerel, son Avocat, disoit que cette question fe décidoit par nôtre feule Coûtume, qui avoit établi un droit tout particulier pour les uterins, que la succession des freres étoit plûtost une adoption qu’une hérédité collaterale, fratres spiritus divisus : que les successions étoient comme des fleuves qui décendent ou qui traversent, mais qui ne remonêtent jamais, tant qu’ils peuvent décendre ; qu’en cette cause il ne faloit point : s’arrêter à l’Ar-ticle 241. qui est placé dans le Titre des Successions au propre, mais il faloit : s’attacher aux dispositions contenuës dans le Titre de la Succession aux meubles et acquests, par où l’on apprenoit que les frères et seurs, tant uterins que conjoints ex utroque latere, fuccedoient en premier lieu : et pour un argument convainquant contre le pere, il objectoit que le frere uterin excluoit la soeur de pere et de mere, et cependant cette seur de pere et de mére êtoit préferée à son pere et sa mere ; ainsi suivant la regle si vinco, &c. le frere uterin excluoit le pere. M’Giot, mainsenant Conseiller en la Cour, pour l’intimé, répondoit que cet Article appeloit les peres et les meres à la succession de leurs enfans, quand il ne restoit aucun décendant d’eux, qu’Odelin n’étoit point décendu d’Antoine Hubert, et la Coûtume en cet Article n’ayant pointajoûté d’exception, casus omissus habebatur pro negato : Par Arrest donné en la Grand. Chambre le 17 de Decembre 1649. on cassa la Sentence, et Odelin fut déchargé de rapporter les meubles qu’il avoit eus, ce qui fut jugé conformément à l’Arrest de Bocachard, que Berault a remarqué sur cet Article.