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CCXLIV.

Pere promettant en faveur de mariage garder sa succestion, à quoy est obligé.

Si le pere ou mere, ayeul où ayeule, ou autre ascendant, reconnoit lun de ses enfans pour son heritier en faveur de mariage, et fait promesse de garder son héritage, il ne pourra aliener ni hypothequer ledit héritage en tout ou partie, ni les bois de haute-fûtaye êtans dessus, au préjudice de celuy au profit duquel il aura fait ladite disposition, et de ses enfans, pourvû que ladite promesse soit portée par écrit et insinuée dans le temps de lOrdonnance, sinon en cas de nécessité, de maladie, ou de prison-

La Coûtume ne donnant point la liberté de se choisir un heritier, il n’y a pas d’inconvenient que l’on puisse promettre de garder sa succession à celuy qui la doit posseder necessairement quelque jour. On ne peut alléguer que les promesses de cette nature soient contre les bonnes moeurs, pu qu’elles engagent en quelque façon celuy en faveur de qui elles sont faites à désirer la mort de son bien faicteur, car elles ne servent qu’à confirmer un droit qui leur est déja acquis et assuré par la Coûtume

Le droit Romain avoit des principes contraires, chacun avoit la liberté de se donner un heritier, on ne pouvoit pas maeme renoncer à cette liberté, c’est pourquoy on ne doit pas s’étonner que Jes promesses fussent reprouvées, quia inducebant votum captandae mortis. Nullo pacto vel contractu, vel specie quidem ullâ conventionis hereditas dari poterat : Sed bono publico, dit Mr d’Argentré Art. 288. Con. Brit. gl. 4. antiquata sunt illa Romanorum scita, et ambiguitatibus illis testamentorum lublatis jus presumpti heredis ex moribus inevitabile

Cette interdiction volontaire des peres en faveur de leurs enfans ne donne aucune atreinte à eur reputation ; au contraire on la doit regarder comme un effet de leur amour et de leur pieté : Ce n’est pas ie interdiction honteuse qui soit fondée sur leur mauvais mênage, celle-là ne se juge jamais sans connoissance de cause, elle est forcée, et on l’ordonne, nonobstant la resistance, de l’interdit qu’elle prive de l’administration de ses biens ; mais la promesse de garder la succession à ses enfans est volontaire : l’administration du bien demeure au pere, et la seule espèrance de la proprieté est conservée aux enfans. Aussi ce contrat est si favorable, que par l’Article 245. de la Coûtume d’Anjou, homme ou femme noble qui marie son heritier principal et presomptis expresément avec cette qualité, ne peut aprés un contrat rien vendre, donner, transporter, ni aliener de son héritage ; cette seule déclaration ne suffit pas neanmoins par cet Article, comme je l’expliqueray dans la suite.

Sien que cet Article semble n’approuver la promesse de garder la succession, que quand elle est faite en faveur de mariage, il est d’un usage certain que la validité n’en est point restreinte au seul cas du mariage, ces paroles en faveur de mariage étant employées, demonstrative non limitativé, nous regardons ces promesses comme favorables par cette raison, que celuy qui les fait ne fait que suivre le sentiment de la loy ; il execute ce qu’elle luy a prescrit paret necessitati, hoc agit quod Consuetudo demonstravit, hoc prarogat quod aliquando jus patrium erogaturum erat, annos anticipat et Spem antevertit, dit Mr d’Argentré , ibid.

