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CCXLVII.

Comment les biens sont faits propres.

Les biens sont faits propres à la personne de celuy qui premier les possede à droit successif.

La 1. procuratorem in fine ff. de adquir. hered. a dit conformément à cet Article, que mutatione personae mutatur qualitas bonorum : Ce qui étoit acquest en la personne du défunt est fait propre en la personne de son heritier

Les Commentateurs des Coûtumes de France, pour moftrer que cette regle est depuis long-temps en usage en France, citent le grand Coûtumier, dont l’Auteur vivoit sous Charles VI. Le propre héritage cy est immeuble possedé par aucun à cause de succession par prochaineté. de lignage, ou pour échange qu’il auroit fait de la chose qu’il avoit avant possedée par succession. Ils Justinianus alléguent aussiJean Favre , en sa Preface sur les Institutes, in verbo dJustinianus ) et hec faciunt pro consuetudine que in multis locis obtinet, quod quis possit donare conquestus suos ad libitum, sed patrimonialia non que sibi ex successione obvenerunt.

Mais la définition du propre portée par cet Article, n’a pas été generalement approuvée : plusieurs ont estimé qu’un héritage ne doit point être reputé propre s’il n’a fait souche, c’est à dire s’il n’est venu du pere au fils, de l’ayeul au petit-fils ; en un mot s’il ne procede du o tronc et de la succession des afcendans : de sorie que les héritages acquis par un collateral, quoy qu’ils ayent été possede successivement par : trenté collateraux, ne sont point devenus et ne tiennent point nature de propre, jusqu’à ce qu’ils soient passez en une ligne directe, et par consequent le plus proche parent du défunt : y succede, comme à un acquest, quoy qu’il ne soit point du lignage de lacquereur, ou de la personne qui les à possedez le premier à droit successit. Guido Papa Confil.Rebuf . Ad l. hereditatis appellatio. D. de verb. signif.

Cette opinion a pour son fondement principal, que la succession est déférée suivant cette regle paterna paternis, materna maternis. Or elle ne peut convenir qu’à ce qui est émané des peres et meres, ayeuls et ayeules, cum id tantùm paternum maternumve censeatur l. quod scitis C. de bonis quae lib. et de-là il s’ensuit selon leur raisonnement, que ce qui est échû par le decez d’un paront collateral, sans avoir passé à titre fuccessif à des enfans, ne peut être dit propre paternel ou maternel, mais il retient et conserve toûjours la nature et la qualité d’acquest : Quelques Coûtumes de France en disposoient de la sorte, et particuliegment l’an-cienne Coûtume d’Orléans, Article 263. qui porte que l’héritage acquis par aucun est fait propre aux enfans et postérité de l’acquereur, sur quoy du Moulin a fait cette Note, Non ergo quibuscunque, puta, collateralibus à latere acquirentis : Mais reputant propre ce que l’heritier collateral possede à droit successif, on ne renverse point la regle paterna paternis, &c. parce que l’on peut fort bien appeler ce qui procede d’un oncle ou d’un cousin du côté duj pere, un bien paternel. Nôtre Coûtume, pour prévenir cette difficulté, n’a pas dit que l’heritage acquis est fait propre aux enfans, elle ordonne sans distinction que les biens sont faits et propres à la personne de celuy qui les possede à droit successif.

Plusieurs Coûtumes distinguent les propres en anciens et naissans, elles en font de trois sortes : La première, ce qui nous est échû par la succession de nos peres et meres, ayeuls et ayeules : La seconde, le propre naissant : Le troisiéme, le propre conventionnel d’une somme donnée en mariage, ou autrement, à la charge qu’ellosera propre au donataire. Paris, Art. 230.

Tronçon Troncon, sur l’Article 326.Chopin , De moribus, Par. l. 2. 1. 1. n. 27.Peleus , 4. 19i.

Chassanée Chassanée, 5. 8. Titre des Successions propres, anciens et naissans, Cette distinction n’est point reçûë en cette Province, quoy que Godefroy ait eu cette pensée que nous faisons difference entre les propres anciens et les propres naissans. Il est sans doute qu’il y a des propres plus anciens les uns que les autres ; ceux qui sont procedez de nos ayeuls sont plus anciens que ceux qui n’ont commencé d’avoir cette qualité qu’en la personne de celuy de la succession duquel il s’agit. Mais cela n’est point considéré quand il faut partager une succession de propre, cela est nettement décidé par l’Article 46. du Reglement de l’an 1666.