On peut faire trois sortes de dispositions en faveur de son heritier presomptif ; la première, en le reconnoissant heritier ; la seconde, en promettant de luy garder la succession ; et la troisième et la plus utile, en luy faisant dés à present un avancement : la simple reconnoissance d’héritier l’ajoûte rien au droit de l’heritier presomptif, elle seule est peu necessaire Ca promesse de garder la succession ne donne pas seulement lesperance, elle la conserve et assure ; mais la proprieté n’en est pas encore transférée. Cette promesse n’a son effer que par le prédécez de celuy qui l’a faite : elle devient caduque si cet heritier presomptif prédecede ; en ce cas il n’a jamais rien eu aux biens dont on l’avoit assuré, de sorte que ses heri-tiers ou ses creanciers n’en tirent aucun avantage : ce premier engagement cesse entièrement, et celuy qui l’a fait recouvre la liberté de dispoler de son bien, comme il auroit pû faire auparavant. Plusieurs se sont trompez sur ce sujet qui se persuadoient qu’en verrn-de cêtte pro-messe la proprieté des biens de la succession étoit pleinement acquise, et que l’heritier avoit pû hypothequer les biens à ses créanciers, ou les transmettre à ses heritiers. Un Prestre ayant reconnu un sien frere pour son heritier, et promis en faveur de mariage de luy garder a succession, il arriva que son frère mourut avant luy ; il fut neanmoins inquieré par la veuve, et par les créanciers de son frère ; mais il soûtint que sa promesse étoit conditionnelle, et qu’elle êtoit devenuë inutile et caduque par le prédecez de son frère : Par Arrest en la GrandChambre du 3 de Juin 1654. au Rapport de M’Auber, les creanciers furent deboutez de leur demande. La même chose fut jugée en un cas bien plus favorable en l’Audience de la GrandChambre le 10 de Juillet 1636. entre Biat et Maholt. Un pere avoit promis à son fils, en le mariant, de luy garder sa succession : Aprés la mort de ce fils, ses seurs voulurent empescher leur pere de disposer de son bien, prétendans que comme heritieres de leur frere, elles avoient droit de s’éjoüir de cette promesse. Le pere remontra que sa promesse ne pouvoit operer qu’en faveur de son fils, que cette interdiction volontaire ne subsistoit que pour luy ou pour ses enfans, s’il en avoit eu, sans pouvoir être étenduë à d’autres heritiers ; par cet Arrest les filles furent deboutées de leur action. Par un Arrest, au Rapport de Mr de Vigneral, du 18 de Janvier 1665. il fut jugé que l’avancement fait par un pere à son fils, aprés la mort de ce fils sans enfans, ne retournoit point à ce pere ; mais il y a de la difference entre la promesse de garder la succession et l’avancement de succession : Cette promesse ne faisit point le fils ; le pere ne se dépoüille point ; ainsi cette promesse n’étant faite qu’à la personne, elle cesse et s’éteint avec elle ; mais par l’avancement le pere ne conserve plus aucun droit en la chose : la proprieté en est pleinement transmise au fils ; lequel venant à mourir, l’avancement ne peut appartenir qu’à ses heritiers, et non point au pere qui ne l’est point, quand il y a des décendans de luy. L’avancement transfere illico la proprieté. La promesse C’est une institution d’heritier irrevocable. Quoy que la simple promesse de garder la succession Ene donne aucun droit au fils d’engager ni hypothequer le bien de son pere, il fut jugé nean moins le 10 de Février 1656. que le fils mort avant le pere avoit pu hypothequer le bien pour fournir les alimens à son pere et à sa famille dans un temps de peste, entre Carie, Merul, et Moisson : hors ces cas favorables le fils ne pourroit hypothequer le bien du pere en vertu r de la seule promesse de garder sa succession.

Pour donner effet à cette promesse il faut non seulement que l’heritier survive, mais il peut même la rendre inutile, au préjudice de ses créanciers, lorsqu’il accepte la succession de celuy qui a fait la promesse, et qui n’a pas laissé nonobstant icelle de contracter des dettes, comme il fut jugé entre de Caux et les Chapelains de la Commune. De Caux pere avoit promis à d’un de ses enfans de luy garder sa succession ; l’on jugea que cette promesse s’étendoit aux autres enfans, comme il sera remarqué cy : aprés, et que par consequent il n’avoit oû hypothequer son bien : ses enfans neanmoins se porterent ses heritiers, mais nonobstant cette adition d’heredité les creanciers des fils voulurent être prefèrez aux creanciers du pere, par cette raison que puisque l’on avoit jugé que la promesse d’un pere de garder sa succession à l’un de ses enfans profitoit à tous les autres, le pere n’avoit pû depuis engager son bien, et que leurs debiteurs n’avoient pû leur faire préjudice en acceptant la succession de leur pere : Il fut dit qu’ils ne pouvoient prétendre l’effet de cette promesse, parce que le droit n’en êtoit acquis qu’en consequence de la déclaration des enfans de se vouloir éjoüir de la promesse de leur pere, ce qui devoit être en leur liberté, et la subrogation demandée par les créanciers au refus des enfans de s’y arrêter, n’étoit pas juste, les enfans ne pouvant. être forcez à renoncer à la successsion de leur pere pour s’arrêter à cette promesse, à moins que la fraude ne fût apparente.

Comme il n’est pas permis d’avancer un de ses heritiers plus que l’autre, on a long-temps. douté si la promesse faite à un heritier, de luy garder la part qui luy pouvoit apparteoir, devoit s’étendre aux autres heritiers, si elle mettoit celuy qui avoit promis dans une interdiction. generale, de manière qu’il n’avoit plus la libre disposition de ses biens Il sembloit injuste d’étendre sa promesse contre son intention, pour luy lier les mains et le dépoüiller de la liberté de pouvoir disposer de la moindre chose. On opposoit à cela qu’il n’étoit pas en sa puissance d’avancer un de ses hefitiers au préjudice de l’autre, et en luy permettant de disposer de son bien, il rendoit en quelque sorte la promesse inutile, parce que tous les autres heritiers participoient à la portion qu’il avoit conservée en vertu de sa promesse

Cette première question fut plaidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 24 d’Avril 1637.

Un pere avoit promis de garder sa succession à l’un de ses enfans ; il s’engagea depuis en plusieurs dettes, aprés sa mort ses autres enfans se portant heritiers on agita la question, si le fils donataire pouvoit se tenir à son don et renoncer à la succession, et si sa part devoit être déchargée de la part des dettes contractées depuis la promesse : Il soûtenoit son droit par ces considerations, que a promesse devenoit inutile, si le pere pouvoit vendre ou hypothequer son bien au préjudice d’icelle, qu’il n’étoit pas de pire condition qu’un étranger, à qui le pere ayant donné le tiers de son bien par un acte solennel, il ne seroit pas obligé aux dettes posterieures ; de plus que ses autres freres ne pouvoient lempescher de s’arrêtor à son don, autrement s’ils avoient le pouvoir de le forcer de renoncer à son avancement, on ôteroit aux peres la liberté d’avancer un de leurs enfans, et de luy faire quelque bien pour trouver un mariage avantageux ; mais quand pour l’interest des coheritiers elle seroit remise en partage, elle devoit être déchargée des dettes à l’égard des creanciers qui n’ont pû ignorer, par le moyen de l’insinuation, l’avancement ait par le pere à son fils, et les coheritiers n’ont point sujet de se plaindre, pourvû que le don n’excede point la legitime, selon les biens du pere au temps de la donation.

Mais les coheritiers répondoient qu’en la ligne directe toute donation est un avancement de succession sujette à rapport, que ce seroit un avantage indirect, si l’un des enfans avoit sa legitime exempte des dettes du pere, et qu’elles fussent portées sur les portions des autres enfans, que la défense d’aliener au préjudice de celuy à qui l’on avoit fait la promesse ne pouvoit valoir que contre les créanciers, comme il avoit été jugé entre les sieurs Fremin, à l’ainé desquels on avoit fait une pareille donation : On a aussi jugé que le tiers en Caux ayant été donné aux puisnez, et le pere ayant depuis aliené son bien, le tiers conservé par la donation devoit être partagé entre l’ainé et les puisnez, suivant la Coûtume : Par Arrest du 24 d’Avril 1637. il fut jugé que, sans avoin égard à l’avancement, la succession seroit partagée entre tous les coheritiers, suivant la Coûtume.

Les parties étoient François le Lanternier, tuteur des enfans de Nicolas le Lanternier, et de Demoiselle Anne de Goustiménil, et Langlois, sieur de Beauvais ; plaidans Heroüet et Paulmier.

Cet Arrest n’a point été suivi, et en effet il n’étoit pas juste que l’avancement devint inutile, et que la femme, qui avoit contracté mariage sur la foy d’iceluy, fût privée de son doüaires On a donc étendu cette promesse faite à l’un des enfans à tous les autres, quoy qu’ils n’y fussent pas compris ; car puisqu’il n’est pas en la liberté d’un pere de rendre la condition d’un enfant lus avantageuse que celle des autres, et qu’il faut neanmoins qu’en vertu de cette promesse la part promise demeure entiere, un pere ne peut douter qu’en s’engageant pour un il s’engage necessairement pour tous les autres, et il n’y a point d’inconvenient à le juger de la sottes Premierement, parce qu’il n’y a rien de plus conforme au vou de la nature et à l’amour paternel, que les peres conservent tous leurs biens à leurs enfans. Secondement, parce que l’égalité entre les enfans est entièrement favorable ; et c’est aussi ce qui fut jugé par un premier Arrest pour un nommé Emanguard, et par un autre donné au Rapport de Mr Auber, en la Grand-Chambre, le l3 de Juin 1663. entre de Caux et les Chapelains de la Commune et autres creanciers, et enfin la Cour en a fait un Reglement par l’Article 45. du Reglement de l’an 1666. Puisque le pere p qui a promis de garder sa succession ne peut l’aliener ni lhypothequer en tout ou partie, il s’ensuit u’il ne peut confisquer ni faire aucun acte qui rende sa promesse vaine et illusoire : Mais bien que la prescription soit une espèce d’alienation, néanmoins on ne laissera pas de s’en prévaloiri la promesse du pere n’étant pas suffisante d’en arrêter le cours, parce que c’est un moyen d’acquerir introduit par la loy pour l’utilité publique, dont celuy qui s’en veut servir ne peut être privé pa le fait d’autruy, comme il seroit si la promesse de garder la succession mettoit les biens du pere à l’abry de la prescription.

L’avancement de succession a plus de force que la promesse de garder la succession, car il transfere pleinement la proprieté, de sorte que l’heritier donataire peut aliener et hypothequer le bien dont il a été avancé ; et c’est pourquoy M’d’Argentré dit que la démission de biens ou avancement de succesçion ne se fait pas privative et abnutivé tantùm, nec simplici abstensionis jure, sed ressionis et transtationis usui & effectus demissionis est ut dominium & proprietas bonorum in demissarium perinde transferretur, ut ex quolibet alio contracta legitimo, ita ut dimittenti nullum jus alienandi. eut hypothece subjiciendi relinquatur. l.