Godefroy Qodefroy est tombé dans cette erreur pour avoir mal entendu deux Artests que Berault avoit r emarquez, qu’il croyoit être contraires, et que pour les propres naissans la Cour avoit jugé diversement par ces deux Arrests. Par le premier qui fut donné pour Matrliieu de Bethenrourt, on avoit jugé qu’on devoit commencer à compter la ligne et famille en celuy qui avoit fait les conquests : Et au contraire par l’Arrest de Lastelle on avoit commencé à compter la signe en celuy qui les avoit possedez le premier à droit successif Mais il faut remarquer que lors de ces deux Arrests il n’étoit point question de propres naissans, et on ne pensa point à établir une difference entre les uns et les autres pour y faire succeder d’une manière differente, on régarda seulement la ligne d’où ils étoient procedez ; et dans l’Arrest de Bethencourt comme les biens contentieux avoient été acquis par Madeleine Bethencourt, quoy qu’ils fussent devenus propres en la personne de Nicolas Caillot, on trouva qu’il étoit raisonnable de les rendre à la ligne d’où ils étoient provenus ; un bien pour devenir propre ne perdant la qualité de sa premiere origine quand il s’agit du droit de succeder ou de partager entre des heritiers de diverses lignes. C’est pourquoy il faut exactement distinguer ces deux cas, où il s’agit entre les heritiers aux propres et aux acquests de la qualité des biens du défunt, et alors pour en faire le discernement il faut tenir, suivant cet Article, qu’un bien pa été fait propre en la personne de celuy qui l’a possedé le premier à droit successif.

Il n’en est pas de même quand un propre est prétendu par les parens paternels et par les maternels ; car alors quoy que ce bien ait été fait propre en la petsonne du défunt, il ne s’ensuit pas qu’il soit de son propre, et qu’il faille luy faire commencer la ligne en sa personnes mais on remonte jusqu’à la personne de celuy qui la acquis pour luy donner l’estoc et la lignes cela fut jugé de la sorte par l’Arrest de Bethencourt.

L’éspece dont il s’agissoit en l’Arrest de Lastelle étoit plus difficile, et les raisons alléguée par Catherine de Lastelle, quoy qu’elle gagnât sa cause, n’étoient point valables, et j’avoué que l’Arrest est en quelque sorte contraire à celuy de Bethencourt, car dans les regles Claude

Merienne devoit exclure les de Lastelle, frères de Jaquelme de Lastelle. Cette Jaqueline de Lastelle avoit succedé à Pierre de Bellehaire, son frere uterin ; aprés sa mort sans enfans, sa succession fut prétenduë par Claude Merienne, par un Bellehaire et coufin germain de Jaqueline de Lastelle, et cousin germain maternel de Pierre de Bellehaire ; ainsi suivant l’Article 240 les acquests de Pierre de Bellehaire, rausquels Jaqueline avoit succedé, devoient retourner à la ligne des Bellehaire, et ne pouvoient appartenir aucunement à la ligne des de Lastelles cependant comme il ne restoit aucun parent pâternel de Bellehaire, que Merienne n’étoit qu’un parent maternel desdits Bellehaire, et qu’au contraire les de Lastelle étoient parens paternels de Jaqueline de Lastelle, on jugea que comme en succession d’acquests en parité de degré les paternels sont preferez aux maternels ; il faloit en user de même en succession de propre. C’est la seule raison sur laquelle on peut fonder cet Arrest, et non point sur celle de propre naissant, que lon n’a point considéré en Normandie, comme la Cour le décida en l’Arrest de Saldaigne, par lequel les acquests de Charles de Saldaigne étant échûs pour une partie à Mr Robert le Chandelier, Conseiller en la Cour, sorti d’une feur, furent jugez un propre paternel qui devoit appartenir aux enfans de Thomas de Saldaigne, frère de Charles, au préudice de Jeanne de Saldaigne leur tante, qui les demandoit comme propre naissant, qu’il faloit considerer comme un acquest, et qui par consequent luy devoit appartenir, comme tante et plus proche que les enfans de Thomas, qui n’étoient que cousins du feu sieur le Chandelier.

Mais enfin pour ne laisser plus la chose douteuse il a été décidé par l’Article 46. du Reglement, que tous biens immeubles échûs par succession sont reputez propres, sans qu’il y ait distinction. de propres naissans et anciens.