Ces avantages sont si favorables que l’on a même jugé qu’une mere, qui s’étoit remariée, n’étoit pas recevable à prendre des Lettres de récision. Pendant sa viduité elle avoit fait une transaction avec son fils, par laquelle elle se contentoit d’une somme de cinq mille livres pour tous ses droits, en cas qu’elle se remariât, et où elle demeureroit veuve elle les auroit tous entiers ; aprés s’être remariée elle obtint des Lettres de récision, soûtenant que cette paction êtoit contr les bonnes moeurs, qu’elle empeschoit la liberté du mariage, qu’elle avoit même été forcée par es violences de son fils à faire cette transaction. Le fils répondoit qu’elle ne s’étoit pas plainte de ces prétenduës violences, qu’elles n’étoient point véritables, et qu’elles n’étoient alléguées que par la suggestion du marys que par la disposition du droit 1. 7. en l’Authentique, quod mater C. de revocat. donat. l. 8. t. 36. la mere, qui s’étoit remariée, ne pouvoit pas même pour cause d’ingrati ude revoquer les donations faites à ses enfans, hors les trois cas portez par cette Authentique. Par Arrest du premier de Février 1667. la mere fut deboutée de ses Lettres de récision. Je plaidois our le fils appelant, et Greard pour la mere intimée.

La Dame d’Herouville aprés la mott de Boutin, sieur de Victot, son mary, fut instituée tutrice à ses deux filles ; la tutelle de l’ainée ne dura qu’un an, celle de la puisnée continua durant seize années, et lorsqu’elle fut mariée à Mre Jacques de Sainte Marie, Seigneur d’Agneaux, elle promit de ne demander point de compte à sa mere, laquelle de sa part promit de luy garder sa succession. Le sieur d’Agneaux ayant depuis obtenu des Lettres de récision contre cette clause la mère de son côté voulut se faire restituer contre sa promesse de garder sa succession. Fai Sentence du Juge du Pontlevéque la mere fut deboutée de ses Lettres, et celles obtenuës par le sieur d’Agneaux furent enterinées. Sur l’appel de la Dame de Victot, Baudri, son Avocat, disoit qu’on ne pouvoit annuller une clause d’un contrat de mariage et confirmer lautre, que les promesses étant reciproques elles devoient être également entretenuës ou cassées ; que la mere n’avoit promis de garder sa succession qu’en consequence de la quittance du compte qui luy étoit donnée par sa fille, que c’étoit une condition sans laquelle la promesse n’auroit point été faite Caruë, pour le sieur d’Agneaux, répondoit que dans un même contrat il pouvoit s’y rencontres des stipulations qui étoient legitimes, et d’autres qui étoient nulles et inciviles, qu’il falloir maintenir celle-là et annuller celles-cy urile per inutile non vitiatur, que cette décharge du compte que la mere avoit exigée, sans connoissance de cause, étoit absolument nulle, au contraire la romesse de garder la succession êtoit tres-favorable : Par Arrest du 8 de Mars 1650. on mit sur l’appel hors de Cour et de procez, et neanmoins on ordonna que la reddition du compte seroit urcife jusqu’aprés la mort de la mère. Ce temperament êtoit fort équitable.

On a souvent agité cette question, si le démissionnaire êtoit si absolument maître et seigneur de l’avancement qu’il le puisse vendre, hypothequer ou confisquer : Pour la confiscation les Docteurs s’en sont expliquez favorablement pour les peres, sur tout pour les donations. faites en faveur de mariage, et même encore que la clause de retour ne fût pas employée dans l’avancement, les raisons prises du droit civil ne seroient pas concluantes, parce qu’elles ont presque toutes fondées sur la puissance paternelle, ce qui faisoit que toute alienation faite sans le consentement du pere êtoit nulle. l. cûm non solûm 5. filius. C. de bon. que lib. et par consequent delinquendo non poterat alienare,Bartol . n. 1. l. 61. finita. S. si de vectig. ff. de damne se infecto. Mais pour soûtenir le droit du pere on doit considèrer la cause finale et impulsive de la donation, il n’a été induit à la faire que par ce voeu commun des peres qui désirent que les enfans leur succedent, ce n’est qu’une anticipatiou de succession pour l’accroissement de sa famille, et l’on doit pésumer que le pere n’a eu l’intention de donner qu’à cette condit ion que son fils conserveroit le bien à ses enfans, ou à leur defaut qu’il luy reviendreit, et il seroit injuste que le fils se prévalût de sa liberalité, et que le pere fût dépoüillé de son bien pour une cause si funeste et si contraire à son voeu, et cette seule raison suffit pour suppléer une condition de retour en faveur du pere, nam si de his cogitasset non donasset. l. tale pactum s. ult. de pactis.

Le pere est si favorable à reclamer l’avancement qu’il a fait au préjudice du fils, qu’on jugea même qu’il pourroit se défendre des interests resultans de crime. Jean Lair, Ecuyer, sieur de There, fit un avancement de succession à ses deux fils, à ces conditions de luy payer une pension de six cens livres et la dot de sa femme qu’il retenoit, et d’acquiter toutes les rentes dont il étoit chargé dans deux ans, à faute dequoy aprés le temps expité, sans autre figure ni forme de procez, il rentreroit dans son bien. Nicolas Lair, son puisné, n’y ayant point satisfait il le fit sommer d’accomplir les conditions de l’avancement, à protestation de se remettre en possession de son bien ; six mois aprés le fils pour l’homicide commis au sieur de la Cour, fut condamné par contumace. Le pere obtint des Lettres de récision contre l’avancement qu’il avoit fait à ce fils, elles furent entérinées par Sentence, dont le sieur de la Cour, frère de l’homicidé qui poursuivoit le payement des interests qu’on luy. avoit ajugez, se porta appelant. De Cahaigne, son Avocat, disoit que les Lettres de récision n’avoient été obtenuës que depuis le crime commis et l’accusation formée, qu’il n’y avoit aucun pretexte à revoquer l’avancement, que la clause de reprendre le bien n’étoit que comminatoire, et que le pere n’avoit jamais pensé à s’en prévaloir avant le crime de son fils, que le contrat d’avancement êtoit un acte parfait, qui acqueroit irrevocablement la proprieté au ils, et comme il auroit pû l’hypothequer à ses créanciers, il étoit pareillement affecté aux interests jugez à cause du crime qu’il avoit commis, et que le sieur de la Cour êtoit favorable, puisqu’il demandoit la vangeance du sang de son frère. Je difois pour le sieur de There, qu’il étoit de ces avancemens de succession, comme de ces Sacrifices et de ces Dieux Penates de lantiquité, qui n’étoient que pour la famille, et dont le Mystere étoit profané lorsque les étrangers y vouloient participer, que si la Coûtume contre la disposition du droit avoit permis à un homme vivant de se dépoüiller de son bien en faveur de son heritier presomptifi elle l’avoit fait dans cette pensée qu’il la conserveroit à sa postérité, cette condition étoit inseparable de cette sorte de contrats, ainsi en rendant le bien au pere on pourroit dite que non tam acquiritur quam non adimitur. S. si is qui bona ff. de collat. bon. En la loy servum filii ffde leg. 1. retro creditur pater dominium habuisse, qu’aprés tout ce pere ne s’étant dessaisi de son pien que sous une condition que le fils n’avoit peint executée, il étoit raisonnable qu’il rentrat dans ses droits. La cause ayant été partagée en l’Audience le 18 de Juin 1647. elle fut depuis jugée au Rapport de Mr d’Anviray, et la Sentence qui enterinoit les Lettres de récision fut confirnée par Arrest du 20 de Juillet ensuivant.

Comme le pere est exclus de la succession de son enfant par ses autres enfans, si un fils a succedé à son frère à l’avancement qui luy avoit été fait par son pere, et qu’il ait le malheur d’être confisqué, on demande si en ce cas le pere pourroit rentrer en son avancement, au réjudice du Seigneur confiscataire : Jacques de Clinchant avoit fait un avancement de succession à Jean de Clinchant, l’un de ses enfans, de la terre et fief de S. Clair, en la partie fa de Mondain, à la charge de payer les rentes : Ce fils étant mort, Joachim, son ftere, qui luy avoit succedé, ayant été condamné pour crime, et ses biens confisquez, lorsque Demoiselle Marie de Mathan, veuve de feu André de Creuly, Ecuyer, sieur de la Mothe-S. Clair, dont les biens confisquez étoient tenus, voulut en prendre possession, Demoiselle. Marie de Clin chant, fille de Jacques de Clinchant, et femme civilement separée d’avec Jean Theroude, son mary, demanda distraction des biens, dont Jacques de Clinchant avoit fait avancement à Jean de Clinchant son fils ainé, prétendant qu’ils ne pouvoient être confisquez : Par Sentence du Juge de Bayeux les biens furent ajugez au Seigneur, dont Marie de Clinchant ayant appelé, par Arrest donné en la Chambre des Enquêtes le 14 d’Aoust 1645. la Sentence fut cassée ; mais la Demoiselle de Mathan s’étant pourvûe par Lettres de Requête civil, par Arrest du 17 de Juillet 1645. donné en l’Audience de la Grand. Chambre, la Cour ayant égard aux Lettres en forme de Requête civil, remit les parties en tel état qu’elles étoient avant l’Arrest du 14 d’Aoust r646. et faisant droit sur les appellations de ladite Marie de Clinchant, elle les mit au neant, avec restitution de fruits depuis l’Arrest du 14 d’Aoust 1645. plaidans Heroüer et Laloüel : Le fait étoit tout particulier ; le pere n’étoit point demandeur, mais une loeur, et la confiscation n’avoit pas été jugée contre le fils qui avoit été avancé par son pere, mais contre un frere qui avoit succedé au donataire Pour les créanciers, qui ont baillé leur argent de bonne foy, sur l’assurance de cet avancement, on a jugé que le fils avoir pû le leur hypothequer. Guillaume le Mazurier avoit promis à Charles le Mazurier son fils, en le mariant, de luy garder sa succession, et en attendant il luy avoit donné six cens livres de rente ; aprés la mort de Charles le Mazurier, Me Jean le Piquais, Procureur en la Cour, ayant fait arrest sur les six cens livres de rente, Pierre le Mazurier, autre fils de Guillaume le Mazurier, maintenoit que son frère Charles n’avoit pû engager les six cens livres de rente, parce qu’il n’en avoit eu que l’usufruit, que son pere ne luy en avoit delégué que la joüissance, sans luy en transferer la proprieté. le Piquais s’appuyoit sur les termes du contrat, le pere avoit promis de garder sa succession, et en attendant il luy donnoit six cens livres de rente, que par tes termes le pere avoit donné la proprieté de la rente à son fils, et que par consequent il avoit pû Phypothequer à ses creanciers : Par Sentence des Requêtes du Palais il fut dit à bonne cause la saisie, et sur l’appel la Sentence fut confirmée en la Chambre de l’Edit le 4 d’Aoust 1649 Autre Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du mois de Février 1650. sur ce qu’un peré avoit fait avancement à son fils d’une petite terre, il fut jugé que les creanciers du fils la pouroient saisir, et par Arrest, au Rapport de Mr Vigneral, du 23 de Janvier 1665. dont j’ay parlé, cy-devant, on déclarâ valable au préjudice du pere, l’alienation faite de son avancement, et quoy qu’il fût mort sans enfans, que le bien ne revenoit point au pere Au procez d’entre Marc Antoine Dandel, sieur de Ganceville, heritier par benefice d’inventaire de François Dandel, sieur de Souligni, et Me Nicolas Roussel Grenetier au Grenier à Sel, intimé, François Dandel étoit demandeur pour être envoyé en la possession d’une ferme, dont il avoit fait avancement à ses enfans, sortis de son premier mariage, qui étoient morts sans neritiers, et prétendoit que cette ferme luy revenoit de plein droit, et que Roussel étoit renu de luy payer les avrerages par luy dûs des rentes qu’il s’étoit sûmis d’acquitter par le contrat d’acquisition qu’il avoit fait de feu François Dandel l’ainé de ses enfans, et qui étoit obligé de luy payer cent-cinquante livres de rente par le contrat d’avancement, et par la Sentence il avoit été dit à tort la demande dudit Dandel, et ledit Roussel maintenu en la possession et joüissance desdits héritages, ce qui fut confirmé par l’Arresti Il y auroit plus de difficulté si le droit de retour avoit été stipulé par le pere, en cas que son fils mourut sans enfans. J’ay remarqué sur l’Article 241. que cette simple stipulation de retour ; au defaut d’enfans, n’ôte pas au fils la liberté d’en disposer, parce que ces contrats d’avancement d transferent la proprieté, et qu’il est necessaire d’y ajoûter une prohibition d’aliener ; et cette tipulation de retour ne devient pas pour cela inutile, elle sert au pere pour pouvoir reprendre la possession de son bien en l’état que son fils donataire le laisse, au préjudiée de ses autres enfans.