Ce mot de Propre en sa signification plus generale exprime ce qui est particulier à quelqu’un, sans pouvoir être communiqué à d’autres ; ainsi les biens paternels sont propres aux parens de la igne paternelle, sans pouvoir passer aux maternels, et cette façon de parler est plus étenduë. que celle d’anciens, dont usent quelques Coûtumes, et notamment celle de Bourgogne ; nous avons plusieurs propres autres que ceux ausquels cette qualité d’anciens est attribvée, comme ceux qui sont censez propres par les stipulations et conventions des parties, ou pour avoir été retirez à droit de lignage, ou parce qu’ils sont estimez propres au moins à l’égard des conquests faits constant le mariage.

Il y a encore une espèce de propres qui ne prennent point cette qualité pour être échûs par succession ou par la volonté des contractaus, mais parce qu’ils suivent comme accessoire la nature du principal auquel ils se trouvent unis, comme sont les héritages retirez à droit feodal.

Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 23 de May 1623. si les acquests faits par un fils mort sans enfans, qui retournent à sa mere, tiennent lieu de propré ou d’acquest, et si étans propres à la mere ils tiennent nature de propre paternel ou maternel ; Les acquests les enfans, qui retournent aux peres et meres, turbato mortalitatis ordine, ne sont pas reputez par le droit une succession, jure reversionis, potius quâm hereditatis veniunt, c’est triste lucrum, luctuosa bereditas. l. fi. C. comm. de Succ. l. scripto. Unde liberi, c’est donc plûtost un retour qu’une succession nais quand du bien venu de cette sorte aux peres et meres seroit reputé propre ; il ne seroit reputé paternel ni maternel, parce qu’il ne procede ni de l’une ni de l’autre ligne, et que la personne du pere ou de la mère étant composée de deux branches ou ramages, il doit retourner aux plus proches, ou être partagé également entre l’une ou l’autre ligne. Authent. defuncto. C. Ad Senat. Consult.Tertull . et n. 118. de hered. ab intestato venientibus, et de jure cognationis sublato, et suivant ces raisons les parens maternels de la mere concluoient qu’ils devoient avoir les acquests du fils aprés la mort de la mere, comme plus proche parens de la mère du côté maternel Les parens paternels de la mere plus éloignez difoient que les acquests du fils étoient faits propres en la personne de sa mère, mutatâ personâ mutatur qualitas bonorum, quod Castrense erat in personâ defuncti, desinit esse in personâ heredis. l. per curatores de adquir. heredit. Les acquests du fils étant faits propres à la mere, ils ne pouvoient être reputez qu’un propre paternel ; la presomption est toûjours pour le côté paternel comme le plus digne dont elle porte le nom et auquel elle est capable de succeder. Par l’ancien droit Romain il n’y avoit que deux degrez sui vel liberi, et agnati per virilem sexum conjuncti, et cognati non succedebant, depuis cognati per femineum sexum Justinien ronjuncti furent admis, et Justinien avoit ôté la difference agnatorum et cognatorum. Authent. de sublatâ differentiâ agnat. et cognat. Par Arrest dudit jour entre Pierre le Gay, cousin maternel et heritier aux acquests de Guilsemine Marette, et les Marette cousins paternels au troisième degré de ladite Marette, les acquests d’André le Tellier, fils de ladite Marette, furent ajugez aux Marette.

Un pere ayant marié sa fille donna à son petit-fils, sorti de cette fille, quelques héritages. étant mort sans enfans il saissa deux seurs de pere et de mere, et un frère de pere, il se mût question pour cet héritage donné par l’ayeul maternel à son petit-fils ; le frere le prétendoit comme un acquest ; les seurs soûtenoient que c’étoit un propre ; le frère de pere, heritier aux acquests de son frere, disoit qu’un bien ne peut devenir propre que par succession ou par donation à l’heritier presomptif, que la donation faite par l’ayeul maternel n’étoit point de cette qualité, elle étoit faite au fils de la fille comme à un étranger, parce qu’il ne pouvoit pas succeder sa mere ayant des freres ; qu’autrefois les donations faites aux puisnez en Caux étoient acquests et non propres, parce qu’ils ne succedoient point ; on ne peut donc pas dire que la donation au fils d’une fille qui avoit des freres eut été faite à l’heritier prefompti, mais à une personne qui ne pouvoit prendre part en la succession du donateur.