Mais comme par la Coûtume de Paris il n’est pas necessaire que le pere stipule le retour des choses qu’il a données, parce qu’il succede à son fils, cette seule stipulation de retour opere une prohibition d’aliener, suivant la jurisprudence des Arrests du Parlement de Paris, citez parRicard , sur l’Article 313. de la Coûtume de Paris.

En consequence d’une stipulation de rétour procez se mût entre une mère et sa fille.

Une mére avoit remis àson fils le doüaire qui luy appartenoit sur son bien, avec cette condition, que s’il mouroit sans enfans elle reprendroit la possession de son doüaire ; ce fils mourut, daissant un fils qui déceda incontinent aprés. La tante de cet enfant, qui étoit seur de son pere, et fille de cette mere, en prenant cette succession refusa de payer le doüalre, prétendant que E condition retenuë par la mère n’avoit point eu d’effet, son fils ayant laissé un enfant qui luy avoit succedé ; au contraire la mere remontroit qu’encore que dans la condition il ne fût parlé que lu fils, cela ne devoit pas être limité à sa seule personne, qu’il falloit l’entendre aussi du petit fils, n’ayant considéré que son fils et ses enfans, et non point ses autres heritiers : Par Sentence la fille fut condamnée de payer le doüaire à sa mere, ce qui fut confirmé par Arrest du 21 de Mars 1670. plaidans Susanne pour la tante, et Pesant pour la mére.

Le fils n’engage pas seulement la proprieté des biens qui luy ont été donnez par le pere, on a jugé que ses créanciers pouvoient même arrêter sa pension ; par Arrest du 18 de Juin 1829. nonobstant que le pere la revoquât, et qu’il remontrât qu’il n’avoit donné cette pension que pour subvenir à ses alimens.

Il pouvoit y avoir plus dé doute sur ce fait. Adelin en mariant son fils luy donna six cens livres de rente, à condition qu’il ne pourroit les aliener ni hypothequer sans son consentement, le fils ayant fait mauvais ménage ses biens furent saisis réellement, et notamment ceux dont son pere luy avoit fait don ; sa femme, comme tutrice de leurs enfans, prétendit que ces biens n’ayant êté donnez qu’à condition de n’en pouvoir disposer sans le consentement du pere, ses créanciers ne pouvoient pas les saisir durant la vie du pere. Le Bailly de Roüen ayant dit à tort la saisie, sur l’appel de Philippes du Val, creancier, Durand, son Avocat, disoit que par cet avancement le fils êtoit devenu propriétaire, et bien que durant la vie du pere les creanciers du fils ne pussent faire vendre la proprieté, on ne pouvoit dire que l’usufruit n’appartint pas au fils, et qu’il n’eûr pû l’engager, qu’il n’avoit pû le remettre en fraude de ses créanciers, ni fonder cette remise sur les Arrests qui avoient jugé que le pere pouvoit remettre son droit de viduité au préjudice de ses creanciers, parce qu’il ne s’agissoit que d’un usufruit qui est un droit fragile, et qui se consolide aisément à la proprieté. Je répondois pour Madeleine le Coû, femme d’Adelin fils, que durant a vie du pere du Val ne pouvoit avoir hypotheque sur les choses données, soit pour la proprieté, soit pour l’usufruit, la clause du contrat empeschant la translation de l’usofruit ; aussi-bien que de la proprieté, l. sancimus de reb. alien. non alien. C. autrement on frustreroit la sage prévoyance d’un pere dont l’intention avoit été de conserver le bien à ses petits enfans, et d’en ôter la disposition à son fils, et quand cette volonté du pere ne paroitroit pas par la clause du contrat, il faudroit dire conjecturà pietatis minus scriptum videri l. cûm avus. ff. de condit. et quand du Val auroit pû contracter valablement, c’étoit toûjours une dette incertaine, que pendebat ab eventu, parce que si le fils prédecedoit le pere, elle ne pouvoit subsister : Or cette condition êtoit arrivée, puisque ce fils étoit mort civilement en consequence de la saisie réelle de tous ses biens, suivant l’usage de cette Province, et en cette rencontre cette mort civil avoit tous les effets de la mort naturelle. Les Loix, qui mettent de la difference entre les deux genres de mort, n’ayant lieu principalement que quand celuy qui est chargé de faire ou restituer quelque chose ne le veut point, que la condition ne soit arrivée, tunc non cogitur invitus, dit la Glose, sur la l. cûm pater S. heroditatum ff. de leg. 2. aprés tout la faveur des enfans est si grande, que quand le pere use mal de son usufruit, on le luy fait perdre, l. 50. ad Senat. Cons. Trebell. Pour la remise qu’Adelin fils a faite de son usufruit, elle n’a pû être contestée, si un étranger avoit baillé de sargent à Adelin fils, du consentement du pere, parce que le pere y auroit consenti, on pourroit decreter en vertu de ce contrat, ce qu’on ne pourroit en vertu de celuy de du Val, qui est incettain et qui pourroit être aneanti par le prédecez du fils ; pour la remise de l’usufruit qu’Adelin fils avoit faite, elle êtoit favorable, suivant la l. putrem. D. de his quae infr. cet avancement que son pere luy avoit fait, n’ayant eu pour motif que l’espèrance qu’il le conserve-roit à ses enfans ; par Arrest en l’Audience de la Grand : Chambre du 12 de Juillet 1668. la Sentence fut confirmée.

Comme les peres donnent souvent des rentes, on demande de quelle nature on doit les reputer.

Un pere avoit promis, en termes generaux, six cens livres de rente à son fils par avancement de succession, les biens du pere étant vendus par decret le fils demanda les six cens livres de rente en fonds, comme données par un avancement de succession, que n’y ayant point de rentes constituées il falloir luy delivrer du fonds jusqu’à la valeur des six cens livres. Les créanciers répondoient qu’on ne luy avoit promis qu’une rente, et que cela s’entendoit d’une rente constituée, car si son pere avoit voulu donner une rente fonciere il luy auroit baillé de son héritage.

Le nommé Fauconnet fils ayant été debouté de sa prétention, sur son appel, on confirma la Sentence le 9 de Mars 1669. plaidans pour luy de l’Epiney, et Mannoury pour Loüis Pans Ecuyer.

Les avancemens et démissions que les peres font en faveur de leurs enfans ne sont pas toûjours un effet de lamitié paternelle, c’est un temperamment dont on se sert quelquefois pour empescher le mauvais ménage des peres. Mre Henry Groulard, Seigneur de la Cour, et les autres parens de Mre Claude Groulard, Seigneur de Torsi, voyant sa mauvaise conduite en ladministration de son bien, jugerent à propos de le mettre en curatelle, pour cet effet ils obtinrent un Mandement avec défense d’aliener : Le sieur de Torsi voyant qu’il ne pouvoit empescher cette curatelle renonça à se servir d’un Arrest qu’il avoit obtenu, qui levoit les défenses d’aliener. et promit d’user de ses biens comme un bon pere de famille, sans les aliener ni hypothequer.

Depuis ayant demandé la cassation de ce contrat, je dis pour Mr de la Cour que les enfans n’heritent pas toûjours de la sagesse de leurs peres comme de leurs biens et de leurs noms ; la prudence civil a trouvé des moyens pour prévenir une ruine ignominieuse : Cette précaution est si loüable que Dieu voulut qu’elle fût gardée dans cette Republique, dont il fut le Legislateur.