Les seurs de pere et de mere remontroient qu’en toutes donations il faloit regarder cajus intuitu facte essent. l. cum aliquo de jure deliber. que cet ayeul maternel n’avoit pas eu l’intention que ces biens passassent en une autre famille, que s’il avoit prévû ce cas il auroit sans doute stipulé un retour, nec alienos successores suis anteposussset, suivant la pensée du grandPapinien , l. cum acutissimi. C. de fideiommiss. et encore que la fille ni fon petit fils ne fussent pas capables de succeder, il faloit considerer cette donation comme un supplément de legitime, autrement la donation n’eut pû valoir comme contraire à l’Article 431. et qu’enfin on ne reputoit acquest que ce qui provient de nôtre industrie : par Arrest du 18 de Mars 1622. on confirma la Sentence qui avoit ajugé aux soeurs de pere et de mère les choses données entre Jean Lécolier et Marseille. ca donation faite à l’heritier presomptif est propre et non acquest, quia potius est naturalis debiti solutio quâm muneris oblatio. l. unica. C. de imponend. lucrat. descript. et nous ne faisons point de distinction entre les donations faites en ligne directe à l’heritier presomptif, et celles qui sont faites en ligne collaterale, car la Coûtume ne permettant point de donner des immeubles à l’un des he ritiers presomptifs plus qu’à l’autre, toutes donations faites à celuy qui est capable de ucceder sont reputées avancement de succession. Il est vray que suivant les Arrests rapportez par MrLoüer , l. a. n. 2. on ne repute propre que la donation faite en ligne directe à l’heritier presomptif, secûs in linea collaterali, et neanmoins son Commentateur a remarqué que cela ne doit être entendu entre les heritiers, sinon du propre naissant et non du propre ancien, ce qu’il confirme par l’autorité de plusieurs Arrests qui l’ont jugé de la sorte.

Dans le Journal des Audiences, seconde partie, l. 3. c. 24. on traite cette question, si la dicitation faite à un des coheritiers ajudicataires est un acquest pour le tout, ou propre seulement pour la part en laquelle il étoit coheritier en la chose licitée, quoy que tout le prix eût été payé ux autres heritiers pour les égaler : et par l’Arrest qui intervint on jugea que cet héritage étoit ropre pour la part seulement en laquelle lajudicataire étoit heritier : pour prouver que tout étoit propre on disoit que le partage étoit un contrat mélé, susceprible de toutes sortes de conventions, qui porte souvent apparence d’une vente ou d’une échange, et neanmoins qui ne changeoit point la nature du partage, et comme souvent il arrive des difficultez qui empeschent la division des biens héreditaires, la loy apporte ce remede en exposant l’héritage indivisible à la licitations. mais cette licitation étoit un véritable partage, ou pour mieux dire elle n’étoit qu’accidentelle et accessoire au partage sans en pouvoir changer la nature, et par l’Article 80. de la Coûtume de Paris, si un héritage ne peut se partager entre coheritiers, et s’il se licite sans fraude, il n’en est dû aucunes ventes. On répondoit que ces raisons étoient valables, si le partage n’avoit point été fait, parce qu’alors la licitation est reputée faire partie du partage ; mais quand le partage est fait avec des coheritiers ; aprés le partage fait et un chacun possedant sa part, si dépuis il la cede à un autre, c’est un acquest, et les droits Seigneuriaux en sont dûs.

Une femme durant son premier mariage et depuis avoit amassé plusieurs meubles, et lorsqu’elle convola en secondes nopces, elle stipula que du nombre des meubles qu’elle portoit il en seroit constitué mille livres pour sa dot ; aprés sa mort sans enfans il y eut procez entre les heritiers au propre, et les heritiers aux meubles et acquests pour cette somme de mille livres : Les heritiers aux ropres disoient que cette somme êtoit une dot consignée ; les heritiers aux acquests prétendoient que les biens n’étoient faits propres qu’en la personne de celuy qui les possede à droit successif, que lette somme de mille livres n’avoit pû être faite propre en la personne de la défunte, qu’en Normandie nous n’avons point de propre conventionnel, et personne ne pouvoit par des stipulations se faire des propres, il n’y avoit que les deniers donnez pour dot par pere, mere, et frere qui fussent reputez propres, encore c’étoit en la personne des filles : Par Arrest du mois d’Aoust 1638. donné au Rapport de Mr de la Champagne, cette somme de mille livres fut ajugée aux heritiers aux acquests.

Autre Arrest en l’Audience de la Grand : Chambre du 12 de Juin 1662. par lequel la doi constituée de deniers provenans de meubles fut reputée acquest.

Suivant l’Article 46. du Reglement de l’an 1666. tous biens échûs par succession sont reputez propres ; cela est conforme au droit des fiefs, feudum potium paternum presumitur potius, quam novum, c. 1. de grad. Success. V. 1. si jure Dominus. C’est aussi le sentiment de Lasius, de feud. parte 3. nisi, dit-il, pro alterâ parte esset major prasumptio, quod boni judicis officio est committendùm