Un Jubilé aprés cinquante ans remettoit un chacun dans les biens de ses ancêtres. Les Loix Romaines ont introduit deux moyens pour conserver les biens dans les familles ; le premier est la substitution, par le secours de laquelle celuy qui craignoit la mauvaise conduite de son heritier ouvoit luy ôter la liberté de dissiper son bien, et quand cette disposition de lhomme cessoit sa loy vénoit à son fecours, et le Preteur par son decret lioit les mains à ces prodigues.

Nons avons bien retenu l’usage de la curatelle, mais comme elle est honteuse et que les substitutions sont proscriptes par nos Coûtumes, on a trouvé un temperament par le moyen de la démission et de la promesse de garder la succession. C’est un lenitif pour adoucir la honte et le déplaisir d’une interdiction, et une voye métoyenne qui ôte au pere la proprieté, et qui luy laisse l’usufruit, honesto dimissionis titulo mala tractatio tegitur reperto pratextu, ne ad odiosam, bonorum interdictionem et infensas actiones deveniretur, dit Mr d’Argentré , c’est ce qui s’est fait à l’égard du demandeur ; sa conduite passée faisant craindre à ses parens la dissipation de son bien, pour éviter une procedure rigoureuse il s’obligea d’user. de ses biens comme un bon n pere de famille, sans les aliener ni les hypothequer : se peut-il plaindre d’un contrat qui l’oplige à user de son bien comme toutes les personnes sages : et n’est-ce pas une juste cause de curatelle de reclamer contre un acte si favorable : L’amour pour ses enfans luy a inspiré cette loüable resolution, et la prudence et l’honneur imposent à tous les hommes cette même condition. Les chaines qui sont tissues par la pieté paternelle sont douces et aimables ; les graces de cette nature sont irrevocables, et on ne reçoit point de repentir d’une action qui prend sa source dans les plus justes sentimens de la raison et de la nature : Il est permis aux peres de renverser ce qu’ils ont fait de préjudiciable à leurs enfans, mais les loix ne leur fouffrent point de revoquer ce qu’ils ont établi en leur faveur, si leur ingratitude ne leur en four-nit le pretexte, et ces dispositions sont si favorables que s’il y avoit même quelque chose : de douteux on l’expliqueroit largement à leur avantage. Nôtre Coûtume force les peres à leur conserver une portion de leur bien, et ils fatisfont à leur devoir et à leur conscience lorsqu’ils leur conservent le tout. On appointa neanmoins les parties au Conseil. don seulement les peres et mères, mais aussi les freres peuvent promettre de garder leur succession ou en faire un avancement à leur frere en faveur de mariage, ou autrement. Il est vray que regulierement l’on ne peut donner que le tiers de son bien, mais ces avancemens ne sont à proprement parler qu’une anticipation de succession, quod fuit donatio fit hereditas, et c’est pourquoy ils ne sont pas considèrez comme de simples donations qui n’ont d’autre motif que la liberalité du donateur, et pourvû que le donateur ait des benefices ou qu’il luy reste un fonds suffisant pour s’entretenir selon sa condition, il ne peut revoquer ce qu’il a fait en faveur de son heritier presomptif ; c’est une jurisprudence approuvée par tous les Parlemens de France, et il a été jugé plusieurs fois de la sorte en ce Parlement. Me Matthieu u Gripel, Prestre, donna tous ses biens à Noel du Gripel son frere ainé, en faveur de son mariage avec Demoiselle Anne le Maigre. Depuis ayant obtenu des Lettres de Restitution contre ce contrat, Noel du Gripel appela de la Sentence qui les enterinoit, et je soûtins pour luy qu’il avoit êté male jugé, consentant neanmoins qu’il esit la joüissance de son partage, parce qu’il n’avoit point d’autres biens, à condition néanmoins qu’il ne pourroit disposer de la proprieté. Par Arrest du 15 de Decembre 1651. la Cour ordonna, en cassant la Sentence, qu’il seroit fait partage entre les parties de la succession paternelle, pour joüir par l’intimé de l’usufruit du lot qui luy écherroit, sans en pouvoir rien aliener que par autorité de Justice et par l’avis de quatre de ses plus proches parens.

Autre Arrest sur ce fait. Me François Guenet, Diacre, donna son partage à Mr Guener Conseiller en la Cour, son frère ainé, se réservant neanmoins la proprieté de 2400 livres le rente. Mr Guenet s’étant depuis marié, son frere se pourvût de Lettres de récision, dont il fut debouté par Sentence des Requêtes du Palais : Sur son appel Lyout le jeune, son Avocat, sondoit ses moyens de récision sur une lesion énorme, prétendant que son partage valoit 8o00o livres. Gastel, pour M’Guenet, répondoit que par l’Art. 432. un homme pouvoit donner tous ses biens à son heritier, que les exemples étoient familiers de personnes Ecclesiastiques qui avoient fait de pareilles donations pour l’avantage de leurs familles, et qu’il suffit qu’il reste aux donateurs dequoy subsister, et que l’appelant y avoit bien pourvû, s’étant reservé 2 4oo livres de rente : Par Arrest en la Grand-Chambre du 22 de Février 1676. la Sentence fut confirmée.